Tribunal de première instance, 6 novembre 1975, S.A. Union des Brasseries c/ R.
Abstract🔗
Contrats et obligations
« marché de bière » - Contrat de vente - Marchandise livrée - Défaut d'indication du prix - Nullité (oui)
Résumé🔗
Un contrat comportant une clause de fourniture exclusive, du type contrat ou marché de bière, constitue un contrat de vente ; en particulier, il doit comporter la désignation, expresse ou tacite, de la marchandise livrée ; à défaut, le vendeur ou l'acheteur peut, à tout moment, faire constater la nullité du contrat.
Motifs🔗
LE TRIBUNAL,
Attendu que le 1er mars 1969, un contrat dénommé « marché de bières », a été passé entre la S.A.M. Société Nouvelle de la brasserie et des établissements frigorifiques de Monaco (ci-dessous SNB) et le sieur R., propriétaire d'un fonds de commerce à l'enseigne « . » . à Draguignan ; qu'aux termes de ce contrat, SNB s'engageait à participer à concurrence de 6 000 francs aux frais d'aménagement et d'installation de l'établissement de R. et devenait également fournisseur exclusif des produits prévus à l'article 1er du « marché de bière », savoir boissons gazéifiées, sodas, eaux gazeuses et minérales, limonades, siphons, sirops, jus de fruits et autres produits nommément désignés, que R. s'engageait à ne débiter dans son établissement que des bières et produits énoncés ci-dessus, fabriqués ou commercialisés par la Brasserie ou la personne désignée par elle et à elle substituée, dans ses droits, actions et sûretés résultant du contrat ; que celui-ci était conclu pour une durée de 8 années consécutives du 1er mars 1969 au 30 avril 1977, pendant lesquelles R. s'engageait à débiter une quantité minimum de 2 000 hectolitres ; que dans la mesure où cette quantité n'aurait pas été débitée par le client à la date du 30 avril 1977, il était expressément convenu que le contrat devait se prolonger au-delà de cette durée jusqu'à ce que soit atteint le nombre d'hectolitres convenu ; qu'une clause pénale prévoyait enfin qu'au cas où R. ne respecterait pas « l'une ou l'autre des obligations mises à sa charge », il était convenu qu'une simple mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception qui ne serait pas suivie d'effet dans les 8 jours suivant sa réception, la Brasserie aurait droit à une indemnité égale à 20 % du prix de vente de la bière, sur la base de la dernière facture adressée au client et pour les quantités restant à prendre audit marché ;
Attendu que par l'exploit susvisé, SNB a assigné R., à qui elle reproche de vendre dans son établissement une marque de bière en provenance d'une autre brasserie, au prétexte que SNB aurait cessé son activité et qu'il se serait trouvé délié de plein droit de toute obligation envers elle depuis le 12 avril 1972, aux fins d'obtenir paiement de la somme de 56 240 francs représentant le montant de la clause pénale, savoir 20 % sur la quantité de 1 480 hectolitres demeurant à acheter, au prix de 190 francs montant de la dernière facturation ;
Attendu que R. conclut au déboutement de SNB, en se fondant, au premier chef, sur la nullité du contrat, au motif que celui-ci ne mentionnait pas à quel prix la bière devait être vendue ;
Attendu qu'un contrat comportant une clause de fourniture exclusive, du type contrat de bière, constitue un contrat de vente et qu'il est, à ce titre, soumis aux dispositions des articles 1425 et suivants du Code Civil ; qu'en particulier, il doit comporter la désignation, expresse ou tacite, du prix de la marchandise livrée ou d'un mode objectif de fixation de ce prix ne dépendant pas de la volonté de l'une ou l'autre des parties ; qu'à défaut, en effet, le vendeur comme l'acheteur aurait, à tout moment, la faculté de se dégager de son obligation, en contestant le prix demandé ou offert et de faire constater la nullité de ce contrat ;
Attendu que ce prix doit figurer dans le contrat originaire, sinon sous forme d'une indication chiffrée, du moins sous forme d'une référence faite à un mode de calcul, hors toute intervention ou appréciation des parties, le fournisseur ne pouvant prétendre que ce prix résulterait des accords successifs intervenus à l'occasion de chaque fourniture car ce procédé ne permet pas de conclure que ce prix est celui retenu par les parties, en raison même de la variabilité des éléments qui le composent, et aucun argument juridique ne pouvant être tiré de ce que le contrat aurait été exécuté pendant un certain temps ;
Attendu en l'espèce que le contrat du 1er mars 1969 ne comporte aucune indication expresse ou tacite, permettant de déterminer le prix de la bière à livrer à R. ; qu'il est donc nul comme ne satisfaisant pas à la condition imposée par l'article 1426 du Code Civil, qu'il y a lieu de faire droit à la demande de R. tendant à faire prononcer cette annulation, les conclusions prises sur ce point le 9 janvier 1975 ayant le caractère d'une demande reconventionnelle ; que les dépens suivent la succombance ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Le Tribunal,
Prononce la nullité de la convention dite marché de bière passée le 1er mars 1969 entre la Société Anonyme Nouvelle de la Brasserie et des Établissements Frigorifiques de Monaco et R., et ce avec toutes conséquences de droit ;
Déboute ladite Société de ses demandes fins et conclusions ;
Composition🔗
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MM. Marquet, Boisson av. déf. et Guérin (du barreau de Draguignan) av.