Tribunal de première instance, 30 octobre 1975, S.A.M. Société Monégasque de Transports Maritimes (SO. MO. TRANS. MA.) c/ Copropriété Immeuble « Le Mercure ».

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Copropriété

Règlement - Désaccord - Solution des difficultés - Clause compromissoire (non) - Industrie dangereuse - Risque particulier - Surprime - Charge

Résumé🔗

La disposition d'un règlement de copropriété n'imposant pas, en cas de désaccord, le recours à l'arbitrage mais laissant le choix de saisir un arbitre ou les tribunaux compétents, ne constitue pas une clause compromissoire.

A défaut d'un vote spécial de l'assemblée des copropriétaires subordonné aux conditions de majorité prévues par le cahier des charges, la surprime afférente au risque particulier créée par une industrie dangereuse doit être supportée par le copropriétaire responsable de cette industrie.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que, par l'exploit susvisé, la demanderesse a assigné la copropriété Le Mercure, prise en la personne du sieur V., son syndic, dans laquelle elle est propriétaire d'un local représentant 34 millièmes de copropriété, aux fins de voir dire et juger que la prime d'assurance incendie concernant cet immeuble devra être répartie, non pas entre tous les copropriétaires au prorata de leurs millièmes, mais conformément au paragraphe b de l'article 26 du cahier des charges, qui a été adopté par une Assemblée Générale du 7 avril 1971, dans la rédaction suivante : « Toutefois, au cas où la nature du risque nécessiterait une prime importante par rapport à celle normalement perçue, le copropriétaire ou le locataire responsable devra supporter la dépense supplémentaire, ce supplément s'ajoutant à la part prévue dans la répartition de l'article 13 » ;

Attendu que la demanderesse précise que cette modification du cahier des charges a été décidée à la suite d'une importante augmentation de la prime d'assurance qui était passée de 1 280 francs à 8 431 francs au cours de l'année 1970, et que, cette augmentation provenant de la présence dans l'immeuble, parmi les locataires ou occupants, d'une usine de matière plastique, ce qui justifiait une surprime de 38,50 % l'Assemblée Générale du 7 avril 1971 avait décidé, à l'unanimité, l'additif susvisé au cahier des charges ;

Attendu que la demanderesse fait grief au syndic de la copropriété de ne pas avoir appliqué cet additif et d'avoir persisté à répartir la totalité de la prime, entre tous les copropriétaires, en fonction de leurs millièmes, sans opérer le départ qui s'imposait dans ladite prime ; qu'elle s'estime donc fondée à obtenir, sous astreinte, que la répartition des charges soit reprise depuis 1970 et demande, en outre, 2 000 francs à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Attendu que pour s'opposer à cette demande, la copropriété qui fait observer que V. a donné sa démission et a été remplacé par le sieur D., lors de l'Assemblée Générale du 25 février 1975 - la procédure devant être considérée comme régulière en la forme en l'état de la comparution de la copropriété Le Mercure « agissant en la personne de son syndic en exercice » - soulève deux moyens, l'un de procédure, l'autre de fond ;

Attendu tout d'abord que la copropriété soutient que la demanderesse n'a pas respecté la clause compromissoire prévue à l'article 29 du règlement de copropriété, lequel édicte qu'en cas de désaccord, les difficultés seront soumises à un arbitre... ou à défaut soumises à la juridiction des tribunaux compétents de la Principauté ;

Attendu cependant que, tel qu'il est rédigé, cet article 29 n'impose pas le recours à l'arbitrage, mais laisse le choix de saisir un arbitre ou les tribunaux compétents ; que dès lors, il ne constitue pas une clause compromissoire ; qu'il suit de là que ce moyen doit être rejeté ;

Attendu d'autre part que la copropriété soutient que la demande de SO. MO. TRANS. MA. ne peut être accueillie car elle est contraire à une décision de l'Assemblée Générale du 16 novembre 1973 qui, alors que le syndic avait attiré l'attention des copropriétaires sur le fait que la répartition de la prime d'assurance intervenait en fonction des tantièmes de chaque copropriétaire, avait délivré quitus à ce syndic pour la gestion de l'année 1972, étant précisé que le représentant de la SO. MO. TRANS. MA. qui remplissait les fonctions de président de cette assemblée avait lui-même voté ce quitus ; que la copropriété précise que ce vote avait été acquis compte tenu de ce qu'aucune surprime particulière n'avait été exigée en l'espèce par la compagnie d'assurances, l'augmentation intervenue en 1970 s'expliquant par la simple révision d'une police fort ancienne ;

Attendu qu'il résulte des procès-verbaux d'Assemblées Générales communiqués, qu'après la modification apportée au cahier des charges à l'issue de l'assemblée du 7 avril 1971, il fut décidé lors de celle du 3 octobre 1972, à la suite des vérifications que le syndic avait effectuées auprès des divers directeurs d'assurances, lesquels avaient estimé que l'augmentation de la prime « était parfaitement justifiée par le risque encouru dû à la présence de l'industrie plastique », d'écrire à la chambre des experts des propriétaires de Paris pour leur demander le mode de répartition qu'ils préconisaient, étant précisé que dans l'attente de cette consultation le règlement provisoire de la prime serait effectué au prorata des tantièmes ; qu'à l'Assemblée Générale du 16 novembre 1973, communication fut donnée de la réponse datée du 12 février 1973 de cette chambre laquelle admettait le principe que toute surprime devait être supportée par le copropriétaire qui en est responsable, mais que si cette surprime n'apparaissait pas dans le contrat, la répartition devait intervenir au prorata des tantièmes de copropriété ; que le procès-verbal de cette assemblée se bornait à mentionner, au chapitre 2°, « approbation de comptes du syndic », et au paragraphe « rapport du syndic », qu'il résultait en définitive que la répartition de cette prime d'assurance devait se faire au prorata des tantièmes de chaque copropriétaire, aucune surprime n'étant mentionnée sur la police de cette industrie, et au paragraphe « quitus de gestion », qu'à l'unanimité l'assemblée votait le quitus de gestion pour 1972 ;

Que lors de l'assemblée du 6 décembre 1974, le sieur G., représentant de SO. MO. TRANS. MA. déclarait s'opposer à la répartition de la prime au prorata des tantièmes de copropriété et refusait de voter le quitus au syndic bien que celui-ci ait déclaré avoir appliqué, en l'espèce, la décision de la précédente assemblée du 16 novembre 1973 ; qu'enfin, lors de l'assemblée du 25 février 1975, s'est posé le problème du paiement de la prime venue à échéance au 12 octobre 1974 dont le montant était de 18 090,69 francs et qui justifiait un appel immédiat de provision complémentaire, le disponible en caisse n'en permettant pas le paiement ; que l'ensemble des copropriétaires avait accepté cette demande, le président de séance proposait, en ce qui concerne la répartition du montant de cette prime, que le nouveau syndic recherche si celle-ci comportait une surprime imputable aux risques résultant de la présence d'une industrie plastique, en l'espèce la Société Polyplastic et, dans l'affirmative, de laisser cette surprime à la charge de cette dernière Société ; que SO. MO. TRANS. MA. déclare s'opposer à cette solution, motif pris de ce qu'elle n'était pas assortie d'une prise d'effet rétroactif au 1er janvier 1970 ;

Attendu que ces divers documents établissent que le principe avait été admis par l'assemblée du 7 avril 1971 que toute surprime imputable à un risque d'une nature particulière, tel qu'une industrie de matières plastiques réputées dangereuses car facilement inflammables, devait être supportée par le copropriétaire responsable de cette industrie, le cahier des charges ayant fait l'objet d'un additif à cette fin selon acte de Me Crovetto, notaire, du 4 avril 1972 ; que cette disposition, qui fait la loi des parties, n'a jamais été modifiée ni abrogée par la suite, les différentes Assemblées Générales qui se sont succédées n'ayant émis aucun vote précis sur ce point ; qu'il apparaît bien au contraire qu'après une période de tâtonnement, qui est apparente dans les procès-verbaux d'assemblée du 3 octobre 1972 et du 16 novembre 1973, l'assemblée du 25 février 1975 a confirmé, en termes non équivoques, que toute surprime répondant à la définition du deuxième paragraphe de l'article 26 du cahier des charges devait être supportée par le copropriétaire responsable du risque aggravé ;

Attendu dès lors que la copropriété ne saurait soutenir qu'en donnant son quitus, lors de l'assemblée du 16 novembre 1973 la demanderesse a admis le principe qu'une telle surprime devait être désormais répartie au prorata des tantièmes de copropriété ; qu'en effet, les dispositions formelles du deuxième paragraphe de cet article 26 ne pouvaient être modifiées que par un vote spécial, intervenu dans des formes identiques à celles qui avaient été celles de l'assemblée du 7 avril 1971, vote subordonné à des conditions de majorité imposées par le cahier des charges ;

Attendu dès lors que le moyen soulevé par la copropriété doit être rejeté, faute d'une modification intervenue dans les termes ci-dessus rappelés et que la demanderesse est en droit d'obtenir que la surprime afférente au risque créé par la Société Polyplastic soit supportée par celle-ci ; que cependant cette répartition ne devra intervenir, quant à ses effets, qu'à compter de l'année 1973, car, en donnant son quitus pour l'année 1972, lors de l'assemblée du 16 novembre 1973, la demanderesse a couvert, en toute connaissance de cause, la répartition erronée à laquelle le syndic avait procédé, sa première protestation ne s'emplaçant que lors de l'assemblée du 6 décembre 1974 ;

Attendu sur la demande de dommages-intérêts présentée par la Société SO. MO. TRANS. MA. que la copropriété, qui ne pouvait méconnaître les termes de son propre cahier des charges, a commis une faute en résistant abusivement aux prétentions de la demanderesse ; qu'en l'état des éléments suffisants d'appréciation dont le Tribunal dispose, le préjudice éprouvé par SO. MO. TRANS. MA. doit être fixé à 1 000 francs ; qu'il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire du présent jugement, l'urgence n'étant pas démontrée ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Donne acte à la copropriété Le Mercure de ce que le sieur V., assigné comme syndic, a été remplacé par le sieur D. et celui-ci comparaissant en sa qualité de syndic en exercice,

Dit et juge que la procédure est régulière à l'égard des parties en cause,

Rejetant tant l'exception d'incompétence que les moyens de défense au fond soulevés par la copropriété Le Mercure, dit et juge qu'à compter de l'exercice de l'année 1973, les charges afférentes à la prime d'assurance incendie, devant être répartie entre les copropriétaires, conformément au paragraphe b de l'article 26 du cahier des charges ....

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Marquet, Boéri av. déf. et Sbarrato av.

  • Consulter le PDF