Tribunal de première instance, 5 juin 1975, Dame P. ès-qualités c/ B.

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Abstract🔗

Procédure civile

Actions relatives à l'état d'un étranger - Défendeur domicilié en Principauté - Compétence des juridictions monégasques (oui)

Filiation adultérine

Recherche de paternité adultérine - Interdiction

Résumé🔗

Il résulte des articles 2 et 4 du Code de procédure civile que le Tribunal de Première Instance de Monaco connaît de toutes les actions intentées contre un défendeur domicilié dans la Principauté mais que les actions relatives à l'état d'un étranger échappent à cette compétence lorsque celui-ci a conservé dans son pays un domicile de droit. Lorsque le demandeur a son domicile de droit et de fait dans la Principauté, le Tribunal a été compétemment saisi (1).

L'article 227 du Code Civil n'admet la reconnaissance d'une filiation adultérine par le père qu'en vue de la légitimation par mariage subséquent. La recherche de paternité adultérine est interdite et cette interdiction est d'ordre public (2).


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que par l'assignation susvisée du 17 octobre 1974, la demanderesse a assigné le sieur P. B. aux fins de faire juger que celui-ci est le père de la demoiselle M. P. R., née à Monaco le 9 novembre 1953, et, comme conséquence de cette filiation qu'elle portera le nom de B., que le jugement à intervenir sera transcrit, que mention en sera faite sur l'acte de naissance de P. R. et que le défendeur sera condamné à lui payer une pension alimentaire de 1 000 francs par mois, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire ;

Attendu que la demanderesse expose que sa fille M. R., célibataire et de nationalité française avait vécu en concubinage avec P. B. et que de cette union est née P. R. qui n'a pas été reconnue par son père, bien que celui-ci n'ait jamais contesté sa paternité ; que M. R. est décédée le 8 janvier 1971 et que B. ne veut plus continuer à contribuer à l'éducation et à l'entretien de sa fille ; qu'elle s'estime dès lors fondée, B. étant actuellement divorcé et ayant acquis la nationalité française par décret français du 28 septembre 1968, à obtenir les fins de son exploit introductif d'instance, rien ne s'opposant à ce que sa demande soit accueillie puisque l'enfant, la mère naturelle et le défendeur étaient ou sont tous trois de nationalité française ;

Attendu que B. soulève au premier chef l'incompétence du Tribunal au motif que l'action dirigée contre lui concerne l'état et la capacité des personnes et que seul, ses juges nationaux, c'est-à-dire une juridiction française, peuvent statuer sur une telle demande, alors surtout que la demanderesse est domiciliée en France et que la tutelle lui a été déférée par un organisme français ; qu'il soulève d'autre part un second moyen fondé sur le fait qu'il n'est pas, à l'heure actuelle, divorcé mais simplement séparé de corps, en l'état d'un jugement du Tribunal de Monaco du 27 avril 1944 ; que subsidiairement il conteste le chiffre de la pension alimentaire qui lui est réclamée et demande que la garde de l'enfant lui soit confiée ;

Attendu sur l'exception d'incompétence, qu'il résulte des articles 2 et 4 du Code de procédure civile qui règlent en l'espèce la compétence du Tribunal de céans que celui-ci connaît de toutes les actions intentées contre un défendeur domicilié dans la Principauté mais que les actions relatives à l'état d'un étranger échappent à cette compétence lorsqu'il est justifié que celui-ci a conservé dans son pays un domicile de droit et de fait devant les juges duquel la demande pourrait être utilement portée ; que B. qui a été assigné à l'adresse [adresse], ne conteste pas avoir son domicile de droit et de fait dans la Principauté et ne soutient pas avoir conservé un tel domicile en France ; que le Tribunal a donc été compétemment saisi ; qu'il suit de là que l'exception d'incompétence doit être rejetée ;

Attendu sur le second moyen qu'il résulte des pièces de la procédure que B. était marié, au moment où P. R. est née le 9 novembre 1953 ; que la présente demande tend donc à établir non pas la paternité naturelle, mais la paternité adultérine du défendeur à l'égard de l'intéressée ; que si une telle reconnaissance est possible en droit français, elle se heurte, à Monaco, aux dispositions de l'article 227 du Code Civil qui n'admet la reconnaissance adultérine a patre qu'en vue de la légitimation par mariage subséquent ; que l'interdiction de la recherche de paternité adultérine est d'ordre public en sorte que toute demande présentée à cette fin est contraire audit ordre public et doit être rejetée, sans qu'il puisse être fait référence au concept de l'ordre public atténué qui n'aurait pu être invoqué que dans l'hypothèse d'une demande d'exequatur, à Monaco, d'un jugement français de recherche de paternité adultérine, recherche qui peut être utilement envisagée en France ; qu'il suit de là que la demande de dame P. doit être rejetée et que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Rejette l'exception d'incompétence soulevée par P. B. ;

Déboute dame P., agissant en qualité de tutrice de demoiselle M. R., de ses demandes fins et conclusions ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., Me Sanita av. déf.

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