Tribunal de première instance, 6 juin 1974, C. c/ SAM Richelmi et Urbaine et Seine.
Abstract🔗
Accidents du travail
Juge des accidents du travail - Conciliation - Pouvoirs - Limites
Résumé🔗
L'article 17 4e alinéa de la loi n° 636 du 11 janvier 1958, confiant au juge des accidents du travail une mission de conciliation générale, permet aux parties de se présenter en tout état de cause devant ce magistrat pour faire constater leur accord. Cependant les pouvoirs de ce magistrat se limitent à la conciliation et il ne saurait être saisi pour constater une non conciliation dès lors qu'il a été dessaisi par une précédente ordonnance de conciliation ou de non conciliation.
Motifs🔗
LE TRIBUNAL,
Attendu que le sieur C. M. a été victime d'un accident du travail le 21 mars 1971, alors qu'il était au service de l'entreprise générale du bâtiment Richelmi, dont l'assureur-loi est la Compagnie l'Urbaine et Seine à Monaco ;
Attendu que le médecin conseil de cette Compagnie d'assurance a fixé la date de consolidation au 21 juillet 1971, mais que C. a contesté cette date en se fondant sur un certificat établi par le docteur F. le 15 juillet 1971 et préconisant une prolongation d'arrêt de travail de 20 jours à compter de cette dernière date ; que le juge des accidents du travail a, par ordonnance du 23 juillet 1971, commis le docteur Pastorello avec mission de fixer la date de consolidation ; que cet expert dans un rapport déposé le 24 août 1971, a fixé la consolidation au 31 août 1971, précisant qu'une I.P.P. persistait ;
Attendu que le 20 octobre 1971, le juge des accidents du travail a désigné le docteur Pastorello avec mission de fixer le taux de cette I.P.P. ; que cet expert a déposé son rapport le 1er décembre 1971, a évalué l'I.P.P. à 12 % et a estimé que la capacité résiduelle de gain de la victime devait être appréciée par la commission prévue par la loi ; que le docteur Pastorello précisait que bien que C. lui ait produit un nouveau certificat accordant un arrêt de travail de 15 jours, il ne saurait admettre de nouvelles incapacités temporaires totales de travail surtout en l'absence de traitement ;
Attendu que le 20 avril 1972, une ordonnance de non conciliation a été rendue par le juge des accidents du travail, qui a fixé à 852.85 F la provision sur la rente pouvant être allouée à C., à partir du 31 août 1971 avec arrêt de travail de 15 jours, soit à partir du 18 septembre 1971 ;
Attendu que la Commission Spéciale, statuant le 26 mai 1972, a fixé à 75 % la capacité résiduelle de gain de la victime ; que le 26 juin suivant, le juge des accidents du travail a rendu une nouvelle ordonnance de non conciliation, élevant toutefois à 1 705,71 F la provision sur la rente à percevoir par C., « compte tenu des comptes à faire entre parties » l'intéressé percevant une provision basée sur 25 % depuis le 31 août 1971 avec rechute ;
Attendu que le 20 juillet 1972, C. assignait Richelmi et son assureur devant le tribunal de céans, aux fins de voir désigner un nouvel expert avec mission de fixer le taux de l'I.P.P. dont il demeurait atteint ;
Attendu qu'à la demande de C. qui déclarait avoir rechuté du 1er septembre 1971 au 30 avril 1972, le juge des accidents du travail a rendu le 29 janvier 1973, une ordonnance désignant le docteur Bus, avec mission de fixer la date de la consolidation et de la rechute éventuelle ;
Attendu que le 5 février 1973, C. a fait rayer l'instance, objet de l'assignation du 20 juillet 1972 ;
Attendu que le 8 février 1973, le docteur Bus a déposé son rapport, aux termes duquel il a conclu qu'il était bien difficile de dire si oui ou non M. C. avait rechuté du 1er septembre 1971 au 30 avril 1972 ; mais que compte tenu de l'aggravation de son état qui est incontestable, il pensait qu'il fallait admettre cette rechute et fixait au 30 avril 1972, la date de consolidation ;
Attendu que le 29 mars 1973, une ordonnance de conciliation était signée par Maître Sanita, représentant le sieur C. et le sieur B. représentant la Compagnie l'Urbaine et la Seine, sur la base d'un taux d'incapacité de 25 % et d'une rente de 1 776,78 F à compter du 31 août 1971, « en raison de l'accident dont a été victime le 21 mai 1971 avec rechute du 1er septembre 1971 au 30 avril 1972 », les parties déclarant avoir pris connaissance du rapport d'expertise établi le 8 février 1973 par Monsieur le Docteur Bus ;
Attendu que le 23 août 1973, C. et le sieur C.-S., représentant la Compagnie l'Urbaine et la Seine comparaissaient devant le juge des accidents du travail qui rendait une ordonnance de non conciliation, dans laquelle il était mentionné : « L'Urbaine demande à voir rectifier l'ordonnance de conciliation du 23 mars 1973 qui a alloué à C. une rente correspondant à 25 % d'I.P.P. sur le fondement du rapport Bus du 8 février 1973. Le sieur C. déclare s'en tenir à l'ordonnance du 23 mars 1973 ; attendu que la conciliation qui avait été emportée sur le taux de 25 % avait été prise en considération de l'avis de la commission spéciale ; attendu cependant que le juge n'est pas compétent pour trancher de la difficulté actuellement soulevée... sur quoi renvoyons l'affaire devant le Tribunal de Première Instance » ;
Attendu que par l'assignation susvisée, C. a assigné Richelmi et la Compagnie l'Urbaine et Seine, aux fins d'entendre déclarer nulle et de nul effet l'ordonnance de non conciliation du 13 août 1973 et de déclarer que l'ordonnance de conciliation du 24 mars 1973 sortira son plein et entier effet ;
Attendu que les défendeurs, en leurs écrits judiciaires du 15 mai 1974, concluent à la nullité de la procédure ayant abouti à la désignation du docteur Bus et du rapport déposé par lui le 8 février 1973 ; qu'ils font offre de régler une rente calculée sur le taux de 12 %, l'ordonnance de conciliation du 29 mars 1973 ayant, par erreur, fait état d'un accord des parties sur le fondement d'un rapport Bus, sur un taux de 25 % d'I.P.P. alors que le docteur Pastorello, qui était le seul expert à s'être prononcé, avait retenu le chiffre de 12 % ;
Attendu que les défendeurs fondent leur argumentation sur un moyen d'irrecevabilité ; qu'ils estiment en effet que C., qui, à la suite du procès-verbal de non conciliation du 20 avril 1972 avait saisi le Tribunal d'une demande de désignation d'expert chargé d'apprécier le taux d'I.P.P. dont il demeurait atteint, avait tenté, en introduisant une demande d'expertise au prétexte d'une rechute dont il aurait été victime du 1er septembre 1971 au 30 avril 1972, de tourner la jurisprudence constante des juridictions monégasques qui admet que les conclusions de l'expert commis par le juge des accidents du travail doivent être entérinées si la victime ne peut former aucune critique, précise et positive, à l'encontre de ces conclusions ; que, ce faisant, elle tentait d'obtenir automatiquement la désignation d'un nouvel expert, alors qu'une telle désignation est subordonnée aux conditions admises par cette jurisprudence et ci-dessus rappelées ;
Attendu d'autre part que les défendeurs estiment que l'ordonnance du 29 mars 1973 ne peut sortir son plein et entier effet, en se fondant sur le moyen tiré de l'erreur commune qui aurait été commise par les parties à cette conciliation ; qu'en effet, le docteur Bus dont le rapport est mentionné dans cette ordonnance n'a jamais fixé de taux d'I.P.P. puisqu'il n'a eu à connaître que d'un problème de consolidation et que le docteur Pastorello avait chiffré à 12 % le taux de cette I.P.P. ; qu'ils concluent donc que la rectification de l'ordonnance de conciliation s'impose en tout état de cause ;
Attendu sur les deux moyens réunis qu'en l'état des dispositions du titre III de la loi 636 du 11 janvier 1958, modifiée par la loi 790 du 18 août 1965, le juge des accidents du travail est, en principe, dessaisi dès l'instant où il a rendu une ordonnance de conciliation ou de non conciliation, soit dans le cadre de l'article 21 quater, en cas d'accident mortel, soit dans le cadre de l'article 21 quinquies, en cas d'accident ayant entraîné une I.P.P., en sorte que ce magistrat n'est plus compétent pour connaître des problèmes relatifs à l'accident à propos duquel il avait été saisi ; que ces problèmes concernent la durée de l'I.T.T. et la date de consolidation et partant, les rechutes, ou le taux de l'I.P.P. dont la victime demeure atteinte ; que la compétence, en ces matières, est désormais dévolue au tribunal de première instance ;
Attendu cependant qu'aux termes de l'article 17, 4e alinéa, de la loi susvisée, le juge des accidents du travail est investi d'une manière générale, d'une mission de conciliation au sujet de tous les litiges susceptibles de s'élever entre la victime, ses représentants ou ses ayants droit et la Compagnie d'Assurances de l'employeur ou l'employeur lui-même ; qu'en raison même du caractère général de la mission qui lui est ainsi reconnue, le juge des accidents du travail peut toujours, quel que soit l'état dans lequel se trouve la procédure et même si l'instance a été portée devant le Tribunal, être saisi par les parties, c'est-à-dire en fait par la victime ou la Compagnie d'Assurances, pour constater sous la forme d'une ordonnance de conciliation, que ces parties se sont rapprochées et se sont accordées sur les conditions dans lesquelles doit intervenir la réparation de l'accident du travail dont s'agit ; que les pouvoirs ainsi reconnus à ce juge, exorbitants du droit commun, trouvent leur justification dans le caractère spécifique de la matière des accidents du travail, en faveur de laquelle le législateur a entendu faire prévaloir essentiellement des considérations de rapidité et d'efficacité en ce qui a trait à la réparation du préjudice subi ;
Attendu en revanche que le juge des accidents du travail n'a aucune qualité, faute de dispositions de portée générale sur ce point, analogue à celle de l'article 17 susvisé, pour constater une non conciliation entre les parties, hors le cas où la loi lui attribue, par une disposition expresse, une telle faculté, c'est-à-dire hors le cas des articles 21 quater et 21 quinquies ; qu'en conséquence, lorsque les parties se présentent devant lui, dans le cadre de l'article 17, aux fins de conciliation, il n'a pas le pouvoir d'établir une ordonnance de non conciliation ;
Attendu que le 29 mars 1973, est intervenue entre C. et la Compagnie d'Assurances l'Urbaine et la Seine une ordonnance de conciliation, dans laquelle les parties qui avaient qualité pour s'engager ou engager leur mandant, se sont accordées sur un taux d'invalidité et sur une rente ; que cet accord n'a été entaché d'aucun vice, l'erreur sur le nom de l'expert n'étant pas déterminant du consentement donné ;
Attendu que cette ordonnance doit être considérée comme ayant engagé l'Urbaine, mais qu'en revanche l'ordonnance de non conciliation du 23 août 1973 est sans portée juridique ;
Qu'il suit de là qu'il doit être fait droit aux fins de l'exploit introductif d'instance ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Rejetant comme inopérantes ou mal fondées toutes autres conclusions plus amples ou contraires des parties ;
Annule l'ordonnance de non conciliation rendue le 23 août 1973 par le juge des accidents du travail ;
Dit et juge que l'ordonnance de conciliation du 29 mars 1973 sortira son plein et entier effet ;
Composition🔗
M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Sanita, Clérissi av. déf. et Karczag - Marquet av.