Tribunal de première instance, 24 janvier 1974, S. c/ ép. R.

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Abstract🔗

Agents d'affaires

Agent immobilier - Contrat d'exclusivité - Vente au comptant - 1° Vente à crédit : Contrat - Inexécution - Commission (non) - 2° Vendeur : Prix - Majoration unilatérale - Exclusivité - Violation - Responsabilité

Résumé🔗

Lorsque le propriétaire d'un immeuble donne mandat, en vertu d'un contrat d'exclusivité, à un agent immobilier de vendre cet immeuble à un prix fixé, payable au comptant, le mandataire, qui fait signer un ordre d'achat dans lequel figure une clause suspensive relative au crédit que l'acquéreur entend se procurer auprès d'une banque, ne peut demander le paiement de la commission à laquelle il aurait pu prétendre si la vente avait été parfaite dès le jour de la signature de l'ordre d'achat. Par contre, en majorant unilatéralement le prix de vente de l'immeuble, en violation de l'exclusivité de vente reconnue au mandataire, le vendeur commet une faute contractuelle engageant sa responsabilité.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que par acte sous-seing privé du 21 juillet 1972, les époux L. R. ont concédé à l'agence Westrope à Monaco, sous l'enseigne de laquelle le sieur S. exerce la profession d'agent immobilier, l'exclusivité, jusqu'au 31 décembre 1972, de la vente d'une villa sise à La Turbie (A.M.) au prix de 250 000 F payable au comptant ; que ce contrat contenait la clause suivante :

« Nous nous engageons à payer à l'agence précitée, si nous traitons par son intermédiaire ou encore avec une personne qu'elle nous aura présentée, adressée ou indiquée (même si l'affaire est conclue avec cette dernière après l'expiration de la période d'exclusivité) une commission de 5 %, le montant de celle-ci étant majorée de la T.V.A. en vigueur. Dans le cas où nous vendrions ces biens durant la période d'exclusivité sans le concours de cette agence, nous devrons tout de même lui verser la commission ci-dessus... »

Attendu que le 8 juillet, le sieur N. signait à l'agence Westrope un ordre d'achat, au prix de 250 000 F payable au comptant entre les mains de Maître Mounier, notaire, le jour de la réalisation de la vente qui devait être signée le 31 juillet au plus tard, et remettait une somme de 25 000 F à titre d'arrhes, cette somme devant être restituée à N. si le vendeur n'acceptait pas ladite proposition avant le 12 juillet ; que ce document était assorti d'une clause suspensive, l'achat ordonné étant subordonné à un crédit de 180 000 F que N. s'engageait à obtenir avant le 22 juillet ; que le même jour celui-ci signait un bon de commission aux termes duquel il s'engageait à verser à l'agence Westrope une commission forfaitaire de 7 500 F, majorée de la T.V.A., sous réserve de la réalisation de la clause suspensive insérée dans l'ordre d'achat et dans le cas où l'agence obtiendrait l'accord du vendeur aux conditions et délais fixés par N. dans son ordre de vente ;

Attendu que le 10 juillet, les époux R. adressaient à l'agence Westrope une lettre recommandée dans laquelle ils indiquaient que le prix qu'ils désiraient pour leur villa était de 300 000 F ; que le 11 juillet, l'agence Westrope répondait par une lettre de protestation contre cette prétention des époux R. qu'elle estimait contraire au contrat d'exclusivité signé le 21 juin 1972, mettant ceux-ci en demeure de confirmer leur accord aux conditions insérées dans l'ordre de vente signé par N. et leur faisant connaître qu'elle estimait avoir rempli le mandat reçu, indiquant qu'elle exigerait non seulement le versement de la commission de 5 % du vendeur, mais également celle de 3 % de l'acheteur, que celui-ci s'était engagé à verser dans le bon de commission susvisé ; que le 13 juillet, les époux R. répondaient qu'ils ne pouvaient que confirmer le prix qu'ils désiraient, soit 300 000 F, payable comptant ; que le 17 juillet, l'agence Westrope mettait les époux R. en demeure d'avoir à régler une commission de 8 %, soit 20 000 F et la T.V.A. correspondante soit 3 520 F, le total représentant : 23 520 F ;

Attendu que par exploit du 25 juillet 1973, le sieur S. a assigné les époux R. aux fins d'entendre dire et juger qu'il avait intégralement rempli les obligations qui lui incombaient selon la convention du 21 juin 1972 et d'obtenir leur condamnation au paiement de la somme de 23 520 F ;

Attendu que dans les conclusions du 5 décembre 1973, les époux R. offrent de payer à S. la somme de 14 700 F, représentant la commission de 5 % et la T.V.A. correspondante, mais refusent de verser le complément de commission de 3 % et la T.V.A. correspondante qu'ils estiment ne pas devoir ;

Attendu qu'il résulte des documents ci-dessus analysés qu'en vertu du contrat d'exclusivité du 21 juin 1972, les époux R. avaient donné mandat à S. de vendre leur villa au prix de 250 000 F, payable au comptant ; que dans l'ordre d'achat signé par N. le 8 juillet 1972, figurait une clause suspensive relative au crédit que cet acquéreur entendait se procurer auprès d'une banque, clause qui démontre qu'il ne disposait pas des fonds nécessaires au paiement comptant du prix de la villa qu'il voulait acquérir, puisqu'il s'était fixé un délai expirant le 22 juillet suivant pour se procurer les fonds ;

Attendu dès lors que S. ne pouvait prétendre, le 11 juillet, envoi de sa première lettre recommandée, non plus que le 17 juillet, date de sa deuxième lettre, qu'il avait découvert l'acheteur correspondant aux conditions prévues par le contrat d'exclusivité puisque N. était hors d'état de payer comptant le prix de la villa, la clause suspensive établissant l'impécuniosité de N., même si celle-ci n'était qu'éventuellement temporaire ; que le caractère déterminant de cette clause est d'ailleurs confirmé par la réserve figurant dans le bon de commission du 8 juillet 1972 qui faisait mention de l'accord du vendeur à obtenir quant aux conditions et délais fixés par N. ; qu'il suit de là que S. ne peut prétendre réclamer aux époux R. le paiement de la commission totale de 8 % à laquelle il aurait pu prétendre si la vente avait été parfaite, dès le jour de la signature de l'ordre de vente par N. ;

Attendu en revanche que les époux R., en portant unilatéralement le prix de vente de leur villa de 250 000 F à 300 000 F ont violé le contrat d'exclusivité concédé à S. ; qu'ainsi ils ont commis une faute contractuelle qui engage leur responsabilité et dont ils doivent réparation à S. ; qu'ils ne contestent d'ailleurs pas leur responsabilité et offrent de payer la commission de 5 % prévue dans le contrat, dans l'hypothèse où ils auraient vendu directement leur villa, en violation de l'exclusivité de vente reconnue au demandeur ; qu'il y a lieu de considérer que la somme de 14 700 F ainsi offerte constitue la juste réparation du préjudice éprouvé par S. ;

Attendu sur les délais sollicités par les époux R. que ceux-ci font offre de régler en quatre versements mensuels de 3 675 F, à compter du 15 décembre 1973 ; que, compte tenu de la date à laquelle la présente décision sera rendue et de l'offre susvisée le paiement devra intervenir en deux versements d'égal montant, le premier, le 1er février 1974, le second, le 1er mars 1974 ;

Attendu que les dépens doivent être mis à la charge des époux R. dont l'offre est tardive et qui sont responsables de la violation du contrat ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejetant comme inopérants, en tout cas mal fondés, tous moyens des parties contraires au présent jugement, les en déboute,

Condamne les époux R. à payer à S. la somme de 14 700 F ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., MMe J.-C. Marquet, Boéri av. déf., M. Marquet et Sabarrato av.

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