Tribunal de première instance, 8 novembre 1973, G. c/ O. ès qualités de syndic de S.C.I. Monte-Carlo Résidence Palace et autres.

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Abstract🔗

Saisie immobilière

Subrogation - Conditions - Effets

Résumé🔗

En matière de saisie immobilière, la subrogation dans les poursuites permet la substitution à un créancier négligent ou de mauvaise foi d'un autre créancier plus diligent ou qui entend échapper aux effets d'une collusion, éventuellement frauduleuse, entre ce premier créancier et le débiteur saisi. Ces principes trouvent également leur application dans le cas où le retard de la procédure ne procède ni de la négligence ni de la mauvaise foi du premier créancier, qui était tenu de respecter un jugement de sursis à statuer et ne pouvait donc plus poursuivre les opérations de la saisie immobilière, lorsqu'il existe une subrogation conventionnelle non contestée par les parties.

Le créancier subrogé prend la procédure dans l'état où elle se trouve. Les exceptions qui sont opposables au premier créancier le sont également au second, ainsi lorsque la créance sur laquelle est fondée la saisie est arguée de nullité et que le Tribunal a sursis à statuer jusqu'à ce que cette action ait été jugée, le sursis est opposable au créancier intervenant par subrogation.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'à la suite d'un commandement du 15 septembre 1970, le sieur H. J. A., agissant en qualité de créancier de la société civile immobilière Monte-Carlo Résidence Palace ci-dessous M.C.R.P. et comme porteur de 40 grosses fractionnelles de 10 000 F., chacune, établies le 2 décembre 1967 par S.-C., alors notaire, a fait procéder, suivant acte de Me Marquet, huissier, du 11 décembre 1970, à la saisie immobilière de l'immeuble appartenant à cette société, et sis ., cette procédure étant dirigée contre la société prise en la personne de demoiselle F., la gérante, le sieur O., pris en qualité d'administrateur judiciaire et le greffier en chef de la Cour d'Appel et des Tribunaux de Monaco, détenteur des pièces de l'étude de l'ancien notaire S.-C. ;

Attendu que cette saisie a suivi son cours jusqu'au dépôt du cahier des charges, intervenu le 30 décembre 1970, et qu'à l'audience de règlement, le 18 février 1971, le Tribunal, statuant sur un dire déposé par les sieurs G. et R. qui, le 8 février 1971, avaient intenté une action en nullité de la procédure de saisie, a sursis à la poursuite de la procédure jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur cette action en nullité ;

Attendu que par jugement du 11 janvier 1973, le Tribunal a déclaré sans cause et, partant, nul et de nul effet, le soi-disant prêt qui était à l'origine de la création des grosses hypothécaires sur le fondement desquelles A. avait procédé à la saisie immobilière des biens du M.C.R.P. et a déclaré nulle et de nul effet la procédure de vente sur cette saisie immobilière ; que cette décision a été frappée d'un appel qui est actuellement pendant devant la Cour d'Appel ;

Attendu que le 11 janvier 1973, le sieur G. a entamé une nouvelle procédure de saisie immobilière sur les biens du M.C.R.P., en se fondant sur 69 grosses de 10 000 F. chacune dont il était porteur et qui avaient matérialisé partie d'un prêt du 27 mai 1964, ainsi que sur 10 autres grosses de même montant, qui avaient matérialisé un prêt du 16 février 1968 ; qu'à cette date, un commandement de payer était délivré à la M.C.R.P. prise en la personne de demoiselle F., sa gérante, à dame A. prise en sa qualité de porteur de 50 % des parts de M.C.R.P., au sieur O., ès qualités d'administrateur judiciaire et au Greffier en Chef à Monaco, détenteur des pièces de l'Étude S.-C., ancien notaire ; que le procès-verbal de saisie, dressé le 23 février 1973, était signifié le même jour ; que cependant, le 2 mars suivant, le Conservateur des Hypothèques refusait la transcription exigée par l'article 581 du Code de procédure civile, motif pris de ce qu'un précédent procès-verbal de saisie immobilière avait été transcrit à la requête du sieur A., le 17 décembre 1970 ;

Attendu que G. entreprenait alors une procédure en subrogation dans cette saisie ; que le 14 mars 1973, il sommait G. A., dame S. A. et son époux A. C., et dame J. A. et son époux A. A., héritiers du sieur A., décédé entre-temps, de continuer les poursuites, et ce, en application de l'article 648 du Code de procédure civile ; que, suivant exploit de Me Marquet du 12 mai 1973, les hoirs A. déclaraient ne pas s'opposer à la demande de subrogation du sieur G. et lui donnaient quittance subrogative pour continuer les poursuites en leurs lieu et place ;

Attendu que, suivant exploit de Me Marquet du 15 mai 1973, G. a assigné les personnes visées dans son commandement de payer du 11 janvier 1973 et sus-énoncées, aux fins de s'entendre déclarer subrogé dans la procédure de saisie immobilière ayant fait l'objet du procès-verbal de saisie du 11 décembre 1970, entendre dire que les hoirs A. seront tenus de lui remettre les pièces de cette procédure, et de fixer les conditions de l'adjudication sur la mise à prix de 8 000 000 de F.

Attendu que le Greffier en Chef, les hoirs A., la dame A. et la dame F. déclarent s'en rapporter à justice ; qu'O., ès qualités, conclut au déboutement de la demande de subrogation ;

Attendu que le moyen essentiel sur lequel il se fonde, en l'état de ses conclusions, consiste à dire que G., en qualité de subrogé dans les poursuites, ne reprend pas une procédure antérieure et n'en entame pas une nouvelle, même si son action a pour but le paiement de grosses différentes de celles des hoirs A., mais continue la procédure originaire, en sorte qu'il doit subir les effets de toute nullité affectant celle-ci ; que, dès lors, la demande de subrogation doit être déclarée mal fondée ; que G. réplique que le jugement du 18 février 1971 a constaté la régularité de la procédure et que le sursis à statuer ne saurait le concerner, car il agit au moyen de titres qui lui sont propres et ne fait l'objet d'aucune contestation ;

Attendu qu'en matière de saisie immobilière, la subrogation dans les poursuites a pour effet de substituer à un créancier négligent ou de mauvaise foi, un autre créancier plus diligent ou qui entend échapper aux effets d'une collusion, éventuellement frauduleuse, entre ce premier créancier et le débiteur saisi ; que le second créancier n'entame donc pas une nouvelle procédure, mais continue celle qui est en cours, aux lieu et place du premier saisissant ;

Attendu qu'il suit de là que le second créancier, quels que soient les titres sur lesquels il fonde son intervention et qui ne peuvent qu'être, à l'évidence, différents de ceux visés dans le commandement de payer originaire, prend la procédure au stade où elle est parvenue et dans l'état où elle se trouve ; que les exceptions ou moyens de défense que le débiteur saisi peut invoquer, contre le premier créancier saisissant, sont inopposables au second, dans la mesure où ils ont un caractère personnel à ce créancier, car ils ne modifient pas la nature même de la procédure, mais sont, au contraire, opposables au second créancier, si, tirés de l'irrégularité de la saisie, ils mettent en cause la valeur même de cette dernière ; qu'il en est notamment ainsi des nullités dont peut être entachée une telle saisie ;

Attendu que, bien que la subrogation prévue par l'article 647 du Code de procédure civile ne concerne pas le cas de l'espèce, car le retard dans la procédure ne procède ni de la négligence ni de la mauvaise foi des hoirs A., qui étaient tenus de respecter le jugement de sursis à statuer du 18 février 1971, et ne pouvaient donc plus poursuivre les opérations de la saisie immobilière ; il y a lieu, en la cause, compte tenu de l'existence, non contestée par aucune des parties au procès, de la subrogation conventionnelle du 12 mai 1973, de faire application des principes ci-dessus rappelés ;

Attendu que dans son jugement du 18 février 1971, le Tribunal a précisé que l'engagement au fond d'une action en nullité de la procédure de saisie ne permettait pas la poursuite du déroulement de celle-ci et a sursis à statuer jusqu'au moment où il aurait été définitivement décidé sur l'action en nullité de cette procédure, engagée par exploit du 8 février 1971 ;

Attendu que G. est subrogé dans une poursuite frappée d'un sursis à statuer et que la nullité sur laquelle est fondée ce sursis constitue un moyen qui lui est opposable, car il met en cause la valeur même de la procédure, dont la régularité n'a été reconnue par le Tribunal qu'au regard de la forme procédurale et sous réserve de la décision à intervenir sur le problème de fond soulevé par l'instance en nullité ; qu'il suit de là que le jugement susvisé doit produire ses effets à l'égard de G. comme à l'égard des hoirs A. ; que les dépens doivent être réservés en fin de cause :

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejetant comme inopérantes ou mal fondées, toutes demandes, fins, moyens et conclusions des parties contraires au présent jugement ou simplement plus amples, les en déboute,

Déclare G. subrogé aux lieu et place des hoirs A., dans la procédure de saisie immobilière ayant fait l'objet du procès-verbal de saisie du 11 décembre 1970 et tendant à la vente des biens immobiliers de la société civile immobilière Monte-Carlo-Résidence-Palace ; déclare que le jugement rendu le 18 février 1971 par le Tribunal de céans s'applique à G., confirme en tant que de besoin le sursis à statuer jusqu'à ce qu'il ait été définitivement tranché sur l'action en nullité engagée par exploit du 8 février 1971 à la requête des sieurs R. et G. ;

Composition🔗

M. François, pr., Mme Margossian, subst. gén., MMe Marquilly, Marquet. Clérissi, av. déf. et Blot, av.

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