Tribunal de première instance, 25 octobre 1973, Dame Vve G. et autres c/ ép. B.

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Abstract🔗

Baux en général

Fonds de commerce - Exploitation - Durée minimum fixée par la loi - Durée inférieure - Droit commun

Action en justice

Moyens des parties - Terminologie défectueuse - Intention - Juges - Interprétation

Résumé🔗

En admettant même qu'une location ait eu ou ait acquis le caractère commercial, dès lors que sa durée a été inférieure à trois ans, la protection prévue par la loi n° 490 du 24 novembre 1948 telle qu'elle a été modifiée ne peut s'appliquer et le propriétaire peut mettre fin au bail selon les règles du droit commun sans que le locataire puisse s'opposer au congé.

Il appartient aux juges de rétablir, au-delà de la terminologie, même défectueuse, utilisée, la véritable intention des bailleurs, démontrée par les réserves insérées dans les reçus ou actes émanant d'eux.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que suivant acte sous-seing privé du 20 mai 1970, la dame Veuve J. G., la demoiselle M. G. et le sieur J.-C. G. (ci-dessous les Hoirs G.) ont loué aux époux B. deux appartements contigus, sis . ; que ce contrat, qui précisait que la location était faite pour habitation bourgeoise avec faculté pour le preneur d'utiliser deux pièces à usage de bureau, était fait pour une durée d'un an à compter du 1er juillet 1970, renouvelable pour la même période tant que l'une des parties contractantes ne donnait pas congé, trois mois au moins avant la période en cours, par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Attendu que le bail a été renouvelé, par tacite reconduction, le 1er juillet 1971 ; que le 29 février 1972, la société anonyme monégasque Comptoir Commercial de recouvrement et de gérance (C.C.R.G.), mandataire des hoirs G., a adressé aux époux B. une lettre indiquant que ses mandants entendaient renouveler le bail à la condition expresse que B. retourne, signée, une attestation jointe et qui précisait notamment qu'il déclarait, d'ores et déjà, renoncer à se prévaloir de la propriété commerciale ; que B. n'ayant pas répondu, C.C.R.G. lui adressait le 20 mars 1972 une lettre recommandée avec accusé de réception mettant fin au bail, à compter du 30 juin suivant ; que le 30 mars 1972, les époux B. faisaient notifier, suivant exploit de Me Marquet, à la C.C.R.G., qu'ils entendaient accepter la promesse de bail à eux consentie par la lettre du 29 février 1972 susvisée, mais seulement en tant qu'elle renouvelait le bail originaire du 20 mai 1970 et qu'ils n'acceptaient pas de signer l'attestation jointe en annexe, laquelle était à la fois inexacte en fait et illégale ; que le 31 mars 1972, C.C.R.G. confirmait par lettre recommandée avec accusé de réception, le congé donné le 20 mars précédent ;

Attendu que, suivant exploit du 15 mars 1973, les Hoirs G. ont assigné les époux B., aux fins de voir valider le congé donné le 20 mars 1972 et réitéré le 31 mars suivant et ordonner leur expulsion sous astreinte, et de s'entendre condamner au paiement du loyer du premier trimestre 1973, soit 3 900 F., ainsi qu'aux charges du deuxième semestre 1972, soit 1 136,30 F. ;

Attendu que les époux B. concluent au rejet de cette demande et se fondent sur deux moyens : le premier, tiré de ce que la location a eu un caractère commercial, lequel a été connu et accepté par les bailleurs ; le second, de ce que ceux-ci ont, depuis le congé donné et réitéré, admis le renouvellement du bail jusqu'au 1er juillet 1973 ; qu'ils s'estiment fondés à former une demande reconventionnelle en 2 000 F. de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Attendu, sur le premier moyen, que les époux B. soutiennent que depuis leur prise de possession, ils exploitent dans les lieux un fonds de commerce à l'enseigne Servimpex, au vu et au su des bailleurs, qui ne se sont pas opposés à l'apposition d'une plaque à en tête Servimpex sur la porte palière, au-dessous de celle du sieur G. ; qu'au surplus, le libellé même de l'attestation que C.C.R.G. a demandé à B. de signer le 29 février 1972, démontre que les bailleurs reconnaissaient le caractère commercial de la location ; que les Hoirs G. répondent que les locataires n'établissent pas la transformation de l'appartement loué en local commercial ;

Attendu que le problème soulevé, quant à la nature civile ou commerciale du bail, est sans portée en l'espèce ; qu'en effet, en admettant même que la location ait eu ou ait acquis le caractère commercial, dès l'instant que sa durée a été inférieure à trois ans, la protection prévue par la loi 490 du 24 novembre 1948, modifiée par la loi 574 du 23 juillet 1953, ne peut s'appliquer en l'espèce et le propriétaire est en droit de mettre fin au bail selon les règles du droit commun, sans que le locataire puisse s'opposer au congé qui lui est notifié ; qu'il suit de là que ce premier moyen doit être rejeté comme n'étant pas de nature à empêcher l'application du contrat passé le 20 mai 1970 entre les parties ;

Attendu, sur le second moyen, que les locataires font valoir qu'en dépit du congé donné et réitéré, ils ont régulièrement payé leur loyer, du mois de juillet au mois de décembre 1972 et que, lorsque C.C.R.G. leur en a accusé réception, dans une lettre du 17 novembre 1972 elle admettait ainsi le principe du renouvellement du bail ; que les bailleurs eux-mêmes ont confirmé ce renouvellement, puisque l'assignation dont le Tribunal est saisi a pour objet le paiement du loyer du premier trimestre 1973 et des charges du deuxième semestre 1972 ; que les époux B. indiquent que le loyer du premier trimestre 1973, dont le non paiement était consécutif à un différend relatif à des travaux entrepris dans l'appartement, a été réglé le 15 mars 1973, et que les charges l'ont été le 9 avril suivant, déduction faite d'une somme de 762 F. en litige entre les parties ; que les Hoirs G. répondent que le versement d'une indemnité d'occupation, égale au montant du loyer, n'a pu faire naître, au profit des locataires aucun droit au renouvellement du bail ;

Attendu qu'il résulte des pièces communiquées, que lorsque C.C.R.G. a réclamé à B., le 5 septembre 1972 le loyer du troisième trimestre 1972 et les charges du premier semestre 1972, elle a précisé dans sa lettre : « ... sous réserve de la procédure en cours et des droits réciproques des parties » ; qu'en accusant réception, le 17 novembre 1972, du paiement par B. du loyer des troisième et quatrième trimestre 1973, C.C.G.R. a précisé : « ... sous réserve des droits réciproques des parties » ; que dans la quittance délivrée, le 29 mars 1973, au locataire qui, à la suite de l'assignation du 15 mars 1973 susvisée, a payé le loyer réclamé pour le premier trimestre 1973, C.C.R.G. a indiqué, « sous réserve de la procédure en cours » ; que cette assignation conclut, au premier chef, à la validation du congé et à l'expulsion des locataires ;

Attendu, dès lors, qu'en dépit de l'incertitude de la terminologie juridique de C.C.R.G. qui s'est obstiné à utiliser le terme loyers alors que le bail était résilié et de l'erreur juridique commise par les Hoirs G., dans leur assignation, qui réclament paiement d'un loyer, il apparaît que ces derniers n'ont jamais entendu renouveler la bail litigieux et que les époux B. n'ont jamais pu se méprendre sur leur intention sur ce point ; que le dernier moyen doit donc être également rejeté ;

Attendu qu'il doit, dès lors, être fait droit à la demande des hoirs G. notamment en ce qui concerne l'astreinte qui doit cependant demeurer comminatoire ; qu'il résulte, d'autre part, des pièces versées aux débats que le loyer du premier trimestre 1973 a été réglé et qu'il n'y a pas lieu de prononcer condamnation sur ce point ;

Que les dépens suivent la succombance ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Valide le congé donné le 20 mars 1972 aux époux B. ; ordonne leur expulsion...

Composition🔗

M. François, pr., Mme Margossian, subst. gén., MMe Marquilly et Sanita, av. déf.

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