Tribunal de première instance, 10 mai 1973, L. c/ Caisse de Compensation des Services Sociaux

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Abstract🔗

Lois - Ordonnances - Arrêtés

Loi ancienne - Abrogation - Loi nouvelle - Application (oui)

Résumé🔗

La substitution de l'Ordonnance souveraine n° 4739 du 22 juin 1971 à l'Ordonnance Souveraine n° 92 du 7 novembre 1949 à compter du 1er juillet 1971 résulte clairement des énonciations du texte lui même. Il en résulte que les invalidités en puissance ou même constatées antérieurement à l'Ordonnance ne peuvent plus être soumises à la législation en cours, dès lors que la pension d'invalidité n'avait pas été attribuée et liquidée.

L'application obligatoire du nouveau texte, certaine quant aux conditions de fond, notamment d'âge, l'est a fortiori pour les dispositions concernant la procédure.


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu que le sieur L. A., salarié à Monaco et affilié à la Caisse de Compensation des Services Sociaux, tombé malade le 24 décembre 1970, a demandé le 20 juin 1971, de bénéficier des prestations de longue maladie ; qu'à la suite d'une visite de contrôle du 29 juin, il a été déclaré guéri à compter du 23 juillet 1971, qu'à la suite d'une contestation de cette décision et d'une demande d'expertise médicale conformément à l'article 45 de l'ordonnance souveraine 4739, formées par sa lettre du 17 novembre 1971, le Docteur Revelli a été désigné comme expert ;

Que celui-ci déclarait le 9 mars 1972 que L., atteint d'arthrose lombaire à laquelle s'ajoute une sinistrose qui fait toute la gravité du cas, ne pourra jamais reprendre son travail et qu'en considération de son âge de 64 ans et de son hypertension, il convient de considérer son incapacité comme supérieure à 66 pour cent et de le mettre en retraite anticipée ;

Attendu que L. demandait le 31 mai 1972 le bénéfice des prestations prévues en cas d'invalidité ; qu'il lui était répondu le 9 juin que son âge ne lui permettait pas, en raison de l'Ordonnance Souveraine 4739 du 25 juin 1971 d'obtenir cette prestation et qu'il lui appartenait de former une demande de retraite anticipée ; que par lettre du 5 juillet 1972, il déclarait faire appel de cette décision « en vertu des prescriptions des ordonnances 92 et 4739 » ; qu'il a été avisé le 24 juillet 1972 de la confirmation du refus de pension par la commission d'appel instituée par l'article 77 de l'Ordonnance Souveraine 4739, réunie le 14 juillet 1972 ;

Attendu que suivant exploit du 16 août 1972 L. a assigné la C.C.S.S. devant le Tribunal en déclarant interjeter appel de la décision de la commission d'invalidité du 14 juillet, notifiée le 24, qui a été rendue à tort dans le cadre de l'Ordonnance Souveraine 4739, alors qu'il était tombé malade le 24 décembre 1970 sous l'empire des dispositions de l'Ordonnance Souveraine numéro 92, texte qui aurait du être seul pris en considération, en son article 27 dont il entend bénéficier ; qu'il demande donc l'attribution d'une pension égale à 30 pour cent de son salaire, son invalidité étant supérieure à 60 pour cent ;

Attendu que la C.C.S.S. soutient le 11 octobre 1972 que L. ne saurait ajouter un nouvel appel au précédent en violation de la règle du double degré de juridiction et des dispositions de l'Ordonnance Souveraine 4739, seule applicable depuis le 1er juillet 1971 et qui a abrogé l'Ordonnance Souveraine 92 qui instituait le Tribunal comme juridiction d'appel de la commission d'invalidité ; que son invalidité devait être appréciée au 21 juillet 1971, donc selon les règles de l'Ordonnance 4739 ;

Attendu que L., concluant le 11 janvier 1973, affirme que l'Ordonnance 92 doit être seule appliquée et invoque par analogie la jurisprudence suivie en matière d'accidents du travail, où la date de référence pour le calcul de la rente est toujours celle de l'accident : que les conditions d'ouverture du droit à pension d'invalidité doivent s'apprécier à la date où s'est manifestée la maladie, dans le cas actuel le 24 décembre 1970, avant la prise d'effet de l'Ordonnance Souveraine 4739 ; que ce serait donc par une application erronée des textes que la commission d'appel a été réunie selon les règles de l'Ordonnance 4739 et que le Tribunal, compétent en vertu de l'Ordonnance 92, doit annuler cette décision et reconnaître son droit personnel à pension, bien qu'il ait excédé 60 ans ;

Attendu que la C.C.S.S. réplique, le 28 février, que l'Ordonnance Souveraine 4739 a d'une part, abrogé en son article 106 toutes dispositions contraires et a laissé, à titre transitoire, subsister les effets de l'Ordonnance 92 pour les seules pensions antérieurement attribuées et liquidées ; qu'il ne saurait donc être question d'étendre au-delà de ce cas unique la législation abrogée, pour ses dispositions de fond et à plus forte raison pour celles qui concernent la procédure ;

Attendu que l'Ordonnance Souveraine 4739 du 22 juin 1971, remplaçant celle du 7 novembre 1949, portant le numéro 92, a apporté de sérieuses modifications à cette dernière, concernant notamment, pour ce qui concerne le litige actuel, la limitation du droit à pension aux salariés âgés de moins de 60 ans (article 71) et l'appel de la décision de la caisse devant une commission et non plus devant le Tribunal (articles 77 à 80) ;

Attendu que cette substitution complète d'un texte à l'autre à la date du 1er juillet 1971 (article 105) résulte clairement de l'indication d'abrogation qui figure à l'article 106 et du fait que l'article 99 institue une seule disposition transitoire, laissant subsister les pensions d'invalidité attribuées en vertu du texte antérieur ;

Qu'il résulte nécessairement de cette disposition que les invalidités en puissance ou même constatées antérieurement à l'ordonnance ne peuvent plus être soumises à la législation alors en cours, dès lors que la pension n'avait pas été attribuée et liquidée, comme c'est le cas de l'espèce ;

Que l'application obligatoire du nouveau texte, certaine quant aux conditions de fond - notamment d'âge - l'est a fortiori pour les dispositions concernant la procédure, objet de la section II : que la jurisprudence reconnaît en effet que si une loi crée une juridiction nouvelle ou en supprime une existante, la juridiction supprimée cesse de pouvoir juger quel que soit l'état de la procédure (Aix - 1er juillet 1942, Conseil d'État, 4 février 1944) et que les conditions requises pour l'exercice d'une action en justice sont déterminées par la loi en vigueur au jour où cette action est exercée (Encycl. Procédure verbo Lois et décrets, numéro 29) ;

Que sans avoir même à insister sur le fait que le recours actuel porte sur une décision déjà rendue en appel en vertu de l'Ordonnance 4739, à laquelle L. avait volontairement adhéré en ses lettres des 17 novembre 1971 et 5 juillet 1972 et dont il prétend aujourd'hui décliner l'applicabilité, non plus que sur le défaut d'analogie avec la procédure des accidents du travail, il y a lieu de le déclarer à la fois irrecevable et mal fondé en son recours intitulé « appel », de le débouter des fins de son assignation et de le condamner aux dépens ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Déclare le sieur L. irrecevable et mal fondé en son recours à l'encontre de la décision rendue en appel le 14 juillet 1972 par la commission d'invalidité instituée par les articles 77 et suivants de l'Ordonnance Souveraine 4 739 du 22 juin 1971 seule applicable aux faits de la cause ;

Le déboute des fins de son assignation et de ses conclusions :

Composition🔗

M. de Monseignat pr., Mme Margossian subst. gén., MMe Sanita et Marquet, av. déf.

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