Tribunal de première instance, 4 janvier 1973, T. ès qualités de secrétaire général du bureau du syndicat du personnel hospitalier c/ V. et autres.

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Abstract🔗

Syndicats professionnels

Assemblée générale - 1° Tenue irrégulière - Décisions prises. Nullité (oui) - 2° Confirmation des décisions prises par une précédente assemblée générale tenue irrégulièrement - Retrait d'adhésion à union syndicale - Quorum non atteint - Nullité (oui) - 3° Réunion - Défaut d'envoi de la demande au bureau syndical - Formalité non substantielle - Nullité (non)

Résumé🔗

Si l'appel de candidatures n'est pas institué comme une obligation, ces candidatures pouvant se manifester spontanément, une réunion de syndiqués ne peut constituer une assemblée générale régulière dès lors que le « Bulletin spécial élections » ne peut apparaître comme un rapport moral mais comme un organe de propagande pour le bureau sortant se présentant seul et qu'aucun rapport financier même élémentaire n'a été présenté. Ces documents devant être soumis à l'assemblée générale à peine de nullité aux termes de l'article 9 de l'Ordonnance souveraine n° 2942 du 4 décembre 1944 telle qu'elle a été modifiée, la nullité de l'ensemble des opérations doit être prononcée (1).

Doivent être également annulées les décisions prises par l'assemblée générale tenue postérieurement qui :

- d'une part, a confirmé l'élection ayant eu lieu au cours de la réunion précédente alors que ne figurent dans aucun texte une telle procédure et, moins encore, la consultation écrite qui a suivi et qui ne saurait, notamment faute d'avoir été réalisée à bulletins secrets, avoir de valeur,

- d'autre part, a voté le retrait d'adhésion à l'Union des syndicats de Monaco et notifié cette décision en méconnaissance de l'article 10 de l'Ordonnance précitée qui impose à peine de nullité la réunion des trois quarts des membres du syndicat, quorum non atteint en l'espèce (2).

Une assemblée générale est régulière, malgré le défaut d'envoi de la demande au bureau syndicat l'existence légale du bureau étant contestée et la formalité n'étant pas prévue à peine de nullité. Toutefois l'élection régulière ayant eu lieu lors de cette assemblée n'ayant plus d'efficacité en l'état des deux assemblées générales et des votes intervenus ultérieurement dont la régularité n'a pas été contestée, la demande tendant à la remise des fonds, pièces et documents détenus par l'actuel conseil syndical est mal fondée (3).


Motifs🔗

LE TRIBUNAL,

Attendu qu'en vertu de l'Ordonnance-loi 399 du 6 octobre 1944 s'est constitué le syndicat du Personnel Hospitalier et des Professions Connexes, qui a adhéré à l'Union des Syndicats de Monaco (USM) et dont le sieur E. V. a assumé très tôt la direction, maintenue de façon continue à la faveur de plusieurs élections, notamment le 7 avril 1966 ;

Attendu que dans les années suivantes il n'y a pas eu de réunions d'assemblée générale ni d'élections du bureau syndical bien que l'ordonnance-loi 399, son ordonnance d'application numéro 2942 et les statuts précisent de façon concordante qu'une assemblée générale doit être réunie au moins une fois par an et élire pour un an un conseil syndical, dans lequel est élu un bureau qui administre le syndicat et assure sa représentation ;

Attendu que sur une observation de l'U.S.M. le bureau dirigé par V. a convoqué les membres du syndicat pour le 13 avril 1970 par un Bulletin daté d'avril 1970 et intitulé « Spécial Élections » soumettant au vote pour le Conseil Syndical une seule liste de quatorze candidats proposés par le conseil sortant ; que cette liste fut élue en entier à la majorité de 210 votants sur 301 inscrits et que le Bureau a été composé le 28 avril, nommant V. secrétaire général ;

Attendu cependant qu'en une lettre du 16 juin 1970 l'U.S.M. déclarait que les conditions d'élection du Conseil Syndical étaient contestables, les opérations électorales s'étant déroulées sans appel de candidatures et sans avoir été précédées d'une assemblée générale avec un compte rendu d'activité ;

Attendu que le bureau dirigé par V. provoquait une nouvelle réunion le 8 octobre, à l'occasion de laquelle furent proposées au vote quatre questions :

1° L'approbation du compte rendu d'activité et financier ;

2° La confirmation des élections du Conseil Syndical du 13 avril ;

3° Le retrait de l'affiliation du Syndicat de l'U.S.M. ;

4° La réduction de la cotisation ;

Que ces propositions furent accueillies à diverses majorités, sur 133 votants et 202 inscrits ; qu'une confirmation écrite fut demandée aux syndiqués le 20 octobre 1970 ;

Attendu cependant qu'une pétition signée de plus de 10 % des membres du syndicat demanda, en vertu des articles 8 de l'Ordonnance souveraine 2942 et 32 des Statuts, la réunion d'une assemblée générale extraordinaire avec pour ordre du jour :

  • la présentation, par le dernier Conseil Syndical élu sans contestation, du rapport moral et financier,

  • l'élection d'un nouveau Conseil Syndical ;

Attendu que cette assemblée générale, tenue les 5 et 6 novembre 1970, désigna à la majorité de 95 votants sur 105 inscrits, une liste de candidats différents de ceux qui avaient été élus le 13 avril et parmi lesquels le sieur A. T. fut élu Secrétaire Général ;

Attendu que suivant exploit du 21 avril 1971, ledit sieur T., ès qualités de secrétaire général du syndicat, a assigné le sieur V. et 12 autres membres du Conseil Syndical élus le 13 avril 1972 pour entendre prononcer l'annulation de cette élection et celle des assemblée et consultation qui ont suivi et, faute de qualité pour eux pour agir au nom du syndicat, s'entendre condamner à remettre au nouveau bureau, régulièrement élu les 5 et 6 novembre 1970, les fonds, archives et livres comptables sous astreinte de 50 francs par jour de retard et, en raison du compte à établir depuis 1966, voir désigner un expert chargé de contrôler l'administration financière du syndicat ;

Qu'il expose, tant dans son exploit que dans ses conclusions du 9 décembre 1971, que V. et son bureau, considérant le syndicat comme leur affaire personnelle, sont demeurés pendant plusieurs années sans convoquer l'assemblée générale ni procéder à l'élection annuelle, ont méconnu pour le 13 avril les prescriptions légales en ne faisant pas appel à des candidatures, en ne présentant pas le rapport moral et financier exigé à peine de nullité et ont organisé pour le 8 octobre une assemblée qui n'étant pas plus régulière, révélait l'aveu de nullité de l'élection précédente, soumise à ratification, n'a pas obtenu le quorum de voix nécessaire pour les diverses questions soumises, et a écarté systématiquement certains syndiqués, dont lui-même qui l'a fait constater ; que la consultation écrite était également sans valeur, tandis que la réunion du 5-6 novembre a été régulièrement provoquée après pétition, même si elle n'a pas été déposée sur le bureau syndical qui n'avait pas d'existence légale ;

Attendu que V. et les autres défendeurs, concluant les 6 octobre 1971 et 23 février 1972, soutiennent la régularité des assemblées et des votes qui leur assurent une large représentativité des syndiqués, circonstance déterminante ; qu'ils font observer que les candidatures peuvent se manifester à tout moment et que nul texte n'impose leur appel ; que le bulletin de convocation valait rapport moral et que le rapport financier ne pouvait être dressé par la faute même de l'U.S.M. qui n'avait pas délivré les cartes et timbres pour les années précédentes ; que T. représentant cette U.S.M. est donc mal qualifié à faire de tels reproches ; que l'exclusion, à l'assemblée du 8 octobre, de certains syndiqués provenait du fait que ceux-ci n'étaient pas régulièrement à jour, conformément à l'article 7 de l'Ordonnance souveraine 2942 ;

Qu'ils soutiennent par contre que la réunion provoquée à la suite de pétitions, auxquelles ont d'ailleurs participé des employés non qualifiés pour le faire, est irrégulière faute d'avoir été, selon l'article 8 de l'Ordonnance souveraine 2942, adressée au bureau syndical, qu'ils concluent donc au rejet de toutes les demandes formées par T., qui ne représente pas valablement le syndicat ;

Attendu que les faits révélés et les reproches réciproques des parties font apparaître que les règles légales et statutaires ont été fréquemment méconnues, mais qu'il importe de sanctionner ces inobservations selon la gravité résultant du fait qu'elles ont été ou non prescrites à peine de nullité ;

Attendu que si l'appel de candidatures n'est pas institué comme une obligation, celles-ci pouvant se manifester spontanément, il apparaît comme évident que la réunion du 13 avril 1970 n'a pas constitué une assemblée générale régulière, bien que celle-ci soit l'essence même de représentation du syndicat (article 6 de l'O.S. 2942) ; que le « Bulletin Spécial Élection » ne peut apparaître comme un rapport moral mais comme un organe de propagande pour le bureau sortant, se présentant seul ; que rien n'a été soumis comme rapport financier, même élémentaire ; que ces deux documents devant obligatoirement être présentés à l'assemblée générale à peine de nullité (art. 9), la nullité de l'ensemble des opérations de ce jour là doit être constatée ; que le bureau sortant en a eu d'ailleurs si clairement conscience que, sur la protestation de l'U.S.M., il a réuni une nouvelle assemblée générale pour lui soumettre, entre autres questions, la confirmation de l'élection du 13 avril ;

Mais attendu qu'une telle procédure ne figure dans aucun texte, et moins encore la consultation écrite qui a suivi et qui ne saurait, faute d'avoir été réalisée à bulletins secrets et de divers chefs, avoir de valeur ;

Attendu que l'assemblée du 8 octobre a pris, au surplus, une décision importante et l'a notifiée à l'U.S.M. dans la méconnaissance la plus complète de l'addition faite par l'Ordonnance du 27 avril 1954 à l'article 10 de l'Ordonnance souveraine 2942 : le retrait d'adhésion à l'U.S.M. ;

Attendu en effet que pour un retrait d'affiliation a une fédération monégasque, ce texte impose, à peine de nullité, la réunion des trois quarts des membres du syndicat ; que si l'on considère que le nombre de syndiqués était de 289 au 9 novembre 1970, ce ne sont pas les 83 votes d'approbation réunis le 8 octobre ni le nombre déclaré de 154 votes écrits qui permettent de considérer cette décision comme valablement prise ; que sans avoir à insister longuement sur les conditions assez surprenantes dans lesquelles ont été, le 8 octobre, écartés plusieurs syndiqués, cette réunion ne peut être reconnue comme valable et les décisions prises en cette occasion ne peuvent être maintenues ;

Attendu qu'une irrégularité de forme a été commise pour la réunion, après pétition, de l'assemblée des 5 et 6 novembre : le défaut d'envoi de cette demande au bureau syndical ; que le demandeur expose qu'un tel envoi ne pouvait être fait à un bureau dont l'existence légale était l'objet même de la contestation ; que cette considération, jointe au fait que cette formalité n'est pas prescrite à peine de nullité, amène à retenir la régularité de l'assemblée extraordinaire tenue les 5 et 6 novembre et de l'élection qui est alors intervenue, mais qu'il ne saurait pourtant être fait droit aux fins de la demande ;

Attendu en effet que selon le principe de la limitation de représentation à une année, justement mis en évidence par le demandeur lui-même, l'élection de novembre 1970 ne saurait être considérée comme ayant investi T. d'un mandat encore valable à ce jour, surtout si l'on considère que deux nouvelles assemblées et élections sont intervenues depuis, les 29 avril 1971 et 2 juin 1972, sans appeler de protestations de sa part ni de quiconque et que le conseil syndical et le bureau émanés de ces élections ont continué à assurer la représentation syndicale auprès de la direction de l'Hôpital et des Pouvoirs Publics ; qu'il ne saurait donc être ordonné actuellement que ce conseil et ce bureau soient dessaisis des pièces et documents qu'ils détiennent et sur lesquels des comptes pourront leur être demandés lors de l'assemblée générale qui ne pourra manquer d'être tenue en 1973 et même en janvier selon l'article 16 des statuts ;

Attendu que les dépens doivent équitablement être partagés entre le demandeur qui succombe sur les fins de son assignation et les défendeurs responsables d'assemblées, votes et décisions déclarés nuls et sans valeur ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejetant comme inopérantes ou mal fondées toutes autres conclusions plus amples ou contraires des parties ;

Accueille en la forme le sieur T. en son action ; constate, sur sa demande, la nullité des assemblées et votes intervenus les 13 mars, 8 octobre 1970 et dans une consultation écrite improvisée ; déclare sans valeur les élections et décisions prises en ces occasions ;

Déclare toutefois que l'élection régulière des 5 et 6 novembre 1970 n'a plus d'efficacité à ce jour, en l'état des deux assemblées générales et votes, de régularité non contestée, intervenus les 29 avril 1971 et 2 juin 1972 ; rejette en conséquence la demande de T. tendant à la remise des fonds, pièces et documents détenus par l'actuel conseil syndical et à la désignation d'un expert ;

Composition🔗

MM. de Monseignat pr., François prem. subst. gén., MMe Marquilly, Lorenzl av. déf. et Blot av.

Note🔗

sur appel cf. CA 5 mars 1974 (A).

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