Tribunal criminel, 21 novembre 2016, Le Ministère Public c/ c. GR.

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Abstract🔗

Viol - Viol sur mineur par personne ayant autorité - Eléments constitutifs - Condamnation

Résumé🔗

L'accusé doit être condamné des chefs de viols et d'attentats à la pudeur sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité. Il était le mari de l'assistante maternelle à qui ont été confiées les quatre victimes, par des décisions de juges monégasques ou français. Il détenait une autorité évidente en tant que chef de famille et conjoint de l'assistante maternelle agréée. Les faits ont consisté en des relations sexuelles imposées aux victimes, telles que des pénétrations vaginales et anales ou des fellations, ou encore des caresses sur le corps, imposées par l'accusé. Il existe des circonstances atténuantes tenant à la personnalité de l'accusé mais, compte tenu de la gravité des faits qui se sont déroulés sur plusieurs années, commis sur de nombreuses victimes mineures fragilisées par leur histoire personnelle et familiale douloureuse, des circonstances de leur commission et de la personnalité de l'auteur, ce dernier est condamné à la peine de 16 ans de réclusion criminelle et à une interdiction de séjour du territoire monégasque de 10 ans.


Motifs🔗

TRIBUNAL CRIMINEL

ARRET DU 21 NOVEMBRE 2016

Dossier PG n° 2014/000100

Dossier JI n° CABII-2014/000002

  • En la cause du MINISTÈRE PUBLIC,

CONTRE :

  • c. GR., né le 13 décembre 1941 à Copertino (Italie), de a. et de v. CA., de nationalité française, retraité, demeurant X1 - 06320 La Turbie,

Actuellement détenu à la maison d'arrêt de Monaco (Mandat d'arrêt du 11 janvier 2014)

présent aux débats, assisté de Maître Christophe BALLERIO, avocat près la Cour d'appel de Monaco et de Maître Gérard BAUDOUX, avocat au barreau de Nice ;

accusé de:

  • - Attentats à la pudeur, consommés avec violence, sur des mineurs de l'un ou de l'autre sexe, au-dessous de l'âge de 15 ans accomplis et au-dessous de l'âge de 16 ans accomplis avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la classe de ceux qui ont autorité sur les victimes,

  • - Attentats à la pudeur consommés avec violence contre un individu de l'un ou de l'autre sexe avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la classe de ceux qui ont autorité sur les victimes,

  • - Viols avec cette circonstance aggravante qu'ils ont été commis sur des mineurs au-dessous de l'âge de 15 ans accomplis et au-dessous de l'âge de 16 ans accomplis ;

En présence de :

  • - s. AB., née le 17 avril 1983 à Monaco, de j. et de a. BER., de nationalité française, demeurant X2, 06300 NICE, partie civile, assistée de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire ;

  • - AN. TU., né le 28 octobre 1951 à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant « X3 », X3 à Monaco, ès-qualités de représentant légal de d. HA., mineure, née le 21 décembre 1999 à Nice, d AN. TU. et de d. HA., de nationalité monégasque, demeurant « X3 », X3 à Monaco, partie civile, assistée de Maître Philippe-Bernard FLAMANT, avocat au barreau de Nice et plaidant par ledit avocat ;

  • - e. RE., née le 15 juin 1996 à Monaco, de c. et de f. BEL., de nationalité monégasque, demeurant X4, 06130 Grasse, partie civile, assistée de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire ;

  • - p. RO., demeurant X6 à Monaco, ès-qualités d'administrateur ad hoc de f. JO. et Brigitte LU.-AL., demeurant 4 avenue Hector Otto à Monaco, administratrice judiciaire de f. JO., né le 2 février 1998 à Monaco, de s. et de n. ME., de nationalité monégasque, placé à l'établissement Z, X7 à Monaco, partie civile, assisté de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire ;

  • - a. WI., née le 2 avril 1982 à Laxou (54), de nationalité française, demeurant X5, 06500 Menton, ès-qualités de représentante légale de l. SC., mineure, née le 30 juillet 2009, de nationalité française, d'a. WI. et de d. SC., partie civile, assistée de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco et plaidant par ledit avocat-défenseur, bénéficiaire de l'assistance judiciaire ;

LE TRIBUNAL CRIMINEL, composé de Madame Virginie ZAND, Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Madame Françoise DORNIER, juges assesseurs, Monsieur Richard DAMAR, Monsieur Pierre MONDIELLI, Monsieur Damien GASTAUD, jurés titulaires ;

Vu l'arrêt de mise en accusation de la Chambre du conseil de la Cour d'appel en date du 4 février 2016, signifié le 11 février 2016 ;

Vu l'arrêt de la Cour de révision du 8 juin 2016 ;

Vu l'ordonnance de Madame le Premier Président de la Cour d'appel en date du 27 juin 2016 désignant les magistrats composant le Tribunal Criminel ;

Vu le procès-verbal d'interrogatoire de l'accusé en date du 19 septembre 2016 ;

Vu le procès-verbal de tirage au sort des jurés en date du 19 septembre 2016 ;

Vu l'ordonnance du Président du Tribunal criminel en date du 19 septembre 2016, notifiée, désignant les jurés ;

Vu l'ordonnance du Président du Tribunal criminel en date 19 septembre 2016 fixant la date d'audience ;

Vu les citations à accusé et à parties civiles et significations, suivant exploits enregistrés du ministère de Maître Patricia GRIMAUD PA., huissier de justice à Monaco, en date du 27 septembre 2016 ;

Vu les citations à témoins et significations, suivant exploits enregistrés du ministère de Maître Patricia GRIMAUD PA., huissier de justice à Monaco, en date des 27, 28 et 29 septembre 2016 ;

Vu la dénonciation des témoins à accusé, suivant exploit enregistré du ministère de Maître Patricia GRIMAUD PA., huissier de justice à Monaco, en date du 30 septembre 2016 ;

Vu les citations à témoins et dénonciations à la requête de c. GR., suivant exploits enregistrés du ministère de Maître Claire NOTARI, huissier de justice à Monaco, en date des 28 octobre 2016 et 3 novembre 2016 ;

Vu l'ordonnance du Président du Tribunal criminel en date du 11 novembre 2016 portant changement d'un assesseur du Tribunal criminel ;

Vu la prestation de serment des jurés à l'ouverture des débats le 14 novembre 2016 ;

Vu l'arrêt rendu le 14 novembre 2016 ordonnant le huis-clos ;

Vu les conclusions de Maître Gérard BAUDOUX, avocat de c. GR., déposées le 14 novembre 2016 ;

Vu l'arrêt rendu le 14 novembre 2016 sursoyant à statuer sur la demande de renvoi ;

Ouï l'accusé en ses réponses ;

Ouï aux formes de droit, serment préalablement prêté, les témoins cités ;

Ouï AN. TU., en sa qualité de représentant légal de d. HA., mineure, partie civile, en ses déclarations ;

Ouï d. HA., mineure, partie civile, en ses déclarations ;

Ouï e. RE., partie civile, en ses déclarations ;

Ouï f. JO., partie civile, en ses déclarations ;

Ouï s. AB., partie civile, en ses déclarations ;

Ouï a. WI., en sa qualité de représentante légale de l. SC., mineure, partie civile, en ses déclarations ;

Vu l'arrêt rendu le 21 novembre 2016 rejetant la demande de renvoi ;

Vu les conclusions de Maître Philippe-Bernard FLAMANT, avocat pour AN. TU. ès-qualités de représentant légal de d. HA., partie civile, déposées le 21 novembre 2016 ;

Ouï Maître Philippe-Bernard FLAMANT, avocat pour AN. TU., ès-qualités de représentant légal de d. HA., mineure, partie civile, en ses demandes et plaidoiries ;

Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur pour e. RE., partie civile, déposées le 21 novembre 2016 ;

Ouï Maître Sophie LAVAGNA, avocat-défenseur pour e. RE., partie civile, en ses demandes et plaidoiries ;

Ouï Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur pour s. AB., p. ROUANET, ès-qualités d'administrateur ad hoc de f. JO., b. LU.-AL., administratrice judiciaire de f. JO. et a. WI., représentante légale de l. SC., mineure, parties civiles, en ses demandes et plaidoiries ;

Ouï Monsieur le Procureur général adjoint en ses réquisitions ;

Ouï Maître Christophe BALLERIO, avocat au nom de l'accusé, en ses moyens de défense ;

Ouï Maître Gérard BAUDOUX, avocat au nom de l'accusé, en ses moyens de défense ;

Ouï l'accusé qui a eu la parole en dernier ;

Le Tribunal Criminel composé de Madame Virginie ZAND, Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Madame Françoise DORNIER, juges assesseurs, Monsieur Richard DAMAR, Monsieur Pierre MONDIELLI, Monsieur Damien GASTAUD, jurés titulaires, après en avoir délibéré, conformément à la loi, en la Chambre du conseil ;

Considérant qu'il ressort des débats à l'audience, et de l'instruction les faits suivants :

Le 11 novembre 2013, le Docteur M. ST., pédopsychiatre auprès de l'établissement public de droit monégasque Y, signalait au Procureur général une suspicion d'abus sexuels commis sur la mineure d. HA. par c. GR. au sein de son ancienne famille d'accueil.

c. GR. et son épouse, j. SC., demeuraient alors au X1 à La Turbie et cette dernière bénéficiait seule depuis le 3 mai 1986 d'un agrément en qualité « d'assistante familiale » délivré par le Conseil Général des Alpes-Maritimes pour une capacité d'accueil de trois enfants, le dernier agrément délivré le 6 juin 2009 étant valable jusqu'au 6 juin 2014.

Les autorités monégasques plaçaient également des mineurs au sein de cette famille, sans qu'une procédure d'agrément spécifique à la Principauté soit mise en oeuvre en l'état de l'agrément déjà donné par les autorités françaises.

L'enquête diligentée en suite de ce premier signalement permettait de révéler la probable commission par c. GR. d'abus sexuels sur cinq mineurs accueillis à son domicile durant plusieurs années en exécution de décisions prises par le juge tutélaire monégasque ou les autorités françaises, en l'occurrence :

  • I) d. HA., née le 21 décembre 1999 à Nice, de nationalité monégasque,

  • II) e. RE., née le 15 juin 1996 à Monaco, de nationalité monégasque,

  • III) f. JO., né le 2 février 1998 à Monaco, de nationalité monégasque,

  • IV) s. AB., née le 17 avril 1983 à Monaco, de nationalité française,

  • V) l. SC., née le 30 juillet 2009 à Monaco, de nationalité française.

Les 11 janvier 2014, 9 mai 2014 et 20 mars 2015, des réquisitions aux fins d'informer étaient prises à l'encontre de c. GR. des chefs :

  • - d'attentats à la pudeur, consommés avec violence, sur des mineurs de l'un ou de l'autre sexe, au-dessous de l'âge de 15 ans accomplis et au-dessous de l'âge de 16 ans accomplis, avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la catégorie de celles ayant autorité sur les victimes ;

  • - d'attentats à la pudeur consommés avec violence contre un individu de l'un ou de l'autre sexe avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la catégorie de celles ayant autorité sur les victimes ;

  • - de viols avec cette circonstance aggravante qu'ils ont été commis sur des mineurs au-dessous de l'âge de 15 ans accomplis et au-dessous de l'âge de 16 ans accomplis ;

c. GR. était inculpé de ces différents chefs.

Les investigations et auditions réalisées dans le cadre de la procédure d'information permettaient de constater les faits suivants :

  • I) Sur les faits reprochés à c. GR. commis sur d. HA. :

d. HA. faisant l'objet d'une prise en charge par les services de la DASS à compter de l'année 2000, était placée dans la famille « GR. » sur ordonnance du juge tutélaire en date du 30 avril 2004 pour une période comprise entre le 1er septembre 2004 et le 26 juillet 2006.

Depuis la naissance de d., sa mère, d. HA., consommatrice de stupéfiants rencontrait des difficultés éducatives mais la lignée maternelle se montrait néanmoins très présente avant qu AN. TU., ne reconnaisse l'enfant et n'assume finalement le rôle de père.

Dans le cadre du signalement du 11 novembre 2013, le Docteur M. ST. déclarait que d. HA., alors âgée de 13 ans, avait été hospitalisée dans le service de pédiatrie de l'hôpital du 12 août 2013 au 13 août 2013 à la suite de crises d'angoisse. Ce praticien expliquait avoir vu la mineure en consultation le 11 septembre 2013 tout en précisant que d. s'était ensuite rendue aux urgences pédiatriques le 4 novembre 2013 pour de nouvelles crises d'angoisse associées à un mal être croissant.

Le médecin relatait les confidences alors reçues de d. HA. le 11 septembre 2013. Elle lui expliquait qu'en 2008 alors qu'elle était âgée de 8 ans elle était retournée passer une nuit dans son ancienne famille d'accueil au cours de laquelle elle avait subi des attouchements sexuels de la part du mari de l'assistante maternelle.

Dans son audition du 21 novembre 2013, le Docteur M. ST. détaillait plus précisément les confidences alors reçues de d. HA. au sujet de cet évènement survenu en 2008 ou 2009 alors qu'elle était en classe de 8° ou 9° et qu'elle passait la nuit chez la famille GR. en accord avec ses parents.

Le docteur ST. ajoutait que d. n'avait informé personne de cette situation car elle en avait honte mais elle manifestait désormais le désir de pouvoir en parler avec lui à ses parents. Ce médecin évoquait les signes cliniques d'un événement traumatique ayant encore des conséquences psychologiques sur la vie affective de d. et il qualifiait d'authentique le contenu émotionnel du récit de l'agression.

Entendue, d. HA. relatait de manière circonstanciée l'agression dénoncée ; elle expliquait qu'en 2008 ou 2009, alors qu'elle sortait de l'école primaire, elle y avait rencontré c. GR. venu chercher f. JO. placé auprès de son épouse et scolarisé dans la même école. Ce dernier lui avait proposé de venir passer une soirée à son domicile pour revoir notamment les autres enfants. AN. TU., son père, ayant accepté, il l'emmenait quelques jours plus tard chez la famille « GR. » à leur domicile de La Turbie. d. HA. y retrouvait une camarade également placée, e. RE..

d. HA. déclarait que durant la nuit, elle avait quitté la chambre qu'elle partageait avec e. à l'étage de la maison pour se rendre aux toilettes à l'étage inférieur. Elle croisait alors c. GR. qui l'attrapait par le poignet et l'emmenait dans sa chambre. Sa femme dormait et elle n'osait pas la réveiller. Ce dernier lui demandait si les autres enfants dormaient. Il lui demandait ensuite d'enlever sa robe de chambre et de ne pas réveiller « Mamie ». Alors qu'elle refusait, c. GR. lui enlevait lui-même sa robe de chambre et commençait à lui toucher la taille et la poitrine. Il essayait ensuite de l'embrasser sur la bouche mais elle parvenait à détourner la tête. Finalement il l'embrassait dans le cou et sur la poitrine et lui touchait le bassin, les cuisses à l'intérieur et l'extérieur, le ventre et la poitrine tout en l'embrassant. d. précisait qu'elle avait alors pleuré et gémi, lui demandant d'arrêter et essayant de repousser ses mains, tandis que c. GR. se contentait de lui enjoindre de ne pas faire de bruit. d. HA. ajoutait qu'elle était alors allongée sur le lit à côté de j. GR., qui lui semblait endormie, immobile et les yeux clos. c. GR. se tenant juste à côté du lit se levait alors et baissait son caleçon. d. le suppliait d'arrêter et de la laisser partir mais il la maintenait de force par le bras et l'emmenait vers la porte de la chambre. Debout devant elle, il la forçait à s'agenouiller, s'approchait d'elle et, le sexe en érection, lui disait : « ouvre la bouche ». La tenant par le poignet, il essayait de lui faire toucher son sexe avec sa main en vain. Après s'être débattue, elle parvenait enfin à prendre la fuite.

Ayant trouvé refuge dans la chambre, elle se confiait alors à e. RE. avec qui elle n'avait plus de contacts depuis plusieurs années et celle-ci lui répondait « t'en fait pas, ça va passer il est bourré. ». Le lendemain, c. GR. lui ordonnait de garder le silence.

d. HA. maintenait ses déclarations devant le magistrat instructeur en des termes identiques mais encore plus précis quant à l'agression proprement dite :

« Il m'a attrapé par le bras et m'a emmenée dans sa chambre. Je pense qu'il m'a demandé si e. dormait. II m'a remonté la chemise de nuit jusqu'aux épaules. J'étais en culotte et il a embrassé ma poitrine. II m'a demandé si ça me chatouillait. Il s'est remis debout et il a baissé son pantalon et son caleçon et il m'a demandé de lui faire une fellation. Je ne me souviens plus exactement comment il était habillé. Il était face à moi et il me tenait par le bras. Son sexe était en érection. J'ai refusé et je me suis débattue en baissant ma chemise de nuit. II m'a lâchée et je suis repartie dans ma chambre. J'étais en pleurs et j'ai claqué la porte de la chambre dans laquelle je dormais avec e.. II me semble qu'e. était réveillée. Elle m'a demandé pourquoi je pleurais et ce qui n'allait pas. Je me souviens qu'elle avait du mal à me comprendre tellement je pleurais. Quand elle a compris ce qui c'était passé elle m'a dit «il est encore bourré ! T'en fais pas ça va passer.» A partir de là, j'ai fait mon maximum pour oublier. »

d. HA. déclarait avoir à l'époque relaté ces faits à des amis de classe : c. MO., h. MI. et a. TR. et s'être plus récemment confiée à un ami, j. AR. qui la mettait en relation avec sa propre mère pour l'aider en suscitant la mise en place d'un suivi psychologique.

Entendue, c. MO. confirmait que vers l'année 2010, d. HA. lui avait rapporté qu'un homme avait essayé de la déshabiller dans une chambre et qu'elle avait réussi à s'enfuir. Elle précisait alors simplement qu'il s'agissait du père de quelqu'un qu'elle connaissait.

h. MI. et a. TR. indiquaient ne pas se souvenir avoir reçu de confidences de d. HA. mais précisaient qu'elle n'avait pas tendance à mentir. a. TR. évoquait en revanche le changement de comportement de d. HA. devenue plus renfermée et s'isolant après son passage en classe de 6°.

j. AR. déclarait quant à lui être devenu l'ami de d. HA. et de sa mère via les réseaux sociaux et précisait les avoir rencontrées à plusieurs reprises. d. HA. évoquait des envies suicidaires et lui confiait vers le début de l'année 2014 les faits dénoncés sans plus de précisions. Elle exprimait une très grande peur envers « l'homme qui lui avait fait subir cela ». La mère de ce jeune garçon, a. c. TE., déclarait avoir ressenti chez d. HA. un mal être pouvant conduire à une attitude suicidaire. d. lui ayant à deux reprises confié avoir été abusée la nuit par un homme de la famille d'accueil où elle avait été placée, elle l'avait encouragée à en parler à sa propre mère ou à des professionnels, ce que d. redoutait alors de faire. Elle estimait que ces confidences lui avaient été faites au cours du printemps 2013, soit peu de temps avant les révélations de la jeune fille aux urgences pédiatriques de Monaco, ayant conduit au signalement initial.

v. HU., psychologue, expert judiciaire, assistait à l'audition filmée de d. HA. à la Direction de la Sûreté Publique. Elle indiquait :

« II était ainsi constaté une difficulté à verbaliser les faits signalés, la composante émotionnelle importante témoignant du caractère traumatique des souvenirs sollicités et de l'effort de mémoire fourni, la mineure exprimant à plusieurs reprises avoir cherché à oublier les faits : « Je ne sais pas j'essaye d'oublier ».

Dans le cadre de l'expertise psychologique proprement dite, d. HA. exprimait de façon non équivoque un lien entre son comportement dépressif et les faits, dans ces termes :

« Jusqu'à ce que j'en parle à ma psy, Madame ST. et la psy vue à l'hôpital, je me foutais complètement de ma vie, j'avais des amis, mais c'était superficiel, je me suis fait un ami à qui j'en ai parlé en premier. Sa mère était psychiatre, et elle m'a dirigé vers l'hôpital à Monaco. J'étais au-dessus des idées noires, vraiment suicidaire. Déprimée, triste, j'avais envie de parler à personne et pas envie de penser à ça. Tristesse, dépression, je me sentais pas bien, ni faim, ni soif ».

Elle faisait part de très forts sentiments de honte et de dégoût : « Sur le moment j'avais eu honte, même après l'année dernière je me sentais honteuse. Je me sentais surtout salie. À un moment je prenais je sais plus combien de douche par jour ? ».

L'expert concluait : « L'examen a mis en évidence, tant des dires que l'expression de troubles anxieux selon une modalité post-traumatique pouvant être évocateurs d'abus sexuel, et dont les caractéristiques ont été retrouvées. » Il mettait en évidence « une incidence des faits sur la personne et la personnalité, qui au moment des . faits était vulnérable et influençable du fait de son âge et du lien avec le mis en cause. Sous l'angle psychologique et psychopathologique, il a été constaté des répercussions à de multiples niveaux : comportemental, identitaire, thymique, confiance et estime de soi, sexualité, affects et gestion des émotions. Au niveau psychique, il a été constaté, au jour de l'examen, la mise en place de modalités défensives de type obsessionnel pouvant continuer à évoluer (...) la sexualité est mise à distance ce qui témoigne d'une approche traumatique.»

e. RE. était entendue comme témoin. Elle déclarait connaître d. placée dans la famille « GR. » de 2004 à 2006 tout en précisant ne plus avoir vu d. depuis l'année 2008, car elle s'était alors installée sur Grasse et qu'elle n'avait pas son numéro de téléphone. Elle corroborait ainsi ses déclarations.

e. RE. expliquait que d. HA. avait, probablement au cours de l'été 2008, passé une nuit au domicile des « GR. ». Elle relatait dans ces termes la soirée où celle-ci avait été sexuellement agressée par l'inculpé :

« Pour en revenir au soir où d. est passée chez les GR., je me souviens que ce soir-là on a dormi ensemble dans ma chambre. A un moment, elle s'est levée pour aller aux toilettes qui se trouvaient à l'étage d'en dessous à côté de la chambre des GR.. À mon souvenir M. et Mme GR. étaient tous les deux présents ce soir-là. d. est partie aux toilettes. J'ai trouvé bizarre car ça durait vraiment beaucoup de temps donc je suis descendue également en bas pour voir. II faisait sombre. J'ai vu M. GR. essayer de forcer d. à faire des actes sexuels. » (...)

« C'était dans le noir. M. GR. se trouvait devant les toilettes avec elle et moi j'arrivais des escaliers dans le couloir. Je suis complètement descendue des escaliers. Au début j'ai entendue d. qui lui demandait d'arrêter. Les escaliers sont à environ 7 mètres des toilettes.

Je pense que les toilettes étaient allumées. Ce que je sais en revanche c'est qu'il y avait assez de luminosité en effet c'était l'été. II devait être environ 22h00. M GR. essayait de forcer d. à lui faire une fellation. II me semble que j'ai vu d. accroupi devant lui. II la tenait par les cheveux ou quelque chose comme ça. Il l'empêchait de bouger. Ensuite j'ai eu peur et je suis partie dans ma chambre. J'ai attendu que d. remonte. Elle est remontée environ un quart d'heures vingt minutes, cela m'a paru long peut-être à cause de l'angoisse. d. est arrivée en pleurs et elle m'a dit que M. GR. l'avait forcée. Elle n'a pas voulu me dire exactement quoi. Mais comme j'avais vu de quoi il s'agissait je l'ai un peu forcée. Mais elle n'a pas vraiment réussi à mettre des mots sur ce que M. GR. l'avait forcée à faire. Elle m'a expliqué quelque chose et j'ai compris que je n'avais pas rêvé.

Je n'ai pas idée de savoir s'il est parvenu à la forcer à faire une fellation. Elle m'a dit qu'il l'avait forcé à faire quelque chose. Moi je l'ai vu essayer. II s'est passé un long délai avant qu'elle ne monte. d. était très perturbée et était en pleurs, en panique. Elle ne comprenait pas pourquoi cela lui arrivait. (...)(sic) »

Elle ajoutait en fin d'audition : « Pour en revenir à d. je suis formelle sur ma déclaration, il s'agit bien de ce que j'ai vu et non d'un moyen que j'avais choisi pour dire les choses sans m'impliquer. Je l'ai vu tenter de contraindre d. à procéder à une fellation. J'ignore s'il y est parvenu. J'ai préféré quitter les lieux par peur quand j'ai vu la scène. Je n'ai jamais rien constaté d'anormal avec qui que ce soit d'autre. Aucun autre enfant n'a porté d'éléments similaires à ma connaissance ».

Durant le cours de la procédure d'information, e. RE. maintenait devant le juge d'instruction avoir assisté à l'agression subie par d. HA. et ne plus avoir été en contact avec elle depuis des années ; elle s'en expliquait notamment en ces termes :

« Je me suis inquiétée de ne pas la voir revenir et je suis descendue pour voir ce qu'elle faisait. Alors que j'étais dans les escaliers, j'ai entendue d. se plaindre. Quand je me suis approchée, je l'ai entendue dire non, qu'elle ne voulait pas. Ce n'était pas très fort, ce n'était pas des cris, elle pleurait plutôt. Je me suis retrouvée finalement avec pour vision exactement celle du cliché n° 10 de la cote D57 que vous me présentez. En face c'est la porte de la salle de bains, à droite celle de la chambre de M. GR. et de sa femme et à gauche, la porte des toilettes. (...) J'ai vu M. GR. debout. II me semble qu'il avait son pantalon et son caleçon en partie basse. En face de lui, il y avait d. à genoux, maintenue par les cheveux par M. GR.. Je ne sais plus s'il était en train d'essayer de la . forcer à lui faire une fellation ou si elle lui faisait déjà, car en voyant cela je suis vite partie et je suis remontée dans ma chambre. Un moment plus tard d. est remontée. Elle était sous le choc. Je lui ai demandé ce qui se passait et elle m'a répondu qu'il avait essayé de la forcer à lui faire des « trucs ». Elle ne devait pas savoir à l'époque ce qu'était une fellation. J'ai essayé de la rassurer en lui disant qu'il était ivre. Je l'ai prise avec moi dans le lit en essayant de lui faire penser à autre chose. A partir de là, ça redevient flou et je ne sais pas exactement ce que l'on s'est dit. A partir de là, d. et moi n'avons plus jamais reparlé de ce qui s'était passé ce soir-là. ».

Dès le début de sa garde à vue, c. GR. déclarait avoir eu des relations sexuelles extraconjugales « comme tout le monde » notamment lorsqu'il était éloigné du domicile dans le cadre de son activité professionnelle. À la première évocation du placement de d. HA., il répondait de façon surprenante aux questions de l'enquêteur en exprimant des souvenirs précis et spontanés de la soirée où il avait agressé d. HA. :

QUESTION : « avez-vous déjà eu des problèmes avec d. ?

RÉPONSE : Non, il lui arrivait de descendre la nuit aux WC. Je lui demandais pourquoi elle descendait.

QUESTION : Pourquoi dites-vous cela ? Le fait de descendre aux WC était-il un problème ?

RÉPONSE : Non.

QUESTION : Vous rappelez vous l'avoir vu et lui avoir parlé alors qu'elle descendait aux WC la nuit ?

RÉPONSE : Je viens de vous le dire. Un jour ou elle était venue chez nous alors qu'elle n'était plus placée, je me souviens l'avoir vu sortir des toilettes et qu'elle s'apprêtait à remonter dans la chambre. En fait, je me trouvais sur le canapé en train de regarder la télé avec ma femme dans la soirée. J'ai entendu un bruit et je me suis retourné. J'ai vu que d. sortait des toilettes. Je me suis alors levé et suis allé vers elle. Je lui ai demandé ce qu'elle faisait là. Elle m'a dit, j'ai fait pipi. Je lui ai alors dit de remonter dans sa chambre, ce qu'elle a fait. Pour ma part, je suis retourné dans la salle à manger. J'y ai rejoint ma femme sur le canapé. (sic)»

c. GR. confirmait que d. HA. avait déjà partagé la chambre d'e. RE. alors que son placement avait pris fin. Il réfutait et répondait de façon vindicative et provocante aux questions de l'enquêteur :

QUESTION : « D'après elle, vous l'auriez ensuite allongée sur le lit, l'auriez caressé sur l'ensemble du corps et l'auriez embrassé sur l'ensemble du corps. Qu'en pensez-vous ?

RÉPONSE : C'est tout ce que j'aurais fait ? Je ne comprends pas pourquoi elle a attendu si longtemps pour dire tout ça.

Avec un sourire il ajoutait :

« II n'y a pas eu la pénétration non aussi ? Elle aurait pu vous le dire ça aussi.

QUESTION Qu'entendez-vous par là ?

RÉPONSE : ça m'est sorti comme ça en bonne foi, sans arrière-pensée. »

Il précisait encore :

« Où sont les témoins ? il y avait personne. II ne pouvait y avoir que ma femme puisqu'elle dormait. Tout cela est incohérent. (...) « e. était en train de dormir dans sa chambre à l'étage. Tout cela est faux. Elles ont qu'à venir me voir toutes les deux et on s'explique devant le juge. Si elles ont raison, tant mieux pour eux, sinon tant pis pour moi. »

c. GR. reprochait essentiellement aux jeunes filles de ne pas avoir évoqué ces faits plus tôt. « J'aurais pu me souvenir des choses. », « J'aurais pu me souvenir peut-être si j'avais bu un coup. » Enfin, à la fin de sa première audition, il déclarait : « Je ne signerais pas ma déclaration car je veux d'abord que le juge me dise si je suis coupable ou non. Je prendrais alors un avocat. ».

Lors de sa seconde audition en garde à vue, il déclarait encore : « À la question de savoir si j'avais eu un problème avec d. HA., je vous confirme que la seule chose qui me vient à l'esprit est cette soirée où elle est descendue aux toilettes dans la nuit. En effet, j'avais peur qu'elle se fasse mal dans les escaliers. II s'agissait bien d'un soir où elle était venue passer la nuit à la maison après la période durant laquelle elle avait été placée chez nous. » Puis, il ajoutait spontanément et soudainement : « On verra bien, vous pouvez écouter tout le monde. Le juge décidera de ce que j'ai fait. Si il décide que je vais en prison, je peux rien y faire. Je préférerais rester libre. C'est le juge qui gère la séance. Je n'ai pas violé tout le monde quand même. ».

Devant le magistrat instructeur, c. GR. maintenait ses dénégations.

c. GR. et d. HA. étaient par la suite confrontés devant le juge d'instruction. c. GR. réfutait de nouveau les accusations portées contre lui. d. HA. expliquait pour sa part ne pas se souvenir de tous les détails de la scène. En larmes, elle ajoutait qu'elle avait 8 ans au moment des faits, qu'elle avait été surprise dans l'obscurité par ce dernier et qu'elle avait tout fait pour oublier. Elle maintenait toutefois qu'il avait embrassé sa poitrine nue après avoir soulevé sa chemise de nuit en lui demandant « si ça chatouillait » puis l'avoir contrainte à s'agenouiller par le bras pour qu'elle lui fasse une fellation.

j. GR., entendue, déclarait quant à elle : « Je ne dors pas beaucoup la nuit. Je suis une couche tard et je me lève tôt. Je me couche vers minuit une heure, je regarde la télé et travaille. Je me lève vers 06h30 quand j'ai les enfants. Dans la période où je dors, je dors. Je ne sais pas si j'ai un sommeil léger ou non. Je ronfle il parait. » Toutefois, en entendant la relation des faits, elle considérait qu'il était impossible qu'elle ne se soit pas réveillée au moment de leur commission. Au niveau des pratiques sexuelles, elle précisait que son mari aimait les fellations. Elle confirmait que d. HA. était venue dormir à leur domicile alors qu'elle n'était plus placée et qu'elle avait partagé la chambre avec e. RE..

  • II) Sur les faits reprochés à c. GR. commis sur e. RE. :

e. RE., née le 15 juin 1996 à Monaco, de c. et de f. BEL. était placée du 1er septembre 1998 au 8 août 2008 dans la famille « GR. ». Durant 10 ans, elle y séjournait ainsi à plein temps excepté durant les fins de semaines et les vacances scolaires. Son placement était fondé sur certaines carences éducatives et matérielles dans un contexte complexe et sensible de séparation des parents.

Alors qu'e. RE. s'expliquait facilement dans le cadre de l'enquête quant à l'agression commise sur d. HA., elle manifestait une réticence gênée lorsqu'il lui était demandé si c. GR. avait également pu l'abuser sexuellement, paraissant ne pas vouloir répondre et se mettant à pleurer.

Peu à peu, après un certain temps, elle parvenait enfin à s'expliquer et indiquait ainsi avoir été violée à plusieurs reprises par c. GR.. Elle déclarait l'avoir été pour la première fois alors qu'elle avait entre 4 et 6 ans, puis à de multiples reprises, le dernier viol étant selon elle vraisemblablement intervenu quand elle avait 8 ans et affirmait enfin avoir quitté la famille « GR. » à l'âge de 12 ans.

Elle se souvenait avoir été victime de pénétrations vaginales et de fellations dans ces termes :

« Pendant une période de 4 à 6 ans j'ai été violée trois fois clairement. Il y a certaine fois où je ne sais plus si je ne me mélange pas les souvenirs. Cela se passait quand Mme GR. était absente de la maison, cela n'est plus arrivée après cette période c'est sûrement pour cela que ça s'est arrêtée. De ce que je me souviens il avait bu. Je pense qu'il avait bu mais je ne m'en souviens pas. À l'époque je ne savais pas ce que ça voulait dire d'être bourré.

Cela se passait dans la maison des GR. dans leur chambre à coucher. La . fois où je me souviens clairement qu'il a voulu me forcer à faire une fellation c'était dans la salle de bain. Il n'y a qu'une salle de bain derrière les toilettes au même étage que la chambre c'est-à-dire au rez-de-chaussée. En fait, il y a trois salles de bains mais je ne suis jamais allée dans les autres.

Les trois fois où je me souviens clairement avoir été violée j'étais en train de regarder la télé dans la salle à manger il venait m'attraper me soulevait sur son dos. J'essayais de m'attraper au canapé ou à tout ce que je pouvais. Je ne me souviens plus de ce qu'il me disait. Je sais qu'il me disait quelque chose.

Une fois je lui ai dit que je n'avais pas l'âge de faire ça, à 4 ans. C'est la seule chose que je me souviens qu'on ait pu avoir comme échange.

Dans la chambre il me viole. Après je me souviens pas de ce qui se passait quand s'était terminé. Je veux dire comment je revenais à la normal. »

Elle estimait avoir été pénétrée vaginalement en précisant : « il essayait car j'avais 4 ans. » « Je ne me souviens pas s'il parvenait à rentrer. Je me souviens que j'avais mal. Je ne me souviens pas si c'est parce qu'il était dedans ou si c'est parce qu'il y allait trop fort. Je ne sais pas quand ça s'arrêtait. Je n'ai pas de notion de la durée. Je crois qu'il m'embrassait partout en même temps ».

e. RE. ne se rappelait pas si c. GR. avait éjaculé lors de ces pénétrations vaginales mais pensait se souvenir d'éjaculations lors des fellations. Elle se rappelait qu'il s'était un jour rendu dans sa chambre, s'était emparé d'un pistolet caché dans le 3ème tiroir d'un meuble puis était revenu vers elle et avait pointé l'arme sur sa tempe pour la faire taire. Les menaces, fréquentes, étaient en général verbales. Conformément aux indications d'e. RE., la perquisition effectuée au domicile de c. GR. permettait la saisie à son domicile d'un revolver de marque W de couleur noire avec une crosse marron ainsi que de 68 plombs de calibre 6 mm à salve de marque V.

e. RE. se souvenait encore avoir été tirée par les cheveux vers le garage, puis contrainte à s'agenouiller pour effectuer une fellation alors qu'elle avait entre 8 et 10 ans. Elle expliquait n'avoir jamais dénoncé les faits à Mme GR. de crainte qu'elle ne la croit pas et par peur de c. GR.. Elle maintenait également que ce dernier avait connu une période au cours de laquelle il buvait de manière inhabituelle du vin rouge avant de réduire ensuite sa consommation.

Elle affirmait être certaine d'avoir été victime de trois viols commis dans la chambre conjugale et avoir été également contrainte alors qu'elle avait entre 4 et 6 ans à lui pratiquer une fellation dans la salle de bain voisine de cette pièce.

Enfin, elle maintenait avoir été témoin de la scène au cours de laquelle d. HA. avait été agressée près des toilettes même si elle ne l'avait pas évoqué dans les SMS échangés avec c. VE..

e. RE., de nouveau entendue devant le juge d'instruction, confirmait totalement la description de chacune de ses agressions en précisant que Mme GR. était soit absente soit au poulailler lorsqu'elle en était victime. Elle décrivait encore dans ces termes une scène qui se serait produite dans le garage :

« II y a eu une autre fois aussi où je devais avoir 8/9 ans. Ça se passait dans le garage qui était ouvert. Nous étions tous les 2 et il a essayé de me faire mettre à genoux. Je me suis débattue, il me tenait par les cheveux. Quand je me suis libérée, je suis partie et il m'a alors dit que je ne devais pas en parler. Il aimait bien faire le signe du pouce passant sur la gorge comme pour dire qu'il allait me tuer. Ce sont ces fois la dont je me souviens le plus précisément.»

S'agissant de ses relations et interactions avec ses amies, postérieurement aux faits, e. RE. confirmait ne pas avoir eu de contact avec d. HA. après la période durant laquelle elle était placée en famille d'accueil. L'analyse des téléphones portables de d. HA. et d'e. RE. établissait qu'effectivement les deux jeunes filles n'avaient échangé aucun appel téléphonique.

e. RE. déclarait qu'elle s'était confiée à plusieurs amis :

  • - p. AN., son ex-copain domicilié à Lunéville, il y a environ un an et demi par le réseau S.

  • - m. PR., son ami actuel, domicilié à Paris, en août 2014, de vive voix.

  • - un dénommé, a/d. domicilié à Paris, la veille de sa convocation à la Direction de la Sûreté Publique, par SMS ou sur le réseau S.

e. RE. déclarait s'être également confiée à c. VE., scolarisée au Lycée U à Grasse. Cette jeune fille confirmait avoir reçu les confidences de son amie préalablement à son audition par les services de police. Elle estimait qu'il s'agissait d'une jeune fille plutôt mature qui n'était pas du genre « à raconter n'importe quoi » et précisait qu'e. avait évoqué une seule fois les faits en sa présence le 2 janvier 2014, en expliquant qu'elle devait se rendre à la police pour témoigner de la situation vécue par une jeune fille placée en famille d'accueil. Une telle discussion avait eu lieu dans la soirée à partir de 22h12 par SMS.

Les extraits les plus marquants des échanges retranscrits par les services de la Sûreté publique sont reproduits ci-après :

« Bon alors, tu sais que j'ai été dans une famille d'accueil pendant x années. Y avait donc la femme de la famille d'accueil, moi et au bout de deux ans et pour le reste du temps un handicapé, mais quand J'avais 9/10 ans, y a une autre fille qui est arrivée »

Et je sais qu'ils vont me demander s'il m'a, fait quelque chose. Et Je sais pas quoi faire ».

  • - Et bref, en gros le mari c'était un pédophile, et il a fait des choses à moi mais aussi à cette autre fille qui porte plainte aujourd'hui »

  • - Personne est au courant pour moi à part p., Mick et maintenant toi et a/d.

Même pas mes parents »

  • - Et genre. La demain Je vais témoigner parce que le soir ou ça lui est arrivé elle dormait dans ma chambre et elle était descendue aux toilettes et en remontant elle me l'avait dit, ce qu'il c'était passé. En parler ça lui ferait plonger dans le trou directement parce que il m'a fait bien des choses durant ces années mais ça serait aussi péter la stabilité psychologique et familiale que J'ai actuellement »

  • (...)

  • - Psychologique Je m'en bats, mais ma famille je veux pas que leur comportement change, qu'ils m'en veulent d'avoir rien dit et d'avoir nier avoir subi ca quand il me l'ont demander... J'suis un peu perdue pour le cou.»

  • - « II est libre et c'est la première à porter plainte c'est dur d'en parler. J'avais 4/5/6 ans et Je suis arrivée chez mon père a 12 ans, entre temps il m'avait menacé de mort si J'en parlais. J'ai Jamais pu en parler à mes parents c'comme ça, pour moi c'était du passé »

  • - « II m'a violé, plusieurs fois, forcé à lui faire certaines choses etc.. C'est des choses que j'ai réussi à enfouir profondément, comme un souvenir dont on se souvient a peine et que je vois à la troisième personne.

Mais je peux pas l'oublier complètement je suppose que je pourrais jamais malheureusement je crois pas avoir la force d'en parler demain»

  • - « J'suis tellement nulle »

  • - « J'ai été forte toute ma vie à supporter ça, et maintenant que je devrais me servir de cette force pour me venger, j'y arrive pas ».

  • - « On m'offre ma vengeance sur un plateau d'argent et au lieu de la saisir je fais que l'effleurer »

  • - « À 14h45 demain... Mais je peux pas. Ceci, j'ai vraiment trop peur de comment va réagir mon père et mes frères, ils seraient capable d'aller le buter »

  • - « Non mais j'vais juste à la sureté d'état, pas au procès, ils récoltent un premier témoignage et ils vont me demander si ça m'est arrivé, si je dis oui je devrais lancer un procès etc... Je veux pas revivre ça, devoir y repenser sans cesse ».

  • - « Je le sais mais comme viens de me dire d., j'ai toujours gérer ça en le gardant enfoui, rien que la me dire que je vais devoir en parler pour une autre, j'ai déjà fait une crise de nerf, j'pleure depuis 20 minutes, ça me détruirais d'en parler et de le ressasser au procès, de le revoir... »

c. VE. ajoutait qu'à sa connaissance, e. RE. n'avait pas de contact avec d. HA..

f. JO., né en 1998 et placé du mois de septembre 2000 au mois de janvier 2014 chez le couple GR., était également entendu en présence d'un éducateur spécialisé et d'une psychologue compte tenu du retard mental dont il souffre ; il déclarait avoir aussi reçu les confidences d'e. RE.. Celle-ci lui avait indiqué avoir été violée par c. GR.. f. JO. déclarait en outre avoir été témoin à plusieurs reprises des viols subis par e. RE. dans la chambre à coucher du couple GR.. Alerté par les bruits provenant de la chambre à coucher du couple, il indiquait avoir surpris c. GR. en regardant à travers la serrure de la porte et déclarait aux enquêteurs que ce dernier pénétrait alors vaginalement e. qui se débattait et il la sodomisait tout en la giflant pour la faire taire. Il expliquait avoir été témoin de ces agressions à plusieurs reprises, en particulier lors des absences de j. GR.. Il précisait également avoir vu ce dernier imposer des fellations à e. RE..

f. BEL., la mère d'e. RE., était également entendue dans la mesure où sa fille avait déclaré que c. GR. lui avait fait des avances sexuelles. Elle expliquait qu'un mercredi alors qu'elle était venue chercher sa fille au domicile de la famille GR., c. GR. avait proposé de les raccompagner en voiture en raison du brouillard. Sur la route alors qu'elle était assise à l'avant et qu'il conduisait, il lui avait demandé de le masturber en lui disant que ça ne craignait rien pour e. qui se trouvait à l'arrière. f. BEL. précisait avoir accepté de le faire mais qu'elle ne l'avait pas masturbé jusqu'à l'éjaculation. Elle ajoutait enfin qu'à plusieurs reprises il avait proposé de la raccompagner de nouveau en voiture ce qu'elle refusait. c. GR., entendu sur ces faits, contestait la véracité de telles déclarations.

v. HU., psychologue, ayant assisté à l'audition enregistrée d'e. RE. déposait un rapport aux termes duquel elle validait dans ces termes les propos de cette jeune fille :

« Les faits, verbalisés par la plaignante elle-même, de mémoire, sont identifiés comme vécus.

La lecture du procès-verbal en date du 3 janvier témoigne de l'expression d'émotions caractéristiques d'un vécu traumatique.

Le récit s'inscrit dans un enchâssement contextuel avec description des interactions entre les protagonistes, avec un rappel de propos cites tels qu'ils ont été maintenus en mémoire.

  • - L'implication émotionnelle, l'effort de mémorisation, la réflexion peuvent témoigner du récit d'évènements apparaissant vécus dans un passé lointain.

  • - Des doutes formulés par rapport à la déclaration, viennent renforcer la validité du récit : La jeune fille assume le fait de ne pas se rappeler, ne pas savoir ou avoir des doutes.

  • - II est constaté une concordance entre l'état émotionnel, le comportement physique et la verbalisation».

Dans le cadre de l'expertise réalisée ensuite par cet expert, e. RE. maintenait avoir subi des pénétrations buccales et vaginales imposées par l'inculpé alors qu'elle n'avait que 4 ans. Elle confirmait également avoir été témoin de l'attentat à la pudeur commis sur d. HA..

L'expert concluait ainsi :

« Au jour de l'examen, il n'a pas été relevé la présence de troubles ou anomalies susceptibles d'affecter son équilibre psychique. Le niveau d'intelligence est de l'ordre de la normale supérieure.

La révélation n'est pas spontanée. Elle intervient suite à une longue période de silence et a été provoquée par les dires d'une autre plaignante désignant e. RE. en qualité de témoin. contexte favorisant la rupture du silence. La honte et la crainte de fragiliser un équilibre familial précieux, ont influencé le respect du secret. Il n'apparait pas d'autres facteurs éventuels de nature à influencer les dires de la plaignante.

L'examen met en évidence des retentissements de type anxieux au niveau de la vie psychique avec l'expression de honte, dégout, peur, suite à une période de silence, mis en lien avec les faits, et pouvant être évocateurs d'abus sexuels.»

c. GR. déclarait dès ses premières auditions que la mineure aurait dû lui parler des faits s'ils avaient été commis et il contestait formellement leur matérialité.

Après avoir refusé de répondre à certaines questions, c. GR. ajoutait toutefois : « Peut-être un jour je dirais la vérité. Peut-être devant le tribunal. J'attends d'avoir mon avocat

Il invoquait pour toute défense une manipulation des parents et de leurs enfants pour lui soutirer de l'argent en réitérant l'argument selon lequel les mineurs auraient dû dénoncer les faits plus tôt s'ils étaient avérés.

c. GR. admettait détenir un pistolet d'alarme qu'il rangeait sur le haut d'une armoire et indiquait ne l'utiliser qu'une fois dans l'année pour tirer des fusées. Il affirmait qu'e. RE. n'avait pas pu voir cette arme mais avait dû seulement en entendre parler dans la mesure où il utilisait cette arme les soirs de Noël et de nouvel an. e. RE. déclarait à ce sujet n'être jamais présente pour les fêtes de fin d'année au foyer de la famille GR. et niait en conséquence avoir vu l'arme avant qu'il ne la menace en la lui posant contre la tempe.

c. GR. et e. RE. étaient par la suite confrontés par le juge d'instruction et maintenaient leurs déclarations respectives. e. RE. confirmait avoir été témoin de l'agression subie par d. HA. dans le couloir séparant la chambre du couple des toilettes et avoir été victime à plusieurs reprises de viols commis par l'inculpé. c. GR. déclarait qu'e. RE. avait simplement voulu se venger parce qu'il avait été trop sévère envers elle.

Informée des accusations portées par e. RE., j. GR. déclarait : « e. n'a jamais été une menteuse. Je ne vois pas pourquoi... ce n'est pas possible. » Elle ajoutait qu'elle-même avait été violée par son propre père lorsqu'elle avait neuf ans et qu'elle avait gardé le silence pendant des années.

  • III - Sur les faits reprochés à c. GR. commis sur f. JO. :

f. JO., né le 2 février 1998 à Monaco, de s. et de n. ME., de nationalité monégasque était placé depuis mars 2000 dans la famille « GR. » jusqu'en janvier 2014, date de son départ après l'arrestation de l'inculpé. Ce jeune garçon souffrait de la maladie de Schwachman nécessitant une prise en charge quotidienne que ses parents ne pouvaient assumer. Cette maladie génétique du pancréas provoquait des problèmes physiologiques et une déficience intellectuelle.

p. RO. était nommé administrateur ad hoc de f. JO. dans le cadre de la présente procédure.

f. JO., interrogé sur les faits, confirmait la consommation d'alcool de c. GR. qui cachait selon lui « des bouteilles de whisky dans le garage ». f. JO. donnait des précisions sur l'occupation distributive des salles de bains dans la famille GR. et déclarait que la salle de bains et les toilettes situées à l'étage étaient réservées à t. GR., l'un des fils du couple qui occupait une chambre située au même niveau, les autres enfants devant quant à eux se rendre au rez-de-chaussée pour accéder à la salle de bains et aux toilettes situées en face de la chambre parentale.

f. JO. ajoutait que c. GR. était « en manque de sexe » et cachait des vidéos pornographiques dans ses chaussettes rangées dans le placard de sa chambre à coucher. Il expliquait avoir épié c. GR. qui regardait seul ces vidéos dans le salon.

En ce qui concerne les agressions dont il aurait lui-même été victime, f. JO. déclarait avoir subi de nombreuses violences de la part de l'inculpé, des échanges de coups étant même intervenus entre eux. c. GR. utilisait alors un balai pour le frapper, notamment sur la tête. Il ajoutait avoir été témoin de violences de même nature commises sur Laurent VI., jeune myopathe, né en 2005 placé au sein du foyer GR. du mois d'avril 2009 à juillet 2013 tout en déclarant avoir tenté de s'interposer. Il précisait que ce jeune garçon était également frappé à coups de balai au niveau des tibias.

Après qu'il ait reconnu avoir été le témoin des viols perpétrés sur e. RE., f. JO. déclarait avoir été lui-même victime d'un viol commis par c. GR. alors qu'il avait entre 8 et 9 ans. Ce jour-là, alors qu'e. RE. venait de nouveau d'être agressée, f. JO. expliquait ainsi s'être rendu au salon situé au rez-de-chaussée où se trouvait la télévision pour retrouver c. GR. assis sur un canapé. Il expliquait avoir alors insulté l'inculpé en raison de ce qu'il venait de faire subir à e. qui était remontée à l'étage en pleurs. Il menaçait de le frapper pour se venger et de le conduire au commissariat quand il serait plus grand, ajoutant qu'il allait d'ailleurs appeler la police. c. GR. lui répondait alors qu'il allait l'empêcher de prendre le téléphone qui se trouvait dans le couloir, le rattrapait et le jetait au sol.

Sur proposition de l'enquêteur, le jeune homme se levait de sa chaise et mimait la scène. Il expliquait ensuite qu'alors qu'il était au sol, c. GR. lui avait donné des claques puis l'avait soulevé pour le porter et le coucher sur le lit de la chambre conjugale. f. JO. déclarait s'être débattu en lui donnant des coups de pieds et des coups mais n'avoir pas pu empêcher c. GR. de le sodomiser :

« Capitaine M. : Alors essaie de nous dire. Essaie de nous dire ce qu'il met où, quoi, où c'est important.

1012 - JO. f. : « Il a mis sa bite dans... dans mes fesses »

Mme HU. : « Tu étais allongé dans quelle position ?

1014 - JO. f. se lève spontanément et penche son corps en avant en équerre fesses en arrière et bras ballant

1015 - JO. f. : « sur le lit comme ça. »

Mme HU. : « Et toi tu es pas allongé là tu es... à quatre pattes là.

1016 - JO. f. : « Non j'étais... il y avait le bord du lit (il désigne le haut des cuisses et fait un signe pour matérialiser le bord du lit) et j'étais comme à (et il penche le haut de son corps pour signifier que cette partie était étendue, à plat ventre sur le lit). »

f. JO. précisait encore que c. GR. avait émis des cris de jouissance puis l'avait menacé de le punir de la sorte s'il tentait de nouveau d'appeler la police.

Tout au long de cette audition, f. JO. manifestait verbalement de façon non équivoque la volonté de se venger en frappant c. GR. s'il le revoyait et même de le tuer avec un couteau.

Il expliquait avoir seulement évoqué auprès de l'épouse de l'inculpé les violences physiques et les insultes de c. GR. mais n'avoir jamais fait part à qui que ce soit du viol dont il avait été victime. Il demandait au demeurant l'autorisation de téléphoner à j. GR. pour lui raconter ce qu'il avait subi.

f. JO. verbalisait enfin la crainte que l'on se moque de lui si les faits étaient évoqués à l'extérieur et si son entourage en était informé.

v. HU., psychologue, assistait à l'audition filmée de f. JO. et déposait un rapport aux termes duquel elle relevait notamment :

« II verbalisera :

  • - Se sentir coupable de ne pas avoir pu protéger e. du fait de son jeune âge.

  • - Etre en colère contre Monsieur GR., estimant que ce qu'il avait fait ne se faisait pas et vouloir se faire justice.

  • - Craindre pour sa sécurité s'il était amené à rencontrer Monsieur GR..

Le jeune homme se montrera :

  • - Soucieux des conséquences de ses paroles et de la rupture du silence,

  • - Inquiet des réactions de son entourage actuel manifestant de l'appréhension en apprenant qu'il serait nécessaire d'avertir son référant de la thématique de ses révélations ».

Quelques heures seulement après ces premières révélations, j-m. DA., éducateur en chef du foyer, contactait la Direction de la Sûreté Publique pour indiquer que f. JO. voulait modifier la teneur de ses déclarations. Bien qu'il n'ait pas été précédemment contraint, il déclarait qu'il avait précédemment menti au motif « qu'il n'aimait la police » et qu'il avait voulu se débarrasser au plus vite des questions posées.

f. JO. ajoutait qu'en réalité, l'inculpé n'avait jamais été violent envers Laurent VI. et qu'il n'avait pas été lui-même le témoin direct des viols subis par e. RE. mais qu'elle lui en avait parlé lorsqu'elle était remontée dans sa chambre en pleurs.

f. JO. précisait dans le cadre d'une seconde audition qu'il avait auparavant eu une conversation téléphonique avec j. GR. à laquelle il était très attaché et qu'après son audition il avait évoqué les faits avec sept éducateurs. Il expliquait également à Mme HU. avoir rencontré une des filles de c. GR. de manière imprévue, mais sans en dire plus.

f. TO. déclarait que f. JO., de retour au foyer, était venu s'asseoir auprès d'elle pour lui dire qu'il avait été violé ; il était alors dans un état d'excitation extrême et après sa première audition, s'était montré plus agité, voire même violent, ayant eu besoin de se défouler sur punchingball. m. PO., éducatrice, indiquait que f. JO. avait déjà signalé dans le passé que « M GR. était en manque de sexe. »

v. HU., psychologue, ayant assisté à la seconde audition filmée de f. JO. déposait un rapport aux termes duquel elle observait notamment :

« Du fait de ces contradictions, il apparaît que :

- f. JO. présente une personnalité fragile et influençable l'amenant à confirmer les faits concernant des tiers, mais à nier des faits l'impliquant intimement.

- La rupture affective, du fait du placement en foyer suite aux faits concernant le mis en cause, est anxiogène.

- Les révélations faites au cours de la première audition sont source d'une forte culpabilité du fait des liens affectifs importants avec la . famille du mis en cause. »

f. JO., ultérieurement réentendu par le juge d'instruction en présence de son administrateur ad hoc, maintenait en définitive ses toutes premières déclarations. Il expliquait en avoir modifié la teneur et s'être rétracté parce qu'il craignait que l'inculpé ne sorte de prison et s'en prenne de nouveau à lui en le frappant. Il précisait n'avoir pas eu trop confiance dans les policiers. f. JO. déclarait qu'il n'avait plus peur désormais de c. GR., et admettait avoir été témoin en regardant par le trou de la serrure de la chambre du couple des viols imposés par c. GR. à e. RE..

Il confirmait en ces termes avoir été sodomisé par l'inculpé après qu'il l'ait emmené de force : « il a mis sa bite dans mes fesses. J'ai crié mais personne n'a entendu ». Il ajoutait que ce dernier avait menacé de le frapper s'il révélait les faits et déclarait qu'e. RE. lui avait également confié ce que l'inculpé lui avait fait : « Elle m'a dit qu'il avait mis son sexe dans ses . fesses et dans sa foufoune aussi ».

f. JO. précisait encore qu'après avoir été violé par c. GR., il s'était confié à j. GR. sur les agressions perpétrées par son mari à son encontre et envers e. RE.. Son premier réflexe avait été de saisir le téléphone pour appeler la police avant qu'elle ne se ravise en déclarant « qu'elle ne voulait pas qu'il aille en prison.»

Elle avait selon lui simplement « grondé » son mari. f. JO. ajoutait par ailleurs qu'il n'avait pas revu, ni eu de contact avec d. HA. et e. RE. depuis cette période.

Les expertises psychologique et psychiatrique ayant été réalisées avant son audition devant le magistrat instructeur au cours de laquelle il avait maintenu ses déclarations initiales, f. JO. se trouvait dès lors dans une position de retrait par rapport aux faits subis et à ceux dont il avait été témoin.

L'expert psychiatre, c. JU., constatait qu'il avait présenté « durant son enfance des difficultés liées à des troubles du développement, et avec un certain degré à ce niveau de dysharmonie, et à présent, il peut être considéré comme présentant un niveau intellectuel faible (de l'ordre de la débilite moyenne, sur une échelle allant de légère à forte), avec des carences notables des acquis, des difficultés parfois de compréhension en particulier au niveau de l'abstraction, un certain degré d'immaturité, d'influençabilité, de déni par rapport à ses difficultés psycho-intellectuelles, avec tendance à ce niveau à vouloir compenser parfois quelque peu par des attitudes de prestance, chez un sujet pouvant être considéré potentiellement comme ayant plutôt tendance éventuellement à amplifier la réalité, qu'a réellement élaborer des scenarii fabulatoires. »

L'expert psychologue, v. HU., concluait que f. JO. présentait « une personnalité adolescente anxieuse, vulnérable et influençable du fait d'une déficience intellectuelle consécutive à une pathologie congénitale. L'examen n'a pas relevé de troubles ou anomalies susceptibles d'affecter son équilibre psychique, mais la déficience cognitive a des retentissements en termes comportementaux, sociaux, affectifs et sexuels, avec une incidence sur la pensée abstraite qu'elle limite. »

Elle ajoutait enfin : « sur un plan psychologique ou psychopathologique, il est constaté l'expression d'une culpabilité, en lien avec les faits et réactivée par le contexte procédurier mettant en cause une personnalité masculine ayant été fortement investie au moment de l'enfance et de l'adolescence, période du développement de la personnalité et de la construction identitaire. Cette culpabilité favorise une expression fortement anxieuse affectant le comportement du jeune homme. »

c. GR. contestait simplement les déclarations de f. JO. en indiquant que celui-ci « était un peu handicapé » et pouvait dire n'importe quoi « pour se sentir important » ou en déclarant : « quand il est stressé il dit et fait n'importe quoi ».

c. GR. en déduisait que f. JO. avait dit quelque chose sur lui pour se faire valoir. Il précisait par ailleurs l'avoir considéré comme un fils, l'avoir parfois grondé, mais n'avoir jamais porté la main sur lui.

  • Sur les faits reprochés à c. GR. commis sur s. AB. :

s. AB., née le 17 avril 1983, était placée par les services sociaux français au sein de la famille d'accueil GR. du 22 octobre 2001 au 21 novembre 2001 au titre de l'accueil des jeunes majeurs et ce, durant le temps nécessaire au traitement d'une affaire judiciaire dans laquelle elle était victime de viols commis par son père. Une copie de cette procédure française est versée au dossier.

s. AB., entendue une première fois en qualité de témoin, expliquait que vers le 11 novembre 2001, c. GR. lui proposait d'aller voir un feu d'artifice dans le jardin en compagnie de f. JO. et d'une fillette alors qu'il faisait nuit noire et qu'ils étaient éloignés de la maison, l'inculpé lui touchait les seins ou les fesses tout en lui demandant si elle voulait être « gentille » avec lui. Ne pouvant se rappeler des termes précis utilisés par c. GR., elle affirmait qu'il la sollicitait ainsi de façon dénuée d'équivoque pour des relations sexuelles. c. GR. avait selon elle précisé que si elle acceptait, il pourrait lui payer ses études et la loger dans un appartement qu'il construisait au sein de la maison.

s. AB. expliquait avoir alors été très angoissée à l'idée de se retrouver la nuit dans cet endroit isolé. Dès le 22 novembre 2001, se sentant mal à l'aise en la présence de c. GR., elle décidait alors de rester au domicile maternel et d'aviser son éducatrice de l'époque Madame FO..

j. GR. confirmait alors cette chronologie des faits décrits par s. AB. lors de sa première audition à la Direction de la Sûreté Publique.

s. AB. se présentait par la suite spontanément à la Direction de la Sûreté Publique afin d'effectuer un complément de témoignage. Elle expliquait en effet ne pas avoir dénoncé l'intégralité des agissements de c. GR. car elle ne se sentait pas prête à le faire lors de sa première audition, n'ayant compris que récemment qu'elle n'était pas responsable des agressions qu'elle avait subies. Elle maintenait alors ses déclarations initiales en ajoutant que c. GR. avait été au-delà de simples propositions et lui avait imposé des attouchements sur le corps et une fellation.

Elle réitérait ces accusations de manière précise et circonstanciée devant le magistrat instructeur. Lors de deux ou trois trajets en voiture effectués entre son domicile et le lycée Albert 1er de Monaco, c. GR. lui caressait la cuisse tout en essayant de provoquer de sa part une réaction d'ordre sexuel. Il évoquait « l'importance de la famille » tout en tentant de justifier les actes de son propre père en les qualifiant de « pas graves ». Il insistait aussi sur le fait qu'il était normal qu'elle puisse avoir des « envies sexuelles à son âge, n'étant plus une enfant ». s. AB. déclarait qu'elle était pétrifiée et n'avait pu réagir, préférant se taire.

Elle expliquait en outre avoir subi une nouvelle agression sexuelle de c. GR., vraisemblablement le 19 novembre 2001. Il s'agissait d'un jour férié de la semaine, et elle était couchée dans son lit, quand c. GR. qui s'était assis sur le bord de son lit avait commencé à lui parler gentiment tout en la caressant par-dessus son pyjama sur l'ensemble du corps, les seins, les fesses et le sexe. Elle restait alors prostrée, allongée sur le côté et le regard dans le vide. Tout en continuant à lui parler, c. GR. lui disait quelques mots du type : « on va y aller doucement si tu veux ». Il baissait son pantalon et son slip, exhibant son sexe en érection. Il s'asseyait de nouveau sur le lit et lui prenait la main pour qu'elle le masturbe. Puis, après qu'elle l'ait masturbé, il mettait sa main derrière sa tête, pénétrait sa bouche avec son sexe pour qu'elle pratique une fellation et il éjaculait dans sa bouche provoquant chez elle une envie de vomir. Après avoir joui, c. GR. se rhabillait et quittait la chambre. s. AB. expliquait s'être alors trouvée dans un état psychologique de culpabilité, estimant que « c'était elle qui rendait les hommes comme cela avec elle ». Effrayée mais également résignée face à des faits qu'elle avait déjà subis auparavant, elle déclarait avoir eu pour seule réaction l'envie de : « faire comme d'habitude, attendre que ça passe ». Elle déclarait se refuser également à détruire une nouvelle famille, tout en rappelant que sa propre mère ne l'avait pas soutenue lorsqu'elle avait révélé les agressions de son père. Elle évoquait seulement auprès de son éducatrice les premiers propos tendancieux tenus par c. GR. à son encontre pour expliquer son refus de retourner à La Turbie. Elle indiquait avoir alors trouvé refuge chez une amie, l. PA..

l. PA. confirmait que le lendemain de son agression, s. AB. lui avait en effet demandé de l'héberger et qu'elle avait effectivement passé au moins une nuit chez elle. Elle ajoutait qu'elle lui avait expliqué avoir été placée en famille d'accueil et avoir dit que le « père était un pervers » et qu'il l'aurait « regardé de façon insistante et il aurait commis sur elle des attouchements ou tentatives d'attouchements ».

Une première expertise psychologique de s. AB. réalisée en 2008 faisait déjà état de tendances suicidaires et morbides suite à une première agression sexuelle subie par un tiers, puis aux viols commis par son père.

Lors de l'expertise psychologique menée par j-b. SA., s. AB. lui remettait un courrier relatant les abus commis par c. GR. compte tenu de ses propres difficultés à les verbaliser. L'expert relevait : « Le discours est stable, cohérent ; il n'y a pas d'éléments contradictoires entre les différents procès-verbaux et les entretiens cliniques pouvant ici amoindrir la véracité des propos tenus par le sujet. L'entretien clinique et les tests de personnalité ne mettent pas en évidence de fonctionnement marqué par l'affabulation ou la mythomanie. Par ailleurs nous n'avons pas pu mettre en évidence de facteurs ou d'éléments tiers ayant pu influencer de . façon probante les dires du sujet, qui selon nous, sont ici plausibles. »

L'expert ajoutait que s. AB. présentait certains signes caractéristiques des cas d'abus sexuels avérés : sentiment de culpabilité, de honte, gêne, dégout, aggravation de la dimension dépressive déjà présente, comportements sexuels inadéquats.

L'expert ajoutait enfin : « Au niveau émotionnel, on remarquera le caractère particulier observé ici, et ce sous la forme d'une banalisation, voire d'une neutralisation au niveau des affects. Ce fonctionnement peut se comprendre si on part du fait que le sujet aurait pu être une première . fois agressée sexuellement alors qu'elle était adolescente et ce par son propre père. Cette absence de souffrance psychique prendrait alors son sens, sans pour autant remettre en cause la véracité des propos tenus par le sujet. »

Interrogé sur son comportement envers s. AB., c. GR. répondait simplement qu'il pensait que cette lycéenne était majeure et qu'elle avait menti pour se venger d'avoir dû ranger sa chambre. Cependant, lors de ses deux dernières auditions en garde à vue, il reconnaissait avoir fait « gentiment » des propositions à caractère sexuel à s. AB. alors qu'il avait entre 58 et 59 ans « pour l'embrasser et la caresser ».

Dans le cadre d'une troisième audition en garde à vue, c. GR. admettait lui avoir demandé de sortir avec lui, c'est-à-dire, selon ses propres termes « de flirter, s'embrasser ». Il ajoutait qu'il avait de la sorte voulu sonder la jeune fille pour vérifier si elle respectait bien sa famille d'accueil.

Devant le magistrat instructeur, c. GR. reconnaissait de nouveau avoir demandé à s. AB. « des bisous et des caresses sur le corps. » Il ajoutait encore : « en qualité de famille d'accueil, je voulais quand même savoir pourquoi elle était placée. Pour moi c'était normal. » Pourtant, c. GR. n'ignorait pas que cette jeune mineure était placée pour avoir été victime de viols commis par son propre père.

c. GR. niait en revanche l'intégralité des autres accusations portées contre lui par s. AB..

Les demandes de confrontation formées par c. GR. avec d'une part s. AB. et d'autre part f. JO. étaient rejetées par le magistrat instructeur dont l'ordonnance en date du 19 mai 2015 était confirmée par arrêt de la Chambre du conseil du 30 juin 2015 et ce, en raison de l'état de santé de ces jeunes gens et d'un risque de retentissement anxiogène.

  • Sur les faits reprochés à c. GR. commis sur l. SC. :

l. SC., née le 30 juillet 2009, était accueillie au domicile du couple GR. du 4 mai 2012 au 10 décembre 2013, à l'âge de 3 ans environ, en raison des conditions de vie avec son père qui présentait une addiction à l'alcool et un risque d'expulsion de son logement. Sa mère était alors sans logement fixe après la rupture du couple.

Le 17 avril 2014, la responsable de l'Antenne Départementale de Recueil, d'Evaluation et de Traitement des informations préoccupantes du Conseil Général des Alpes-Maritimes adressait un signalement au Procureur de la république de Nice concernant l. SC. pour des suspicions d'abus sexuels en ces termes : a. WI., sa mère, a contacté l'assistante sociale qui effectuait le suivi de l. SC. pour lui rapporter les faits suivants : « Au réveil de la sieste, l.a baissé sa culotte et lui a dit : « Tu me suces ? ». Après que sa mère lui ait demandé où elle avait entendu cela, l. SC. a répondu : « Avant, je léchais la quéquette de Papy à La Turbie ».

Préalablement à cette dénonciation, c'est-à-dire le 10 décembre 2013, un premier signalement avait été effectué par i. MAR. I, enseignante en classe maternelle, concernant le comportement de c. GR. envers l. SC.. Cette maîtresse d'école s'exprimait dans les termes suivants : « Vendredi 6 décembre 2013, M. GR., mari de l'assistante familiale, dépose l. devant sa classe «comme un paquet», après lui avoir fait descendre les escaliers en la tenant par les poignets, ses pieds ne touchant pas le sol (ce ne serait pas la première fois). l. était en pleurs et se débattait. Mr GR. dit, de lui-même, « aujourd'hui, je lui ai donné des coups de pied », il confirme ses dires après que l'enseignante lui ait dit que cela ne se faisait pas. »

Effectivement, i. MAR. I confirmait dans sa déposition le déroulement de fréquentes scènes de violences subies par l. SC.. Sandrine PE., mère d'une enfant scolarisée, confirmait avoir assisté à la scène décrite par l'enseignante. i. MAR. I précisait qu'a. WI., la mère de l'enfant, lui avait confié par téléphone la teneur des propos de l. : « oui parce que papy de la Turbie quand il me donne le bain il me lèche la foufoune ».

Enfin, le 2 mai 2014, un troisième signalement était adressé aux autorités judiciaires. La mère de l. SC. contactait en effet de nouveau les services sociaux pour leur indiquer que sa fille avait réitéré les propos, objet du signalement du mois d'avril 2014. Après qu'elle ait dit à l. que c. GR. n'avait pas le droit de faire cela, la fillette, qui dormait alors dans la chambre du couple, lui répondait : « Mais Papy, il le fait à mamie ».

a. WI., mère de l. SC., déclarait :

  • - « À partir d'août 2013, au moment d'y retourner, lorsque je la prenais, elle hurlait, ne voulant plus repartir chez ces personnes. J'ai essayé de la questionner, mais elle ne m'a jamais vraiment répondu me disant juste, «il me tape».

  • - depuis environ 18 mois, elle a des réactions étranges surtout concernant le sexe. Par exemple, lorsque je sors, nue, de la douche, elle me demande de lui montrer « mon cucu ».

Vendredi dernier, alors que j'étais dans la voiture avec elle, l. m'a dit qu'elle avait un secret, qu'elle voulait dire à mon copain Nono. Elle a fini par me le dire. Elle a dit textuellement « j'ai léché la quéquette à Papy La Turbie ».

a. WI. affirmait par ailleurs également que c. GR. lui avait fait plusieurs fois « des avances, moyennant paiement lorsque sa femme était absente ». II avait eu également « une fois une main baladeuse mais il n'y a jamais rien eu d'autre ».

Dans le cadre d'un examen médical ultérieur, le docteur A. BI., pédiatre, attestait par écrit avoir recueilli les propos de l. SC. qui lui déclarait : « avoir léché la quéquette à Papy La Turbie ».

Devant le Docteur j. NA., psychiatre, a. WI. confirmait les déclarations faites au fonctionnaire de police qui concluait :

« Les troubles et anomalies observés et rapportés par sa mère sont susceptibles d'affecter dans une certaine mesure son équilibre psychologique. Le niveau d'intelligence semble dans la normale des enfants de son âge. Apparemment, les révélations de la fillette se sont faites spontanément et sans intention de nuire, à partir d'associations d'idées ou de remémoration spontanée de situations.

Certains des symptômes mentionnés ci-dessus sont évocateurs d'abus sexuels, et notamment le comportement masturbatoire excessif, la peur d'être touchée. Ils ne sont qu'évocateurs : la relation directe entre ces symptômes et des abus sexuels ne peut être formellement établie. La connaissance d'un enfant de 4 ans dans le domaine de la sexualité d'adultes est en principe inexistante. Des propos tels que : « tu me suces » ne peuvent que . faire référence à une situation vécue ou visionnée sur un film pornographique.

Le pronostic et le retentissement sur la vie psychique ultérieure sont difficiles à établir. Ils risquent d'être surtout perceptibles à la puberté et de contrarier le futur épanouissement sexuel. »

c. GR. contestait tant la scène de violences que les faits d'attentats à la pudeur commis sur l. SC. sans véritablement expliquer les propos tenus par la fillette. Il indiquait seulement que si elle dormait effectivement dans la chambre conjugale, elle n'avait pu assister aux ébats avec son épouse car il veillait à ne pas être surpris.

Il s'induit par ailleurs de l'ensemble des autres actes d'enquête que lors de la perquisition effectuée au domicile de c. GR., une planche photographique des lieux était réalisée par la gendarmerie. Certains objets étaient saisis, notamment l'arme à feu décrite par e. RE., outre un ordinateur portable de marque HP Pavillon contenant deux disques durs dont l'analyse révélait la consultation de sites pornographiques mettant en scène uniquement des majeurs.

La plupart des autres enfants placés au sein de la famille GR. était entendue : s. MAI. ; a. TOU. ; s. IMB., j-d. IMB., c. VAJ. ; s. TOU. ; m. HEN., g. GI., o. BOU. ; a. DOM.. Leurs témoignages respectifs n'apportaient pas d'éléments utiles à l'enquête, s. TAK. précisant simplement que c. GR. consommait parfois trop d'alcool ce qui le conduisait à aller se coucher en fin d'après-midi.

L'épouse de l'inculpé, j. GR., déclarait quant à elle spontanément connaître l'existence d'un courrier émanant de la maîtresse de l. SC. faisant état des coups de pieds donnés par c. GR. à cette fillette. Elle confirmait qu'après la révélation de ces faits, le placement de l. au sein de sa famille avait pris fin. Elle ajoutait également qu'une mineure âgée de 15 à 16 ans placée par les autorités françaises s'était plainte il y a plusieurs années des propositions à caractère sexuel de son mari et que la DASS s'était alors rendue à leur domicile pour les interroger. Elle estimait qu'aucun des enfants placés au sein de leur foyer ne lui paraissait susceptible d'en vouloir à son mari et de mentir pour lui nuire et elle minimisait également la consommation d'alcool de c. GR. décrite par les enfants en faisant valoir qu'il ne buvait que de manière très occasionnelle durant les repas.

De nouveau entendue, j. GR. se contentait de contester toutes les accusations portées à l'encontre son mari et de fournir des explications permettant systématiquement de jeter le discrédit tant sur les déclarations des victimes que sur celles des témoins pouvant le mettre en cause. Elle précisait que son mari assurait les transports des enfants mais qu'elle seule avait la charge de leur hygiène. Elle ajoutait qu'aucune pièce de la maison ne comportait de système de verrouillage intérieur, même les salles de bains, mais interrogée sur la porte de la chambre conjugale elle indiquait qu'il y avait bien une serrure à clé avec un axe cylindrique dont l'existence corroborait totalement la description du trou de serrure décrit par f. JO..

j. GR. estimait que son mari ne suivait pas de traitements de nature à faciliter leurs relations sexuelles qu'elle qualifiait de normales, sans fellation, ni sodomie et dont le rythme s'élevait selon elle à deux à trois fois par semaine.

S'agissant de la qualité de son sommeil, elle revenait sur ses déclarations initiales dans le cadre desquelles elle avait indiqué : « quand je dors, je dors », et déclarait par la suite avoir un sommeil léger. De la même manière, et contrairement à ses premières déclarations, elle relativisait la gravité des propositions à caractère sexuel formulées par son mari auprès de s. AB..

Les enfants de c. GR. étaient également entendus :

  • - e.h GR. déclarait avoir eu une enfance heureuse avec ses parents, n'avoir jamais été victime d'aucun agissement blâmable de la part de son père et n'avoir pas constaté de faits susceptibles d'étayer les accusations de d. HA. et e. RE.. Sans en donner de raison précise elle estimait que ces deux jeunes filles mentaient.

  • - v. m. GR. se souvenait seulement avoir entendu ses parents discuter des propos tenus par s. AB. « qui aurait dit que mon père lui aurait fait des avances. » Elle se contentait de décrire ce dernier comme un homme travailleur, aimant, mais peu démonstratif et lui ayant donné une bonne éducation.

  • - a. GR. décrivait quant à elle une enfance et une vie familiale idylliques tout en précisant qu'elle avait vécu de 2003 à 2010 à l'étage supérieur du domicile familial. Elle affirmait n'avoir jamais rien constaté des faits dénoncés par les victimes et décrivait son père comme une personne pudique et très attachée à l'éducation.

  • - c. GR., ne croyait pas davantage en la culpabilité de son père précisant qu'avant leurs auditions par les gendarmes, ses sœurs avaient lu les déclarations des enfants avec les avocats de son père. Elle le décrivait comme un homme attentionné mais peu démonstratif, ayant toujours été présent avec ses enfants.

  • - t. GR. disait que son père n'avait jamais vraiment eu de contact extérieur, qu'il entretenait certaines relations amicales mais recevait peu de gens au domicile familial. Il estimait impossible que son père ait pu commettre de tels faits d'autant plus qu'il vivait dans la maison de ses parents jusqu'à l'âge de 18 ans soit jusqu'en 1989. Il expliquait néanmoins avoir rompu le contact avec ses parents de 1990 à 1998 avant de renouer alors avec eux.

  • - s. GR. décrivait également une enfance heureuse avec ses parents, un père très présent et impliqué le suivant dans ses activités sportives, et qu'il décrivait comme une personne pudique, attentionnée et travailleuse. Il le considérait comme innocent.

  • - m-a. GR., sa sœur, contrairement aux dépositions de l'épouse et des enfants, indiquait que c. GR. donnait des fessées aux enfants lorsqu'ils faisaient « des bêtises ». Elle le décrivait comme un père présent, peu démonstratif mais également attentionné et organisant des activités avec eux. Elle aussi ne pouvait croire en sa culpabilité.

Une expertise médicale était enfin sollicitée par c. GR. sur l'aspect éventuellement visible d'une cicatrice. L'expert confirmait la mise en place d'une prothèse totale de la hanche gauche en 2000 puis l'existence d'une hernie inguinale gauche ayant nécessité une opération en octobre 2012 et l'ablation simultanée d'une cicatrice de 6,7 cm de long sur 1,6 cm de large au niveau du pli inguinal gauche. Il observait que cette cicatrice présentait « un aspect kératosique, c'est-à-dire un aspect légèrement surélevé, » « légèrement pigmentée », ce qui signifie que la lésion avait une couleur claire.

L'expert concluait que « la cicatrice opératoire de prothèse totale de hanche n'est pas visible de face, mais uniquement de profil strict et que le siège de la tumeur de Bowen se situait dans le pli inguinale et pouvait très bien passer inaperçue même pour quelqu'un situe face à l'intéressé.

À notre avis, il n'est pas du tout évident que la lésion qui a été remplacée par la cicatrice opératoire au niveau de l'aine, ait été visible par quelqu'un situé face à M. GR. en position debout.

La lésion pouvait être masquée par les poils et par le repli adipeux du tablier abdominal. »

Il résulte enfin des tout derniers éléments de la procédure que m. MAR., codétenu de l'inculpé, se confiait à un surveillant en lui déclarant : « il insulte, s'excite, jubile, pleure, raconte des choses complètement dingues et perverses, je connais même les prénoms de ces personnes et ce qu'il leur a fait tellement il en parle pendant son sommeil, c'est récurant... ».

Lors de son audition, ce détenu devenait toutefois plus évasif et ne corroborait pas le rapport du surveillant pénitentiaire, lequel indiquait que m. MAR. craignait des représailles s'il divulguait des informations. m. MAR. déclarait toutefois que c. GR. lui avait dit quelques jours après qu'ils aient fait connaissance qu'il : « savait qu'il avait fait quelque chose de très grave » ou ajoutait encore, faisant régulièrement référence à la police, « parle pas à la police » ou même « tu vas voir si tu parles à la police ».

Renseignements et personnalité :

  • La vie familiale et professionnelle :

c. GR. est né le 13 décembre 1941 à Copertino en Italie, de v. CA. et de g. a. GR. tous deux décédés.

D'origine italienne, il a grandi à Copertino jusqu'à l'âge de 21 ans avec ses trois soeurs, c., n. et m-a. ainsi que ses deux frères, JO. et t.-l. c. décédait lorsqu'il avait 8 ans et JO., le 8 mai 2014.

c. GR. décrit une enfance heureuse et une bonne éducation plutôt stricte et fondée sur des valeurs qu'il a par la suite souhaité transmettre à ses enfants.

Il est lui-même décrit comme étant tolérant mais relativement méfiant envers le monde extérieur.

Après une scolarité très courte, c. GR., devient manoeuvre à l'âge de 12 ans au sein d'une entreprise italienne avant de s'engager à l'âge de 18 ans dans la marine nationale italienne. Alors confronté à la rigueur de la scolarité militaire, il abandonne ce projet et part à l'âge de 21 ans travailler en France en qualité de « coffreur » dans le B. T. P sur le site de la construction de l'usine de la Hague. À l'occasion de ses missions et selon les chantiers en cours, il est alors conduit à voyager en France, en Turquie et au Nigeria.

Après avoir fait l'objet d'un licenciement économique et avoir subi une période de chômage à l'âge de 45 ans, il entreprend ensuite de construire une maison familiale à La Turbie puis travaille encore pendant environ 5 ans avant de prendre sa retraite.

c. GR. a eu sa première expérience sexuelle à l'âge de 17 ans et n'a pas multiplié les conquêtes. Alors qu'il est âgé de 26 ans, c. GR. épouse j. SC., elle-même âgée de seulement 16 ans.

À 15 ans et demi, j. SC. était déjà enceinte de leur première fille, m-a.. Le mariage était alors rapidement consacré, sans cérémonie religieuse, c. GR. devant partir travailler à l'étranger.

Son épouse le décrit comme un mari attentionné et amoureux et ses filles évoquent un homme aimant plaire aux femmes et séducteur.

Le couple a eu sept enfants, cinq filles et deux fils : c., née le 08/02/69 à Menton, a. épouse PA., née le 19/12/80 à Nice, e. épouse PE., née le 02/12/72 à Fréjus, m-a. née le 17/12/67 à Bagnols sur Cèze, s. né le 07/06/79 à Nice et t. né le 18/01/71 à Aix-en-Provence.

Les enfants décrivent unanimement c. GR. comme un père disponible, très investi dans sa mission parentale qui plaçait toujours la vie familiale au coeur de ses préoccupations et en négligeait même sa vie sociale.

j. GR. décrit encore son mari comme un homme « brave » et toujours protecteur avec les enfants. Elle précise qu'ayant eu sa fille à l'âge de 16 ans, il ne l'a pas abandonnée et a assumé ses responsabilités. Elle refuse formellement d'admettre les accusations portées à l'encontre de c. GR. par les victimes. Elle maintient qu'il arrivait à son mari d'élever parfois la voix sans jamais frapper les enfants. Elle ajoute que son mari a lui-même bâti la maison familiale après avoir été très souvent en déplacement dans le cadre de son activité professionnelle.

Elle précise avoir été l'assistante maternelle de 17 enfants et exprime son ressentiment spécialement envers d. HA. et e. RE..

Les casiers judiciaires français, monégasque et italien de c. GR. ne portent trace d'aucune condamnation.

  • La personnalité de c. GR. :

Au cours de l'expertise psychiatrique du Docteur C. JU., c. GR. continuait à nier la commission des faits et indiquait même à l'expert « c'est un peu bizarre que ces deux filles qu'on a vu grandir racontent des conneries. Peut-être qu'elles ont vécu autre chose. Elles sont parties il y a six ans ».

Contrairement aux propos de son épouse, il déclarait qu'ils avaient ensemble des relations sexuelles tous les 7 ou 15 jours et se déclarait exempt de toute addiction, notamment alcoolique.

En conclusion, l'expert précisait :

« L'examen du sujet n'a pas mis en évidence de pathologie de nature psychotique. II ne présente pas d'activité délirante ni hallucinatoire, de vécu persécutif, ni interprétatif, de signe de dissociation ni de discordance, de sentiment d'étrangeté, de signe d'auTO.me mental, de fading, de contact de nature schizoïde,...

Il ne présente pas non plus de névrose structurée au sens d'une névrose hystérique, phobique, obsessionnelle ni d'angoisse.

Enfin, je n'ai pas constaté de signes permettant de retenir la notion d'une névrose traumatique ou post-traumatique, d'un syndrome dépressif caractérisé, d'un déséquilibre psychique de nature psychopathique.

Dans la mesure où il serait reconnu coupable des faits de l'actuelle instance, ceux-ci s'inscriraient alors dans le cadre de comportements de type pervers, déviant, et non pas d'une pathologie psychiatrique avérée ou d'une pathologie compulsionnelle caractérisée.

Il n'est pas apparu qu'il était particulièrement déstabilisé psychiquement durant la période qui recouvre les faits de l'actuelle instance, et ceux-ci ne s'inscriraient pas dans le cadre de troubles psychiques ou neuropsychiques ayant pu abolir ou altérer son discernement, ou entraver le contrôle de ses actes.

Il ne présente actuellement pas de pathologie caractérielle susceptible d'abolir toute alternative et toute possibilité de choix.

De même il n'est pas animé actuellement d'une agressivité pathologique permanente et peu contrôlable. On peut donc estimer qu'il ne présente pas d'état dangereux d'un point de vue psychiatrique, à ce jour, ne relevant pas d'une hospitalisation d'office dans un établissement régi par la loi du 5 juillet 2011.

Capable de distinguer dans l'absolu ce qui est licite de ce qui ne l'est pas et pouvant être conscient de la nécessité sociale de la sanction dans ses fonctions de rétorsion, d'expiation ou de dissuasion, le sujet peut être considéré comme accessible à une sanction pénale.

Les actes qui lui sont reprochés n'auraient pas été accomplis dans un contexte de déstructuration mentale tel que l'on peut en observer au cours d'un processus psychotique entrainant des distorsions dans la perception de la réalité et soumettant le sujet à des pulsions irrépressibles ou au cours d'un syndrome neurologique libérant des automatismes incontrôlables. »

L'expert ajoutait qu'en cas de reconnaissance de culpabilité, c. GR. ne manifestant aucun sentiment de culpabilité ou d'empathie envers les victimes, il ne remplissait dès lors pas les conditions pour pouvoir bénéficier de manière opportune d'une injonction de soin.

Devant l'expert psychologue, J-B SA., c. GR. qualifiait d. HA. et e. RE. de « mythomanes », mais il admettait néanmoins avoir fait des propositions de nature sexuelle à s. AB. pour, selon lui, sonder son caractère. Il expliquait les accusations portées contre lui par une éventuelle jalousie ou une manipulation orchestrée par des adultes.

Cet expert concluait en ces termes :

« L'examen clinique et les tests de personnalité ont permis ici d'écarter toute notion de pathologie psychiatrique de nature psychotique ou névrotique pouvant être ici mis en lien avec les . faits qui sont reprochés au sujet.

Ce qui caractérise ici la vie du sujet c'est l'aspect banal, normal, sans traits particuliers pouvant attirer l'attention sur un comportement ou un fonctionnement spécifique, le sujet avançant la plupart du temps de façon masquée.

C'est ici le cas de Monsieur c. GR. qui présente selon nous des traits d'une organisation perverse de la personnalité (a), avec des éléments selon nous de nature pédophilique (b)».

S'agissant de l'organisation perverse de sa personnalité, l'expert observait notamment : « les modalités relationnelles avec autrui marquées par l'implicite et le sous-entendu, la disqualification, le manque d'empathie, le rapport à la loi dans le déni de la castration, le positionnement de l'enfant comme objet de sondage, l'amoralité sous le masque de la moralité marquent des traits de caractère d'une organisation perverse de la personnalité. »

S'agissant des éléments de nature pédophile, l'expert relevait que c. GR. avait en premier lieu tenu les propos suivants : « C'est vulgaire, c'est choquant quand un adulte il prend une petite qu'il a 8 ans, 9 ans ou 10 ans. À moins que la petite soit consentante. Mais si elle est consentante, c'est parce que ça lui plaît a elle aussi. Mais à ce moment-là elle ne dira plus rien... (sic) » avant même de répondre en ces termes à l'expert lui demandant comment déterminer si une enfant de huit ans peut avoir des désirs sexuels : « mais vous devez le savoir vous-mêmes, vous êtes dans le métier, vous devez le savoir mieux que moi, parce que les enfants quand ils ont 3 ou 4 ans, ils ont déjà des problèmes de sexualité, allons soyons raisonnables!! » et « Les enfants ils peuvent avoir des envies, des envies, des envies !!!! Moi je ne suis pas médecin ... mais d'après ce que j'entends et à force d'emmener les enfants chez les psychologues et les psychiatres, on vous dit ça, après vous enregistrez toujours quelque chose ».

L'expert ayant enfin évoqué l'hypothèse dans laquelle un enfant aurait une envie d'ordre sexuel vis-à-vis d'un adulte, c. GR. poursuivait : « Moi je vois que c'est pas bien, pour ces enfants de faire des attouchements à une personne qui est un peu âgée. À moins que c'est des personnes qui sont célibataires pas dans une famille qui est normale ».

L'expert ajoutait alors : « La différence adulte /enfant est niée et par la même c'est le déni de la différence des générations qui est alors en jeu. Le sujet pédophile considère alors l'enfant comme une sorte d'adulte en miniature. Il y a donc ignorance complète des sentiments et des désirs profonds de l'enfant qui est alors considéré comme un objet de jouissance. C'est alors le déni de la personne humaine. L'enfant n'étant pas considéré comme une personne humaine, différenciée et autonome. »

« II existe donc bien un tabou ; ce qui serait permis dans une relation adulte /enfant, ne peut se concevoir au sein même de la famille. C'est-à-dire que le tabou de l'inceste peut être efficient, empêchant tout passage à l'acte avec ses propres enfants au sein de la famille... »

L'expert conclut que c. GR. ne présentait pas de pathologie mentale pouvant altérer ou abolir son discernement à l'occasion des faits qui lui sont reprochés et qu'il était donc apte à comprendre le sens d'une sanction pénale même si au jour de l'examen clinique, sa capacité de réflexion, voire de remise en question, paraissait inexistante, compte tenu du processus de déni massif dans lequel il se trouvait alors engagé.

La contre-expertise psychologique par la suite menée par D. BO. permettait de mettre en exergue une affectivité participant d'un caractère sanguin. Dépourvu de troubles de la personnalité et de toute déficience psychique susceptible d'influer sur son comportement, c. GR. semble selon l'expert présenter « des indices de charge pulsionnelle marquée étant susceptibles d'induire une certaine fragilité...». Dans l'hypothèse où il serait reconnu coupable des faits, l'expert mentionnait encore que « l'absence de reconnaissance critique de son comportement et de remise en question personnelle participeraient d'un clivage du moi sur un mode pervers qui serait un facteur majorant vis-à-vis d'une éventuelle réitération des faits. »

Le 30 octobre 2015, le magistrat instructeur rendait une ordonnance de transmission des pièces de la procédure d'information au Premier Président de la Cour d'appel.

Par arrêt du 4 février 2016, la Chambre du Conseil de la cour d'appel a :

  • - rejeté la demande de nullité d'actes formée par c. GR. ;

  • - déclaré les juridictions monégasques compétentes pour juger l'ensemble des faits reprochés à c. GR. conformément aux dispositions de la loi monégasque ;

  • - rejeté le moyen tiré de la prescription de l'action publique ;

  • - rejeté la demande de mise en liberté formée par c. GR. ;

  • - dit qu'il résulte de l'information charges suffisantes contre c. GR. d'avoir :

  • 1) en France, à la Turbie, courant 2008, en tous cas depuis temps non couvert par la prescription, commis des attentats à la pudeur, consommés avec violence sur un mineur de l'un ou de l'autre sexe au-dessous de l'âge de 16 ans accomplis, en l'espèce sur la personne de d. HA. née le 21 décembre 1999 avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la classe de ceux qui ont autorité sur les victimes, en l'espèce notamment en la dénudant puis en lui caressant le corps et les seins, en l'embrassant dans le cou et sur les seins puis en essayant, le sexe nu en érection de lui imposer une fellation après l'avoir contrainte physiquement à s'agenouiller.

Crimes prévus et réprimés par les articles 263, 264, 270 du Code pénal.

  • 2) en France, courant 2000 à 2004, en tous cas depuis temps non couvert par la prescription, commis des attentats à la pudeur, consommés avec violence sur un mineur de l'un ou de l'autre sexe au-dessous de l'âge de 15 ans accomplis, en l'espèce sur la personne d'e. RE. née le 15 juin 1996 avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la classe de ceux qui ont autorité sur les victimes, en l'espèce notamment en la contraignant physiquement à lui pratiquer des fellations.

Crimes prévus et réprimés par les articles 263 (version en vigueur avant la loi n° 1.344 du 26 décembre 2007), 264, 270 du Code pénal.

  • 3) en France, à la Turbie, entre l'année 2006 et l'année 2007, en tous cas depuis temps non couvert par la prescription, commis un attentat à la pudeur consommé avec violence sur un mineur de l'un ou de l'autre sexe, au-dessous de l'âge de 15 ans accomplis ou au-dessous de l'âge de 16 ans accomplis, en l'espèce sur la personne de f. JO. né le 2 février 1998 avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la classe de ceux qui ont autorité sur les victimes, en l'espèce en lui imposant physiquement une pénétration pénienne annale.

Crime prévu et réprimé par les articles 263 (version en vigueur avant et sous la loi n° 1.344 du 26 décembre 2007), 264, 270 du Code pénal.

  • 4) en France, à la Turbie, entre le mois d'octobre 2001 et le mois de décembre 2001, depuis temps non couvert par la prescription, commis des attentats à la pudeur consommés avec violence contre un individu de l'un ou de l'autre sexe, en l'espèce sur la personne de s. AB. avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la classe de ceux qui ont autorité sur les victimes, en l'espèce en lui caressant le corps, le sexe, les fesses et les seins puis en la contraignant physiquement à lui pratiquer une fellation.

Crime prévu et réprimé par les articles 263 alinéa 1, 264, 270 du Code pénal.

  • 5) en France, courant 2000 à 2004, depuis temps non couvert par la prescription, commis des viols avec cette circonstance aggravante qu'ils ont été commis sur un mineur au-dessous de l'âge de 15 ans accomplis, en l'espèce sur la personne d'e. RE. née le 15 juin 1996, en l'espèce en lui imposant physiquement des pénétrations péniennes vaginales.

Crimes prévus et réprimés par l'article 262 (version en vigueur avant la loi n° 1.344 du 26 décembre 2007), 270 du Code pénal.

  • 6) en France notamment à la Turbie, courant 2012 et 2013, en tous cas depuis temps non couvert par la prescription, commis des viols avec cette circonstance aggravante qu'ils ont été commis sur une mineure au-dessous de l'âge de 16 ans accomplis, en l'espèce sur la personne de l. SC. née le 30 juin 2009, en l'espèce en la contraignant physiquement à lui pratiquer des fellations.

Crimes prévus et réprimés par les articles 262 et 270 du Code pénal.

  • - mis en accusation c. GR. et ordonné son renvoi devant le Tribunal criminel pour y être jugé conformément à la loi ;

  • - décerné contre c. GR. ordre de prise de corps.

Statuant sur pourvoi formé par c. GR. à l'encontre de l'arrêt du 4 février 2016, la Cour de révision a rejeté le dit pourvoi par arrêt du 8 juin 2016.

À l'audience du Tribunal criminel qui s'est tenue du 14 novembre 2016 au 21 novembre 2016, les parties civiles entendues ont toutes maintenu leurs déclarations mettant en cause c. GR.. Leurs avocats ont demandé au Tribunal de les recevoir en leur constitution de parties civiles, de déclarer c. GR. coupable des faits reprochés dont elles ont été personnellement victimes et de le condamner à payer à chacune d'elle la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice qui en est résulté.

Le Ministère public a soutenu l'accusation demandant au Tribunal de déclarer c. GR. coupable de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés, de le condamner en répression à la peine de douze ans de réclusion criminelle et de prononcer à son encontre une interdiction du territoire monégasque pour une durée de 10 ans.

Maître BALLERIO et Maître BAUDOUX, avocats de c. GR. ont plaidé le doute sur la réalité des faits reprochés, soulignant l'imprécision des déclarations des parties civiles, sur la nature des faits dénoncés et les dates et les circonstances de leur commission, sollicitant en conséquence son acquittement.

c. GR. qui a eu la parole en dernier, a maintenu ses dénégations, indiquant ne pas comprendre les accusations portées à son encontre.

SUR QUOI,

  1. 1°- Sur l'action pénale :

Attendu que c. GR. a été mis en accusation pour avoir :

  • - en France, à la Turbie, courant 2008, dénudé puis caressé le corps et les seins de d. HA., née le 21 décembre 1999, en l'embrassant dans le cou et sur les seins puis en essayant, le sexe nu en érection, de lui imposer une fellation après l'avoir contrainte physiquement à s'agenouiller,

  • - en France, courant 2000 à 2004, contraint physiquement e. RE., née le 15 juin 1996, à lui pratiquer des fellations et imposé à cette jeune fille des pénétrations péniennes vaginales,

  • - en France, à la Turbie, entre l'année 2006 et l'année 2007, imposé physiquement à f. JO., né le 2 février 1998, une pénétration pénienne annale,

  • - en France, à la Turbie, entre le mois d'octobre 2001 et le mois de décembre 2001, caressé le corps, le sexe, les fesses et les seins de s. AB., et contraint physiquement cette jeune fille à lui pratiquer une fellation,

  • - en France, notamment à la Turbie, courant 2012 et 2013, contraint physiquement l. SC., née le 30 juin 2009, à lui pratiquer des fellations ;

Attendu que pour apprécier la réalité des faits reprochés à c. GR., il convient en premier lieu de se référer aux circonstances de la révélation de ces faits ;

Qu'à cet égard, il doit être constaté qu'aucun des plaignants, à l'exception de Madame WI., mère de l. SC., ne s'est présenté spontanément auprès de la Sûreté publique ou de tout autre organe administratif ou judiciaire pour dénoncer c. GR. au titre des faits le concernant personnellement ;

Qu'en effet, les agressions commises à l'encontre de d. HA. n'ont pas été portées directement à la connaissance des autorités judiciaires par la victime elle-même, mais en suite d'un signalement réalisé par un tiers, professionnel de la santé ;

Qu'ainsi, la victime n'a révélé les faits la concernant qu'à l'occasion d'une consultation psychiatrique, faisant suite à une hospitalisation justifiée par un état de détresse psychologique ;

Que ce n'est qu'à l'occasion de leurs auditions respectives en qualité de témoins qu'e. RE., f. JO. et s. AB. ont rapporté les faits les concernant et dénoncé les crimes imputés à c. GR., l'audition de s. AB. ayant d'ailleurs été motivée par les propres déclarations de celui-ci et de son épouse ;

Que ces déclarations sont intervenues de façon non concertée puisque toutes ces jeunes victimes n'avaient plus aucun contact entre elles depuis de nombreuses années, et pour certaines d'entre elles ne se connaissaient pas et ne s'étaient jamais rencontrées ;

Que les déclarations d'e. RE. concernant les faits commis sur d. HA., dont elle a été témoin, sont à cet égard remarquables puisqu'elles sont intervenues avant même que cette dernière soit entendue par les services de police, et qu'elles sont conformes aux faits rapportés quelques jours plus tard par la plaignante ;

Attendu que malgré le jeune âge des plaignants à l'époque des faits, du temps écoulé et du silence conservé durant ces années, la relation des actes d'abus sexuels reprochés à c. GR. a été circonstanciée, tant en ce qui concerne la nature des actes subis que les circonstances et le lieu de leur commission ;

Que les victimes décrivent en outre, un mode opératoire semblable combinant des actes de contrainte physique et morale, pouvant aller jusqu'à des gestes de violence ou des menaces de représailles et de mort, e. RE. faisant état de l'usage d'une arme par c. GR. pour la menacer, laquelle a été retrouvée et saisie au domicile de celui-ci ;

Qu'il convient également de tenir compte du caractère pondéré et mesuré des accusations portées, certaines victimes ne dénonçant qu'un fait unique et de la constance dans leurs déclarations qu'elles ont maintenues tout au long de la procédure, le cas échéant à l'occasion de confrontations avec c. GR., et à l'audience du Tribunal criminel ;

Que le revirement opéré un temps par f. JO., concernant les seuls faits dont il a été victime s'explique aisément par sa pathologie à l'origine d'une grande fragilité intellectuelle et psychologique ;

Qu'au demeurant ce revirement n'a pas été maintenu devant le juge d'instruction et à l'audience du Tribunal criminel qui s'est convaincu de l'attachement de f. JO. à la famille GR., et de la honte qu'il a ressentie à la suite de la révélation des faits subis, pouvant selon lui être de nature à jeter un doute sur son orientation sexuelle et à entraîner des moqueries et sarcasmes ;

Que d'une manière générale, les jeunes victimes ont expliqué respectivement n'avoir pas signalé les faits plus tôt en raison de la persistance de très forts sentiments de honte et même de culpabilité éprouvés au regard des actes subis, de la peur encore ressentie face à c. GR., chef de famille exerçant l'autorité morale au sein du foyer où ces mineurs étaient placés et de la crainte de ne pas être crues, mais aussi de la conscience qu'elles avaient des conséquences que leurs déclarations provoqueraient nécessairement ;

Attendu qu'en outre les dénonciations des victimes sont confirmées par les déclarations de témoins, qu'il s'agisse d'autres enfants placés au sein du même foyer avec lesquels ils n'avaient plus de contact, de personnes de leur entourage proche et même de membres de leurs familles ou plus simplement de camarades et d'amis ayant reçu leurs confidences, soit à l'époque même des agressions, soit plus récemment, mais en tout état de cause antérieurement à leurs déclarations devant les services de police ;

Attendu par ailleurs que les examens psychologiques de ces victimes ont permis de conclure à l'authenticité des propos tenus, les experts relevant de nombreux critères permettant de valider leur discours, renforcés pour certains par le mime des scènes vécues, ainsi que la présence de critères caractérisant un évènement traumatique ;

Que les imprécisions relatives à l'évocation de certains faits, et de leur période de commission sont insuffisantes à faire douter de leur authenticité, mais sont au contraire de nature à étayer leur véracité, certains doutes éprouvés par les enfants dans leur relation des faits, permettant précisément d'exclure, selon l'expert, un processus affabulatoire ;

Attendu que les dénégations de c. GR., tirées essentiellement du caractère tardif des plaintes, n'ont pas convaincu le Tribunal criminel ;

Qu'en effet, elles ne sont pas de nature à mettre en cause l'ensemble des éléments précédemment mis en évidence résultant de l'information et de l'audience, dès lors que le défaut de dénonciation préalable des faits trouve son explication tant dans la jeunesse des victimes face à la position d'autorité et au statut dont bénéficiait alors le chef de foyer de la famille GR., qu'au regard de la gravité exceptionnelle des traumatismes subis et du processus de repli sur soi et de refoulement subséquents mis en exergue par les experts psychologues ;

Qu'au demeurant, on ne voit pas l'intérêt procuré et l'avantage que les plaignants auraient pu tirer de la dénonciation de faits mettant en cause c. GR. avec lequel ils n'avaient, pour certains, plus aucun contact depuis de nombreuses années et ne souhaitaient plus en avoir ;

Attendu que les propos tenus par c. GR. dans le cadre de l'expertise de SA., dépourvus de toute ambiguïté, ont permis à l'expert de considérer qu'il présente des traits d'une organisation perverse de la personnalité, avec des éléments de nature pédophilique, ce que l'expert BORGOGNO, à qui ces propos ont été rapportés à l'audience, a confirmé, précisant que la nature perverse du comportement de c. GR. constituait un facteur majorant vis-à-vis d'une éventuelle réitération des faits ;

Que ces deux experts ont par ailleurs indiqué que c. GR. était exempt de toute pathologie mentale, ce que l'expert psychiatre a également retenu dans son rapport ;

Attendu qu'en conséquence, les faits successivement reprochés à c. GR., commis au préjudice de d. HA., e. RE., f. JO. et s. AB. sont établis et caractérisent les crimes d'attentats à la pudeur et de viol, selon les qualifications respectivement retenues par les textes de répression en vigueur à l'époque de chacune des infractions commises concernant ces quatre victimes ;

Que d. HA. et f. JO. étaient âgés de moins de 16 ans, et en tout état de cause de moins de 15 ans à l'époque des faits dont ils ont été les victimes, d. HA. pour être née le 21 décembre 1999 et f. JO. pour être né le 2 février 1998, e. RE. étant âgée de moins de 15 ans pour être née le 15 juin 1996 ;

Que les faits qu'ils ont subis, ainsi que ceux dont a été victime s. AB., ont été commis par c. GR., chef de famille et conjoint de j. GR., assistante maternelle agréée, alors qu'ils étaient placés en famille d'accueil ou avait été placée s'agissant de d. HA., et qu'il détenait à ce titre une autorité évidente ;

Attendu que les révélations, dans des circonstances qui restent incertaines, de l. SC. à sa mère, mettant en cause c. GR. n'ont jamais été confirmées par la mineure aux services enquêteurs et au médecin psychiatre, chargé de l'examiner à la demande du juge d'instruction ;

Qu'elles sont insuffisantes à établir la culpabilité de c. GR., qui doit être renvoyé des fins de l'accusation de ce chef ;

Attendu qu'il existe en la cause des circonstances atténuantes tenant à la personnalité de l'accusé, tel que cela a résulté des débats à l'audience ;

Qu'il convient en conséquence compte tenu de la gravité des faits qui se sont déroulés sur plusieurs années, commis sur de nombreuses victimes mineures en tout cas fragilisées par leur propre histoire personnelle et familiale douloureuse ayant conduit à leur placement dans une famille d'accueil, des circonstances de leur commission et de la personnalité de l'auteur de condamner c. GR. à la peine de 16 ans de réclusion criminelle et de prononcer à son encontre une interdiction de séjour du territoire monégasque de 10 ans ;

Attendu que l'article 16 du Code pénal énonce que toute condamnation à une peine de réclusion emporte la dégradation civique, le condamné se trouvant en état d'interdiction légale pendant toute la durée de la détention ;

Attendu qu'il y a lieu de dire que l'ordre de prise de corps poursuit ses effets et d'ordonner le maintien en détention de c. GR. ;

Attendu qu'il y a lieu à confiscation des scellés ;

  • 2°- Sur l'action civile :

Attendu qu'aux termes de l'article 2 du Code de procédure pénale, l'action pour la réparation du préjudice directement causé par un fait constituant une infraction appartient à tous ceux qui en ont personnellement souffert ;

Que dans ces conditions, il y a lieu de recevoir en leur constitution de partie civile, AN. TU., représentant légal de sa fille mineure d. HA., e. RE., f. JO. représenté par son administrateur judiciaire Brigitte LU.-AL. et s. AB., et de déclarer irrecevable en sa constitution de partie civile a. WI. en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure l. SC. ;

Attendu que la gravité des préjudices subis par chacune des parties civiles, lesquels se perpétuent, en conséquence des faits dont c. GR. a été reconnu coupable, a été mise en évidence par les psychologues qui les ont examinées et par leurs propres déclarations à l'audience ;

Que ces préjudices doivent être réparés en tenant compte de leur jeune âge à l'époque des faits, de leur fragilité dont l'accusé a su profiter, de leur confiance qu'il a trompée, et du traumatisme subi toujours présent ;

Qu'ils seront justement réparés par l'allocation à chacune des parties civiles de la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts, au paiement de laquelle c. GR. est condamné ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL CRIMINEL, statuant contradictoirement et publiquement,

Après en avoir délibéré conformément aux articles 340 à 343 du Code de procédure pénale ;

À la majorité des voix ;

Déclare c. GR. non coupable d'avoir en France notamment à la Turbie, courant 2012 et 2013, commis des viols aggravés sur la personne de l. SC. née le 30 juin 2009 ;

Le renvoie des fins de l'accusation de ce chef ;

Déclare c. GR., coupable des faits reprochés et justement qualifiés par l'arrêt de mise en accusation, d'avoir :

  • 1) en France, à la Turbie, courant 2008, en tous cas depuis temps non couvert par la prescription, commis des attentats à la pudeur, consommés avec violence sur un mineur de l'un ou de l'autre sexe au-dessous de l'âge de 16 ans accomplis, en l'espèce sur la personne de d. HA. née le 21 décembre 1999 avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la classe de ceux qui ont autorité sur les victimes, en l'espèce notamment en la dénudant puis en lui caressant le corps et les seins, en l'embrassant dans le cou et sur les seins puis en essayant, le sexe nu en érection de lui imposer une fellation après l'avoir contrainte physiquement à s'agenouiller.

Crimes prévus et réprimés par les articles 263, 264, 270 du Code pénal.

  • 2) en France, courant 2000 à 2004, en tous cas depuis temps non couvert par la prescription, commis des attentats à la pudeur, consommés avec violence sur un mineur de l'un ou de l'autre sexe au-dessous de l'âge de 15 ans accomplis, en l'espèce sur la personne d'e. RE. née le 15 juin 1996 avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la classe de ceux qui ont autorité sur les victimes, en l'espèce notamment en la contraignant physiquement à lui pratiquer des fellations.

Crimes prévus et réprimés par les articles 263 (version en vigueur avant la loi n° 1.344 du 26 décembre 2007), 264, 270 du Code pénal.

  • 3) en France, à la Turbie, entre l'année 2006 et l'année 2007, en tous cas depuis temps non couvert par la prescription, commis un attentat à la pudeur consommé avec violence sur un mineur de l'un ou de l'autre sexe, au-dessous de l'âge de 15 ans accomplis ou au-dessous de l'âge de 16 ans accomplis, en l'espèce sur la personne de f. JO. né le 2 février 1998 avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la classe de ceux qui ont autorité sur les victimes, en l'espèce en lui imposant physiquement une pénétration pénienne annale.

Crime prévu et réprimé par les articles 263 (version en vigueur avant et sous la loi n° 1.344 du 26 décembre 2007), 264, 270 du Code pénal.

  • 4) en France, à la Turbie, entre le mois d'octobre 2001 et le mois de décembre 2001, depuis temps non couvert par la prescription, commis des attentats à la pudeur consommés avec violence contre un individu de l'un ou de l'autre sexe, en l'espèce sur la personne de s. AB. avec cette circonstance aggravante que les faits ont été commis par une personne de la classe de ceux qui ont autorité sur les victimes, en l'espèce en lui caressant le corps, le sexe, les fesses et les seins puis en la contraignant physiquement à lui pratiquer une fellation.

Crime prévu et réprimé par les articles 263 alinéa 1, 264, 270 du Code pénal.

  • 5) en France, courant 2000 à 2004, depuis temps non couvert par la prescription, commis des viols avec cette circonstance aggravante qu'ils ont été commis sur un mineur au-dessous de l'âge de 15 ans accomplis, en l'espèce sur la personne d'e. RE. née le 15 juin 1996, en l'espèce en lui imposant physiquement des pénétrations péniennes vaginales.

Crimes prévus et réprimés par l'article 262 (version en vigueur avant la loi n° 1.344 du 26 décembre 2007), 270 du Code pénal.

Vu les articles 245 alinéa 2 et 348 du Code de procédure pénale ;

Accorde à c. GR. le bénéfice des circonstances atténuantes par application de l'article 392 du Code pénal ;

Condamne c. GR. à la peine de 16 années de réclusion criminelle ;

Prononce à son encontre une interdiction de séjour du territoire monégasque pour une durée de 10 ans ;

Rappelle qu'en application de l'article 16 du Code pénal, toute condamnation à une peine de réclusion emporte la dégradation civique et place le condamné en état d'interdiction légale pendant la durée de sa détention ;

Vu les articles 12 et 32 du Code pénal, 359 du Code de procédure pénale ;

Dit que l'ordonnance de prise de corps poursuit ses effets et ordonne le maintien en détention de c. GR. ;

Ordonne la confiscation des scellés ;

Dit toutefois que cette confiscation ne sera effective que lorsque ces objets ne seront plus utiles pour d'autres procédures concernant l'accusé ;

Reçoit en leur constitution de partie civile, AN. TU., représentant légal de sa fille mineure d. HA., e. RE., f. JO. représenté par son administrateur judiciaire b. LU.-AL. et s. AB. ;

Déclare irrecevable en sa constitution de partie civile a. WI. en sa qualité de représentante légale de sa fille mineure l. SC. ;

Condamne c. GR. à payer à titre de dommages et intérêts, la somme de 30.000 euros à :

  • AN. TU., représentant légal de sa fille mineure d. HA.,

  • e. RE.,

  • f. JO. représenté par son administrateur judiciaire b. LU.-AL.,

  • s. AB.,

Vu l'article 357 du Code de procédure pénale ;

Condamne c. GR. aux frais ;

Vu l'article 360 du Code de procédure pénale

Fixe la durée de la contrainte par corps au minimum ;

Donne au condamné l'avertissement prévu par l'article 362 du Code de procédure pénale qui lui accorde la faculté de se pourvoir en révision pendant un délai de cinq jours francs et dit qu'après ce délai ils n'y sera plus recevable ;

En application des articles 361 et 363 alinéa 1 du code de procédure pénale, les dispositions des textes de lois appliqués sont ci-après reproduits :

  • article 12 du Code pénal :

« La confiscation, soit du corps du délit quand la propriété en appartient au condamné, soit des choses produites ou procurées par l'infraction, soit de celles qui ont servi ou qui ont été destinées à la commettre, est une peine commune aux matières criminelle, correctionnelle et de simple police. »

  • article 15 du Code pénal :

« La durée de la peine de réclusion à temps sera, selon les cas spécifiés par la loi, soit de dix à vingt ans, soit de cinq à dix ans. »

  • article 16 du Code pénal :

« Toute condamnation à une peine de réclusion emporte la dégradation civique. Le condamné est en outre, pendant la durée de sa détention, en état d'interdiction légale. Les règles édictées pour la tutelle des majeurs par la section II du chapitre II, titre X du livre premier du Code civil lui sont alors applicables ; toutefois, l'interdiction légale n'affecte pas sa capacité de se marier ainsi que celle de tester, sous la réserve que le testament doit être établi en la forme authentique.

Pour les donations entre vifs, réglées par l'article 410-220e du Code civil, le tuteur doit, outre l'autorisation du conseil de famille, recueillir celle du condamné.

Le Prince peut relever le condamné de tout ou partie des incapacités prévues au présent article. »

  • article 18 du Code pénal :

« La dégradation civique s'applique du jour où la condamnation est devenue irrévocable et, au cas de condamnation par contumace, du jour de l'accomplissement des mesures de publicité prescrites par l'article 526 du Code de procédure pénale. »

  • article 19 du Code pénal :

« Les biens du condamné lui seront remis après qu'il aura subi sa peine et le tuteur lui rendra compte de son administration. »

  • article 22 du Code pénal :

« La dégradation civique consiste :

  • 1° dans la destitution et l'exclusion de tout emploi, fonction ou office public ;

  • 2° dans la privation de tout droit civique et du droit de porter aucune décoration ;

  • 3° dans l'incapacité d'être expert, de servir de témoin dans les actes et de déposer en justice autrement que pour donner de simples renseignements ;

  • 4° dans l'incapacité de faire partie d'un conseil de famille, d'être tuteur, curateur, subrogé-tuteur ou conseil judiciaire, si ce n'est de ses enfants et sur l'avis conforme du conseil de famille ;

  • 5° dans la privation du droit de port d'arme, du droit de tenir école, d'enseigner ou d'être employé dans un établissement d'enseignement à titre de professeur, maître ou surveillant. »

  • article 24 du Code pénal :

« Tous arrêts qui porteront la peine de la réclusion à perpétuité ou à temps, du bannissement ou de la dégradation civique, seront imprimés par extraits et affichés aux lieux où sont habituellement apposées les affiches administratives. »

  • article 32 du Code pénal :

« La confiscation spéciale, les restitutions, les indemnités, les dommages-intérêts envers les parties lésées, si elles les requièrent, sont communs aux matières criminelle, correctionnelle et de simple police ; lorsque la loi ne les a pas réglés, la détermination en est laissée à l'appréciation des tribunaux. »

  • article 262 du Code pénal : (version antérieure à la loi n° 1.344 du 26 décembre 2007)

« Quiconque aura commis le crime de viol sera puni de la réclusion de dix à vingt ans.

Si le crime a été commis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze ans accomplis, le coupable encourra le maximum de la réclusion à temps. »

  • article 263 du Code pénal : (version antérieure à la loi n° 1.344 du 26 décembre 2007)

« quiconque aura commis un attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence, contre un individu de l'un ou l'autre sexe, sera puni de la réclusion de cinq à dix ans.

Si le crime a été commis sur la personne d'un enfant au-dessous de l'âge de quinze ans accomplis, le coupable subira la peine de la réclusion de dix à vingt ans. »

  • article 263 du Code pénal :

« quiconque aura commis un attentat à la pudeur, consommé ou tenté avec violence, contre un individu de l'un ou l'autre sexe, sera puni de la réclusion de cinq à dix ans.

Si le crime a été commis sur la personne d'un mineur au-dessous de l'âge de seize ans accomplis, le coupable subira la peine de la réclusion de dix à vingt ans. »

  • article 264 du Code pénal :

« si les coupables sont les ascendants de la personne sur laquelle a été commis l'attentat, s'ils sont de la classe de ceux qui ont autorité sur elle, s'ils sont ses instituteurs ou ses serviteurs à gages, ou serviteurs à gages de personnes ci-dessus désignées, s'ils sont fonctionnaires ou ministres d'un culte ou si le coupable, quel qu'il soit a été aidé dans son crime par une ou plusieurs personnes, la peine sera la réclusion de dix à vingt ans dans les cas prévus aux articles 261 (1er alinéa) et 263 (1er alinéa) et du maximum de la réclusion à temps dans les cas prévus aux articles 262 (1er alinéa) et 263 (2° alinéa). »

  • article 270 du Code pénal :

« dans tous les cas sus énoncés d'attentats aux mœurs, le séjour du territoire monégasque pourra être interdit aux coupables pendant deux ans au moins et dix ans au plus, à dater du jour où les condamnés auront subi leur peine. »

  • article 392 alinéa 1-2° du Code pénal :

« Les peines prévues par la loi contre l'accusé reconnu coupable, en faveur de qui les circonstances atténuantes auront été déclarées, pourront être réduites :

2° jusqu'à trois ans d'emprisonnement, si la peine est celle du maximum de la réclusion à temps ; »

  • Article 8-3° du Code de procédure pénale :

« Pourra être poursuivi et jugé dans la Principauté :

  • 3° Quiconque aura, en qualité d'auteur, de coauteur ou de complice, hors du territoire de la Principauté, commis sur des mineurs l'un des faits prévus et réprimés par les articles 249-1, 249-2, 261, 262, 263, 265, alinéa 1er, 1°, 2° et 4°, 269, alinéa 1er, 1° et alinéa 2, 269-1, 273, 294-3, 294-4, 294-5, 294-6, 294-7, 294-8 et 335, alinéa 1er, du code pénal, s'il est trouvé dans la Principauté ».

  • Article 12 du Code de procédure pénale :

« L'action publique résultant d'un crime, ou des délits prévus par les articles 218-1 et 218-2 du Code pénal, est prescrite après dix années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise.

L'action publique résultant d'un crime prévu par l'article 228 du Code pénal est prescrite après trente années révolues à compter du jour où le crime a été commis.

L'action publique résultant de tout crime commis sur la personne d'un mineur est prescrite après trente années révolues à compter du jour de la majorité de ce dernier ».

  • Article 13 bis du Code de procédure pénale : (version loi n° 1.344 du 26 décembre 2007)

« Nonobstant les dispositions des articles précédents, l'action publique relative aux crimes prévus ou réprimés par les articles 249-1, 249-2, 261, 262, 263, 266 alinéa 2, 269 alinéa 2, 290 et 291 du Code pénal, lorsqu'ils ont été commis au préjudice d'un mineur, est prescrite après vingt années révolues à compter du jour où la victime est devenue majeure ».

  • Article 25 du Code de procédure pénale :

« Le tribunal criminel connaît des infractions qualifiées crimes ».

  • Article 2 du Code de procédure pénale :

« L'action pour la réparation du préjudice directement causé par un fait constituant une infraction appartient à tous ceux qui en ont personnellement souffert, sous réserve des dispositions particulières prévues à l'article suivant.

Cette action sera recevable, indistinctement, pour tous chefs de dommages, aussi bien matériels que corporels ou moraux ».

  • Article 245 du Code de procédure pénale :

« L'arrêt de mise en accusation contient les noms, prénoms, date et lieu de naissance, domicile et profession de l'accusé, ainsi que l'exposé sommaire du fait, objet de l'accusation, sa qualification légale et les articles de loi qui le répriment.

Il contient, en outre, un ordre de prise de corps contre l'accusé. Cet ordre sera ramené à exécution conformément aux dispositions de l'article 202. L'accusé sera maintenu en détention, s'il y est déjà. »

  • Article 292 du Code de procédure pénale :

« Si, à raison de la nature des faits, la publicité paraît dangereuse pour l'ordre public ou les bonnes moeurs, le tribunal, sur les réquisitions du ministère public ou d'office, peut ordonner, par une décision motivée et prononcée publiquement, que les débats auront lieu à huis clos, en tout ou en partie.

L'arrêt sur le fond devra toujours être rendu en audience publique. »

  • Articles 340 à 343 du Code de procédure pénale :

  • Article 340 :

« Le Tribunal criminel délibère d'abord sur le fait principal retenu par l'arrêt de renvoi, puis, s'il y a lieu, sur chacune des circonstances aggravantes, sur chacun des faits d'excuse légale, sur la question des circonstances atténuantes que le président sera tenu de poser toutes les fois que la culpabilité de l'accusé aura été retenue, enfin sur l'application de la peine.

Si l'accusé a moins de 18 ans, la délibération porte, à défaut de condamnation, sur les mesures applicables au mineur. »

  • Article 341 :

« Sur chacun des points, le président, après discussion, recueille successivement les voix. Les juges opinent chacun à leur tour, en commençant par les juges supplémentaires suivant l'ordre inverse de leur inscription sur la liste prévue à l'article 269. Le président donne son avis le dernier.

Tous les juges doivent voter sur l'application de la peine, quel qu'ait été leur avis sur les autres questions. »

  • Article 342 :

« L'arrêt est rendu à la majorité des voix. En cas de partage, l'avis favorable de l'accusé prévaut. »

  • Article 343 :

« Si, après deux votes, aucune peine ne réunit la majorité absolue, il sera procédé à des votes successifs, en écartant chaque fois la peine la plus forte, précédemment proposée, jusqu'à ce qu'une peine soit adoptée à la majorité absolue. »

  • Article 347 du Code de procédure pénale :

« En cas de conviction de plusieurs crimes ou délits, la peine la plus forte sera seule prononcée ».

  • Article 348 du Code de procédure pénale :

« Si le tribunal estime qu'il existe des circonstances atténuantes, il le déclare dans l'arrêt et statue conformément aux prescriptions du Code pénal

  • Article 353 du Code de procédure pénale :

« Le tribunal criminel statue par le même arrêt sur les demandes en dommages-intérêts, après avoir entendu les parties et le ministère public.

Dans le cas de renvoi, la partie-civile pourra, à raison des mêmes faits, demander réparation d'un dommage qui a sa charge dans une faute de l'accusé, distincte de celle relevée par l'accusation, ou dans une disposition du droit civil ;

Toutefois, s'il juge que, de ce chef l'affaire n'est pas en état, le tribunal criminel renvoie les parties devant le tribunal civil. »

  • Article 357 alinéa 1 du Code de procédure pénale :

« L'accusé contre lequel une peine est prononcée est condamné aux frais. »

  • Article 359 du Code de procédure pénale :

« Le tribunal ordonne par le même arrêt que les effets placés sous main de justice seront restitués aux propriétaires. Néanmoins, la restitution n'est effectuée qu'une fois l'arrêt devenu définitif.

Lorsque le tribunal criminel est dessaisi, la chambre du conseil de la Cour d'appel est compétente pour ordonner cette restitution sur requête des intéressés ou du ministère public. »

  • Article 360 du Code de procédure pénale :

« L'arrêt fixe la durée de la contrainte par corps pour le recouvrement des condamnations pécuniaires. »

  • Article 361 du Code de procédure pénale :

« L'arrêt est prononcé par le président, en présence du public et de l'accusé.

Il est motivé. En cas de condamnation, il énonce les faits dont l'accusé est reconnu coupable, la peine, les condamnations accessoires et les textes de lois appliqués. »

  • Article 362 du Code de procédure pénale :

« Après avoir prononcé l'arrêt, si l'accusé est condamné, le président l'avertit que la loi lui accorde la faculté de se pourvoir en révision, pendant un délai de cinq jours francs et qu'après ce délai, il n'y sera plus recevable. »

  • Article 363 alinéa 1 du Code de procédure pénale :

« La minute de l'arrêt est établie par le greffier. Elle contient l'indication des textes de loi appliqués. Elle est signée dans les trois jours de la prononciation de l'arrêt par les juges qui l'ont rendu et par le greffier.»

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique au Palais de Justice à Monaco, le vingt-et-un novembre deux mille seize, par le Tribunal Criminel, composé de Madame Virginie ZAND, Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Madame Françoise DORNIER, juges assesseurs, Monsieur Richard DAMAR, Monsieur Pierre MONDIELLI, Monsieur Damien GASTAUD, jurés titulaires, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur général adjoint, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier.

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