Tribunal correctionnel, 20 octobre 2020, Le Ministère Public c/ j-m. R.
Abstract🔗
Procédure pénale - Police judiciaire - Enquête - Audition libre - Nullité (oui) - Renonciation de la personne auditionnée à ses droits - Défaut de notification préalable des faits reprochés - Nullité de l'enquête (non) - Violation du principe du contradictoire (non) - Appréciation de la procédure dans son ensemble - Caractère contradictoire de l'audience - Infractions contre les biens - Accès frauduleux à un système d'information (non) - Données informatiques d'une société (non) - Accès libre aux données - Relaxe
Résumé🔗
Il est établi que le prévenu, entendu en audition libre, a renoncé aux différents droits afférents à cette mesure, et notamment celui de garder le silence, alors même que ne lui avaient pas encore été notifiés les faits pour lesquels il allait être entendu. En conséquence, il convient d'annuler le procès-verbal d'audition libre du prévenu.
Cependant, le prévenu invoque vainement une violation du principe du contradictoire lors de l'enquête qui a été menée dès lors que la présente procédure, qui doit s'apprécier dans son ensemble, a abouti à une audience au cours de laquelle il a été permis aux différentes parties de faire valoir contradictoirement leurs arguments de défense.
Il est reproché au prévenu d'avoir accédé frauduleusement à un système d'information, en l'espèce les données informatiques d'une société, notamment des fichiers et listing clients, des contrats et des bons de commandes. Cependant, l'administrateur de la société a déclaré que le prévenu avait eu librement accès à ces fichiers et ne s'était pas introduit sans droit dans le réseau pour les récupérer. Le caractère frauduleux de l'accès aux données informatiques n'étant pas caractérisé, il convient de relaxer le prévenu des fins de la poursuite.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2019/000917
JUGEMENT DU 20 OCTOBRE 2020
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En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;
Contre le nommé :
j-m. R., né le 10 août 1981 à MONACO (Principauté de Monaco), de j-l. et de m. B. de nationalité française, directeur commercial, demeurant X1- 98000 MONACO (Principauté de Monaco) ;
Prévenu de :
- ACCÉS FRAUDULEUX À UN SYSTEME D'INFORMATION
- ATTEINTES FRAUDULEUSES ÀDES DONNÉES INFORMATIQUES
- PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Hervé CAMPANA, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;
LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;
Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2019/000917 ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 27 août 2020 ;
Ouï Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, pour le prévenu, lequel soulève in limine litis des exceptions de nullité et en ses conclusions en date du 19 octobre 2020 ;
Ouï le Ministère Public en ses observations et en ses conclusions en date du 7 mai 2020 ;
Le Président, après avoir pris l'avis de ses assesseurs, décide de joindre l'incident au fond ;
Ouï le prévenu en ses réponses ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Hervé CAMPANA, avocat défenseur pour le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;
Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que j-m. R. est poursuivi correctionnellement sous la prévention :
« D'avoir, à MONACO, le 9 mai 2019, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, accédé frauduleusement dans tout ou partie d'un système d'information, en l'espèce en accédant aux données informatiques de la SAM A, notamment des fichiers et listing clients, des contrats et bons de commandes et ce au préjudice de la SAM A
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 389-1 du Code pénal
D'avoir, à MONACO, courant mai 2019, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, extrait, détenu et transmis des données informatiques, en l'espèce notamment des fichiers et listing clients, des contrats et bon de commande et ce au préjudice de la SAM A
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 389-3 du Code pénal » ;
SUR CE,
Il est constant que le procès-verbal d'audition libre de j-m. R. fait état de la renonciation par ce dernier des différents droits afférents à cette mesure, et notamment celui de garder le silence, alors même que ne lui avaient pas encore été notifiés les faits pour lesquels il allait être entendu.
Par conséquent, le procès-verbal d'audition libre de j-m. R. en date du 21 mai 2019 devra pour cette seule raison être annulé, étant précisé que les faits peuvent à ce stade de la procédure avoir une qualification juridique différente que celle apportée in fine par l'autorité de poursuite.
En revanche, le dernier moyen de nullité de j-m. R. qui soulève une violation du principe du contradictoire lors de l'enquête qui a été menée devra quant à lui être rejeté, la présente procédure, qui doit s'apprécier dans son ensemble, ayant abouti à une audience au cours de laquelle il a été permis aux différentes parties de faire valoir contradictoirement leurs arguments de défense
Quant au fond auquel l'incident susvisé a été joint, il y a lieu de relever que j-l. P., es-qualités d'administrateur de la SAM A, a indiqué dans sa seconde audition du 17 juillet 2019 que « j-m. R. a eu librement accès à ces fichiers. Il ne s'est pas introduit sans droit dans le réseau pour récupérer ces fichiers ».
Or, il ressort que l'un des éléments constitutifs des délits reprochés à j-m. R. est le caractère frauduleux de l'accès ou des atteintes poursuivis.
Par conséquent, j-m. R. devra être relaxé de l'ensemble des faits qui lui sont reprochés.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,
Prononce la nullité du procès-verbal d'audition de j-m. R. en date du 21 mai 2019 ;
Rejette les autres moyens de nullité soulevés par j-m. R. ;
Relaxe j-m. R. des fins de la poursuite.
Et laisse les frais à la charge du Trésor.
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le vingt octobre deux mille vingt, par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur Général Adjoint, assistés de Madame Laurie PANTANELLA, Greffier.
Jugement signé seulement par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, et Madame Laurie PANTANELLA, Greffier, en l'état de l'empêchement de Monsieur Adrian CANDAU, Juge, conformément à l'article 60 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.