Tribunal correctionnel, 6 octobre 2020, Le Ministère Public c/ j. E.

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Abstract🔗

Crimes et délits contre la paix publique - outrages et violences envers les dépositaires de la puissance publique, de l'autorité et de la force publique - outrage à agent de la force publique - intervention au domicile du prévenu pour faire cesser un bruit excessif - propos injurieux - signature du procès-verbal d'infraction avec un acronyme insultant

Résumé🔗

Poursuivi pour avoir outragé un agent de police dans l'exercice de ses fonctions en lui disant « vous n'avez rien à foutre » et « vous me cassez les couilles », et en signant l'avis de contravention avec l'acronyme anglais ACAB (All Cops Are Bastards), le prévenu reconnaît les faits. Il tente vainement d'expliquer son geste par une consommation d'alcool le soir des faits dès lors que l'agent outragé affirme ne pas avoir eu l'impression qu'il se trouvait sous l'emprise d'alcool, étant précisé que cet agent était déjà intervenu quelques jours auparavant chez le prévenu également pour faire cesser un bruit de musique excessif. Il convient donc de retenir la culpabilité du prévenu.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2020/000311

JUGEMENT DU 06 OCTOBRE 2020

  • En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

  • - j. E., né le 25 mai 1998 à BEYROUTH (Liban), de a. et de c C. de nationalité monégasque, jardinier, demeurant « X1» X1- 98000 MONACO (Principauté de Monaco) ;

Prévenu de :

  • OUTRAGES À UN OFFICIER DE LA FORCE MINISTÉRIEL, UN COMMANDANT OU AGENT DE LA FORCE PUBLIQUE, PERSONNE CHARGÉE d'UN SERVICE PUBLIC

- PRÉSENT aux débats, comparaissant en personne ;

En présence de :

  • - b. T., agent de police, domicilié sur son lieu de travail X2 à MONACO, constitué partie civile, assisté de Maître Christophe SOSSO, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2020/000311 ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 09 juillet 2020 ;

Ouï le prévenu en ses réponses ;

Ouï c. M-I. curatrice de j. E., entendue à titre de simple renseignement ;

Ouï b. T., partie civile, en ses déclarations ;

Ouï Maître Christophe SOSSO, avocat défenseur pour la partie civile, en ses demandes et déclarations ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que j. E. est poursuivi correctionnellement sous la prévention :

« D'avoir, à MONACO, le 5 novembre 2019, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, outragé par écrit ou dessin non rendus publics, par paroles, gestes, menaces ou par l'envoi, dans la même intention, d'un objet quelconque, M. b. T. Agent de police dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'espèce en lui disant « vous n'avez rien à foutre », « vous me cassez les couilles », en insistant à plusieurs reprises sur le fait qu'il n'appréciait pas les services de polices et en signant l'avis de contravention rédigé à son encontre avec les lettre «ACAB», s'agissant d'un acronyme de l'anglais «All cops are bastards»,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 164 et 165 du Code pénal »;

Attendu qu'à l'audience, b. T. s'est constitué partie civile et a sollicité par l'intermédiaire de son conseil la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

  • Sur l'action publique,

Attendu que j. E. reconnaît les faits qui lui sont reprochés en indiquant que son emportement a été causé, au moins pour partie, par une consommation d'alcool le soir des faits ; Qu'il a fait valoir qu'il avait été irrité par la présence de six policiers se rendant à son domicile alors qu'il était en train de partager un moment d'intimité avec son amie ;

Que b. T. a déclaré ne pas avoir eu l'impression que j. E. était sous l'emprise de l'alcool lors de son intervention et a précisé être déjà intervenu dans les jours précédents pour également faire cesser un bruit de musique excessif ;

Attendu qu'il convient en conséquence de déclarer j. E. coupable du délit qui lui est reproché ;

Attendu, quant à la sanction qui doit lui être infligée, qu'il convient de tenir compte de sa personnalité et de son évolution dans sa vie de jeune adulte mais également de ses antécédents judiciaires ;

Attendu que le docteur L-M. psychiatre, a, dans son rapport du 18 février 2020, noté que j. E. présentant des traits d'une personnalité psychopathique (impulsivité, difficultés à supporter l'autorité et à respecter les limites, comportement addictif, privilégiant le passage à l'acte à la mentalisation et à la réflexion) mais qu'elle n'avait pas mis en évidence d'anomalies mentales ou psychiques pouvant être en relation avec l'infraction ; Que cet expert a considéré que j. E. était pénalement responsable ;

Attendu que j. E. a fait valoir qu'il travaillait actuellement au service des jardins publics et qu'il donnait toute satisfaction à son supérieur ; qu'il avait désormais son propre appartement et une relation affective stable avec une jeune fille ;

Qu'il a admis ne pas avoir cessé toute consommation d'alcool mais ne presque plus en boire en semaine, sa consommation du week-end pouvant s'avérer excessive comme en témoigne d'ailleurs ses verbalisations pour ivresse publique et manifeste récentes ; Qu'il fait l'objet d'un suivi pour cette addiction et a arrêté toute consommation de stupéfiants ;

Attendu que c. M-I. curatrice de j. E., a indiqué qu'il avait beaucoup évolué, que son travail se passait bien et qu'elle avait un bon contact avec lui ;

Attendu que ces éléments démontrent l'existence d'une volonté du prévenu de se soigner et d'évoluer de manière positive et ce, même s'il n'y parvient pas toujours à ce jour ;

Que si j. E. n'est plus accessible à un certain nombre de peines qui auraient pu permettre de le suivre sur le long terme, il convient d'essayer de ne pas le mettre en échec définitif tant au plan professionnel que personnel compte tenu de ses difficultés et de son jeune âge ;

Attendu qu'il y a lieu toutefois de tenir compte de la gravité des faits et de la réitération régulière de comportements délinquants et violents de j. E. qui doit comprendre que ses agissements sont intolérables et doivent cesser ;

Attendu que les nouvelles dispositions prévues aux articles 414-1 et 414-2 du Code pénal permettent à la juridiction de jugement d'ajourner le prononcé de la peine à l'égard d'un prévenu déclaré coupable de délits et en assortissant cette mesure à des obligations prévues aux articles 5 et 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.960 du 12 février 1968 ;

Attendu que j. E. peut bénéficier de ces dispositions dès lors qu'il peut être considéré que son reclassement est en voie d'être acquis dès lors qu'il travaille, réside seul, a cessé toute consommation de stupéfiants et se fait suivre régulièrement pour lutter contre son addiction à l'alcool, que le dommage est en voie d'être réparé puisqu'il s'est engagé à régler rapidement à la partie-civile les dommages-intérêts fixés par le Tribunal et que le trouble causé par l'infraction va cesser s'agissant d'une infraction instantanée dont le préjudice va être réparé par ce Tribunal ;

Attendu cependant que pour que cet ajournement soit utile et permette tout à la fois à j. E. de montrer sa réelle volonté de reclassement, sa bonne volonté ainsi que ses progrès et au Tribunal de vérifier de la réalité de la situation au jour où il statuera sur la peine afin que celle-ci soit adaptée, il convient d'assortir à cette mesure des obligations prévues par les articles 5 et 6 de l'Ordonnance Souveraine n° 3.960 du 12 février 1968 sur la reclassement social des délinquants à savoir : exercer une activité professionnelle, se soumettre à des mesures de contrôle, de traitement ou de soins relatives à son addiction à l'alcool, même sous le régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication, de réparer les dommages causés par l'infraction et de s'abstenir de tout excès de boissons alcoolisées ;

Qu'il convient en conséquence d'ajourner le prononcé de la peine à l'audience du MARDI 16 MARS 2021 à 9 heures ;

Attendu que dans l'intervalle j. E. devra justifier chaque mois auprès du Greffe du Tribunal Correctionnel de l'exécution des trois premières obligations mises à sa charge et Madame le Procureur Général devra avant cette audience recueillir tous renseignements utiles sur le comportement de j. E. ;

  • Sur l'action civile,

Attendu qu'il y a lieu de recevoir b. T. en sa constitution de partie civile ;

Attendu que les dispositions de l'article 414-1 du Code pénal susvisé permettent de statuer soit à titre définitif soit à titre provisoire sur les dommages-intérêts dus à la victime de l'infraction ;

Attendu que le Tribunal disposant d'éléments suffisants, il convient de statuer définitivement sur le préjudice de b. T. et de faire droit à sa demande en condamnant j. E. à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Sur l'action publique,

Déclare j. E. coupable du délit qui lui est reproché ;

Faisant application des articles visés par la prévention ainsi que des articles 414-1 et 414-2 du Code pénal ainsi que de l'Ordonnance Souveraine n° 3.960 du 12 février 1968,

Ajourne le prononcé de la peine à l'audience du MARDI 16 MARS 2021 à 9 heures ;

Soumet dans l'intervalle j. E. aux obligations suivantes :

  • - exercer une activité professionnelle,

  • - se soumettre à des mesures de contrôle, de traitement ou de soins, même sous le régime de l'hospitalisation, notamment aux fins de désintoxication,

  • - réparer les dommages causés par l'infraction,

  • - s'abstenir de tout excès de boissons alcoolisées ;

Dit que j. E. devra justifier chaque mois auprès du greffe du Tribunal correctionnel du respect des trois premières obligations ;

Invite Madame le Procureur Général à fournir au Tribunal en vue de l'audience à laquelle l'affaire est renvoyée tous renseignements utiles sur le comportement de j. E. ;

Sur l'action civile,

Reçoit b. T. en sa constitution de partie civile ;

Condamne j. E. à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Réserve les frais ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le six octobre deux mille vingt, par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, Monsieur Ludovic LECLERC, Premier Juge, Madame Aline BROUSSE, Juge, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Procureur général adjoint, assistés de Madame Laurie PANTANELLA, Greffier.

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