Tribunal correctionnel, 16 juin 2020, Le Ministère Public c/ b. N.
Abstract🔗
Droit pénal des sociétés - Banqueroute simple - Défaut de siège social - Non-déclaration de cessation des paiements - Détermination de la date de cessation des paiements - Date retenue par la juridiction commerciale s'imposant au juge répressif (non) - Preuve d'une cessation des paiements à une date antérieure (non) - Condamnation - Banqueroute simple - Comptabilité irrégulière - Défaut de convocation à l'assemblée générale - Contraventions distinctes - Délit non caractérisé - Mauvaise foi (non) - Relaxe
Résumé🔗
Pour fonder ses poursuites du chef de banqueroute, le Ministère public a arrêté la date de cessation des paiements de la SARL G dirigée le prévenu, au niveau pénal, au mois de juillet 2016. S'il est acquis que la juridiction répressive n'est aucunement liée par la date de cessation des paiements fixée par le juge commercial, il n'en demeure pas moins que l'enquête pénale doit démontrer que le prévenu aurait manifestement dû, à la date retenue par le parquet, se trouver incontestablement en état de cessation des paiements et entreprendre alors les démarches nécessaires à sa déclaration au greffe général. Or, en l'espèce, il n'est pas établi que le prévenu pouvait avoir parfaitement conscience, dès cette date, qu'il ne pourrait surmonter les difficultés financières de sa société, étant précisé que ce dernier a été incarcéré entre juin et septembre 2016. Ainsi, la date de cessation des paiements du 31 décembre 2016 fixée par le juge commercial sera retenue. En conséquence, le prévenu sera reconnu coupable du délit de banqueroute simple pour avoir omis de faire la déclaration de cessation des paiements mais à compter de janvier 2017.
Par ailleurs, il est reproché au prévenu d'avoir tenu ou fait tenir irrégulièrement la comptabilité de la société en s'abstenant d'arrêter les comptes de l'exercice 2016 et de convoquer l'assemblée générale.
Or, ces faits relèvent de deux contraventions bien précises et ne peuvent donc permettre de caractériser un délit, d'autant que la mauvaise foi du prévenu nécessaire à la constitution de la banqueroute simple n'est pas démontrée. Le prévenu sera donc relaxé de ce chef.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2019/000117
JUGEMENT DU 16 JUIN 2020
________
En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;
Contre le nommé :
- b. N., né le 14 décembre 1963 à MALMÖ (Suède), de b. Sr et de A. S. K., de nationalité suédoise, demeurant X1- 06240 BEAUSOLEIL (France) ;
Prévenu de :
BANQUEROUTE SIMPLE
- PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat-défenseur ;
En présence de :
- Monsieur C. BO., ès qualités de syndic de la liquidation des biens de la SARL G, demeurant X2 - 98000 MONACO (Principauté de Monaco), constitué partie civile, comparaissant en personne ;
LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 26 mai 2020 ;
Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2019/000117 ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Frédéric LEFEVRE, huissier, en date du 19 février 2020 ;
Ouï le prévenu en ses réponses ;
Ouï c. BO., partie civile, ès-qualités de syndic de la SARL G, en ses demandes, fins et conclusions reçues par courriel en date du 25 mai 2020 ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur pour le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;
Ouï le prévenu en dernier, en ses moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que b. N. est poursuivi correctionnellement sous les préventions :
et ce au préjudice de c. BO., syndic,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 327 et 328 du Code pénal
Pour avoir, à Monaco, entre courant juillet 2016 et courant mars 2018, étant dirigeant de droit de la SARL G, se trouvant en état de cessation des payements, de mauvaise foi, tenu, fait tenir ou laissé tenir irrégulièrement la comptabilité de la société en l'espèce :
En s'abstenant :
- d'arrêter les comptes de l'exercice 2016 ;
- de convoquer une assemblée générale ;
et ce au préjudice de c. BO., syndic,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 327 et 328 du Code pénal » ;
I- Sur les faits :
Dans le contexte d'une procédure pénale dans laquelle était impliqué b. N. notamment pour des faits d'abus de confiance dans le cadre de cession de parts sociales de la SARL G dont ce dernier était le gérant, le Parquet général a fait assigner cette société par devant le Tribunal de première instance le 15 décembre 2017.
Par un jugement en date du 22 mars 2018, cette juridiction, statuant en matière commerciale, a constaté l'état de cessation des paiements de cette société à responsabilité limitée et fixé provisoirement au 31 décembre 2016 la date de cessation des paiements.
Par un autre jugement en date du 28 février 2019, le Tribunal de Première instance a prononcé la liquidation des biens de la SARL G.
A l'issue de l'enquête pénale qui a été diligentée sur l'infraction de banqueroute simple par le Parquet général qui avait également été saisi de faits de non-paiement des cotisations sociales et de non remise des comptes relatifs à l'exercice 2016 de la SARL G, b. N. a finalement été renvoyé par devant la présente juridiction afin de répondre des faits de banqueroute simple, à savoir d'avoir entre le mois de juillet 2016 et courant mars 2018 omis de faire au greffe général, dans les 15 jours, la déclaration de la cessation des paiements et fait tenir irrégulièrement la comptabilité de la société en s'abstenant d'arrêter les comptes de l'exercice 2016 et de convoquer une assemblée générale.
À l'audience, b. N. a fait plaider sa relaxe alors que c. BO. s'est constitué partie civile, en sa qualité de syndic, et a sollicité à titre de dommages et intérêts la somme de 164.678,08 euros correspondant au passif.
II- Sur l'action publique,
Le Ministère public a considéré, pour fonder et motiver ses poursuites à l'encontre de b. N., que la date de cessation des paiements de la SARL G devait être fixée, au niveau pénal, au mois de juillet 2016.
S'il est acquis que la juridiction répressive n'est aucunement liée par la date de cessation des paiements que le Tribunal de première instance, statuant en matière commerciale, a fixée, il n'en demeure pas moins que l'enquête pénale doit démontrer que le prévenu aurait manifestement dû, à la date retenue par le parquet, se trouver incontestablement en état de cessation des paiements et entreprendre alors les démarches nécessaires à sa déclaration au Greffe général.
Or, il ne ressort aucunement des éléments du dossier que b. N. pouvait avoir parfaitement conscience, et ce dès le mois de juillet 2016, qu'il ne pourrait surmonter les difficultés financières de la société qu'il gérait, étant précisé que ce dernier a été incarcéré entre le mois de juin 2016 et le mois de septembre 2016 pour des faits d'abus de confiance dont il a été relaxé par un jugement en date du 26 septembre 2017.
Ainsi, le Tribunal correctionnel considère que la date de cessation des paiements du 31 décembre 2016 fixée par le Tribunal de première instance, selon les éléments d'informations en sa possession au mois de mars 2018, doit être retenue.
Il en découle que b. N. devra être déclaré coupable du délit de banqueroute simple pour avoir omis de faire la déclaration de cessation des paiements au greffe général mais à compter du mois de janvier 2017 jusqu'au mois de mars 2018.
Il est par ailleurs reproché à b. N. d'avoir tenu, ou fait tenir irrégulièrement la comptabilité de la société en s'abstenant d'arrêter les comptes de l'exercice 2016 et de convoquer l'assemblée générale.
Or, il convient de rappeler que ces faits relèvent de deux contraventions bien précises et ne peuvent donc permettre de caractériser en l'espèce un délit, et ce d'autant que la mauvaise foi du prévenu nécessaire à la constitution de la banqueroute simple n'est absolument pas démontrée.
Par conséquent, b. N. devra être relaxé de ce chef de prévention.
À titre de répression, il y a lieu de prendre en considération la nature et la gravité relative des faits finalement reprochés à b. N. en prononçant à son encontre une peine d'amende de 2.500 euros avec sursis.
III- Sur l'action civile,
Il y a lieu de recevoir c. BO., ès-qualités de syndic de la cessation des paiements de la SARL G, en sa constitution de partie civile.
Il convient, afin d'évaluer les préjudices causés directement par l'accomplissement du délit commis par b. N. et plus précisément de déterminer en quoi ce délit a eu pour effet d'aggraver le passif entre la cessation des paiements et l'état de créance définitif, de renvoyer l'affaire à l'audience sur intérêts civils du vendredi 16 octobre 2020 à 9 heures ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,
Sur l'action publique,
Relaxe b. N. des faits de banqueroute simple pour tenue irrégulière de la comptabilité et non convocation de l'assemblée générale.
Relaxe b. N. des autres faits de banqueroute simple antérieurs au 31 décembre 2016.
Le déclare ainsi coupable des faits de banqueroute simple à savoir l'omission au greffe général de la déclaration de la cessation des paiements pour la période allant du mois de janvier 2017 au mois de mars 2018.
En répression, faisant application des articles visés par les préventions, ainsi que de l'article 393 du code pénal,
Le condamne à la peine de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS D'AMENDE AVEC SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du code pénal n'ayant pu être adressé au condamné, absent lors du prononcé de la décision ;
Sur l'action civile,
Reçoit c. BO., ès-qualités de syndic de la cessation des paiements de la Société à Responsabilité Limitée de droit monégasque dénommée G, en sa constitution de partie civile ;
Renvoie l'affaire sur les intérêts civils à l'audience du VENDREDI 16 OCTOBRE 2020 à 9 heures .
Condamne, enfin, b. N. aux frais.
Composition🔗
Ainsi jugé après débats du vingt-six mai deux mille vingt en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé de Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge, Monsieur Franck VOUAUX, Juge, le Ministère public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du seize juin deux mille vingt, par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Premier Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Marina MILLIAND, Greffier.