Tribunal correctionnel, 18 février 2020, Le Ministère Public c/ a. T.

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Abstract🔗

Escroquerie - Requalification - Grivèlerie - Occupation de chambres d'hôtel - Consommation d'aliments - Prévenu dirigeant d'une société en redressement judiciaire - Conscience de l'impossibilité absolue de payer - Condamnation

Résumé🔗

Il est reproché au prévenu d'avoir, par des manœuvres frauduleuses, escroqué un hôtel en ayant produit un avis de virement à titre de preuve de paiement d'une prestation hôtelière et événementielle alors qu'aucune somme n'a jamais été transférée. Il appartient à la juridiction répressive du fond saisie des faits de leur apporter leur exacte qualification juridique. Il s'avère que la société dont le prévenu est le président a occupé des chambres, des salles et a permis à des clients de consommer des boissons et des aliments alors qu'elle se savait, compte tenu de sa situation de redressement judiciaire, dans l'impossibilité absolue de payer. De tels faits relèvent non pas du délit d'escroquerie, compte tenu de la nature des prestations qui ont été délivrées et qui ne rentrent aucunement dans le champ d'application de l'article 330 du Code pénal mais du délit prévu précisément à l'article 326 du Code pénal et qui n'est pas plus sévèrement réprimé que les faits d'escroquerie. Il convient donc de requalifier le délit poursuivi en délit de grivèlerie et d'en déclarer le prévenu coupable.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2018/001681

JUGEMENT DU 18 FÉVRIER 2020

_____

  • En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

  • - a. T., né le 5 mars 1973 à VERDUN (Meuse, France), de j-p. et de c. L. de nationalité française, sans emploi, demeurant X1- 69290 GREZIEU LA VARENNE (France) ;

Prévenu de :

  • - ESCROQUERIE

NON COMPARANT ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 28 janvier 2020 ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2018/001681 ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 10 octobre 2019 ;

Nul pour le prévenu, non comparant ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu' a. T. est poursuivi correctionnellement sous la prévention :

« D'avoir, à MONACO, courant 2017, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, par l'emploi de manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, ou pour faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement chimérique, fait remettre ou délivrer des fonds, meubles, effets, deniers, marchandises, billets, promesses, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge et par un de ces moyens, escroqué la totalité ou partie de la fortune d'autrui, en l'espèce, notamment, en produisant un avis de virement d'un montant de 5.584,50 euros à titre de preuve de paiement d'une prestation hôtelière et événementielle alors qu'aucune somme n'a jamais été transférée, et ce au préjudice de l'hôtel A.,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 27 et 330 du Code pénal » ;

Attendu que si le prévenu ne comparaît pas, il est établi qu'il a eu connaissance de la citation ; qu'il convient donc de statuer contradictoirement à son encontre en application de l'article 378 alinéa 1 du Code de procédure pénale ;

SUR LES FAITS,

Attendu que g. R. s'est rendu le 02 février 2018 à la Sûreté Publique afin de déposer plainte en sa qualité de directeur de l'hôtel A. ;

Attendu qu'il a alors expliqué aux enquêteurs que les représentants de la société « B. » avaient effectué, le 25 octobre 2017 par mail, la réservation, pour la période du 27 au 29 octobre 2017, d'une chambre, de deux salles de réunion, d'une salle d'exposition et de prestations de restauration pour une somme totale de 5.584,50 euros et que ces derniers avaient par ailleurs adressé, le 26 octobre 2017, un avis de virement d'un montant de 4.580 euros qui n'allait finalement aucunement être honoré alors que les prestations hôtelières avaient bien été effectuées ;

Attendu que suite à ce dépôt de plainte, une demande d'entraide judiciaire était adressée aux Autorités françaises afin de procéder à l'audition d'Amandine T. en sa qualité d'émettrice de l'ordre de virement litigieux et infructueux ;

Attendu que cette enquête a permis d'apprendre que la réservation opérée auprès de l'établissement A. s'inscrivait dans le cadre d'un évènement organisé par la société C. dont a. T. était le Président et qui se trouvait en état de redressement judiciaire depuis le mois de mai 2016 ;

Attendu que lors de son audition, a. T. a expliqué que ladite société C. pouvait, en dépit de ses difficultés financières et de sa situation précisée ci-dessus, continuer son activité mais n'avait pu en l'espèce procéder au paiement des sommes dues à l'hôtel A. en raison des problèmes de trésorerie et du paiement d'autres factures qu'elle devait honorer ;

Attendu qu' a. T. qui s'est alors engagé mais en vain à rembourser l'hôtel A., a finalement été renvoyé par-devant le Tribunal correctionnel pour répondre de faits d'escroquerie ;

SUR CE,

Attendu qu'il est donc reproché au prévenu d'avoir, par des manœuvres frauduleuses, escroqué l'hôtel A. en ayant produit un avis de virement à titre de preuve de paiement d'une prestation hôtelière et événementielle alors qu'aucune somme n'a jamais été transférée ;

Attendu qu'il appartient à la juridiction répressive du fond saisie des faits de leur apporter leur exacte qualification juridique ;

Attendu, en l'espèce, qu'il s'avère que la société dont le prévenu est le président a occupé des chambres, des salles et a permis à des clients de consommer des boissons et des aliments alors qu'elle se savait, compte tenu de sa situation de redressement judiciaire, dans l'impossibilité absolue de payer ;

Attendu que de tels faits relèvent non pas du délit d'escroquerie, compte tenu de la nature des prestations qui ont été délivrées par l'hôtel A. et qui ne rentrent aucunement dans le champ d'application de l'article 330 du Code pénal mais du délit prévu précisément à l'article 326 du Code pénal et qui n'est pas plus sévèrement réprimé que les faits d'escroquerie ;

Attendu qu'il convient donc de requalifier le délit poursuivi en délit de grivèlerie et d'en déclarer a. T. coupable ;

Attendu qu'il y a lieu, au titre de la répression, de prendre en considération l'absence d'antécédents judiciaires de ce prévenu et de le condamner à la peine de un mois d'emprisonnement avec sursis ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement, conformément aux dispositions de l'article 378 alinéa 1 du Code de procédure pénale,

Constate que les faits poursuivis d'escroquerie constituent en réalité le délit de grivèlerie et ordonne requalification en ce sens ;

Déclare a. T. coupable du délit ainsi requalifié ;

En répression, faisant application des articles 26, 326 et 393 du Code pénal,

Le condamne à la peine de UN MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être adressé au condamné, absent ;

Condamne, enfin, a. T. aux frais ;

Composition🔗

Ainsi jugé après débats du vingt-huit janvier deux mille vingt, en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé de Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Premier Substitut du Procureur Général, et prononcé à l'audience publique du dix-huit février deux mille vingt, par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Catherine DUCAS LANGEVIN, Greffier.

Jugement signé seulement par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge, et Madame Catherine DUCAS LANGEVIN, Greffier, en l'état de l'empêchement de Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, conformément à l'article 60 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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