Tribunal correctionnel, 25 juin 2019, Le Ministère Public c/ u. F.
Abstract🔗
Émission de chèque sans provision - Loi pénale - Application dans l'espace - Principe de territorialité - Chèques tirés depuis un compte bancaire situé en Principauté - Application de la loi pénale monégasque (oui) - Intention coupable (oui) - Connaissance de l'absence de provision lors de l'émission (oui) - Condamnation
Résumé🔗
Il résulte de l'article 21 du Code de procédure pénale qu'« est réputé avoir été commis sur le territoire de la Principauté tout crime ou délit dont un acte caractérisant un des éléments constitutifs de l'infraction y aura été accompli ». En l'espèce, les trois chèques litigieux ont été émis, pour l'un, à Monaco et, en tout état de cause, tirés depuis un compte bancaire ouvert dans une banque monégasque, cette dernière opération étant nécessairement un acte constitutif du délit d'émission. Il en découle que le Tribunal correctionnel de Monaco est compétent pour statuer sur le délit d'émission de chèque sans provision.
Le prévenu doit être condamné du chef d'émission de chèques sans provision. Il résulte de l'article 331 du Code pénal que la provision doit être suffisante et disponible à la date à laquelle les chèques sont émis. En l'espèce, le prévenu a admis avoir rempli et signé ces chèques alors qu'il savait pertinemment que les sommes susvisées devant être débitées sur le compte d'une société dont il était le gérant n'étaient pas disponibles de sorte que sa mauvaise est établie.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2018/000366
JUGEMENT DU 25 JUIN 2019
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En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;
Contre le nommé :
- u. F., né le 25 septembre 1973 à PIETRASANTA (Italie), de p. et de a. P. de nationalité italienne, entrepreneur, demeurant X1- 06190 ROQUEBRUNE CAP MARTIN (France) ;
Prévenu de :
ÉMISSION DE CHÈQUES SANS PROVISION
- PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Philippe DEPRET, avocat au barreau de Nice, plaidant par ledit avocat ;
En présence de :
- r. R. né le 26 octobre 1946 à TURIN (Italie), de nationalité italienne, décorateur d'intérieur, demeurant X2 - 06320 CAP D'AIL (France), constitué partie civile, assisté de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat-défenseur ;
LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;
Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2018/000366 ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 22 janvier 2019 ;
Vu les conclusions de Maître Philippe DEPRET, avocat au barreau de Nice pour u. F. prévenu, déposées à l'audience de ce jour ;
Ouï Maître Philippe DEPRET, avocat au barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à plaider pour u. F. qui soulève in limine litis une exception d'incompétence ;
Ouï Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur pour la partie civile, en ses observations ;
Ouï le Ministère public sur l'exception ;
Ouï le Président qui, après avoir pris l'avis de ses assesseurs, décide de joindre l'incident au fond ;
Ouï le prévenu en ses réponses ;
Ouï la partie civile, en ses demandes et déclarations ;
Ouï Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur pour la partie civile, en ses demandes et déclarations ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Philippe DEPRET, avocat au barreau de Nice pour le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;
Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
u. F. est poursuivi correctionnellement sous la prévention :
« D'avoir, à MONACO, entre le 21 septembre 2016 et le 4 octobre 2016, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, émis de mauvaise foi, sans provision préalable disponible ou avec une provision inférieure au montant du chèque,
un chèque bancaire n° XX en date du 29/09/2016, d'un montant de 26.000,00 € tiré sur le compte n° W ouvert au nom de la SARL A dans les livres de la société C et ce au préjudice de R r. de la société B et de Maître FU. en sa qualité de liquidateur,
un chèque bancaire n° ZZ en date du 21/09/2016, d'un montant de 10.500,00 € tiré sur le compte n° W ouvert au nom de la SARL A dans les livres de la société C et ce au préjudice de R r. de la société B et de Maître FU. en sa qualité de liquidateur,
un chèque bancaire n° YY en date du 21/09/2016, d'un montant de 5.000,00 € tiré sur le compte n° W ouvert au nom de la SARL A dans les livres de la société C et ce au préjudice de R r. de la société B et de Maître FU. en sa qualité de liquidateur,
DÉLITS prévus et réprimés par les articles 26, 27, 330, 331, 333 et 334 du Code pénal » ;
À l'audience, r. R. s'est constitué partie civile et a demandé au Tribunal, par l'intermédiaire de son conseil, la condamnation du prévenu à lui payer les sommes de 40.500 euros correspondant au montant des chèques impayés et de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;
Sur l'exception d'incompétence :
Il résulte des dispositions de l'article 21 du Code de procédure pénale que « est réputé avoir été commis sur le territoire de la Principauté tout crime ou délit dont un acte caractérisant un des éléments constitutifs de l'infraction y aura été accompli ».
En l'espèce, il est acquis que les trois chèques apparaissant dans la citation qui saisit le Tribunal ont été émis, s'agissant du chèque n° XX, à Monaco et en tout état de cause tirés tous les trois depuis un compte bancaire ouvert à la société C, cette dernière opération étant nécessairement un acte constitutif du délit d'émission.
Il en découle que le Tribunal correctionnel de Monaco est compétent pour statuer sur le délit d'émission de chèque sans provision reproché à u. F. .
Sur l'action publique,
u. F. est poursuivi pour avoir émis les 21 septembre 2016 et 29 septembre 2016 des chèques d'un montant de 10.500 euros, 5.000 euros et de 26.000 euros alors qu'il ne disposait pas à cette date de ces sommes sur le compte devant être débité.
Il résulte de l'article 331 du Code pénal que la provision doit être suffisante et disponible à la date à laquelle les chèques sont émis.
En l'espèce, u. F. a admis avoir rempli et signé ces chèques alors qu'il savait pertinemment que les sommes susvisées devant être débitées sur le compte de la SARL A dont il était le gérant n'étaient pas disponibles de sorte que la mauvaise foi du prévenu exigée par l'article 331 du Code pénal susvisé est en l'espèce établie.
Par conséquent, u. F. devra être déclaré coupable d'avoir émis lesdits chèques sans provision et condamné à une peine d'amende à hauteur de 5.000 euros.
Sur l'action civile,
Il résulte de l'article 2 du Code de procédure pénale que le préjudice doit avoir été causé directement par le fait constituant une infraction et sa réparation appartenant à ceux qui en ont personnellement souffert.
Néanmoins, cette action doit être dirigée envers la partie qui en est redevable.
En l'espèce, il ressort des éléments d'information issus de l'enquête que les chèques litigieux avaient pour objet de payer une créance due par la SARL A au titre des travaux effectués à r. R.
Ainsi, u. F. ne peut être condamné à payer, sur le fondement des dispositions de l'article 334 du Code pénal, à titre de réparation de sommes dont il n'était pas à titre personnel redevable envers la partie civile.
Par conséquent, il convient de condamner u. F. à payer à titre de dommages et intérêts la seule somme de 2.500 euros correspondant aux frais de procédure que r. R. a été contraint d'engager pour défendre ses intérêts dans la présente procédure.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,
Rejette l'exception d'incompétence territoriale soulevée par u. F. ;
Sur l'action publique,
Déclare u. F. coupable des délits qui lui sont reprochés ;
En répression, faisant application des articles visés par la prévention,
Le condamne à la peine de CINQ MILLE EUROS D'AMENDE ;
Sur l'action civile,
Reçoit R r. en sa constitution de partie civile ;
Le déclarant partiellement fondé en sa demande, condamne u. F. à lui payer la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts ;
Condamne, enfin, u. F. aux frais ;
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le vingt-cinq juin deux mille dix-neuf, par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, Madame Virginie HOFLACK, Juge, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Marina MILLIAND, Greffier.