Tribunal correctionnel, 22 janvier 2019, Le Ministère Public c/ e. GO. épouse GA.
Abstract🔗
Abus de confiance - Sous-location d'un appartement mis à disposition par l'État - Détournement ou dissipation du contrat de bail (non) - Contrats limitativement énumérés par la loi - Liste légale des biens susceptibles d'être détournés - Propriétaire privé de ses droits sur la chose remise (non) - Relaxe
Résumé🔗
Il est établi que la prévenue a, par l'intermédiaire d'un site internet, sous-loué l'appartement dont elle avait été attributaire par l'État de Monaco. Cependant, cette sous-location ne saurait caractériser le délit d'abus de confiance poursuivi. En effet, le contrat de bail détourné ne peut être considéré comme un fond, un meuble, un effet, un denier, une marchandise, un billet, une promesse, une quittance ou encore un écrit contenant ou opérant une obligation ou une décharge au sens de l'article 337 du Code pénal. En outre, on reproche à la prévenue le détournement ou la dissipation d'un appartement, bien immobilier exclu de la liste des biens susceptibles d'être détournés ou dissipés énumérés par l'article précité. Enfin, ce détournement ou cette dissipation existent dès lors que le propriétaire de la chose remise en vertu d'un des contrats limitativement déterminés par la loi ne peut plus exercer, par suite des agissements frauduleux de celui ou celle qui la détenait, de droits sur elle. Or, la sous-location de l'appartement n'a pas privé l'État de Monaco des droits qu'il avait sur ce bien en sa qualité de propriétaire. D'ailleurs, l'Administration des domaines a pu, à titre de sanction du comportement manifestement fautif de la prévenue, résilier le bail et disposer à nouveau de ce bien. Il convient donc de prononcer la relaxe de la prévenue.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
JUGEMENT DU 22 JANVIER 2019
En la cause du :
MINISTÈRE PUBLIC ;
Contre la nommée :
- e. GO.épouse GA., née le 15 janvier 1993 à MONACO (98), de f. et de m. VA. de nationalité monégasque, sans emploi, demeurant X1, X1 à MONACO (98000) ;
Prévenue d' :
- ABUS DE CONFIANCE,
PRÉSENTE aux débats, assistée de Maître Arnaud CHEYNUT, avocat près la Cour d'appel, commis d'office, plaidant par ledit avocat ;
En présence de :
L'ÉTAT DE MONACO, représenté, au sens de l'article 153 du Code de Procédure Civile, par Monsieur le Ministre d'État pris en son Service de l'Administration des Domaines, sis 24 rue du Gabian, BP 719 à MONACO CEDEX (98014), régulièrement représenté par Madame m. VA. adjoint de Monsieur r. RO. Administrateur des Domaines, demeurant en cette qualité audit service, constitué partie civile ;
LE TRIBUNAL,
jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 18 décembre 2018 ;
Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2018/000942 ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 9 juillet 2018 ;
Ouï la prévenue en ses réponses ;
Ouï Madame m. VA. adjoint de Monsieur r. RO. Administrateur des Domaines, dument mandatée pour représenter l'ÉTAT DE MONACO, partie civile, en ses demandes et observations ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Arnaud CHEYNUT, avocat pour la prévenue, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe pure et simple de sa cliente ;
Ouï la prévenue, en dernier, en ses moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu qu'e. GO.épouse GA. est poursuivie correctionnellement sous la prévention :
« D'avoir, à MONACO, courant mai 2018, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, détourné ou dissipé, des fonds, meubles, effets, deniers, marchandises, billets, promesses, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient été remis qu'à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage ou pour un travail, salarié ou non, à charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé, en l'espèce en détournant le contrat de bail en sous-louant l'appartement propriété de l'État de Monaco,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 337 du Code pénal » ;
Attendu qu'à l'audience, l'ÉTAT DE MONACO, pris en son ADMINISTRATION DES DOMAINES, s'est constitué partie civile et a demandé au Tribunal, par la voix de son Administrateur, Madame m VA. la condamnation de la prévenue à lui payer la somme de un euro symbolique à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;
Sur l'action publique :
Attendu que e. GO.épouse GA. ne conteste pas avoir mis à disposition, par l'intermédiaire d'un site internet, l'appartement dont elle avait été attributaire par l'ÉTAT DE MONACO qui en est le propriétaire pour une durée déterminée et en contrepartie d'une somme d'argent ;
Attendu qu'il appartient à la juridiction saisie d'apprécier si cette démarche qui peut être définie comme de la sous-location est constitutive d'un abus de confiance au sens de l'article 337 du Code pénal ;
Attendu qu'il convient de relever dans un premier temps que le contrat de bail qui lui est reproché d'avoir détourné ne peut être considéré comme un fond, un meuble, un effet, un denier, une marchandise, un billet, une promesse, une quittance ou encore un écrit contenant ou opérant une obligation ou une décharge, à savoir une reconnaissance de dettes par exemple, tel que cela est limitativement prévu par les dispositions dudit article 337 ;
Attendu de surcroit qu'il résulte de cette liste exhaustive que le détournement ou la dissipation, pour être constitutifs d'un abus de confiance, n'auraient pu davantage porter sur l'appartement que la prévenue a sous-loué qui est un immeuble et donc exclu de ladite liste ;
Attendu, enfin, que ce détournement ou cette dissipation existent dès lors que le propriétaire de la chose remise en vertu d'un des contrats limitativement déterminés par la loi ne peut plus exercer, par suite des agissements frauduleux de celui ou celle qui la détenait, de droits sur elle ;
Attendu que la mise en sous-location par e. GO.épouse GA. de l'appartement qui lui avait été attribué n'a pas ôté à l'ÉTAT DE MONACO les droits qu'il avait sur ce bien en sa qualité de propriétaire ;
Attendu que l'ADMINISTRATION DES DOMAINES a ainsi pu, à titre de sanction du comportement manifestement fautif de la prévenue qui n'a pas respecté les clauses précisées dans le contrat de bail, résilier cet acte et disposer à nouveau de ce bien ;
Attendu qu'il découle de l'ensemble de ces éléments que le délit d'abus de confiance reproché à e. GO.épouse GA. n'est pas caractérisé et qu'elle devra donc en être relaxée ;
Sur l'action civile :
Attendu qu'il y a lieu de recevoir l'ÉTAT DE MONACO en sa constitution de partie civile mais de le débouter de sa demande compte tenu de la relaxe prononcée ci-dessus ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
statuant contradictoirement,
Sur l'action publique :
Relaxe e. GO.épouse GA. des fins de la poursuite sans peine ni dépens.
Sur l'action civile :
Reçoit l'ÉTAT DE MONACO en sa constitution de partie civile.
Déboute l'ÉTAT DE MONACO de sa demande.
Et laisse les frais à la charge du Trésor.
Composition🔗
Ainsi jugé après débats du dix-huit décembre deux mille dix-huit, par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, Madame Geneviève VALLAR, Premier Juge, Monsieur Adrian CANDAU, Juge, le Ministère public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du vingt-deux janvier deux mille dix-neuf par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, en présence de Monsieur Olivier ZAMPHIROFF, Premier Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Isabel DELLERBA, Greffier.