Tribunal correctionnel, 4 décembre 2018, Le Ministère Public c/ c. LE.

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Abstract🔗

Abus de confiance - Détournement d'une proposition commerciale - Chose susceptible d'être détournée (non) - Contrat impliquant une remise (non)

Résumé🔗

Il est reproché au prévenu d'avoir commis un abus de confiance au préjudice de son employeur en rejetant la proposition d'un fournisseur de commercialiser des produits pharmaceutiques pour la transmettre à une société concurrente gérée par sa fille et dans laquelle il était associé. Cependant, cette proposition commerciale ne peut être considérée comme étant un fond, un meuble, un effet, ou denier, une marchandise, un billet, une promesse, une quittance ou encore un écrit contenant ou opérant une obligation ou une décharge tel que cela est limitativement prévu par les dispositions de l'article 337 du Code pénal. En outre, elle n'entre pas dans la liste exhaustive des différents contrats sur le fondement desquels une remise préalable à un détournement ou à une dissipation doit être effectuée. L'abus de confiance n'est donc pas constitué, l'appréciation du caractère déloyal des agissements du prévenu relevant de la compétence des juridictions civiles ou commerciales.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

JUGEMENT DU 4 DÉCEMBRE 2018

En la cause du :

  • MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

  • - c. LE., né le 23 janvier 1956 à PARIS (75), de Robert et de Louise CH. de nationalité française, au chomage, demeurant X1 X1à MONACO (98000) ;

Prévenu de :

  • ABUS DE CONFIANCE,

PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Christophe BALLERIO, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;

En présence de :

  • - la SAM A, dont le siège social est sis X2 à MONACO (98000), prise en la personne de son Président Administrateur Délégué en exercice Monsieur s. MO. constituée partie civile,

  • - Monsieur s. MO., né le 22 mars 1948 à SORA (Italie), de nationalité dominicaine, chef d'entreprise, demeurant X2, X2 à MONACO (98000), constitué partie civile,

ABSENTS, REPRÉSENTÉS par Maître Richard MULLOT, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par Maître Frédéric DE BAETS, avocat au barreau de Nice ;

LE TRIBUNAL,

jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 13 novembre 2018 ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2017/000957 ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 4 juin 2018 ;

Vu la note valant conclusions de Maître Frédéric DE BAETS, avocat pour la SAM A et s. MO. parties civiles, reçue le 12 novembre 2018 ;

Vu les conclusions de Maître Richard MULLOT, avocat défenseur pour la SAM A et s. MO. parties civiles, en date du 13 novembre 2018 ;

Ouï le prévenu en ses réponses ;

Ouï Frédéric DE BAETS, avocat au barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à plaider pour les parties civiles, en ses demandes et déclarations ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Christophe BALLERIO, avocat défenseur pour le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;

Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que c. LE. est poursuivi correctionnellement sous la prévention :

« D'avoir, à MONACO, courant juillet 2015, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

  • détourné ou dissipé, au préjudice de son employeur la SAM A et s. MO. des fonds, meubles, effets, deniers, marchandises, billets, promesses, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, qui ne lui auraient été remis qu'à titre de louage, de dépôt, de mandat, de nantissement, de prêt à usage ou pour un travail, salarié ou non, à charge de les rendre ou représenter, ou d'en faire un usage ou un emploi déterminé, en l'espèce notamment, en rejetant une proposition commerciale d'un fournisseur pour la transmettre à une société concurrente dirigée par sa fille et dans laquelle il a des intérêts personnels,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 337 du Code pénal » ;

Attendu qu'à l'audience, la SAM A, s'est constituée partie civile et a fait déposer des conclusions par son conseil tendant à obtenir la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 120.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

Attendu qu'à l'audience, s. MO. s'est également constitué partie civile et a demandé, par l'intermédiaire de son conseil, la condamnation du prévenu à lui payer la somme symbolique de un euro à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;

  • Sur l'action publique :

Attendu qu'il est précisément reproché à c. LE. d'avoir transmis un message électronique dont il avait été le destinataire à titre professionnel en sa qualité de salarié de la SAM A lui proposant de commercialiser des produits pharmaceutiques à une autre société gérée par sa fille et dans laquelle il était associé ;

Attendu qu'il ressort de ce message électronique litigieux daté du 6 juillet 2015 que c. LE. a motivé cette transmission et donc son refus de la proposition pour le compte de la SAM A par le fait que cette société ne commercialisait que ses propres produits ;

Mais attendu que cette offre émanant de la société HELM par l'intermédiaire de l. BR. ne peut être considérée comme étant un fond, un meuble, un effet, ou denier, une marchandise, un billet, une promesse, une quittance ou encore un écrit contenant ou opérant une obligation ou une décharge tel que cela est limitativement prévu par les dispositions de l'article 337 du Code pénal sur le fondement desquelles le prévenu a été poursuivi ;

Que de surcroit, cette proposition commerciale n'entre aucunement dans la liste exhaustive précisée à l'article 337 du Code pénal des différents contrats sur le fondement desquels une remise préalable à un détournement ou à une dissipation doit être effectuée;

Attendu qu'il en découle que le rejet par le prévenu d'une offre émanant d'une société avec laquelle la SAM A n'entretenait aucune relation commerciale et qu'il a transmise à une autre personne morale dans laquelle il a des intérêts ne peut être considéré comme un abus de confiance tel que défini par l'article 337 du Code pénal qui doit être interprété de manière stricte, l'appréciation du caractère loyal de ce procédé devant relever de la compétence des juridictions civiles ou commerciales ;

Attendu que c. LE. devra donc être relaxé des faits qui lui sont reprochés ;

  • Sur l'action civile :

Attendu qu'il y a lieu de recevoir la SAM A en sa constitution de partie civile mais de la débouter de ses demandes compte tenu de la relaxe prononcée ci-dessus ;

Attendu, par ailleurs, qu'il est acquis que c. LE. avait accompli les faits qui lui étaient reprochés dans le cadre de sa seule activité de salarié de la SAM A de sorte que la constitution de partie civile formée par s. MO.à titre personnel devra être déclarée irrecevable ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

statuant contradictoirement,

  • Sur l'action publique :

Relaxe c. LE. des fins de la poursuite sans peine ni dépens ;

  • Sur l'action civile :

Reçoit la SAM A en sa constitution de partie civile et la déboute de ses demandes ;

Déclare s. MO. irrecevable en sa constitution de partie civile ;

Et laisse les frais à la charge du Trésor ;

Composition🔗

Ainsi jugé après débats du treize novembre deux mille dix-huit, en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Vice-Président, Madame Françoise DORNIER, Premier juge, Madame Virginie HOFLACK, Juge, le Ministère public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du quatre décembre deux mille dix-huit par Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, assistées de Madame Christell PRADO, Greffier ;

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