Tribunal correctionnel, 17 juillet 2017, Le Ministère Public c/ m. d. KR.

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Abstract🔗

Procédure pénale - Lutte contre le blanchiment - Condamnation étrangère - Confiscation - Affectation des biens à la partie civile - Modalité prévue par la loi monégasque (non) - Exécution (non) - Mainlevée de la mesure de blocage des sommes litigieuses

Résumé🔗

L'article 2 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.457 du 9 août 2002 relative à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, prévoit son application à toute demande de confiscation de choses, produits ou biens constituant le produit d'une infraction, ou dont la valeur correspondrait au produit de l'infraction, sollicitée sur le fondement de la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, adoptée à Strasbourg le 8 novembre 1990. L'article 5 de ladite ordonnance énonce que l'exécution de la décision de confiscation étrangère est autorisée à condition que les biens confisqués par cette décision soient susceptibles d'être confisqués dans des circonstances analogues selon la loi monégasque. En l'espèce, la demande des autorités russes a pour objet de transférer la somme apparaissant sur le compte appartenant à une personne auprès d'un établissement bancaire dont la confiscation été prononcée à une des victimes des escroqueries commises notamment par ce prévenu qui a été condamné à cet effet. La loi monégasque ne permet aucunement à une juridiction répressive qui a prononcé la confiscation de fonds appartenant à une personne qu'elle a été amenée à déclarer coupable d'infractions de transférer la propriété des avoirs saisis et confisqués à une partie civile. Il ne peut donc être fait droit à la demande formée par les autorités judiciaires russes. En application de l'article 9 de l'ordonnance du 9 août 2002, il convient de prononcer la mainlevée de la mesure de blocage des sommes litigieuses prise le 1er août 2011.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

JUGEMENT DU 17 JUILLET 2017

_______

  • En la cause du MINISTÈRE PUBLIC,

Contre le nommé :

  • m. d. KR., né le 17 janvier 1956 à PRIOZERSK, région de LENINGRAD (Russie), de filiation inconnue, directeur, demeurant X1 - MOSCOU (Russie) ;

ABSENT, REPRÉSENTÉ par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat près la Cour d'appel, chez lequel il a fait élection de domicile par application de l'article 377 du Code de procédure pénale, plaidant par ledit avocat ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement et statuant en matière de :

DEMANDE D'AUTORISATION D'EXÉCUTION SUR LE TERRITOIRE MONÉGASQUE DE LA DÉCISION DE CONFISCATION PRONONCÉE PAR UN ARRÊT EN DATE DU 4 JUIN 2012 DU TRIBUNAL DU DISTRICT NIKULINSKIY DE MOSCOU

Vu la lettre rogatoire du Parquet Général de la Fédération de Russie en date du 19 juillet 2016 adressée à la Direction des Services Judiciaires de la Principauté de Monaco ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 13 juin 2017 ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 06 octobre 2016 ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat pour le prévenu en ses moyens de défense, plaidoiries et conclusions en date du 13 juin 2017 ;

Après en avoir délibéré, conformément à la loi ;

Monsieur le Procureur Général a fait citer m. d. KR. devant le Tribunal correctionnel :

« pour voir statuer sur la demande présentée par le Parquet Général de la Fédération de Russie le 19 juillet 2016 d'autoriser l'exécution sur le territoire monégasque d'un arrêt en date du 4 juin 2012 du Tribunal du district Nikulinskiy de MOSCOU ordonnant la confiscation des sommes figurant :

- au crédit du compte n° X ouvert à la banque « A. », 15 avenue d'Ostende à Monaco, au nom de KR. m. d. soit la somme au 1er août 2011 de 50 euros en compte courant n° X et de X en compte courant n° X, soit un total de 1.048.362,53 USD

après condamnation de KR. m. d. des chefs de « délinquance astucieuse contre les biens commises en réunion, à la suite d'une entente préalable, à grande échelle » (escroquerie en réunion) par arrêt définitif après les arrêts de cassation en date des 1er octobre et 29 octobre 2012 du recours intenté devant la Chambre sur les affaires pénales du tribunal municipal de Moscou par le condamné,

par application des dispositions de l'Ordonnance Souveraine n° 15452 du 8 août 2002 rendant exécutoire la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, faite à STRASBOURG le 8 novembre 1990, et des dispositions des articles 5, 6, 7 et 8 de l'Ordonnance Souveraine n° 15457 du 9 août 2002 relative à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation dans le cadre de la lutte contre le blanchiment ».

m. d. KR. a réclamé du Tribunal l'autorisation de se faire représenter par Maître Xavier-Alexandre BOYER, avocat ; la présence de ce prévenu qui est actuellement détenu en Russie n'étant pas indispensable à l'instruction de l'affaire à l'audience, il y a lieu de faire droit à cette demande et de statuer contradictoirement à son égard, en conformité de l'article 377 du Code de procédure pénale ;

m. d. KR. a, en outre, sollicité par l'intermédiaire de son conseil le rejet de la demande d'autorisation d'exécution en Principauté de MONACO de la décision judiciaire russe de confiscation de ses avoirs dont le Tribunal correctionnel a été saisi aux motifs que :

  • - les éléments et documents requis par l'article 27 de l'Ordonnance n° 15.452 du 8 août 2002 n'ont pas été communiqués par les autorités russes à l'appui de leur demande,

  • - les conditions posées par les articles 4 à 8 de l'Ordonnance n° 15.457 du 9 août 2002 ne sont pas remplies,

  • - la mesure de confiscation telle que prononcée par décisions des 4 juin, 1er et 29 octobre 2012 est contraire aux principes fondamentaux de l'ordre juridique monégasque,

  • - les poursuites engagées à son encontre ont pris fin pour avoir été définitivement jugé par les Autorités russes,

ainsi que la mainlevée du blocage des avoirs détenus susvisés ;

À l'audience, le représentant du Ministère Public a demandé au Tribunal de faire droit à la requête des Autorités russes, tout en admettant que celle-ci avait pour objet de garantir l'indemnisation d'une partie civile de sorte que les arguments soulevés par le conseil du prévenu devaient être vérifiés et appréciés au regard de la loi monégasque ;

SUR CE,

Attendu que l'article 2 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.457 du 9 août 2002 relative à la coopération internationale en matière de saisie et de confiscation dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, prévoit son application à toute demande de confiscation de choses, produits ou biens constituant le produit d'une infraction, ou dont la valeur correspondrait au produit de l'infraction, sollicitée sur le fondement de la Convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime, adoptée à Strasbourg le 8 novembre 1990 ;

Attendu que l'article 5 de ladite Ordonnance énonce que l'exécution de la décision de confiscation étrangère est autorisée à condition que les biens confisqués par cette décision soient susceptibles d'être confisqués dans des circonstances analogues selon la loi monégasque ;

Attendu en l'espèce qu'il convient de relever que la demande des Autorités russes a pour objet de transférer la somme apparaissant sur le compte appartenant à m. d. KR. auprès de l'établissement bancaire A. dont la confiscation été prononcée à une des victimes des escroqueries commises notamment par ce prévenu qui a été condamné à cet effet ;

Mais attendu que la loi monégasque ne permet aucunement à une juridiction répressive qui a prononcé la confiscation de fonds appartenant à une personne qu'elle a été amenée à déclarer coupable d'infractions de transférer la propriété des avoirs saisis et confisqués à une partie civile ;

Attendu qu'il ne peut en conséquence et en l'état être fait droit à la demande formée par les Autorités judiciaires russes ;

Attendu qu'il convient enfin, en application de l'article 9 de l'Ordonnance n° 15.457 du 9 août 2002, de prononcer la mainlevée de la mesure de blocage des sommes litigieuses prise le 1er août 2011 ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement, conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale ;

Dit n'y avoir lieu à exécution sur le territoire monégasque de la décision du 4 juin 2012 rendue par le Tribunal du district Nikulinskiy de Moscou, et tendant à la confiscation des sommes figurant au crédit du compte n° X ouvert à la banque « A. », 15 avenue d'Ostende à Monaco, au nom de KR. m. d., soit la somme au 1er août 2011 de 50 euros en compte courant n° X et de X en compte courant n° X ;

Ordonne la mainlevée de la mesure de blocage des sommes détenues sur les comptes n° X et n° X ouverts à la banque A. au nom de m. d. KR. prise le 1er août 2011 ;

Et laisse les frais à la charge du Trésor ;

Composition🔗

Ainsi jugé après débats du treize juin deux mille dix-sept en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé de Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Premier Juge chargé des fonctions de Président du Tribunal correctionnel, Monsieur Morgan RAYMOND, Premier Juge, Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, le Ministère Public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du dix-sept juillet deux mille dix-sept par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint, assistés de Madame Catherine DUCAS LANGEVIN, Greffier.

Jugement signé seulement par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Monsieur Morgan RAYMOND, Premier Juge, et Madame Catherine DUCAS LANGEVIN, Greffier, en l'état de l'empêchement de Madame Françoise DORNIER, Premier Juge, conformément à l'article 60 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.

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