Tribunal correctionnel, 22 mai 2017, ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. c/ Le Ministère Public
Abstract🔗
Délit de fuite - Éléments constitutifs - Condamnation - Conduite sans permis de conduire valable - Perte de la qualité de résidant à Monaco - Perte de validité du permis monégasque (non) - Relaxe - Défaut de maîtrise du véhicule - Lecture d'un message par le prévenu sur son téléphone - Condamnation
Résumé🔗
Aux termes de l'article 10 du Code de la route, tout conducteur est tenu de s'arrêter s'il lui arrive d'occasionner un accident afin de permettre aux agents de l'autorité d'intervenir pour procéder à toutes constatations utiles. En l'espèce, le prévenu n'est pas resté sur place pour permettre aux agents de l'autorité d'intervenir et les faits sont donc immédiatement constitués. En outre, si une tolérance peut être appliquée lorsque les personnes venant de causer un accident déplacent leur véhicule quelques mètres plus loin, et dans des conditions qui permettent aux agents d'effectuer toutes constatations utiles, tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le prévenu a décidé de ramener la voiture à son domicile, et alors qu'une aire de dépôt située à quelques mètres, certes non prévue pour le stationnement, lui permettait parfaitement de ne pas bloquer la circulation, tout en restant sur place le temps que les services de police interviennent. De plus, s'il est revenu plus tard sur les lieux, il s'est signalé uniquement à des agents qui ne sont pas des agents de l'autorité, sans donner son identité, de sorte que celle-ci n'a pu être retrouvée que parce que les agents avaient noté l'immatriculation du véhicule. Il résulte de ces considérations que les faits de délit de fuite sont parfaitement établis.
Le prévenu doit être relaxé du chef de défaut de permis de conduire. Si la délivrance d'un permis monégasque est conditionnée par le fait de résider ou d'être domicilié à Monaco, et s'il est imposé à tout étranger résidant en Principauté de détenir un permis monégasque, aucune disposition ne règle le sort de la validité d'un permis monégasque lorsque son titulaire perd sa qualité de résidant. La loi pénale étant d'interprétation stricte, il ne peut être tiré de la lecture a contrario de ce texte que le changement de domicile ou résidence vers un autre pays entraîne nécessairement l'invalidation du permis normalement délivré. Le délit n'est donc pas caractérisé.
Aux termes de l'article 10 du Code de la route, tout conducteur doit constamment rester maître de sa vitesse et mener avec prudence son véhicule et régler sa vitesse en fonction des difficultés de la circulation ou des obstacles prévisibles. Il n'est donc pas nécessaire pour qu'un défaut de maîtrise soit commis qu'une vitesse excessive soit constatée. Le simple fait de ne pouvoir éviter un objet inanimé et prévisible puisque faisant partie des édicules urbains est la démonstration que le conducteur n'a pas mené son véhicule avec prudence. En outre, lorsqu'un conducteur est parfaitement maître de sa vitesse et que celle-ci est adaptée aux obstacles prévisibles, il se trouve toujours en état de stopper son véhicule devant cet obstacle. En ne regardant pas la route pour lire un message sur son téléphone, le prévenu n'a pas mené son véhicule avec prudence et a ainsi commis les faits de défaut de maîtrise qui lui sont reprochés.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2015/002211
JUGEMENT DU 22 MAI 2017
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En la cause du nommé :
ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO., né le 21 novembre 1981 à PARIS (75), de ru-ma. et de je. LE. SU., de nationalités française et portugaise, directeur commercial, demeurant X1, apt : X1 à BEYROUTH (Liban), ayant élu domicile en l'étude de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat-défenseur, y demeurant en cette qualité « l'Estoril », 31 avenue Princesse Grace à MONACO (98000) ;
Prévenu de :
DÉLIT DE FUITE
DÉFAUT DE PERMIS DE CONDUIRE
DÉFAUT DE MAÎTRISE
(contraventions connexes)
- ABSENT, représenté par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat défenseur près la Cour d'appel, chez lequel il a fait élection de domicile par application de l'article 377 du Code de procédure pénale, plaidant par ledit avocat, substitué et plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat ;
CONTRE :
LE MINISTÈRE PUBLIC ;
LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;
Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2015/002211 ;
Vu le jugement rendu par défaut par le Tribunal de céans en date du 8 novembre 2016, signifié à Parquet le 25 novembre 2016 ;
Vu l'opposition à jugement, suivant exploit, enregistré, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 30 janvier 2017 par lequel ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. a déclaré former opposition à l'encontre du jugement de défaut susvisé, dont il lui a été donné connaissance ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 5 mai 2017 et tendant à ce qu'il soit statué sur l'opposition formée par ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. ;
Vu les conclusions aux fins de relaxe de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat défenseur, pour le prévenu en date de ce jour ;
Ouï Maître Arnaud CHEYNUT, avocat, pour le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries, par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Attendu que par exploit d'opposition en date du 30 janvier 2017, ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. a déclaré former opposition à l'encontre d'un jugement rendu par défaut par le Tribunal de première instance, jugeant correctionnellement le 8 novembre 2016, lequel l'a condamné à la peine de DIX JOURS D'EMPRISONNEMENT pour le délit, TROIS CENTS EUROS D'AMENDE pour la contravention connexe de défaut de permis de conduire et QUARANTE-CINQ EUROS D'AMENDE pour la contravention connexe de défaut de maîtrise, sous la prévention :
« D'avoir à MONACO, le 5 décembre 2015, en tout cas depuis tmps non couvert par la prescription,
- étant conducteur d'un véhicule automobile immatriculé F333 (MC), omis de s'arrêter alors qu'il venait d'occasionner un accident afin de permettre aux agents de l'autorité d'intervenir pour procéder à toutes constatations utiles,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 10 alinéa 2 et 207 du Code de la Route ;
Dans les mêmes circonstances ce temps et de lieu, conduit ledit véhicule, sans être porteur d'un permis de conduire en état de validité correspondant à la catégorie du véhicule utilisé,
CONTRAVENTION CONNEXE prévue et réprimée par les articles 116, 117, 153, 172 et 207 du Code de la Route ;
De n'être pas dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, resté maître de sa vitesse et de ne pas avoir mené avec prudence son véhicule ou réglé sa vitesse en fonction des difficultés de la circulation ou des obstacles prévisibles,
CONTRAVENTION CONNEXE prévue et réprimée par les articles 10 alinéa 1 et 207 du Code de la Route » ;
Attendu que ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. sollicite du Tribunal l'autorisation de se faire représenter par Maître Arnaud ZABALDANO ; que la présence de ce prévenu n'étant pas indispensable à l'instruction de l'affaire à l'audience, il y a lieu de faire droit à cette demande et de statuer contradictoirement à son égard, en conformité de l'article 377 du Code de procédure pénale ;
Attendu que l'opposition formée par ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. est régulière en la forme et qu'il y a lieu de l'accueillir ;
Attendu que ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. a sollicité, par le biais de son conseil, sa relaxe ;
Sur l'action publique :
Le prévenu soutient en premier lieu que les faits de délit de fuite ne seraient pas constitués car, s'il a perdu le contrôle de son véhicule en lisant un message sur son téléphone, il s'est arrêté pour constater les dégâts, et a été ensuite contraint de déplacer son véhicule afin de ne pas perturber la circulation et qu'il n'aurait pas pu stationner son véhicule sur les lieux de l'accident, qu'il est revenu sur les lieux ensuite et n'a pas cherché à dissimuler l'accident à ses proches.
Aux termes de l'article 10 du Code de la Route, tout conducteur est tenu de s'arrêter s'il lui arrive d'occasionner un accident afin de permettre aux agent de l'autorité d'intervenir pour procéder à toutes constatations utiles.
En l'espèce, il est indéniable que le prévenu n'est pas resté sur place pour permettre aux agents de l'autorité d'intervenir et les faits sont donc immédiatement constitués.
En outre, si une tolérance peut être appliquée lorsque les personnes venant de causer un accident déplacent leur véhicule quelques mètres plus loin, et dans des conditions qui permettent aux agents d'effectuer toutes constatations utiles, tel n'est pas le cas en l'espèce puisque le prévenu a décidé de ramener la voiture à son domicile, et alors qu'une aire de dépôt située à quelques mètres, certes non prévue pour le stationnement, lui permettait parfaitement de ne pas bloquer la circulation, tout en restant sur place le temps que les services de Police interviennent.
De plus, s'il est effectivement revenu plus tard sur les lieux, il s'est signalé uniquement à des agents de la SMA, qui ne sont pas des agents de l'autorité, sans donner son identité, de sorte que celle-ci n'a pu être retrouvée que parce que les employés de cette entreprise avaient noté l'immatriculation du véhicule.
Il résulte de ces considérations que les faits de délit de fuite sont parfaitement établis.
Il conteste ensuite les faits de défaut de permis de conduire, considérant que les dispositions législatives visées par la prévention ne prévoient pas que le permis délivré par les autorités monégasques perdrait toute validité dès lors qu'une personne ne réside plus sur le territoire monégasque.
Aux termes de l'article 116 du Code de la Route :
« Nul ne peut conduire un véhicule automobile ou un ensemble de véhicules s'il n'est porteur d'un permis de conduire en état de validité correspondant à la catégorie du véhicule utilisé.
Les personnes ayant leur domicile ou leur résidence en Principauté doivent être titulaires d'un permis de conduire délivré, par équivalence ou sur épreuves, par le Service des titres de circulation.
Tout titulaire d'un permis de conduire étranger venant fixer sa résidence ou son domicile à Monaco devra obligatoirement solliciter l'échange de son permis national contre un permis délivré par le Service des titres de circulation pendant l'année qui suit l'acquisition de la résidence normale en Principauté. »
Si la délivrance d'un permis monégasque est conditionnée par le fait de résider ou d'être domicilié à Monaco, et s'il est imposé à tout étranger résidant en Principauté de détenir un permis monégasque, aucune disposition ne règle le sort de la validité d'un permis monégasque lorsque son titulaire perd sa qualité de résidant.
La loi pénale étant d'interprétation stricte, il ne peut être tiré de la lecture à contrario de ce texte que le changement de domicile ou résidence vers un autre pays entraîne nécessairement l'invalidation du permis normalement délivré.
Il conviendra donc de relaxer le prévenu de ce chef de prévention.
Enfin, le prévenu conteste l'infraction de défaut de maîtrise, estimant que la vitesse n'a eu aucune incidence sur la survenance de l'accident et qu'il est resté maître de sa vitesse.
Il reconnait cependant que l'accident est la conséquence du fait qu'il n'a pas prêté attention à la route et regardait un E-mail sur son téléphone.
Aux termes de l'article 10 du Code de la route, tout conducteur doit constamment rester maître de sa vitesse et mener avec prudence son véhicule et régler sa vitesse en fonction des difficultés de la circulation ou des obstacles prévisibles.
Il n'est donc pas nécessaire pour qu'un défaut de maîtrise soit commis qu'une vitesse excessive soit constatée.
Le simple fait de ne pouvoir éviter un objet inanimé et prévisible puisque faisant partie des édicules urbains est la démonstration que le conducteur n'a pas mené son véhicule avec prudence.
En outre, lorsqu'un conducteur est parfaitement maître de sa vitesse et que celle-ci est adaptée aux obstacles prévisibles, il se trouve toujours en état de stopper son véhicule devant cet obstacle.
En ne regardant pas la route pour lire un message sur son téléphone, le prévenu n'a pas mené son véhicule avec prudence et a ainsi commis les faits de défaut de maîtrise qui lui sont reprochés.
ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. doit donc être déclaré coupable des actes qui lui sont reprochés, à l'exception néanmoins des faits de défaut de permis de conduire pour lesquels il devra être relaxé ; Il y a lieu de lui faire application de la loi pénale en tenant compte, cependant, de sa qualité de délinquant primaire qui lui permet de bénéficier du sursis simple quant à la peine d'emprisonnement seulement.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale,
Reçoit ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. en son opposition, régulière en la forme ;
Et jugeant à nouveau,
Relaxe ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. des faits de défaut de permis de conduire ;
Le déclare coupable du surplus,
En répression, faisant application des articles visés par la prévention ainsi que de l'article 393 du Code pénal,
Le condamne aux peines de QUINZE JOURS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du Code pénal n'ayant pu être adressé au condamné et de QUARANTE-CINQ EUROS D'AMENDE pour la contravention connexe de défaut de maîtrise ;
Condamne, enfin, ru-mi. LE. SU. CA. CO. DE SO. aux frais ;
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le vingt-deux mai deux mille dix-sept, par Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge faisant fonction de Président, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Premier Juge, Madame Séverine LASCH-IVALDI, Juge, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint, assistés de Mademoiselle Marina MILLIAND, Greffier-