Tribunal correctionnel, 22 mai 2017, Le Ministère Public c/ g. AM. EB.
Abstract🔗
Amnistie - Ordonnance du 5 janvier 2015 - Délit puni d'amende (oui) - Contraventions - Prescription de l'action publique (oui)
Résumé🔗
Selon l'article 11 du Code de procédure pénale, l'action publique s'éteint par l'amnistie. Aux termes de l'ordonnance souveraine n° 5.160 du 5 janvier 2015, « amnistie pleine et entière est accordée pour les délits commis antérieurement au 10 décembre 2014 et qui ont été ou seront punis de peines d'amende ». En l'espèce, le délit et les contraventions connexes reprochés au prévenu auraient été commis antérieurement au 10 décembre 2014 et ne pourraient être réprimés à l'égard de cette personne physique que d'une amende. En outre, le premier acte interruptif de prescription, soit le procès-verbal de l'inspection du travail, date de septembre 2016. Il en résulte que l'ensemble des faits sont amnistiés de plein droit et qu'en outre, les contraventions, qui se prescrivent par un an, étaient toutes déjà prescrites lors de l'intervention du premier acte interruptif. Le tribunal ne peut donc que constater l'extinction, par l'effet de l'amnistie et de la prescription, de l'action publique dirigée à l'encontre du prévenu.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2016/001851
JUGEMENT DU 22 MAI 2017
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En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;
Contre la nommée :
- g. AM. EB., née le 8 novembre 1951 à TEHERAN (Liban), de h. et de b. KH., de nationalité iranienne, négociatrice en immobilier, demeurant « X1 », X1 à MONACO (98000) ;
Prévenue de :
- VIOLATION DES CONDITIONS D'EMBAUCHAGE
- NON PAIEMENT DES SALAIRES
- NON PAIEMENT DES INDEMNITÉS DE PRÉAVIS
- DÉFAUT DE REMISE SU REÇU POUR SOLDE DE TOUT COMPTE
- NON REMISE DU CERTIFICAT DE TRAVAIL
- DÉFAUT DE REMISE DE BULLETINS DE SALAIRE
- NON PAIEMENT DE L'INDEMNITÉ DE CONGÉS PAYÉS (contraventions connexes)
- ABSENTE aux débats, représentée par Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur près la Cour d'appel, chez lequel elle doit être considérée comme ayant fait élection de domicile par application de l'article 377 du code de procédure pénale, substitué et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat défenseur en cette même Cour ;
En présence de :
Monsieur ja. PA., né le 28 mars 1976 à SAN FERNANDO PAMPANGA (Philippines), de nationalité philippine, sans emploi, demeurant X2 à NICE (06000), constitué partie civile, bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision du 17 mai 2017 portant le numéro n° XX, assisté de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par Maître Raphaëlle SVARA, avocat stagiaire ;
LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;
Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2016/001851 ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 5 mai 2017 ;
Ouï Maître Sarah FILIPPI, avocat défenseur pour la prévenue, laquelle sollicite le renvoi de l'affaire ;
Ouï Maître Raphaëlle SVARA, avocat défenseur pour la partie civile, qui sollicite également le renvoi de l'affaire ;
Ouï le Ministère Public en ses observations ;
Le Président, après avoir pris l'avis de ses assesseurs, décide de retenir l'affaire ;
Ouï ja. PA., partie civile, et ce avec l'assistance de Madame b. LO., demeurant X3 à MONACO (98000), faisant fonction d'interprète en langue anglaise, serment préalablement prêté, en ses déclarations ;
Ouï Maître Raphaëlle SVARA, avocat stagiaire, pour la partie civile, en ses demandes et déclarations ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Sarah FILIPPI, avocat défenseur pour la prévenue, en ses moyens de défense et plaidoiries ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu que g. AM. EB. est poursuivie correctionnellement sous la prévention :
« De n'avoir pas, à MONACO, entre le 21 juin 2013 et le 20 novembre 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, respecté les conditions d'embauchage de ja. PA., en l'espèce de ne pas avoir sollicité préalablement de permis de travail, sans déclaration de l'offre d'emploi et sans obtention préalable à l'entrée à son service d'une autorisation écrite de la Direction de la Main d'Œuvre,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 1, 3, 4, 10 de la loi n° 629 du 17 juillet 1957 relative aux conditions d'embauchage et de licenciement en Principauté de Monaco et par l'article 26 du Code pénal ;
D'avoir, à MONACO, du 1er au 20 octobre 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, étant employeur, omis de verser à ja. PA., salarié, son salaire conformément aux dispositions de l'article 4 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire,
CONTRAVENTION CONNEXE prévue et réprimée par les articles 4 et 13 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire, 29 du Code pénal ;
De n'avoir pas, à MONACO, du 21 octobre 2014 au 20 novembre 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, versé à ja. PA. l'indemnité de préavis à laquelle il avait droit en application de la loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail,
CONTRAVENTION CONNEXE prévue et réprimée par les articles 7 et 11 de la loi n° 729 du 16 mars 1963 concernant le contrat de travail, par les articles 4 et 13 de la loi n° 739 du 16 mars 1963 sur le salaire et par l'article 29 du Code pénal ;
D'avoir, à MONACO, entre courant novembre et décembre 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, étant employeur, lors de la résiliation ou de l'expiration du contrat de travail de ja. PA., omis de lui remettre un reçu pour solde de tout compte,
CONTRAVENTION CONNEXE prévue et réprimée par les articles 7 et 10 de la Loi n° 638 du 11 janvier 1958 tendant à instituer le contrôle du paiement et la déclaration des salaires et par l'article 29 du Code pénal ;
D'avoir, à MONACO, entre courant novembre et décembre 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, étant employeur, à l'expiration du contrat de travail de ja. PA., omis de lui délivrer un certificat daté et signé contenant exclusivement la date de son entrée et celle de sa sortie, et la nature de l'emploi ou, le cas échéant, des emplois successivement occupés, ainsi que les périodes pendant lesquelles ces emplois ont été tenus,
CONTRAVENTION CONNEXE prévue et réprimée par les articles 8 et 10 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 tendant à instituer le contrôle du paiement et de la déclaration des salaires et par l'article 29 du Code pénal ;
De n'avoir pas, à MONACO, de juin 2013 à octobre 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, étant employeur, omis à 17 reprises de remettre à son salarié, ja. PA. un bulletin de paie,
17 CONTRAVENTIONS CONNEXES prévues et réprimées par les articles 2 et 10 de la loi n° 638 du 11 janvier 1958 tendant à instituer le contrôle du paiement et de la déclaration des salaires et par l'article 29 du Code pénal ;
D'avoir, à MONACO, entre courant novembre et décembre 2014, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, étant employeur, omis de verser à ja. PA., salarié, au moment de la résiliation de son contrat de travail ou de l'expiration de celui-ci, pour la fraction du congé dont le salarié n'a pas bénéficié, d'une indemnité de congé payé
CONTRAVENTION CONNEXE prévue et réprimée par les articles 16 et 24 de la loi n° 619 du 26 juillet 1956 fixant le régime des congés payés annuels et par l'article 29 du Code pénal » ;
À l'audience ja. PA. s'est constitué partie civile et a demandé par l'intermédiaire de son conseil d'obtenir la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;
Sur l'action publique,
g. AM. EB. sollicite du Tribunal l'autorisation de se faire représenter par Maître Thomas GIACCARDI ; la présence de cette prévenue n'étant pas indispensable à l'instruction de l'affaire à l'audience, il y a lieu de faire droit à cette demande et de statuer contradictoirement à son égard, en conformité de l'article 377 du Code de procédure pénale ;
Selon l'article 11 du Code de procédure pénale, l'action publique s'éteint par le décès du prévenu, la chose jugée, la prescription ou l'amnistie.
Aux termes du premier article de l'ordonnance souveraine n° 5160 du 5 janvier 2015, « amnistie pleine et entière est accordée pour les délits commis antérieurement au 10 décembre 2014 et qui ont été ou seront punis de peines d'amende ».
En l'espèce, il est acquis que le délit et les contraventions connexes reprochés à g. AM. EB., à les supposer établis, auraient été commis antérieurement au 10 décembre 2014 et ne pourraient être réprimés à l'égard de cette personne physique que d'une amende.
Qu'en outre, le premier acte interruptif de prescription, soit le procès-verbal de l'inspection du travail, remonte au mois de septembre 2016.
Il en résulte que l'ensemble des faits sont amnistiés de plein droit et qu'en outre, les contraventions, qui se prescrivent par un an, étaient toutes déjà prescrites lors de l'intervention du premier acte interruptif.
Le Tribunal ne peut donc, et sans avoir à apprécier si les faits reprochés à g. AM. EB. sont ou non caractérisés, que constater, ainsi que l'a jugé dans une autre procédure la Cour de Révision dans un arrêt en date du 24 mars 2016, l'extinction, par l'effet de l'amnistie et de la prescription, de l'action publique dirigée à l'encontre de g. AM. EB..
Sur l'action civile,
Aux termes de l'article 11 du Code de procédure civile, la juridiction pénale ne peut rester compétente pour statuer sur les réparations civiles que lorsqu'elle est déjà saisie par la partie civile.
En l'espèce, la juridiction pénale n'a été saisie que le jour de l'audience, soit donc postérieurement à l'extinction de l'action publique par prescription et amnistie.
Il en résulte que le Tribunal ne peut valablement analyser les demandes de la partie civile et doit donc déclarer la constitution de partie civile effectuée à l'audience, irrecevable du fait de l'extinction de l'action publique.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale,
Constate l'extinction par l'effet de l'amnistie de l'action publique dirigée contre g. AM. EB. et par conséquent déclare l'action civile irrecevable.
Et laisse les frais à la charge du Trésor.
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le vingt-deux mai deux mille dix-sept, par Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge faisant fonction de Président, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Premier Juge, Madame Séverine LASCH-IVALDI, Juge, en présence de Monsieur Hervé POINOT, Procureur Général adjoint, assistés de Mademoiselle Marina MILLIAND, Greffier.