Tribunal correctionnel, 28 février 2017, Le Ministère Public c/ h. LE. alias h. DE. DA.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Escroquerie - Éléments constitutifs - Preuve de l'usage d'une fausse identité (non) - Preuve d'une tromperie déterminante de la remise des fonds (non) - Relaxe - Abus de faiblesse - Vulnérabilité de la victime (non) - Caractère suffisante d'un état dépressif et de l'âge de la victime (non) - Relaxe

Résumé🔗

Le prévenu doit être relaxé du chef d'escroqueries. Il a été poursuivi pour avoir usé d'une fausse identité pour tromper la victime. Il est établi que, par une décision de justice américaine, il a été autorisé à changer d'identité. Par conséquent, l'utilisation du nom est légitime. Faute de retranscription de cette décision sur les registres d'état civil français, le prévenu conserve sa première identité, le fait d'utiliser le nom qui lui est reconnu par les autorités des États-Unis d'Amérique dont il est ressortissant ne peut être considéré comme un mensonge. En outre, il n'est pas prouvé que le fait qu'il ait utilisé le nom litigieux a été déterminant dans la réalisation des opérations litigieuses. Il est également reproché au prévenu d'avoir menti sur son passé, notamment en déclarant avoir exercé de hautes fonctions dans diverses entreprises de renom aux États-Unis et avoir caché qu'il aurait été incarcéré en France. Cependant, ces faits ne sont pas démontrés et, en tout état de cause, l'éventuel mensonge n'a pas été déterminant dans la remise de fonds.

Le prévenu doit être relaxé du chef d'abus de faiblesse dès lors qu'il n'est pas établi, par les experts, que la victime se trouvait en état de faiblesse ou de vulnérabilité au sens du Code pénal, lors des faits reprochés, un état dépressif et l'âge d'une personne ne caractérisant pas, en eux-mêmes, un état de faiblesse.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2010/000117

INF. J. I. CAB N2/10

JUGEMENT DU 28 FEVRIER 2017

_______

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

  • - h. LE. alias h. DE. DA., né le 16 août 1941 à Alger (Algérie), de f. LE. et de a. SE. de nationalité française ou né le 4 août 1941 à NICE (06), de père inconnu et de SE. s., de nationalité américaine, retraité, demeurant X1 33141 MIAMI (États-Unis d'Amérique) ;

- ABSENT, représenté par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel, chez laquelle il doit être considéré comme ayant fait élection de domicile par application de l'article 377 du code de procédure pénale, et plaidant par Maître David REBIBOU et Maître Jérôme CULIOLI, avocats au barreau de Nice ;

Prévenu de :

  • - ABUS FRAUDULEUX DE L'ÉTAT DE VULNÉRABILITÉ OU DE L'ÉTAT DE DÉPENDANCE

  • - ESCROQUERIES

En présence de :

  • Monsieur J. BI. demeurant X2 à MONACO (98000), agissant es qualités d'administrateur judiciaire de l. ER., né le 21 septembre 1925 à WLOCLAVOCK (Pologne) demeurant X3 à MONACO (98000) constitué partie civile, assisté de Maître Alexis MARQUET avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;

  • - Monsieur c. ER., né le 8 janvier 1964 à TOURS (37), de nationalité française, auto entrepreneur en publicité et communication, demeurant X4, à EZE (06360), constitué partie civile ;

  • - Madame m-a. ER., née le 29 avril 1957 à TOURS (37), de nationalité française, vendeuse, demeurant X4, à EZE (06360), constituée partie civile ;

PRÉSENTS, assistés tout deux par Maître Didier ESCAUT, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;

  • - Monsieur j. g. ER., demeurant X5 à JARNAC (16200), intervenant volontaire constitué partie civile,

  • - Monsieur j. b. ER., demeurant X6 à CORNILLE LES CAVES (49140), intervenant volontaire constitué partie civile,

ABSENTS, représentés tout deux par Maître Didier ESCAUT, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 17 janvier 2017 ;

Vu l'ordonnance de non-lieu du magistrat instructeur en date du 26 février 2016 ;

Vu l'arrêt de la Cour d'appel en date du 30 juin 2016 renvoyant la cause et les parties devant le Tribunal correctionnel ;

Vu la citation signifiée suivant exploit, enregistré de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 12 octobre 2016 ;

Vu la citation de témoin signifiée suivant exploit, enregistré de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 9 janvier 2017 ;

Vu la dénonciation de témoin signifiée suivant exploit, enregistré de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 10 janvier 2017 ;

Ouï c. HE., partie civile, en ses déclarations ;

Ouï j. BI. ès qualités d'administrateur des biens de l. ER., en ses déclarations ;

Ouï m-a. HE., partie civile, en ses déclarations ;

Ouï Maître Didier ESCAUT, avocat défenseur pour m.-c. ER., c. ER., j. g. ER. et j. b. ER., partie civile, en ses demandes, fins et conclusions en date des 13 et 17 janvier 2017 ;

Ouï Maître Alexis MARQUET, avocat défenseur pour j. BOI. ès qualités d'administrateur des biens de l. ER., partie civile, en ses demandes, fins et conclusions en date du 17 janvier 2017

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître CULIOLI et Maître David REBIBOU, avocats au barreau de Nice, régulièrement autorisés par le Président à assister le prévenu, en leur moyens de défense et plaidoiries, par lesquels ils sollicitent la relaxe de leur client ;

Après en avoir délibéré, conformément à la loi ;

Aux termes d'un arrêt de la Cour d'appel en date du 26 février 2016, h. DE. DA. a été renvoyé par devant le Tribunal correctionnel, sous la prévention :

« À Monaco, en France, en Italie et aux États-Unis, courant de l'année 2003 et jusqu'au 20 janvier 2010, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

  • - soit en faisant usage de faux nom ou de fausse qualité, soit en employant des manœuvres frauduleuses pour persuader l'existence de fausses entreprises, d'un pouvoir ou d'un crédit imaginaire, ou pour faire naître l'espérance ou la crainte d'un succès, d'un accident ou de tout autre événement chimérique, s'être fait remettre ou délivrer ou d'avoir tenté de se faire remettre ou délivrer des fonds, meubles, effets, deniers, marchandises, billets, promesses, quittances ou tous autres écrits contenant ou opérant obligation ou décharge, et d'avoir par un de ces moyens, escroqué ou tenté d'escroquer la totalité ou partie de la fortune de l. ER.,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 27 et 330 du Code Pénal ;

À Monaco, en France, en Italie et aux États-Unis, courant de l'année 2003 et jusqu'au 20 janvier 2010, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

  • - avoir abusé frauduleusement de l. ER., dont la particulière vulnérabilité ou l'état de dépendance étaient apparents ou connus de lui, pour le conduire à un acte ou à une abstention qui lui ont été gravement préjudiciables

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 27 et 335 du Code Pénal ».

h. DE. DA. sollicite du Tribunal l'autorisation de se faire représenter par Maître Joëlle PASTOR-BENSA avocat défenseur ; que la présence de ce prévenu n'étant pas indispensable à l'instruction de l'affaire à l'audience, il y a lieu de faire droit à cette demande et de statuer contradictoirement à son égard, conformément à l'article 377 du Code de Procédure Pénale.

À l'audience j. BI. ès qualités d'administrateur des biens de l. ER., s'est constitué parties civile et a fait déposer par son conseil des conclusions tendant à obtenir la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 3.616.277,03 euros au titre du préjudice matériel ainsi que celle de 1.000.000 euros au titre du préjudice moral.

À cette même audience m.-c. ER., c. ER., j. g. ER. et j. b. ER. se sont également constitués parties civiles et ont également fait déposer par leur conseil des conclusions tendant à obtenir la condamnation du prévenu à leurs payer la somme de 5.000.000 d'euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices subis ainsi que pour les frais de représentation.

  • Sur l'action publique,

L'information a établi les faits suivants :

Le 6 février 2009, c. ER. déposait plainte auprès du Procureur de la République de Nice en déclarant que son oncle l. ER. se trouvait sous l'influence de cr. JA. DE GA. et de son mari, h. DE. DA. (D1). Ils s'étaient ainsi livrés à des opérations financières contraires à ses intérêts, selon lui.

Cette plainte était transmise au parquet général de la Principauté de Monaco.

c. ER. exposait que l. ER., né le 21 septembre 1925 et sans famille proche, aurait fortuitement fait connaissance de ce couple en 2003 en Principauté de Monaco alors qu'il se trouvait être très affecté par le décès de sa compagne quelques années plus tôt. Ils seraient alors devenus amis intimes.

Le plaignant soulignait que son oncle s'était livré depuis lors à plusieurs opérations financières qui lui étaient manifestement défavorables ou dépourvues de toute cohérence le plus souvent pour servir les intérêts de ses nouveaux amis. Selon lui, Il s'était montré jusqu'à cette époque avisé en affaire et très prudent dans la gestion de son patrimoine.

Selon lui, ces opérations n'avaient pour objectif que de dépouiller son oncle au profit de cr. JA. de GA. et de son mari h. DE. DA.. Ils auraient ainsi abusé de la faiblesse de son oncle.

Il citait ainsi plusieurs opérations financières.

Il évoquait en premier lieu un prêt de 100.000 € que son oncle aurait consenti à cr. JA. DE GA. en décembre 2003, pour une courte durée afin de permettre l'installation du couple à Monaco. N'ayant pas été remboursé une année plus tard, l. ER. aurait alors voulu établir un contrat de prêt en bonne et due forme et se serait rendu compte que les fonds auraient été utilisés en fait pour des travaux de rénovation dans un bien immobilier situé en Floride (USA). Les parties auraient alors consenti de garantir le prêt initial grâce à une hypothèque sur l'immeuble.

À l'automne 2005, l. ER. aurait acquis en Floride plusieurs biens immobiliers : trois appartements et une maison pour 950.000 USD dont une maison à JACKSONVILLE revendue au neveu de cr. JA. DE GA. pour un prix de 190.000 USD. Ce bien aurait par la suite été revendu à une personne morale de droit américain pour 90.000 €.

Il aurait également consenti des droits d'occupation gratuits sur les immeubles ainsi acquis au profit de cr. JA. DE GA., de son fils et de h. DE. DA..

Il aurait aussi pris des participations dans des sociétés aux États-Unis dans lesquelles h. DE. DA. avait des intérêts.

Courant 2006, il aurait consenti deux nouveaux prêts pour un montant total de 120.000 € puis en mai 2008 un autre prêt de 750.000 €.

Une enquête préliminaire était ordonnée par le ministère public et confiée à la Sûreté Publique de Monaco. l. ER. confirmait pour l'essentiel les assertions de son neveu (D5) mais estimait avoir agi en connaissance de cause et en pleine lucidité. Il présentait les mis en cause comme des personnes profondément estimables et h. DE. DA. comme un homme d'affaires avisé ayant exercé des responsabilités éminentes dans des entreprises importantes.

Il s'estimait victime du harcèlement de son neveu.

Une réquisition bancaire établissait que de nombreux chèques, virements et retraits en espèces avaient été faits au profit de h. DE. DA. qui disposait de procuration sur certains comptes. Il aurait ainsi bénéficié d'un montant total 962.561 € et 21.068,60 € entre 2006 et 2008. Les comptes de l. ER. apparaissaient ainsi complétement vidés.

Des réquisitions aux fins d'informer étaient prises le 25 janvier 2010 des chefs d'escroqueries, d'abus de faiblesse et de recels d'escroqueries et d'abus de faiblesse contre cr. JA. DE GA. et h. DE. DA. (D 206).

Il était versé au dossier d'instruction les diligences assurées par le juge tutélaire (D231 et suivantes) qui avait notamment prescrit une expertise psychiatrique effectuée par le Docteur NO., décrivant M. l. ER. comme une personne « crédule, influençable, totalement fascinée par de nouveaux amis qui l'ont manipulée et spolié ».

l. ER. était placé sous protection judiciaire par le juge tutélaire.

Au cours de l'instruction une autre expertise psychiatrique étai prescrite (D241) et confiée au Docteur RO., qui concluait au contraire que l. ER. avait agi « volontairement et avec un discernement suffisant ».

L'administrateur judiciaire désigné par le juge tutélaire indiquait qu'il avait de bonnes raisons de craindre que l'entourage de l. ER. continue de s'intéresser à ce qui lui restait de son patrimoine (D258 et suivantes).

Les diligences exécutées sur commissions rogatoires établissaient qu h. DE. DA. possédait en France une autre identité comme étant h. LE., plusieurs fois condamné notamment à de l'emprisonnement ferme entre 1966 et 1978. Il était présenté par ses proches comme une personnalité mythomane s'étant comporté comme un escroc y compris vis-à-vis de sa famille (D307 et suivants).

l. ER. présentait également sa version des faits (D 312), contestait toute influence de ses amis sur les investissements effectués et tout état de faiblesse.

Il fournissait des explications divergentes dans ses échanges par courriel avec le plaignant et aux enquêteurs sur plusieurs sujets, notamment à propos du prêt d'un montant 750.000 € qu'il présentait, soit comme un prêt fait à h. DE. DA. pour l'acquisition d'un appartement à BORDHIGERA au profit de son ex-épouse cr. JA. DE GA., soit comme un transfert de propriété de l'appartement supposé être financé par ce prêt à BORDIGHERA en Italie, le prêt étant annulé, ou encore comme un montant correspondant à une dette de h. DE. DA. dans le cadre de la liquidation de leurs « affaires communes » en faveur de l. ER., mais que l'intéressé ne pouvait pas payer, soit enfin comme un abandon de créances en faveur de h. DE. DA..

Il confirmait globalement les opérations dénoncées par son neveu mais en indiquant que ces opérations étaient justifiées et que s'il avait effectivement revendu certains biens à ses amis ou les proches de ceux-ci, la différence de prix était justifiée par l'effondrement du marché immobilier américain suite à la crise financière de 2008.

Il donnait des explications détaillées sur chacune des opérations et montages juridiques effectués, et exposait que r. HU. était la collaboratrice de h. DE. DA., que la procédure lui aurait causé d'importantes difficultés ayant conduit à son divorce et la perte d'un certain statut financier, raison pour laquelle il lui aurait cédé un de ses biens à Miami en dédommagement.

L'enquête permettait d'établir différents éléments sur les opérations réalisées par l. ER. et ses amis.

Un transfert d'une somme totale de 750.000 euros du compte de l. ER. ouvert à la société Z sur le compte d h. DE. DA. ouvert à la société W au mois de mai 2008, destine initialement à financer l'acquisition par ce dernier d'un appartement à Monaco dans lequel devait être logée cr. JA. DE GA. à la suite du décès de l'un de ses fils, ayant fait l'objet du compromis de vente signe le 15 mai 2008 dans lequel l. ER. agit en qualité de mandataire d h. DE. DA. ;

Deux projets de contrat de prêt entre l. ER. et h. DE. DA. portant sur la somme de 750.000 euros ont été établis mais aucun n'a été régularisé.

l. ER. déclarait que le prêt aurait été annulé par suite du transfert à son bénéfice de la propriété d'un appartement compris dans l'immeuble finalement acquis a Bordighera en remplacement de celui situe à Monaco, mais aucun acte mentionnant ce transfert n'a été régularisé.

Dans des déclarations ultérieures, l. ER. indiquait que la somme de 750.000 euros avait été intégrée dans un compte de liquidation de leurs affaires communes, faisant ressortir un solde en sa faveur qu h. DE. DA. n'était pas en mesure de payer, puis déclarait enfin que le solde de ce compte était largement en sa défaveur en raison des pertes s'élevant a « plusieurs millions » liées à l'action de ses neveux, ayant entrainé la liquidation forcée des affaires d h. DE. DA. au Moyen-Orient.

L'immeuble acquis a Bordighera en 2009 a été revendu en 2012.

L'enquête confirmait également que l. ER. avait acquis plusieurs biens immobiliers situés aux États-Unis :

  • 1 - un appartement n° 206 situe à Boca Raton, propriété de DE. et JA. pour l'avoir acquis en 2004 pour la somme de 94.000 USD, acheté en 2006 par ER. l. TR. pour la somme de 120.000 USD, revendu à DE. en janvier 2010 pour la somme de 150.000USD qui n'a pas été payée mais portée au compte de liquidation.

  • 2 - un appartement n° 225 situe a Boca Raton acheté par ER. l. TR. en novembre 2005 pour 180.000 dollars dont il a cédé la propriété a DE. en 2009 en échange d'un bien immobilier situe à Jacksonville.

  • 3 - deux appartements situes a Palm Beach (parcelles n° 1030 et 1040) achetés en mai 2006 pour les sommes respectives de 237.500 USD et 203.400 USD par la société V, dont le capital de 100.000 USD est entièrement détenu par l. ER. après cession de ses parts sociales par DE. en échange de la propriété de Jacksonville. Selon les déclarations de l. ER. ces biens auraient été saisis par les banques en raison de la défaillance dans le remboursement des prêts contractés pour leur acquisition.

  • 4 - un appartement situe à Miami acheté 465.000 USD le 30 juin 2005, revendu en juillet 2009 à DE. et a une société U a un prix non communique, l. ER. déclarant à propos de cette cession avoir cédé gracieusement cet appartement à Mme r. HU. en 2009, pour lui porter secours.

  • 5 - une maison située à Jacksonville, achetée en 2005 pour la somme de 180.000 USD, cédée a DE. en 2007 contre 50% du capital de la société V, puis à nouveau échangée contre 1'appartement n° 225 situe à Boca Raton, occupée par DE. sans paiement de loyer en échange de travaux de rénovation.

l. ER. ne dispose d'aucun des titres de propriété, lesquels seraient en possession de r. HU. qui lui réclame paiement de la somme de 209.000 USD au titre de divers frais de secrétariat et d'archivage.

Il était en outre relevé que le compte bancaire ouvert aux États-Unis au nom de l. ER. laissait apparaitre des opérations au bénéfice de DE. pour un montant de 220.000 euros que l. ER. expliquait par des défraiement de son ami pour ses interventions quant aux biens situés au Etats Unis.

L'enquête démontrait encore qu'une somme de 100.000 euros avait également été investie par l. ER., selon ses propres déclarations, dans la société R détenue au moins partiellement par h. DE. DA., immatriculée au RCS de Nice, dont le siège social était chez une société de domiciliation, qui n'a jamais dépose de comptes annuels et qui a finalement été radiée d'office le 6 décembre 2010 pour cessation d'activité à l'adresse déclarée.

D'autres diligences étaient accomplies en Italie sur commission rogatoire. Elles venaient confirmer que h. DE. DA. s'était bien porté acquéreur d'un appartement à BORDHIGHERA en octobre 2009 et l'avait ensuite revendu en juillet 2011 (D 331bis).

h. DE. DA. était inculpé le 24 avril 2012 pour les infractions visées dans les réquisitions aux fins d'informer (D353). Il s'expliquait ensuite sur le fond le 20 juin 2012 (D355). Il donnait sur son passé en France des explications divergentes de ses proches, mais admettait avoir fait de la détention provisoire. Il présentait l. ER. comme un homme d'affaires avisé qui avait investi aux États-Unis car il considérait que ses investissements à Monaco ne lui rapportaient rien. Il expliquait également que les virements et les paiements en chèques dont il était le bénéficiaire ne servaient qu'à le rembourser des frais qu'il avait exposés pour les investissements que l. ER. y avaient réalisés ou pour régler des artisans italiens qui restauraient des voitures dans le cadre d'une entreprise d'import-export créée à Nice dont il était l'associé. Il évoquait également les dettes que l'intéressé avait contractées vis-à-vis de r. HU. qu'il a mise dans une situation financière dramatique.

Les parties civiles, m-a. ER. et c. ER., versaient à la procédure une assignation émanant de h. DE. DA. pour une demande en paiement afférente à des chèques sans provision devant la juridiction de PALM BEACH en Floride (D358 et suivants).

Une commission rogatoire était délivrée auprès des autorités américaines courant 2011 (D376), en vue notamment d'identifier les biens ayant pu appartenir à l. ER., d'obtenir des renseignements tant sur h. DE. DA. que sur cr. JA. de GA., d'entendre r. HU. ainsi que son mari et enfin toutes personnes pouvant donner des informations sur les capacités de l. ER. au moment où il avait réalisé ces opérations immobilières aux Etats Unis.

Il en était fait un retour partiel en 2014 par les autorités américaines (D380). Elles confirmaient l'existence des opérations immobilières signalées par les parties civiles ainsi que l'existence des montages juridiques qui les avaient accompagnés. Elles ne donnaient pas d'informations complémentaires sur les deux mis en cause ni sur les capacités de discernement de M. ER. au moment où il avait réalisé ces opérations immobilières initiales.

Le surplus des actes sollicités n'était pas effectué.

m-a. ER. et c. ER., parties-civiles, étaient entendus le 15 juillet 2015. Ceux-ci sollicitaient une confrontation avec h. DE. DA.. Elle était prévue le 30 septembre 2015 mais h. DE. DA. ne comparaissait pas, arguant de son mauvais état de santé et adressant des pièces médicales en justifiant.

Un mandat d'arrêt national valant inculpation était délivré le 2 octobre 2015 à l'encontre de cr. JA. DE GA..

r. HU. adressait le 28 juillet 2015 un courrier (D395) dans lequel elle exposait la situation dramatique dans laquelle elle se trouvait du fait de cette procédure entreprise par les neveux de l. ER. qui avait compromis la réussite de leurs affaires communes aux États-Unis et au Moyen-Orient.

Par ordonnance en date du 26 février 2016, le Juge d'instruction rendait une ordonnance de non-lieu, estimant notamment que les faits n'étaient pas suffisamment caractérisés.

Par arrêt en date du 30 juin 2016, la Cour d'Appel a infirmé l'ordonnance de non-lieu et renvoyé h. DE. DA. par-devant la juridiction de céans sur les chefs de prévention susvisés.

Elle confirmait cependant le non-lieu concernant cr. JA. DE GA..

  • Sur les faits d'escroquerie :

Il est notamment reproché à h. DE. DA. d'avoir usé d'une fausse identité pour tromper l. ER. en ce qu'il est né h. LE., le 16 août 1941 à Alger mais se fait désormais appeler h. DE. DA., né le 16 août 1941 à Nice.

Il résulte de l'information que le prévenu est effectivement né h. LE., le 16 août 1941 à Alger mais que par une décision des juridictions américaines en date du 11 juillet 1988, il a été autorisé à changer d'identité pour celle de h. DE. DA., né le 16 août 1941 à Nice.

Cette décision était basée sur une déclaration de f. LE., père déclaré du mis en cause, aux termes de laquelle il n'aurait pas été le père biologique de h., mais qu'il serait né à Nice, de la sœur de son épouse et d'un militaire anglais dénommé DA. et qu'afin d'éviter toute honte à la famille, son épouse et lui-même auraient accepté de le déclarer comme étant leur enfant, né à Alger, lieu de résidence du couple à cette époque.

Si l'origine du nom DE. reste inconnue, le fils du prévenu donnant plusieurs explications possibles, il est incontestable que l'utilisation du nom DE. DA. est légitime puisque autorisée par une décision de justice définitive.

D'ailleurs, l'ensemble des documents d'identité du prévenu sont légalement établis à ce nom.

S'il est exact que faute de retranscription de cette décision sur les registres d'état civil français, le prévenu reste, pour les autorités françaises, h. LE., le fait d'utiliser le nom qui lui est reconnu par les autorités des Etats Unis d'Amérique dont il est ressortissant ne peut être considéré comme un mensonge.

En outre, aucun élément de l'information ne permet de considérer que le fait qu'il se soit appelé DE. DA. au lieu de LE. aurait été déterminant dans la réalisation des opérations litigieuses.

Il est ensuite reproché au prévenu d'avoir menti sur son passé, notamment en déclarant avoir exercé de hautes fonctions dans diverses entreprises de renom aux États-Unis et avoir caché qu'il aurait été incarcéré en France.

Si les services de Police font état de mauvais renseignements à leur fichier central, les casiers judiciaires du prévenu sont vierges.

Les déclarations du fils aîné de h. DE. DA. doivent être prises avec prudence car il n'a pas été témoin direct de l'incarcération de son père.

Celles de sa première épouse sont par contre directes et étayées par la production d'un courrier émanant du prévenu et rédigé depuis une maison d'arrêt.

Cependant, ce courrier ne permet pas de déterminer s'il s'agissait d'une détention provisoire ou définitive.

En outre, si sa première épouse parle d'escroqueries qui auraient été commises en France, elle n'a pas été le témoin direct du sort de son ex-époux lorsque celui-ci a divorcé et est parti vivre aux États-Unis.

Le témoignage du fils aîné du prévenu, avec lequel celui-ci est brouillé, est, en ce qui concerne son devenir sur le territoire américain et la réalité des fonctions qu'il aurait pu occuper au sein de diverses entreprises, sujet à caution car il expose que son père a vécu une vie d'opulence, possédant diverses propriétés de grandes valeurs et des véhicule de prestige, mais qu'il aurait récemment rencontré la seconde épouse de son père qui lui aurait indiqué que celui-ci n'aurait pas occupé de haut poste pour la société R ou la société Q.

Il s'agit donc d'un témoignage indirect qui ne permet pas d'établir avec certitude que le prévenu aurait effectivement menti sur son parcours professionnel aux États-Unis.

D'ailleurs, l'une des missions confiées aux autorités américaines dans le cadre de la Commission rogatoire internationale qui leur a été délivrée en 2011 était précisément de retracer le parcours professionnel du prévenu afin de vérifier de la réalité de celui-ci.

Il n'est donc pas, en l'état, possible, malgré certains éléments troublants, d'affirmer que le prévenu aurait menti sur son parcours professionnel et que ce mensonge aurait été déterminant dans la remise de fonds.

En outre, si l'enquête a permis de démontrer qu'in fine, les opérations réalisées ont été plus bénéfiques à h. DE. DA. et ses proches qu'à l. ER., lequel se trouve désormais dépourvu de toute sa fortune, il est incontestable que durant la période de prévention, et plus exactement en 2008, l'économie mondiale a connu une crise dont le seul précédent remonte à 1929, qui a trouvé son origine aux États-Unis d'Amérique dans la crise dite des « subprimes » et dont l'une des conséquences directes a été la chute de l'immobilier dans pratiquement tous les états américains, outre la fermeture de l'une des banques les plus importantes.

Il est établi qu'en 2005, après avoir divorcé de cr. JA. DE GA., h. DE. DA. s'est remarié, ce que l. ER. a manifestement ignoré puisque tout au long de la procédure et des échanges avec les différentes parties, il n'a jamais mentionné cette nouvelle épouse et a toujours considéré cr. JA. DE GA. comme la compagne de son ami.

Si une telle omerta semble curieuse, de même qu'il est très curieux qu'un ami et homme de confiance ne l'attraie en justice pour un problème de chèques, cela ne peut être considéré comme la démonstration de l'utilisation de stratagèmes ou mensonges afin de lui faire remettre tout ou partie de sa fortune.

Il résulte de ces considérations qu'il n'est pas suffisamment démontré que h. DE. DA. se serait rendu coupable du délit d'escroquerie.

Il convient donc de le relaxer de ce chef de poursuite.

  • Sur les faits d'abus de faiblesse :

Le docteur NO., désigné en qualité d'expert dans le cadre de la procédure de protection judiciaire de l. ER. avait conclu à une altération de son jugement et de son raisonnement et un déni de la réalité.

Il a cependant constaté l'absence d'altération de ses facultés corporelles et cognitives.

Pour conclure à cette altération de jugement, attribué à une fascination et une crédulité anormale, ledit praticien se base sur ce qu'il considère comme un fait avéré, à savoir que l. ER. serait victime de ses amis.

Pour sa part, le docteur RO., qui était en possession du rapport du docteur NOUCHI lors de la réalisation de ses opérations expertales, conclut que l. ER. a agi volontairement et avec un discernement suffisant, relevant notamment qu'il ne souffre d'aucune forme de pathologie, que si l'état dépressif est décrit par divers éléments, il n'est pas démontré qu'il ait altéré son discernement et surtout qu'il ne lui appartient pas de se prononcer sur la matérialité des faits reprochés aux amis de l. ER..

Le docteur NO., a inversé son raisonnement puisqu'il lui appartenait de rechercher une faiblesse, telle que prévue par le Code pénal, afin de déterminer si son jugement était altéré et pouvait donc le conduire à se faire abuser, mais a à l'inverse, pris pour acquis l'existence d'un abus pour conclure que le déni de cet abus serait la preuve d'une faiblesse.

En outre, un état dépressif et l'âge d'une personne ne sont pas nécessairement la démonstration d'un état de faiblesse.

De plus, les deux expertises ont été réalisées plus de six ans après le début des faits, relativisant ainsi la portée de celles-ci quant à la détermination de l'éventuel état de faiblesse de l. ER. au moment de la remise des fonds.

Il résulte de ces considérations qu'il n'est pas démontré que l. ER. se trouvait en état de faiblesse ou de vulnérabilité au sens du Code pénal, lors des faits dont le Tribunal est saisi.

Par conséquent, les faits d'abus de confiance ne peuvent être considérés comme constitués, de sorte qu'il convient de relaxer h. DE. DA. de ce chef de prévention.

  • Sur l'action civile,

Au vu de la relaxe totale des faits reprochés à h. DE. DA., il convient de recevoir les parties-civiles en leur constitution mais au fond les en débouter.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du code de procédure pénale,

Sur l'action publique :

Relaxe h. LE. alias h. DE. DA. des fins de la poursuite sans peine ni dépens ;

Sur l'action civile :

Reçoit j. BI. ès qualités d'administrateur des biens de l. ER., m.-c. ER., c. ER., j. g. ER. et j. b. ER. en leur constitution de partie civile mais les déboute sur le fond ;

Laisse les frais à la charge du Trésor

Composition🔗

Ainsi jugé après débats du dix-sept janvier deux mille dix-sept en audience publique tenue devant le Tribunal Correctionnel, composé par Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge faisant fonction de Président du Tribunal correctionnel, Madame Aline BROUSSE, Juge, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, Madame Léa PARIENTI, Juge, le Ministère Public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du vingt-huit février deux mille dix-sept par Monsieur Florestan BELLINZONA, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Christell BIANCHERI, Greffier.

  • Consulter le PDF