Tribunal correctionnel, 28 février 2017, Le Ministère Public c/ j. s. OL. et p. PE.
Abstract🔗
Procédure pénale - Droits de la défense - Prévenu étranger - Absence de traduction des pièces de la procédure - Moyen inopérant (oui) - Prévenu en fuite à l'étranger - Demande de traduction des pièces du dossier (non) - Banqueroute frauduleuse - Eléments constitutifs - Détournements de fonds sociaux - Opérations non justifiées - Détournements de véhicules appartenant à la société - Actes contribuant à la faillite (oui) – Condamnation
Résumé🔗
Le prévenu considère que la présente procédure lors de laquelle il n'a pu se défendre équitablement en faisant valoir ses arguments sur les faits qui lui étaient reprochés et dont les pièces les caractérisant ne lui ont pas été traduites en langue danoise est entachée de nullité en application de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme. Or, le prévenu a quitté la Principauté de Monaco alors que le conseil de la SARL qu'il gérait allait déposer une requête aux fins de constater l'état de cessation des paiements de cette personne morale dont il ne pouvait ainsi ignorer les difficultés financières. Ainsi, il ne peut reprocher aux autorités judiciaires de ne pas lui avoir laissé la possibilité de faire valoir ses arguments alors qu'il est établi qu'il a pris la décision de ne pas assumer ses responsabilités notamment vis-à-vis de ses créanciers en retournant dans son pays d'origine et sans laisser, malgré la situation rappelée ci-dessus, ses nouvelles coordonnées. Par ailleurs, si la citation qui lui a été délivrée était rédigée en langue française, la télécopie adressée par son conseil à l'attention du Président du Tribunal correctionnel de Monaco tendait à obtenir communication de l'entier dossier pénal sans demander pour autant que celle-ci soit effectuée en langue danoise, ce qui démontre que le prévenu en avait compris la teneur et l'objet.
Le délit de banqueroute frauduleuse est constitué dès lors que des détournements ou dissimulations effectués ont eu pour effets d'affecter la consistance de l'actif disponible de la personne morale dont l'état de cessation des paiements a été prononcé et de la placer dans l'impossibilité de faire face au passif exigible. En l'espèce, certains virements reprochés aux prévenus ont été effectués avant la date de cessation des paiements qui a été fixée provisoirement par le juge commissaire au 1er novembre 2013. Néanmoins, l'importance du montant de l'ensemble des virements mais aussi l'absence de justification, s'agissant des opérations datées du 26 juillet 2012, ou encore l'objet de ces transferts, à savoir des primes et dividendes que ces deux associés se sont octroyées et qui étaient manifestement et à tout le moins excessives au regard de la situation financière de la SARL, le paiement de dépenses personnelles et enfin le transfert de l'argent de cette société sur un compte personnel détenu en Suisse par l'un des prévenus constituent des détournements frauduleux qui ont contribué, dès le mois de juillet 2012, à la faillite de cette personne morale qui s'est révélée en 2013. Il est par ailleurs établi que les différents véhicules immatriculés en Principauté de Monaco, et qui n'ont pas été retrouvés par le syndic, ont nécessairement été détournés par les gérants de cette personne morale qui avaient seule qualité pour en disposer. Les prévenus doivent donc être condamnés.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2014/000209
JUGEMENT DU 28 FÉVRIER 2017
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En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;
Contre les nommés :
1°- j. s. OL., né le 16 août 1966 à COPENHAGUE (Danemark), de h. e. et de e. i. HE., de nationalité danoise, gérant de société, demeurant X1 (3100 - Danemark) ;
- ABSENT aux débats, représenté par Maître Yann LAJOUX, avocat défenseur près la Cour d'appel, chez lequel il a fait élection de domicile par application de l'article 377 du code de procédure pénale, plaidant par Maître Dan SHEFET avocat au barreau de Paris ;
2°- p. PE., né le 29 janvier 1967 à GENTOFTE (Danemark), de k. ST. et de l. PE., de nationalité danoise, gérant de société, actuellement SANS DOMICILE NI RÉSIDENCE CONNUS ;
- DÉFAILLANT ;
Prévenus de :
BANQUEROUTE FRAUDULEUSE
En présence de :
1°- La Société à Responsabilité Limitée dénommée A, dont le siège social se trouve X4 à VALBONNE (06560), prise en la personne de son Président en exercice Monsieur s. VE., constituée partie civile, assistée de Maître Mélanie POCQUET, avocat au barreau de Grasse, plaidant par ledit avocat ;
2°- La Société à Responsabilité Limitée dénommée B, dont le siège social se trouve lieudit « X5 » à VILLARS (84400), prise en la personne de son gérant en exercice Monsieur w. RAE SM., constituée partie civile, comparaissant en personne ;
3°- La Société à Responsabilité Limitée dénommée C, dont le siège social se trouve X6 à VALLAURIS (06220), prise en la personne de son gérant en exercice Monsieur h. m. WI., constituée partie civile, comparaissant en personne ;
4°- Monsieur a. FE. et Madame c. GO. épouse FE., demeurant tous deux X2 à TOURETTES-SUR-LOUP (06140), constitués parties civiles, ABSENTS aux débats, représentés par Maître Pierre-Anne NOGHES-DU-MONCEAU, avocat près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat ;
5°- Monsieur j. HA., né le 4 avril 1948 à WIDDRINGTON (Grande Bretagne) et Madame r. VAN WO. épouse HA., née le 17 novembre 1953 à TE PUKE (Nouvelle Zélande), demeurant X3 à MONACO (98000), constitués parties civiles, comparaissant tous deux en personne ;
6°- Monsieur a. GA., ès qualités de syndic de la cessation des paiements de la SARL D, demeurant en cette qualité X7 à MONACO (98000), constitué partie civile, bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision en date du 17 août 2016 portant le numéro XX, ABSENT aux débats, représenté par Maître Jean-Pierre LICARI, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;
LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 31 janvier 2017 ;
Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2014/000209 ;
Vu les citations signifiées suivant exploits, enregistrés, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 7 mars et 12 juillet 2016 ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 20 décembre 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Yann LAJOUX, avocat-défenseur pour j. s. OL., en date des 15 novembre 2016 et 31 janvier 2017 ;
Ouï Maître Yann LAJOUX, avocat défenseur, pour j. s. OL., qui soulève in limine litis des exceptions de nullité ;
Ouï Maître Jean-Pierre LICARI, avocat défenseur, pour a. GA., en ses observations ;
Ouï Maître NOGHES DU MONCEAU, avocat, pour a. FE. et c. GO. épouse FE., en ses observations ;
Ouï Maître POCQUET, avocat au barreau de Grasse, pour la SARL A, en ses observations ;
Ouï William RAE SM. pour le compte de la SARL E, h. m. WI. pour le compte de la SARL C, j. HA. et r. VAN WO. épouse HA., parties civiles, en leurs observations ;
Ouï le Ministère Public en ses observations, qui s'oppose aux exceptions soulevées et demande de joindre l'incident au fond ;
Le Président, après avoir pris l'avis de ses assesseurs, décide de joindre l'incident au fond ;
Nul pour p. PE., défaillant ;
Ouï l. FO., collaborateur de a. GA. entendu en ses déclarations recueillies à titre de simple renseignement, en vertu du pouvoir discrétionnaire du Président prévu par les articles 301 alinéa 2 et 389 du Code de procédure pénale ;
Ouï Maître Jean-Pierre LICARI, avocat défenseur, pour a. GA., ès qualités de syndic de la SARL D, en ses demandes, fins et conclusions en date du 26 janvier 2017 ;
Ouï Maître NOGHES DU MONCEAU, avocat, pour a. FE. et c. GO. épouse FE., en ses demandes, fins et conclusions en date de ce jour ;
Ouï Maître POCQUET, avocat au barreau de Grasse, régulièrement autorisée par Monsieur le Président à assister la SARL A, en ses demandes, fins et conclusions non datées déposées à l'audience de ce jour ;
Ouï j. HA., en ses demandes et déclarations ;
Ouï la SARL E, en ses demandes et déclarations ;
Ouï la SARL C, en ses demandes et déclarations ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Yann LAJOUX, avocat défenseur, pour j. s. OL., en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
j. s. OL. et p. PE. sont poursuivis correctionnellement sous les préventions :
j. s. OL. :
« Pour avoir, à Monaco, courant 2012 et 2013, étant dirigeant de droit de la SARL D, laquelle se trouvait en état de cessation des paiements, détourné ou dissimulé, de mauvaise foi, une partie de l'actif de ladite société au préjudice de créanciers de la société dont j. et r. HA., m. CL. et t. MA., M. HUW WI., M. BU., b. MA., M VE., M. w. RAE SM., en l'espèce :
- pour avoir viré au débit du compte n°YY de la SARL D détenu à la société Fsur un compte bancaire personnel n°ZZ ouvert dans les livres de la société F au nom de j. s. OL. les sommes suivantes :
- 78.500 euros le 26 juillet 2012
- 150.000 euros le 15 décembre 2012
- 150.000 euros le 12 avril 2013
- 270.000 euros le 25 septembre 2013
- 150.000 euros le 8 octobre 2013
- pour avoir encaissé sur son compte personnel n°ZZ ouvert à la société F au nom de j. s. OL. des paiements de prestations de clients de la SARL D dont un chèque de 40.500 euros de Mme BER./M WI. en date du 9 juin 2013 et un chèque de 22.000 euros de Mme BER./M WI. en date du 24 mai 2013
- pour avoir débité le compte de la SARL D pour payer le prix de dépenses personnelles telle la somme de 2.727,30 euros le 28 décembre 2012 au profit de la société G
- pour avoir détourné les véhicules suivants de la SARL D : un véhicule W immatriculé V1 ; un véhicule W immatriculé V2 ; un véhicule W immatriculé V3 ; un véhicule W immatriculé V4 ; un véhicule IVECO immatriculé V5 ; un véhicule U immatriculé V6 ; un véhicule R immatriculé V7 ; un véhicule W immatriculé V8 ; un véhicule S immatriculé V9 ; un véhicule W immatriculé V10,
DÉLITS prévus et réprimés par les articles 327, 328-1 et 328-2 du Code pénal » ;
p. PE. :
« Pour avoir, à Monaco, courant 2012 et 2013, étant dirigeant de droit de la SARL D, laquelle se trouvait en état de cessation des paiements, détourné ou dissimulé, de mauvaise foi, une partie de l'actif de ladite société au préjudice de créanciers de la société dont j. et r. HA., m. CL. et t. MA., M. HUW WI., M. BU., b. MA., M VE., M. w. RAE SM., en l'espèce :
- pour avoir viré au débit du compte n°YY de la SARL D détenu à la société F sur un compte bancaire n°ZZ ouvert à la société F au nom de p. PE. les sommes suivantes :
- 50.000 euros le 26 juillet 2012
- 100.000 euros le 14 décembre 2012
- 100.000 euros le 12 avril 2013
- pour avoir détourné les véhicules suivants de la SARL D : un véhicule W immatriculé V1 ; un véhicule W immatriculé V2 ; un véhicule W immatriculé V3 ; un véhicule W immatriculé V4 ; un véhicule IVECO immatriculé V5 ; un véhicule U immatriculé V6 ; un véhicule R immatriculé V7 ; un véhicule W immatriculé V8 ; un véhicule S immatriculé V9 ; un véhicule W immatriculé V10
DÉLITS prévus et réprimés par les articles 327, 328-1 et 328-2 du Code pénal » ;
À l'audience, j. HA. et r. VAN WO. épouse HA., la SARL B et la SARL C se sont constitués parties civiles et ont demandé au Tribunal la condamnation des prévenus à leur payer respectivement et solidairement la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;
a. FE. et c. GO. épouse FE. se sont également constitués parties civiles et ont fait déposer par leur conseil des conclusions tendant à obtenir la condamnation des prévenus à leur payer solidairement la somme de 175.361,31 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi ;
La SARL A s'est constituée partie civile et a fait déposer par son conseil des conclusions tendant à obtenir la condamnation du prévenu à lui payer les sommes de 79.685 euros à titre de préjudice financier et a finalement réclamé à l'audience la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi ;
a. GA., ès qualités de syndic de la cessation des paiement de la SARL D, s'est constitué partie civile et a fait déposer par son conseil des conclusions tendant à obtenir la condamnation des prévenus à lui payer solidairement la somme 923.032,80 euros à titre de dommages-intérêts correspondant au montant du passif ;
p. PE. n'a pas comparu, bien que régulièrement cité ; il convient donc de statuer par défaut à son encontre ;
j. s. OL. a sollicité du Tribunal l'autorisation de se faire représenter par Maître Yann LAJOUX, avocat défenseur ; la présence de ce prévenu n'étant pas indispensable à l'instruction de l'affaire à l'audience, il y a lieu de faire droit à cette demande et de statuer contradictoirement à son égard, en conformité de l'article 377 du code de procédure pénale ;
Sur les faits :
Par requête du 16 janvier 2014, le conseil de la SARL « D », représentée par ses gérants j. s. OL. et p. PE., a sollicité Madame le Président du Tribunal de Première Instance aux fins de constater l'état de cessation des paiements de cette personne morale.
Par un jugement en date du 6 février 2014, le Tribunal de Première Instance a constaté cet état de cessation des paiements à compter de la date fixée provisoirement au 1er novembre 2013 et désigné en qualité de syndic a. GA.
Ce dernier a adressé son rapport daté du 12 mars 2014 quant à la situation apparente de la SARL D au juge commissaire qui le transmettait à Monsieur le Procureur Général car des éléments d'information y figurant pouvaient utilement compléter une enquête pénale en cours.
En effet, dès le mois de décembre 2013, des informations étaient parvenues à la connaissance des services de la Sûreté Publique et du Parquet général concernant les difficultés rencontrées par certains clients de cette société dont les deux gérants avaient quitté la Principauté de Monaco.
Ainsi, j. HA. a déposé plainte le 12 décembre 2013 du chef d'abus de confiance contre j. s. OL. avec lequel il avait signé le 23 janvier 2013 un contrat aux fins de rénover sa propriété.
Il expliquait avoir ainsi versé un acompte pour un montant de 52.026 euros à cette société nonobstant lequel aucun travaux n'avait été entrepris.
Le Parquet général a alors diligenté une enquête des chefs d'abus de confiance et de banqueroute frauduleuse aux fins de procéder principalement à la saisie au siège de ladite SARL de documents comptables, de requérir auprès de la société F les relevés bancaires des comptes de la société mais aussi de ses deux gérants, de procéder à la saisie des avoirs de j. s. OL. sur le compte ouvert à son nom auprès de cet établissement bancaire et enfin de recueillir des plaintes des différentes personnes qui auraient signé des contrats avec la SARL D et versé à celle-ci en vain des acomptes.
j. s. OL. et p. PE., à l'issue des investigations ainsi menées et lors desquelles ils n'ont été ni entendus ni recherchés, ont été renvoyés par devant la présente juridiction pour avoir commis des faits de banqueroute frauduleuse en ayant détourné ou dissimulé une partie des actifs de la SARL D qui se trouvait en état de cessation des paiement et au préjudice des créanciers de cette personne morale dont j. et r. HA., m. CL. et t. MA., h. WI., k. BU., b. MA., s. VE., w. RAE SM..
Ainsi, à l'audience du 31 janvier 2017 à laquelle l'examen des faits poursuivis était finalement retenu, plusieurs personnes physiques et morales, dûment représentées, et qui avaient été avisées se sont constituées parties civiles.
j. s. OL. a réclamé à titre principal et in limine litis la nullité de la procédure et, à titre subsidiaire, sa relaxe.
SUR CE,
I) Sur les exceptions de nullité de la procédure soulevées par j. s. OL.
j. s. OL. considère que la présente procédure lors de laquelle il n'a pu se défendre équitablement en faisant valoir ses arguments sur les faits qui lui étaient reprochés et dont les pièces les caractérisant ne lui ont pas été traduites en langue danoise est entachée de nullité en application de l'article 6 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.
Or, il s'avère que j. s. OL., à l'instar de p. PE., a quitté la Principauté de Monaco non sans savoir que le conseil de la SARL qu'il gérait allait déposer une requête aux fins de constater l'état de cessation des paiements de cette personne morale dont il ne pouvait ainsi ignorer les difficultés financières.
Ainsi, ce prévenu ne peut à présent reprocher aux autorités judiciaires de ne pas lui avoir laissé la possibilité de faire valoir ses arguments alors qu'il est établi qu'il a pris la décision de ne pas assumer ses responsabilités notamment vis-à-vis de ses créanciers en retournant dans son pays d'origine et sans laisser, malgré la situation rappelée ci-dessus, ses nouvelles coordonnées.
Par ailleurs, s'il est certain que la citation qui a été délivrée notamment à j. s. OL. était rédigée en langue française, la télécopie adressée consécutivement le 17 juin 2016 par son conseil à l'attention du Président du Tribunal correctionnel de Monaco tendant à obtenir communication de l'entier dossier pénal sans demander pour autant que celle-ci soit effectuée en langue danoise démontre à suffisance que le prévenu en avait compris la teneur et l'objet.
Par conséquent, il y a lieu de rejeter les exceptions de nullité soulevées par j. s. OL..
II) Sur l'action publique
Il est acquis que le délit de banqueroute frauduleuse est constitué dès lors que des détournements ou dissimulations effectués ont eu pour effets d'affecter la consistance de l'actif disponible de la personne morale dont l'état de cessation des paiements a été prononcé et de la placer dans l'impossibilité de faire face au passif exigible.
En l'espèce, certains virements reprochés aux prévenus ont été effectués avant la date de cessation des paiements qui a été fixée provisoirement par le juge commissaire au 1er novembre 2013.
Néanmoins, l'importance du montant de l'ensemble des virements mais aussi l'absence de justification, s'agissant des opérations datées du 26 juillet 2012, ou encore l'objet de ces transferts, à savoir des primes et dividendes que ces deux associés se sont octroyées et qui étaient manifestement et à tout le moins excessives au regard de la situation financière de la SARL, le paiement de dépenses personnelles et enfin le transfert de l'argent de cette société sur un compte personnel détenu en Suisse par j. s. OL. constituent incontestablement des détournements frauduleux qui ont contribué, dès le mois de juillet 2012, à la faillite de cette personne morale qui s'est révélée en 2013.
Il est par ailleurs établi que les différents véhicules immatriculés en Principauté de Monaco, et qui n'ont pas été retrouvés par le syndic a. GA. lors de sa nomination, ont nécessairement été détournés par les gérants de cette personne morale qui avaient seuls qualité pour en disposer.
Par conséquent, les éléments constitutifs de l'infraction de banqueroute frauduleuse reprochée respectivement à j. s. OL. et p. PE. sont parfaitement caractérisés et ces derniers devront dont en être déclarés coupables.
À titre de répression, il convient de prendre en considération le montant des préjudices provoqués par leurs malversations mais aussi l'implication respective de ces deux prévenus dans les faits poursuivis qui ont troublé l'ordre public économique monégasque afin de prononcer respectivement à l'encontre de j. s. OL. et p. PE. des peines d'un an et de six mois d'emprisonnement.
Enfin, la somme de 55.000 euros figurant sur le compte livret dont j. s. OL. était titulaire à la société F ne peut faire l'objet d'une confiscation ainsi que l'a réclamé le Parquet général tant le cadre procédural choisi par cette autorité pour diligenter l'enquête ayant mené à la poursuite des deux prévenus ne permettait aucunement de procéder, notamment, à cette « saisie ».
II) Sur l'action civile
Il y a lieu de recevoir SARL A, la SARL B, la SARL C, j. HA. et r. VAN WO. épouse HA., a. FE. et c. GO. épouse FE. et a. GA. en leur constitution de partie civile.
Il convient dans un premier temps de faire droit à la demande formulée par a. GA., ès qualités de syndic de la cessation des paiements de la SARL D, tant il est certain que les infractions reprochées respectivement à j. s. OL. et p. PE. sont à l'origine et la cause du passif dont le montant a été évalué par ce syndic le 23 décembre 2016 à 923.032,80 euros.
Par ailleurs, si chacun des créanciers de la personne morale en état de cessation des paiements peut, en application de l'article 2 du Code de procédure pénale, agir pour obtenir personnellement réparation, il doit cependant justifier d'un préjudice distinct de sa créance qu'il doit avoir déclarée auprès du syndic.
En l'espèce, certaines parties civiles ont sollicité à l'audience l'octroi en leur faveur d'une somme forfaitaire de 10.000 euros correspondant à la réparation des dommages causés par la défense de leurs intérêts dans la présente procédure.
Or, le Tribunal relève que tout délit de banqueroute frauduleuse est commis principalement au préjudice d'une personne morale qui a été victime de détournements ayant entrainé sa faillite.
Ainsi, il n'apparaissait pas nécessaire, en l'espèce, de faire apparaître dans les citations des prévenus les identités des différents créanciers de la SARL D qui ont ensuite été logiquement avisés de la date d'audience par les services du Parquet général.
Dès lors, il n'appartient pas à j. s. OL. et p. PE. de réparer les dommages ainsi causés à chacune de ces parties civiles qui n'ont au demeurant aucunement justifié d'un autre préjudice distinct que celui engendré par la défense de leur intérêts lors de la présente procédure.
Il y a donc lieu de débouter chacune de ces parties civiles de leurs demandes de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros.
Enfin, s'agissant de l'action formée par les consorts FE., il résulte des éléments d'information en possession du Tribunal que ces derniers ont contracté non pas avec la SARL D mais avec la société de droit français dénommée M.
Par conséquent, ces derniers devront également être déboutés de leur demande de réparation intentée dans une procédure dans laquelle ont été poursuivis des faits de banqueroute frauduleuse commis certes par les mêmes dirigeants, mais au préjudice d'une personne morale distincte.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale à l'encontre de j. s. OL. et statuant par défaut à l'encontre de p. PE.,
Rejette les exceptions de nullité soulevées par j. s. OL. ;
Sur l'action publique,
Déclare j. s. OL. et p. PE. coupables des délits qui leur sont respectivement reprochés.
En répression, faisant application des articles visés par la prévention,
Condamne j. s. OL. à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT.
Dit n'y avoir lieu à la confiscation de la somme « saisie » de 55.000 euros apparaissant sur le compte livret dont j. s. OL. est titulaire auprès de la société F à Monaco.
Condamne p. PE. à la peine de SIX MOIS D'EMPRISONNEMENT.
Sur l'action civile,
Reçoit la SARL A, la SARL B, la SARL C, j. HA. et r. VAN WO. épouse HA., a. FE. et c. GO. épouse FE. et a. GA., en leur constitution de partie civile.
Fait droit aux demandes de a. GA., en sa qualité de syndic de la cessation des paiements de la SARL D, et condamne solidairement j. s. OL. et p. PE. à lui payer la somme de 923.032,80 euros à titre de dommages-intérêts.
Déboute les autres parties civiles de leurs demandes.
Condamne j. s. OL. et p. PE., solidairement aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'Ordonnance Souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002 et dit que l'administration en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, s'agissant d'une condamnation prononcée contre l'adversaire d'un assisté judiciaire ;
Composition🔗
Ainsi jugé après débats du trente et un janvier deux mille dix-sept en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Premier Juge chargé des fonctions de Président du Tribunal correctionnel, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Premier Juge, le Ministère public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du vingt-huit février deux mille dix-sept par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général.
Jugement signé seulement par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Monsieur Florestan BELLINZONA et Madame Rose-Marie PLAKSINE, en l'état de l'empêchement de Mademoiselle Marina MILLIAND, Greffier, conformément à l'article 60 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires.