Tribunal correctionnel, 13 décembre 2016, Le Ministère Public c/ g. BI.
Abstract🔗
Blanchiment d'argent - Éléments constitutifs - Dépôt sur un compte bancaire de sommes - Origine délictuelle (oui) - Condamnation
Résumé🔗
Le prévenu doit être condamné du chef de blanchiment. Il a déposé sur un compte bancaire une somme en espèces de 4 083 000 euros et a retiré, au cours de cette même période, la somme de 2 896 000 euros. Des tiers ont également déposé 1 983 000 euros sur ce compte dont il était titulaire. Le prévenu a été poursuivi et condamné par des juridictions italiennes pour des faits de corruption. Il est acquis qu'il a déposé ou fait déposer sur le compte des fonds que seules ses activités délictuelles démontrées par les procédures italiennes ont pu, du moins en grande partie, générer. Par conséquent, l'infraction poursuivie, caractérisée dans tous ces éléments constitutifs, peut être valablement imputée au prévenu.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2010/001333
JUGEMENT DU 13 DÉCEMBRE 2016
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En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;
Contre le nommé :
- g. BI., né le 29 août 1964 à SAN REMO (Italie), de c. et de v. TA., de nationalité italienne, entrepreneur, demeurant via X1 - 20121 MILAN (Italie) et/ou via X2 - 20121 MILAN (Italie) ;
Prévenu de :
BLANCHIMENT DU PRODUIT D'UNE INFRACTION
- ABSENT, représenté par Maître Frank MICHEL, avocat défenseur près la Cour d'appel, chez lequel il a fait élection de domicile par application de l'article 377 du code de procédure pénale, plaidant par ledit avocat défenseur ;
LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats aux audiences des 24 novembre 2015, 14 juin 2016 et 12 octobre 2016 ;
Vu l'ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel du Magistrat instructeur en date du 2 juin 2015 ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 30 juin 2015 ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Frank MICHEL, avocat défenseur pour le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Aux termes d'une ordonnance de renvoi du Magistrat instructeur en date du 2 juin 2015, g. BI. a été renvoyé par devant le Tribunal correctionnel, sous la prévention :
« D'avoir à MONACO, courant 2003 à 2010, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, sciemment acquis, détenu ou utilisé des biens ou capitaux dont il savait, au moment où il les recevait, qu'il s'agissait de biens ou capitaux d'origine illicite, en l'espèce en déposant directement ou indirectement dans les livres de la Société Anonyme Monégasque A des fonds en espèces provenant d'infractions commises en Italie, lesquels ont été dépensés ensuite aux jeux de hasard dans des casinos de la Principauté de Monaco ou retirés en espèces de ce compte,
Délit prévu et réprimé par les articles 218, 218-1, 218-3 et 219 du Code pénal ».
g. BI. sollicite du Tribunal l'autorisation de se faire représenter par Maître Frank MICHEL, avocat défenseur ; la présence de ce prévenu n'étant pas indispensable à l'instruction de l'affaire à l'audience, il y a lieu de faire droit à cette demande et de statuer contradictoirement à son égard, en conformité de l'article 377 du Code de procédure pénale.
Sur les faits,
Le 24 juin 2010, le Service d'Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (S. I. C. C. F. I. N.) adressait une fiche de renseignements au Procureur Général près la Principauté de Monaco portant sur des mouvements bancaires suspects réalisés par g. BI., représentant légal de nombreuses sociétés de construction et de promotion immobilière en Italie dans la région d'Imperia.
Le 20 janvier 2011, une information judiciaire était ouverte contre X du chef de blanchiment du produit d'une infraction commis courant 2003 à 2010.
Il ressortait des premières investigations menées que g. BI. détenait un compte dans les livres de la Société Anonyme Monégasque A, établissement financier dépendant de la Société B. Il y déposait des espèces afin soit de rembourser le crédit octroyé par la SAM A pour jouer au Casino, soit pour acheter directement des plaques et des jetons de jeux.
Ainsi, entre février 2002 et février 2011, il déposait en espèces une somme de 3.961.000 euros sur ce compte et sur la même période, retirait une somme de 2.881.000 euros en espèces.
Selon a. TA., responsable de toutes les caisses du Casino ainsi que de la SAM A, g. BI., invité par le Casino depuis une dizaine d'années, jouait principalement au « Black Jack ».
Les opérations enregistrées portaient essentiellement sur des remises d'espèces contre des jetons, ou des échanges de jetons contre des espèces ou des avances accordées au client, lesquelles se traduisaient par la signature de chèques de casino qui étaient détruits après règlement de la dette.
Un dénommé p. GA. informait par ailleurs en mai 2009 la Direction de la Sûreté Publique de ce qu'il avait effectué des dépôts d'espèces à la SAM A pour le compte de g. BI.. Il signalait aussi l'existence d'un faux reçu à l'entête de la SAM A supportant la signature de g. BI. que ce dernier avait produit devant la justice italienne pour justifier du dépôt d'une somme de 99.500 euros sur son compte de la SAM A. En effet, il précisait que l'original du reçu était signé de sa main et non de celle du prévenu.
Au regard de ces informations, la SAM A retrouvait des bordereaux de versements attestant que des tiers -une dizaine de personnes d'origine italienne- avaient déposé des espèces sur le compte de g. BI. à savoir :
- v. TA., sa mère, pour 244.000 euros en neuf dépôts courant 2010 à février 2012,
- g. CO., commerçant, pour 220.000 euros en cinq dépôts courant 2008 à 2010,
- c. SU., avocate au barreau de SAN REMO, pour 75.000 euros en quatre dépôts courant 2010 à janvier 2012,
- d. FU. pour 240.000 euros en quatre dépôts courant 2004 à 2011,
- m. TE., constructeur immobilier, pour 75.000 euros en deux dépôts courant 2009,
- f. VI. pour 20.000 euros en un dépôt courant 2007,
- c. MA., administrateur de sociétés, pour 75.000 euros en deux dépôts courant 2008,
- g. GH., commerçant, pour 125.000 euros en trois dépôts courant 2007,
- r. CA., pour 64.500 euros en deux dépôts courant 2005,
- p. GA., pour 844.500 euros en neuf dépôts courant 2003 à 2005.
Ainsi, les dix personnes précitées déposaient près de 1.983.000 euros en espèces sur le compte de g. BI..
c. MA., dirigeant de la SAM C, déposait 75.000 euros en deux fois, en novembre et décembre 2008, sur le compte de la SAM A de g. BI.. Il disait être en relation d'affaires avec le prévenu et avoir déposé les fonds en remboursement de sommes investies par g. BI. lors de l'achat d'un cheval de course, ce dernier voulant cacher à sa femme qu'l jouait au casino. Finalement, c. MA. affirmait qu'il avait remboursé g. BI. des avances de fonds qu'il lui avait préalablement consenties lorsqu'ils jouaient ensemble au casino.
g. GH., beau-frère de c. MA., ancien vice-président du Casino de SAN REMO, déclarait avoir versé la somme de 125.000 euros en espèces en trois fois, entre mars et octobre 2007, sur le compte de la SAM A de g. BI. afin de lui rendre service car il ne voulait pas que sa femme apprenne ses dettes de jeu.
Il était également établi que g. BI. était également titulaire dans les livres de la société D d'un compte nominatif entre juin 2001 et juin 2004. En août 2003, il transférait 350.000 euros en faveur de la SAM A pour payer ses dettes de jeux. La responsable du service lutte anti-blanchiment au sein de la société D déclarait que le service avait été alerté en septembre 2002 par des versements d'espèces sur ce compte.
Il avait été alors demandé des justificatifs d'un versement de 50.000 euros. Si v. PO., épouse de g. BI., produisait un compromis de vente d'un bien immobilier, elle refusait d'en laisser une trace dans les archives de la banque prétendant être tenue par la confidentialité de l'opération immobilière. g. BI. refusait en effet que la banque garde une copie des quelques justificatifs présentés. En novembre 2003, la banque demandait de nouveau en vain des justificatifs sur un virement de 100.000 euros en provenance d'une entité dénommée Elect Systems Ltd.
Enfin, des renseignements communiqués par les autorités judiciaires italiennes, il était établi que g. BI. avait fait l'objet de plusieurs procédures :
- « Le 12.05.1994, condamné par la Préfecture de Sanremo à 100.000 L d'amende -non mention au casier- pour le délit visé aux art. 665 et 110 CP (agence d'affaires non autorisée ou interdite, en association) ;
- Le 25.11.1994, déféré libre par le Commissariat de Sanremo pour exploitation de la prostitution et présentation de spectacles sans autorisation préalable ;
- Le 20.04.2006, placé en détention provisoire par le Juge de l'Enquête Préliminaire près le Tribunal de Sanremo pour les délits de corruption propre -émission continuée de factures fictives, usure aggravée et escroquerie aggravée ;
- Du 17.07.2006 au 28.08.2006, assigné à résidence ;
- Le 01.02.2011, déféré libre par Notre Bureau et par le Commandement de Police locale de Bordighera (IM), pour avoir réalisé des ouvrages de construction immobilière avec modification essentielle, totalement non conformes au permis de construire ou en l'absence de permis de construire, dans les zones soumises à réglementation environnementale et paysagère, et pour occupation et innovations abusives du Domaine Maritime ; à cet égard nous précisons que cette procédure a été classée comme le montre la capture d'écran du fichier du RE. GE. Jointe ».
Dans une procédure n° 2755/2003 RG. NR-993/04 RG GIP, le juge de l'enquête préliminaire de San Remo validait l'arrestation de g. MO., Maréchal de la Guardia di Finanza, Commandant de la Troisième Section de la Cellule de Police Fiscale d'Imperia « pour avoir, à Arma di Taggia, le 20.02.2004, en sa qualité d'officier de Police Judiciaire en service à la Guardia di Finanza d'Imperia, et notamment de membre de la Cellule de Police fiscale, également proposé aux contrôles fiscaux, abusant de ses qualités et de ses pouvoirs d'officier public, induit BI. g., gérant de la SPA E, à lui céder la somme de 4.000 € qui lui a été matériellement remise par GA. p. (délit prévu et puni à l'art. 317 Code pénal italien) ».
Entendu dans le cadre de cette procédure, g. BI. reconnaissait le délit de corruption.
Par ailleurs, p. GA. confirmait que g. MO. avait bénéficié de conditions financières très avantageuses dans l'acquisition d'un appartement vendu par g. BI. et il décrivait les mécanismes de fausses facturations mis en place par g. BI. au sein de la SRL F.
Par ailleurs, la section du crime organisé du Commissariat de Gênes mettait en exergue l'implication de g. BI. dans le délit de corruption du maire de TAGGIA, l. BA., dans le cadre de l'obtention d'un permis de construire d'un vaste centre commercial par la SRL H, contrôlée par g. BI..
Ainsi, le 20 avril 2006, le Juge de l'enquête préliminaire ordonnait le placement en détention provisoire de g. BI. des chefs de corruption, infractions à la législation sur les marchés publics dans le cadre de plusieurs dossiers.
Enfin, par jugement en date du 18 juin 2008, le juge de l'enquête préliminaire renvoyait g. BI. devant le tribunal correctionnel des chefs de corruption, d'infractions à la législation sur les marchés publics et de faux en écriture privée de commerce ou de banque. Il était spécifié que le délit de corruption impliquant g. BI. et le Colonel CU. avait fait l'objet « d'un arrangement ».
La responsabilité administrative/pénale de la SRL F était également recherchée « en la personne de son représentant légal pro tempore, en vertu de l'art. 5 du DL 231/2000, pour les délits commis par BI. g. : « Pour la violation des art. 5 - 24 DL 231 / 2001, en relation aux art. 640 al., 319 c. p., car BI. g., administrateur de la SRL F à l'époque des faits, agissant également dans l'intérêt de la société -laquelle, par suite des conduites illicites reprochées à BI., bénéficiait des profits provenant de l'exécution du contrat stipulé avec la SRL H pour l'exécution partielle des travaux de construction d'un établissement commercial dans la zone dénommée « ex X3 », ainsi que des profits découlant de l'attribution des marchés et de la réalisation des travaux de réparation des dommages occasionnés par les inondations de novembre 2000- commettait les délits reprochés aux chefs a), c), e), h), i), I), o) avec les conduites décrites dans les chefs d'accusation qui s'entendent intégralement rappelés. Faits commis à Arma di Taggia au cours des années 2003 et suivantes ».
Dans l'affaire de corruption du Maréchal g. MO., g. BI. et ce dernier comparaissaient devant le tribunal correctionnel de San Remo qui, par jugement n° 498/09 en date du 7 octobre 2009, les condamnait à la peine de 3 ans de détention, à l'interdiction d'exercer des fonctions publiques pendant 5 ans, à l'incapacité de contracter avec l'administration publique pendant 3 ans et ordonnait la confiscation de la somme de 25.000 € ; les peines étaient toutefois amnistiées et la SRL F était relaxée.
Mais sur l'appel de ce jugement, par arrêt n° 1386 du 4 février 2011, la Cour d'appel de Gênes, première chambre pénale, réformait le jugement entrepris en déclarant un non-lieu à poursuivre les deux prévenus pour les faits antérieurs au 1er septembre 2003 pour cause de prescription et condamnait les deux hommes à la peine d'un an et quatre mois d'emprisonnement avec sursis pour les faits commis postérieurement et confirmait le reste du jugement.
Enfin, par arrêt n° 18163/12 du 20 avril 2012, la Cour Suprême de cassation, 6ème chambre pénale, cassait l'arrêt précédent aux motifs uniquement de la prescription de l'action publique.
Par jugement n° 499/09 en date du 7 octobre 2009, dans l'affaire de corruption du maire de la commune de Taggia, l. BA., g. BI. était condamné à la peine de 2 ans et 6 mois d'emprisonnement avec interdiction de diriger des personnes morales et des entreprises et de contracter pendant 2 ans et 6 mois avec l'administration publique ; la SRL F était relaxée.
Sur l'appel de ce jugement, par arrêt n° 344 du 4 février 2011, la Cour d'appel de Gênes, première chambre pénale, déclarait BI. g. et BA. l. coupables des délits visés par le jugement du 7 octobre 2009 et les condamnait principalement à la peine de 3 ans et 3 mois de détention.
Enfin, par arrêt du 25 janvier 2013 n° 177/2013, la Cour Suprême de cassation, 6ème chambre pénale, a constaté l'extinction publique du chef de corruption reproché à g. BI. le 6 août 2003 en raison de la prescription.
Malgré l'acquisition de la prescription, elle a jugé fondée la condamnation administrative prononcée à l'encontre de la société BI. Costruzioni Srl dont g. BI. était l'unique bénéficiaire. En effet, la juridiction Suprême a validé la condamnation de la SRL F pour les actes commis par BI. g..
Dans une autre affaire de corruption, par jugement n° 173/10 du 9 mars 2010, le Tribunal de San Remo constatait uniquement la prescription de l'action publique pour des délits de corruption reprochés à g. BI..
De nouveau, par jugement en date du 15 décembre 2009 n° 438/09, le Tribunal de San Remo constatait uniquement la prescription de l'action publique pour de nouveaux délits de corruption reprochés à g. BI. et à la SRL F.
Enfin le 29 août 2011, une nouvelle procédure était initiée à l'encontre de g. BI. par le parquet de Milan des chefs d'infractions de faux renseignements (fausses déclarations) donnés à l'Autorité des surveillance et d'obstacle à ses fonctions dans le cadre de contrôle de la TVA due par les sociétés J et K (délit de l'article 2638 cc du code pénal italien.
Le 5 décembre 2011, la Cour d'appel de Gênes confirmait l'extinction de l'action publique pour cause de prescription du délit de fraude à la TVA par émission de fausses factures reproché à g. BI..
Inculpé puis entendu par le magistrat instructeur, g. BI. déclarait être un marchand de biens en Italie et détenir plusieurs sociétés, principalement la SPA I, dont le chiffre d'affaires avait été de 25 millions d'euros en 2012 mais aussi une S. C. I. immatriculée à Nice qui possédait deux biens immobiliers situés à Saint-Tropez.
Il indiquait par ailleurs avoir perçu, à titre personnel durant l'année 2012, la somme de 500.000 euros bruts mais ne contestait pas la déclaration faite le 28 septembre 2010 aux services fiscaux italiens établie selon laquelle le montant total de ses revenus professionnels à cette période était d'environ 60.000 euros.
Il admettait en outre que les versements en espèces opérés sur le compte dont il était titulaire à la société L correspondaient à la partie officieuse du paiement du prix de ventes immobilières qu'il ne pouvait donc pas déposer sur les comptes de la société.
Enfin, g. BI. relevait l'absence de mention de condamnation sur son casier judiciaire italien et indiquait que les différentes procédures dans lesquelles il avait été impliqué avaient abouti à des relaxes ou à des décisions ayant constaté la prescription des faits.
Il s'engageait à faire parvenir par l'intermédiaire de son conseil tous documents utiles permettant de démontrer que l'étendue de son patrimoine et les revenus provenant de ses activités professionnelles pouvaient justifier les sommes importantes qu'il avait pu jouer au Casino de Monaco.
En dépit de la communication de nombreuses pièces produites par g. BI., le magistrat instructeur décidait du renvoi de ce dernier devant la présente juridiction du chef de blanchiment.
À l'audience à laquelle il s'est fait représenter, g. BI. a encore contesté les faits qui lui étaient reprochés, arguant la licéité de l'origine des fonds utilisés au Casino de Monaco et n'a pas produit de nouveaux documents.
II) Sur l'action publique,
Il est acquis que g. BI. a déposé dans des livres de la Société Anonyme Monégasque A entre les mois de juin 2001 et février 2011 une somme en espèces de 4.083.000 euros et a retiré, au cours de cette même période, celle de 2.896.000 euros et a plus précisément, durant la période de prévention retenue, versé 1.427.000 euros et gagné, en 2009, 519.000 euros.
Les investigateurs ont également permis d'apprendre que des tierces personnes avaient déposé 1.983.000 euros sur ledit compte dont était titulaire le prévenu.
En l'état du montant important de ces mouvements mais aussi des nombreuses procédures judiciaire dans lesquelles il avait été impliqué en Italie, g. BI. a été invité à justifier l'origine des fonds déposés directement ou indirectement sur son compte auprès de la Société Anonyme Monégasque A.
Il a en effet été établi que g. BI. a été poursuivi et condamné par des juridictions des premier et second degrés italiennes pour des faits de corruption notamment dans deux procédures qui avaient abouti devant la Cour Suprême de Cassation.
Cette haute juridiction a alors considéré que l'action publique diligentée à l'encontre de messieurs BI., MO. et GA. était prescrite et qu'une partie des faits reprochés à messieurs BI. et BA. était prescrite et l'autre aucunement établie.
Il est donc incontestable que des actes commis notamment par g. BI. ont été qualifiés de délictueux, la constatation de la prescription par la Cour Suprême de Cassation ne leur ôtant aucunement ce caractère.
Ainsi, l'illégalité de certaines pratiques ayant été reconnue par les juridictions italiennes, il a été permis de supposer, au regard du faible montant de ses revenus professionnels déclarés au fisc italien en 2010, que les fonds importants versés par g. BI. auprès de la Société Anonyme Monégasque A provenaient alors de ces activités illicites.
Le prévenu a alors été légitimement invité, sans pour autant renverser la charge de la preuve ou passer outre le principe de la présomption d'innocence, à démontrer la licéité des fonds joués au Casino.
À cet effet, g. BI. a produit au cours de l'information judiciaire divers documents et a déclaré, à l'audience, disposer d'une fortune personnelle.
Or, les différentes pièces produites ne couvrent pas l'ensemble de la période de prévention des faits reprochés à g. BI. et ne permettent aucunement, s'agissant pour l'essentiel de documents comptables et fiscaux relatifs à différentes personnes morales, de démontrer le montant des revenus personnels précisément perçus par le prévenu durant la période concernée, à savoir de 2003 à 2010.
De même, g. BI. n'a pas, à l'audience, versé de nouvelles pièces ni davantage justifié de la réalité d'un patrimoine familial important.
Ainsi, il est acquis que g. BI. a déposé ou fait déposer à la Société Anonyme Monégasque A des fonds que seules ses activités délictuelles démontrées par les procédures italiennes ont pu, du moins en grande partie, générer.
Par conséquent, l'infraction poursuivie, caractérisée dans tous ces éléments constitutifs, peut être valablement imputée au prévenu.
En répression, il convient, eu égard à l'importance des sommes en causes et du mode opératoire utilisé qui relève de la délinquance financière astucieuse et organisée, de condamner g. BI. à la peine de un an d'emprisonnement.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement confor-mément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale,
Déclare g. BI. coupable du délit qui lui est reproché.
En répression, faisant application des articles visés par la prévention,
Condamne g. BI. à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT.
Le condamne, enfin, aux frais.
Composition🔗
Ainsi jugé après débats du douze octobre deux mille seize en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Premier Juge chargé des fonctions de Président du Tribunal correctionnel, Madame Rose-Marie PLAKSINE, Premier Juge, Madame Léa PARIENTI, Juge, le Ministère public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du treize décembre deux mille seize par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général.
Jugement signé seulement par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE et Madame Léa PARIENTI, en l'état de l'empêchement de Madame Rose-Marie PLAKSINE et de Monsieur Thierry DALMASSO, Greffier, conformément à l'article 60 de la loi n° 1.398 du 24 juin 2013 relative à l'administration et à l'organisation judiciaires .