Tribunal correctionnel, 22 novembre 2016, Le Ministère Public c/ b. PE. et la SAM G
Abstract🔗
Délits - Omission de déclaration de soupçons - Banque - Existence de doutes sur l'origine de fonds crédités sur des comptes - Déclaration de soupçon tardive – Condamnation
Résumé🔗
Un établissement bancaire doit être condamné du chef d'omission de déclaration de soupçons. De nombreux mouvements bancaires opérés sur les comptes appartenant à deux personnes ont attiré l'attention du chargé de clientèle, du compliance officer et du comité anti-blanchiment de la banque depuis la fin de l'année 2010. Plusieurs décisions ont été prises par la banque au sujet de ce compte mais de nombreux virements ont encore été effectués ultérieurement alors que les justificatifs étaient incomplets voire inexistants. Il est clairement établi que des doutes objectivement sérieux quant à l'origine des fonds crédités sur ces comptes existaient dès la fin de l'année 2010 et qui ne pouvaient être ignorés par les membres de l'équipe dirigeante de l'établissement bancaire concerné qui se sont réunis à plusieurs reprises à ce sujet et ont élaboré des documents écrits dont la teneur atteste de la réalité de leurs interrogations. L'absence de réponses apportées par les titulaires des comptes aux organes et représentants compétents aurait dû conduire ces derniers à adresser des déclarations de soupçons qui ne sont intervenues en l'espèce que lors de la réception de réquisitions judiciaires, soit trop tardivement. Il convient donc de déclarer la banque coupable.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2013/000539
JUGEMENT DU 22 NOVEMBRE 2016
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En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;
Contre les nommés :
b. PE., né le 29 octobre 1962 à CHARLEVILLE MEZIERES (08), de r. et de j. LE., de nationalité française, employé de banque, demeurant X1 à NICE (06000) ;
- PRÉSENT aux débats, ASSISTÉ de Maître Bernard BENSA, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;
La SAM G, sise X2 à MONACO (98000), prise en la personne de Monsieur g. GR., Administrateur délégué, représentant légal en exercice ;
- PRÉSENTE aux débats, ASSISTÉE de Maître Jean-Marie CANAC, avocat au barreau de Nice, plaidant par ledit avocat ;
Prévenus de :
OMISSION DE DÉCLARATION DE SOUPÇONS
LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 18 octobre 2016 ;
Vu l'ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal correctionnel du Magistrat instructeur en date du 21 septembre 2015 ;
Vu l'arrêt rendu par la Cour d'appel en date du 14 janvier 2016 ;
Vu les citations signifiées, suivant exploits, enregistrés, de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date des 7 mars et 12 juillet 2016 ;
Ouï MM. b. PE. et g. GR., es qualités d'Administrateur délégué de la SAM G, prévenus, en leurs réponses ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Bernard BENSA, avocat défenseur pour b. PE., prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries ;
Ouï Maître Jean-Marie CANAC, avocat au barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assister la SAM G, prévenue, en ses moyens de défense et plaidoiries ;
Ouï MM. b. PE. et g. GR., es qualités d'Administrateur délégué de la SAM G, prévenus, en dernier, en leurs moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Aux termes d'une ordonnance de non-lieu partiel et de renvoi du Magistrat instructeur en date du 21 septembre 2015, la SAM G a été renvoyée par devant le Tribunal correctionnel, sous la prévention :
« D'avoir à Monaco entre l'année 2010 et le 10 octobre 2012, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription,
- enfreint les dispositions relatives à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux en omettant de faire une déclaration de soupçons au service d'information et de contrôle sur les circuits financiers, lors de la surveillance des comptes bancaires ouverts et détenus par MI. d. et s-p. SI. dans les livres de la société H devenue la SAM G,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 1er, 13, 18, 21, 22, 24, 25, 41 et 46 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, par les dispositions de l'ordonnance n° 2.318 du 3 août 2009 et par les articles 4-4, 26, et 29-1 à 29-4 du Code pénal » ;
Puis aux termes d'un arrêt de la Cour d'appel du 14 janvier 2016, b. PE. a également été renvoyé par devant le Tribunal correctionnel, sous la prévention :
« D'avoir à Monaco entre l'année 2010 et le 10 octobre 2012, en tout cas sur le territoire national et depuis temps non couvert par la prescription,
- enfreint les dispositions relatives à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment de capitaux en omettant de faire une déclaration de soupçons au service d'information et de contrôle sur les circuits financiers, lors de la surveillance des comptes bancaires ouverts et détenus par MI. d. et s-p. SI. dans les livres de la société H devenue la SAM G,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 1er, 13, 18, 21, 22, 24, 25, 41 et 46 de la loi n° 1.362 du 3 août 2009, par les dispositions de l'ordonnance n° 2.318 du 3 août 2009 et par les articles 4-4, 26, et 29-1 à 29-4 du Code pénal » ;
I - Sur les faits :
Le 9 octobre 2012, un Juge d'instruction au Tribunal de grande instance de Paris adressait au Procureur Général de la Principauté de Monaco une commission rogatoire internationale dans le cadre d'une information judiciaire ouverte des chefs d'importation en bande organisée de stupéfiants, de transport, détention, offre ou cession et acquisition illicite de stupéfiants, de blanchiment en bande organisée, de blanchiment de stupéfiants, d'association de malfaiteurs et de détention et mise en circulation de marchandises prohibées.
Il exposait qu'une enquête menée par l'office central de répression du trafic illicite de stupéfiants avait révélé l'existence d'un important réseau d'importation de résine de cannabis et de blanchiment impliquant Me., Ma., f. et n. EL., lesquels se livreraient à des opérations de blanchiment de l'argent récupéré en espèces auprès des collecteurs de fonds liés au trafic de stupéfiants, via, notamment la société anglaise « I » qui servirait de chambre de compensation pour plusieurs structures offshores détenues par les mêmes individus et avait pour objet de transférer les fonds à l'international et de réaliser de fausses factures pour justifier les mouvements de fonds.
Ainsi, les enquêteurs financiers avaient établi que la société « SARL J » avait versé la somme totale de 10.190.867 euros à la société« I » et que les fonds avaient été virés, à hauteur de 1.832.950 euros sur un compte dont d. MI. était titulaire à la société H.
d. MI. était mis en examen par le juge d'instruction français le 2 septembre 2014 du chef de blanchiment de fonds. Il reconnaissait les faits qui lui étaient reprochés et l'implication de s-p. SI. et de m. EL. via la société « I » et la société « O » dans les opérations de blanchiment.
Dans le cadre de l'exécution de cette commission rogatoire internationale, des réquisitions étaient adressées à la société H, devenue la « SAM G » depuis le 1er juillet 2011, visant le compte n° XX dont était titulaire d. MI. et à leur réception des déclarations de soupçons concernant d. MI. et s-p. SI. avaient été réalisées les 11 et 12 octobre 2012 et le 12 février 2013.
Le 28 mars 2013, une information judiciaire était ouverte à Monaco contre X du chef d'omission de déclaration de soupçons commis courant 2010 à 2013.
Cette procédure révélait que jusqu'au mois de juillet 2011, s. MA. et r. KO. étaient les deux responsables de la société H. Puis, g. GR. devenait l'un des nouveaux administrateurs délégués et le directeur général de la « SAM G ». Les équipes commerciales, dont p. BO. faisait partie, restaient en place. Les services de compliance demeuraient également inchangés.
g. GR., h. ME., m. VE. et b. PE. étaient les référents désignés par la « SAM G » auprès du Service d'Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers pour procéder aux déclarations de soupçons et avaient succédé à s. MA., r. KO., m. VE. et b. PE. qui avaient été les référents désignés par la société H.
La « SAM G » et b. PE. étaient inculpés du chef d'omission de déclaration de soupçons sur la période de l'année 2010 au 10 octobre 2012.
L'enquête permettait en effet de relever que d. MI., ressortissant marocain demeurant au Maroc, était le gérant et l'associé unique de la SARL « K », société de travaux publics en matière d'assainissement, sise au Maroc et qu'un compte en son nom personnel n° YY avait été ouvert le 17 décembre 2008 à la société H. Il mentionnait dans les documents d'ouverture de compte une adresse correspondance courrier « C/o d. SI. à Nice » et l'identité de s-p. SI. à joindre en cas d'empêchement grave. La « FICHE PROFIL CLIENT » mentionnait que la nature des mouvements bancaires correspondait à des « dépôts espèces et virements (revenus professionnels) et quelques paiements par carte pour ses déplacements professionnels en Europe et vacances ». d. MI. déclarait 150 000 euros de revenus au fisc marocain contre 1.000.000 euros réellement perçus selon ce document.
Ce compte était bloqué à la demande des autorités françaises à hauteur de la somme de 1.596.072,54 euros dans le cadre de l'exécution de la commission rogatoire internationale.
L'examen des relevés de compte permettait de constater que d'importantes sommes avaient été portées à son crédit, à savoir :
- entre le 22/12/2008 et le 02/07/2012 : 20 dépôts d'espèces représentant la somme globale de 803.450 euros,
- entre le 12/04/2010 et le 20/06/2012 : 19 virements internationaux en provenance de la société « I » représentant la somme globale de 1.744.965 euros,
- entre le 14/01/2009 et le 31/08/2012 : 11 virements depuis un compte détenu par s-p. SI. dans les livres de la « SAM G » représentant la somme globale de 635.120 euros, étant précisé qu'un mouvement inverse d'un montant de 450.000 euros était opéré,
- entre le 29/09/2010 et le 22/11/2010 : 5 virements internationaux provenant de deux personnes morales, les sociétés « M » et « N », et de deux personnes physiques, s. AF. et y. SE. épouse AF., pour un montant global de 1.111.442,63 euros depuis des comptes bancaires suisses.
d. MI. était le destinataire final de ces fonds qui étaient soit investis dans l'achat de biens immobiliers sur le territoire français soit donnés en garantie lors de crédits immobiliers consentis par la « SAM G ».
L'information judiciaire révélait que les 12 janvier et 11 février 2011, des documents internes à la banque relatifs au contrôle mensuel anti-blanchiment de décembre 2010 et janvier 2011 évoquaient à la fois le compte de d. MI. n° WW et celui de s-p. SI. SI. n° VV. Ils se référaient aux différents rapatriements de fonds ordonnés par la société « I », par s. AF., par Mme SE., par la société « M » et par la société « N ». Il était alors posé la question du lien économique L. Il apparaissait qu'un rendez-vous avec s-p. SI. avait eu lieu le 20 décembre 2010 dont le compte-rendu mentionnait que celui-ci avait indiqué que les rapatriements de fonds de ces sociétés et des personnes viendraient en remboursement « offshore » d'investissements. II était mentionné que s-p. SI. n'avait pas souhaité donner les identités des donneurs d'ordre, que la banque était en attente de justificatifs économiques appropriés des opérations et, à défaut, que le client serait prévenu du refus de ces opérations.
Le second contrôle mensuel mentionnait quant à lui que la banque avait reçu des justificatifs économiques des opérations et des sociétés commerciales mais que certains étaient « peu lisibles », et qu'il serait confirmé au client le refus de nouvelles opérations sans la maîtrise des donneurs d'ordre.
S'agissant des versements en espèces, les quatre fiches dites « compte-rendu commercial d'opération » (CRCO), signées par le conseiller clientèle et la direction, mentionnaient comme motif « épargne personnelle » pour trois d'entre elles et « épargne sur activité professionnelle » pour la dernière, sans que ne soit joint de justificatif. Par ailleurs ces quatre fiches communiquées ne couvraient pas la totalité des versements effectués sur cette période.
Concernant les virements portés au crédit du compte, des fiches CRCO étaient également établies, signées par le conseiller clientèle et la direction.
Une seule fiche de CRCO visant les « 11 rapatriements divers » pour un montant de 1.798.142 euros couvrait la période du 07/09 au 22/11/2010. Elle mentionnait pour origine des fonds «le remboursement de sommes avancées au Maroc» et y étaient jointes les copies des ordres ainsi qu'une attestation sur un papier à l'entête de la société « I », datée du 2 novembre 2010. Rédigée en anglais, elle indiquait cette société avait procédé aux transferts de sommes mentionnées dans le document en faveur de d. M'R. et s-p. SI. sur leurs instructions et en règlement de sommes dues sur plusieurs investissements/prêts depuis 2004. La signature figurant sur ce document n'était rattachée à aucune identité. Parmi les 11 opérations mentionnées, l'une d'elles était effectuée sur le compte de Pierre SI. ouvert à la « SAM G ».
D'autres fiches CRCO individuelles étaient établies pour ces mêmes opérations, mais aucune facture et aucun justificatif n'étaient joints à ces comptes rendus.
Le 13 décembre 2010, un document intitulé «Examen particulier clos à partir de 2009» concernant d. MI., était établi un le 16 mai 2012, date de la réunion d'un comité anti-blanchiment au cours duquel il était indiqué qu'en l'absence de justificatif du lien entre le bénéficiaire économique du donneur d'ordre et le bénéficiaire économique du compte, toute nouvelle opération serait rejetée.
En effet, un document intitulé « état des suspens des précédents comités anti-blanchiment clos » avec la mention manuscrite «Extrait PV 16/05/12» concernait le client « MI. » et se référait au comité du 16 mai 2012. Ce document mentionnait que sur le compte bancaire de d. MI. numéro «WW» avaient été reçus de la société «I», depuis Londres, la somme de 500.000 euros entre le 23/04/12 et le 03/05/12 et, au mois de juin suivant, celle de 340.000 euros en quatre opérations.
Le 16 mai 2012, date d'un comité anti-blanchiment, il était décidé qu'en l'absence de justificatif du lien entre le bénéficiaire économique du donneur d'ordre et le bénéficiaire économique du compte, toute nouvelle opération serait refusée,
Or, les opérations suivantes étaient réalisées à savoir :
- une somme totale de 500.000 euros avec pour libellés « u »,
- une somme totale de 50.000 euros en versements en espèces,
- une somme totale de 90.000 euros du compte de s-p. SI..
Concernant le versement en espèces et les virements portés au crédit du compte, aucun CRCO n'était rédigé et aucun justificatif n'était joint. Seuls figuraient les avis des six virements de la société « I » effectués pour un total de 500.000 euros.
L'information judiciaire permettait d'apprendre que le Service d'Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (SICCFIN) avait réalisé, du 3 au 21 décembre 2012, une inspection de la « SAM G ». Il avait été relevé notamment, en examinant plusieurs cas, dont celui de d. MI., que (p. 22/61 ; 37/61) « les justificatifs fournis pour les opérations s'avèrent trop souvent incomplets, voire inexistants. S'il est vrai que dans de nombreux dossiers le client est suffisamment connu pour que l'on puisse se dispenser de demander des justificatifs détaillés de chaque opération, en particulier quand les montants unitaires ou cumulés sont limités, certains autres auraient pu conduire à demander davantage d'explication. En particulier, dans plusieurs cas examinés (cf exemples en annexe 3), il aurait été souhaitable de ne pas se contenter, comme justificatif, des déclarations faites au moment de l'ouverture du compte sur le volume attendu d'opérations, surtout quand l'environnement économique du client est imparfaitement cerné. De même, qualifier les versements en espèces qui n'apparaissent pas conformes au niveau de l'activité professionnelle d'épargne commerciale cumulée au cours des années précédentes est une pratique trop fréquente.
Par ailleurs, la mission a relevé plusieurs dossiers pour lesquels, compte tenu de la nature des opérations, du secteur d'activité, ou des sommes en jeu, des investigations complémentaires approfondies auraient dû être menées par l'établissement afin d'envisager une éventuelle déclaration de soupçon. On peut citer les cas suivants :
Compte du client DM, qui a enregistré 4 transferts en juin 2012 pour 338 k € en provenance de la même société (YL) domiciliée à Londres. Les recherches sur cette société ont été réalisées sans conclusion pertinente. Aucune explication complémentaire n'a été fournie par le client, rencontré en juillet dans ce but. Les opérations ont été acceptées et sont restées au tableau de bord du CAB pendant plusieurs mois, avant de disparaitre, sans explication, en octobre. L'établissement a reçu par ailleurs une réquisition judiciaire sur le compte de ce client. »
Les conclusions du rapport étaient identiques compte tenu de la découverte de dossiers similaires à celui de d. MI. au sein de la « SAM G » (Cf. G annexes) :
« Plus grave, la mission a relevé plusieurs dossiers pour lesquels, compte tenu de la nature des opérations, du secteur d'activité, ou des sommes en jeu, des investigations complémentaires approfondies auraient dû être menées par l'établissement afin d'envisager une éventuelle déclaration de soupçon. On observe d'ailleurs que l'établissement n'a que très rarement détecté des opérations suspectes transitant sur ses livres à déclarer. »
Or il s'avérait que cette mission faisait suite à une précédente inspection de l'année 2009 lors de laquelle avaient déjà été soulevés les mêmes manquements.
À l'issue de l'information judiciaire au cours de laquelle étaient recueillies les explications des différents membres du personnel des sociétés H puis G compétents dans les procédures internes de lutte contre le blanchiment, le magistrat instructeur décidait de renvoyer devant le Tribunal correctionnel la SAM G.
En revanche, il considérait que b. PE. ne pouvait pas être poursuivi en application de l'ordonnance souveraine n° 5.160 du 5 janvier 2015 portant amnistie pleine et entière pour les délits commis antérieurement au 10 décembre 2014 qui ont été ou seront punis de peines d'amende et qui était une cause d'extinction de l'action publique en application de l'article 11 du Code de procédure pénale.
Suite à un appel du Ministère Public, la Chambre du Conseil de la Cour d'appel statuant comme juridiction d'instruction a au contraire estimé que l'amnistie ne pouvait être invoquée qu'après confirmation définitive de la juridiction de jugement de sorte que b. PE., à l'encontre duquel des charges suffisantes pouvaient être relevées, devait être renvoyé pour avoir, entre l'année 2010 et le 10 octobre 2012, omis de faire une déclaration de soupçons au SICCFIN lors de la surveillance des comptes bancaires détenus par d. MI. et s-p. SI. dans les livres de la société Hdevenue la SAM G.
II - Sur l'action publique dirigée à l'encontre de b. PE. :
Aux termes du premier article de l'ordonnance souveraine n° 5.160 du 5 janvier 2015, « amnistie pleine et entière est accordée pour les délits commis antérieurement au 10 décembre 2014 et qui ont été ou seront punis de peines d'amende ».
Par ailleurs, selon l'article 11 du Code de procédure pénale, l'action publique s'éteint par l'amnistie.
En l'espèce, il est acquis que le délit reproché à b. PE., à le supposer établi, aurait été commis antérieurement au 10 décembre 2014 et ne pourrait être réprimé à l'égard de cette personne physique que d'une amende alors qu'une personne morale poursuivie des mêmes faits encourrait en sus, en application des articles 29-1 et suivants du Code pénal, d'autres peines.
Le Tribunal ne peut donc, et sans avoir à apprécier si les faits reprochés à b. PE. sont ou non caractérisés, que constater, ainsi que l'a jugé dans une autre procédure la Cour de Révision dans un arrêt en date du 24 mars 2016, l'extinction, par l'effet de l'amnistie, de l'action publique dirigée à l'encontre de b. PE..
III - Sur l'action publique dirigée à l'encontre de la SAM G :
L'information judiciaire a permis de révéler que de nombreux mouvements bancaires opérés sur et depuis les comptes appartenant à d. MI. et s-p. SI. ont attiré l'attention du chargé de clientèle, du compliance officer et du comité anti-blanchiment de la banque depuis la fin de l'année 2010.
Il ressort ainsi du CRCO du 13 décembre 2010 la décision prise lors du comité du 7 octobre 2010 d'avoir un examen particulier du compte de d. MI. afin de caractériser le lien économique existant entre la société « I » et ce dernier qui était incapable d'apporter une justification aux mouvements de fonds opérés.
Puis, lors du CRCO suivant du 12 janvier 2011, il était décidé, consécutivement notamment au refus de s-p. SI. de communiquer l'identité des ayants droit économiques des structures concernées, de ne plus accepter ce type d'opérations dans l'attente de justificatifs économiques réclamés à d. MI. et s-p. SI. qui étaient classés au niveau de risque 4, soit le plus élevé, et ces décisions allaient être confirmées dans le CRCO suivant du 11 février 2011 de ne plus accepter de nouvelles opérations dans le futur sans la maîtrise du donneur d'ordre.
Or, nonobstant la prise de ces décisions, de nombreux virements émanant encore de la société« I » ont été effectués sur le compte de d. MI. entre le 24 avril et le 19 juin 2012 alors que les justificatifs étaient incomplets voire inexistants.
Ainsi, il est clairement établi que des doutes objectivement sérieux quant à l'origine des fonds crédités sur les comptes de d. MI. et s-p. SI. existaient dès la fin de l'année 2010 et qui ne pouvaient être ignorés par les membres de l'équipe dirigeante de l'établissement bancaire concerné qui se sont réunis à plusieurs reprises à ce sujet et ont élaboré des documents écrits dont la teneur atteste de la réalité de leurs interrogations.
L'absence de réponses apportées par d. MI. et s-p. SI. aux organes et représentants compétents aurait dû conduire ces derniers, et surtout lors de la réalisation des virements opérés en avril et juin 2012, à adresser des déclarations de soupçons qui ne sont intervenues en l'espèce que lors de la réception de réquisitions judiciaires, soit trop tardivement.
Par conséquent, il convient de déclarer la SAM G coupable des faits qui lui sont reprochés et de lui faire application de la loi pénale en la condamnant à une peine de 15.000 euros d'amende avec sursis.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,
Constate l'extinction par l'effet de l'amnistie de l'action publique dirigée contre b. PE..
Déclare la SAM G coupable des faits qui lui sont reprochés.
En répression, faisant application des articles visés par la prévention ainsi que de l'article 393 du code pénal,
La condamne à une peine de QUINZE MILLE EUROS D'AMENDE AVEC SURSIS, l'avertissement prescrit par l'article 395 du code pénal n'ayant pu être adressé à la personne morale condamnée en l'absence de son représentant légal ;
Condamne, enfin, la SAM G aux frais.
Composition🔗
Ainsi jugé après débats du dix-huit octobre deux mille seize en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Premier Juge chargé des fonctions de Président du Tribunal correctionnel, Madame Geneviève VALLAR, Premier Juge, Madame Séverine LASCH, Juge, le Ministère public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du vingt-deux novembre deux mille seize par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général, assistés de Monsieur Thierry DALMASSO, Greffier.