Tribunal correctionnel, 22 mars 2016, Le Ministère Public c/ La SAM A.
Abstract🔗
Homicide involontaire - Responsabilité pénale - Personne morale - Travaux sur la chaussée - Accident de la circulation - Faute (oui) - Faute de la victime cause exclusive de son décès (non) - Condamnation
Résumé🔗
Une société, chargée de travaux sur une chaussée, doit être condamnée pour homicide involontaire à la suite d'un accident mortel dont a été victime un cyclomotoriste. La prévenue était responsable de la sécurité aux abords et sur le chantier et il est démontré qu'elle n'a pas respecté la règlementation sur la signalisation des travaux. S'il est constant que la victime roulait plus vite que la limite autorisée, ce qui a nécessairement aggravé la violence de l'impact et les blessures conséquentes, cela ne peut pas être considéré comme une cause exclusive du décès qui viendrait exonérer la société de sa responsabilité pénale. L'absence de biseau matérialisé au sol avant le rétrécissement de la chaussée a rendu l'accident possible ou l'a tout au moins favorisé, faute de premier obstacle visible avant le chantier et le placement non conforme des glissières en béton armé est une cause directe du décès. En ne respectant pas les règlements applicables, la société a involontairement été la cause du décès de la victime.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2010/002196
JUGEMENT DU 22 MARS 2016
_____
En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;
Contre la nommée :
- La SAM A., prise en la personne de son représentant légal Monsieur j-c. LA., sise « le X1», X2 à MONACO (98000) ;
Prévenue de :
HOMICIDE INVOLONTAIRE
- PRÉSENTE aux débats, assistée de Maître Patricia REY, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par Maître Patrick BERARD, avocat au barreau de Nice ;
En présence de :
- Monsieur r. ZA. et Madame s. ZA. née LE. respectivement beau-frère et sœur du défunt j. LE., demeurant X3 à VILLEFRANCHE SUR MER (06230), constitués parties civiles, PRÉSENTS aux débats, assistés de Maître Sophie LAVAGNA, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par Maître André BEZZINA, avocat au barreau de Nice ;
- Mlle m. ZA., M. d. ZA. et M. do. ZA., respectivement nièce et neveux du défunt j. LE., demeurant X3 à VILLEFRANCHE SUR MER (06230), constitués parties civiles, ABSENTS aux débats, REPRÉSENTÉS par Maître Sophie LAVAGNA, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par Maître André BEZZINA, avocat au barreau de Nice ;
- Mme m. c. LE., demeurant X4 - LE CANNET (06110), mère du défunt j. LE., constituée partie civile, comparaissant en personne, assistée de Maître Françoise COTTA, avocat près la Cour d'appel de Paris, plaidant par ledit avocat ;
- La société de droit français dénommée « B.. », dont le siège social est sis X4 à PARIS (75009), agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d'Administration en exercice, demeurant en cette qualité audit siège social, représentée en Principauté de Monaco par son agent général responsable, Monsieur Cyril SASSI, domicilié X5 à Monaco, assureur-loi partie intervenante forcée, absente, représentée par Maître Arnaud ZABALDANO, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par Maître Arnaud CHEYNUT, avocat stagiaire en cette même Cour ;
LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 1er mars 2016 ;
Vu l'ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel du Magistrat instructeur en date du 21 septembre 2015 ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Claire NOTARI, huissier, en date du 13 octobre 2015 ;
Vu les conclusions de Maître Sophie LAVAGNA, avocat défenseur au nom des consorts ZA., parties civiles, en date du 1er mars 2016 ;
Vu les conclusions de Maître Arnaud ZABALDANO, avocat défenseur au nom de la société B.., partie intervenante forcée, en date du 1er mars 2016 ;
Ouï j-c. LA., administrateur délégué de la SAM A., prévenue, en ses réponses ;
Ouï Maître André BEZZINA, avocat au barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assister r. ZA., s. ZA. née LE. et leurs trois enfants mineurs m., d. et do., respectivement beau-frère, soeur, nièce et neveux du défunt j. LE., parties civiles, en ses demandes, fins et conclusions en date du 1er mars 2016 ;
Ouï Maître Françoise COTTA, avocat à la Cour d'appel de Paris, régulièrement autorisée par Monsieur le Président à assister m. c. LE., mère du défunt j. LE., partie civile, en ses demandes, fins et conclusions en date du 10 février 2016 ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Patrick BERARD, avocat au barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assister la SAM A., prévenue, en ses moyens de défense et plaidoiries ;
Ouï j-c. LA., administrateur délégué de la SAM A., prévenue, en dernier, en ses moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Aux termes d'une ordonnance du Magistrat instructeur en date du 21 septembre 2015, la SAM A. a été renvoyée par devant le Tribunal correctionnel, sous la prévention :
« - d'avoir à Monaco, courant septembre 2010 en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, par maladresse, imprudence, négligence, inattention ou inobservation des règlements, involontairement été la cause de l'homicide de j. LE. survenu le 18 septembre 2010, en l'espèce, d'une part, en ne procédant pas, contrairement aux dispositions des instructions interministérielles sur la signalisation routière du Livre I-1ère partie au Livre I-8ème partie en vigueur à Monaco en application de l'ordonnance n° 6.551 rendant exécutoire à Monaco la Convention sur la circulation routière signée à Vienne le 8 novembre 1968 et l'accord européen complétant ladite convention du 1er mai 1971, à la mise en place d'un balisage et d'une signalisation réglementaires en amont de la délimitation de la zone de chantier, et, d'autre part, en installant des séparateurs modulaires de voies en béton armé non liaisonnés, en méconnaissance de la notice de pose du DBA TDR 2004/H1 et de la décision d'agrément à titre expérimental de ce produit en date du 12 janvier 2009 ;
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 4-4, 26, 250 du Code Pénal, et par les instructions interministérielles sur la signalisation routière du Livre I-1ère partie au Livre I-8ème partie en vigueur à Monaco en application de l'ordonnance n° 6.551 rendant exécutoire à Monaco la Convention sur la circulation routière signée à Vienne le 8 novembre 1968 et l'accord européen complétant ladite convention du 1er mai 1971 et la décision d'agrément à titre expérimental de ce produit en date du 12 janvier 2009 » ;
À l'audience, r. ZA., s. ZA. née LE., leurs trois enfants mineurs m., d. et do. et m. c. LE., respectivement beau-frère, soeur, nièce, neveux et mère du défunt j. LE., se sont constitués parties civiles, ainsi que la compagnie B., assureur-loi de l'employeur de j. LE..
Sur l'action pénale :
Le 18 septembre 2010, à 4h36 un accident corporel de la circulation à l'intérieur du tunnel Rainier III avait lieu.
La victime, qui circulait en cyclomoteur de 49,9 cc, était identifiée comme étant j. LE. né le 10 mai 1982 à Paris, de nationalité française, chef de rang au sein de l'établissement «E.» à Monaco et demeurant à Villefranche-sur-Mer (06).
L'exploitation des images de vidéosurveillance du tunnel T7 révélait que j. LE. avait pénétré à l'intérieur à 4 heures 35, circulant sur la voie de gauche, porteur de son casque, à allure régulière, avant de se rabattre sur la voie de droite.
Arrivé à hauteur du premier panneau signalant la présence de travaux sur la voie de droite, panneau « danger travaux » de type AK5 surmonte d'un dispositif tri-flash dispose sur le trottoir droit à 172, 95 mètres de l'entrée du tunnel, le pilote poursuivait sa progression dans la même voie sans décélérer.
Poursuivant sa route, le cyclomotoriste passait successivement devant un panneau « chaussée rétrécie » (type AK3) distant de 197, 95 mètres de l'entrée de l'ouvrage et placé sur le trottoir droit, puis d'un panneau de limitation à 30 km/h disposé à 222, 95 mètres de l'entrée de l'ouvrage, également disposé sur le trottoir droit.
II passait enfin à hauteur d'un panneau directionnel se trouvant à 250,95 mètres de l'entrée du tunnel sur la chaussée le long du trottoir, prescrivant de se déporter sur la gauche.
À 4 heures 36 minutes le feu stop arrière du deux-roues s'allumait et, dans le même temps, l'avant venait heurter la première glissière en béton arme positionnée sur la voie de droite, en oblique par rapport au sens de la circulation.
L'extrémité droite de cette glissière se trouvait au bord du trottoir droit et son extrémité gauche à environ un mètre de l'axe médian de la chaussée.
Suite au choc, le cyclomoteur était projeté sur la voie de gauche tandis que son conducteur était projeté vers l'avant. Son corps glissait dans un premier temps sur le sommet de la première glissière en béton armé avant de percuter avec son torse, dans un second temps, l'angle du sommet de la deuxième glissière, distante de 2, 12 mètres de la première.
Le choc avait pour effet de plier en deux la victime, les jambes et le corps se rabattant respectivement de chaque côté de la glissière. Le corps était ensuite projeté au sol, à droite de l'alignement des glissières, dans la partie réservée aux travaux.
La victime se relevait et se déplaçait à plusieurs reprises, selon un témoin afin de chercher son téléphone mobile.
Malgré une intervention rapide, des soins sur place puis un transport au CHPG, j. LE. succombait à ses blessures à 6h30.
Au cours de l'instruction ouverte ensuite de cet accident, la SAM A., responsable des travaux était inculpée et renvoyée devant la juridiction de céans.
Il n'est nullement contesté que la règlementation applicable en France quant à la signalisation routière s'applique en Principauté de Monaco suite à l'ordonnance n° 6.551 rendant exécutoire à Monaco la Convention sur la circulation routière conclue à Vienne le 8 novembre 1968 et l'accord européen complétant cette convention, conclu à Genève le 1er mai 1971.
Ainsi, les instructions interministérielles sur la signalisation routière du Livre I (1ère à 8ème partie) assurent le fondement de la signalisation routière verticale et horizontale en Principauté de Monaco.
Par ailleurs, ces instructions sont reprises, de manière pratique et simplifiée, à l'aide de schémas dans le manuel du chef de chantier voirie urbaine établi par le groupe D. dont la SAM A. fait partie.
Le conseil de la SAM A. a contesté que lesdites instructions interministérielles sur la signalisation routière soient impératives, considérant qu'il ne s'agit, notamment en ce qui concerne la présence d'un biseau, que de mesures indicatives, faisant valoir que ce document indique, notamment dans sa section « généralités », en ses articles 119 et 120 que la signalisation temporaire doit respecter un principe d'adaptation et doit donc tenir compte des circonstances qui l'imposent afin d'assurer la sécurité des usagers et du personnel, sans contraindre de manière excessive la circulation publique par des réductions importantes de la capacité de la route.
Il a également fait valoir que les articles sur la signalisation temporaire utilisent des mots tels que « généralement », « en principe » ou encore « peut-être ».
Ces instructions sont édictées afin de se conformer à la Convention de Vienne du 8 novembre 1968.
Si elles contiennent un principe d'adaptation et usent donc de termes qui peuvent sembler peu impératifs, elles constituent un minimum, le principe d'adaptation ne pouvant aller que vers un accroissement de la signalisation afin de protéger les usagers et le personnel et ne pouvant aller vers une réduction de la sécurité.
En outre, ladite instruction indique en son article 135 que ses prescriptions « s'imposent » aux entreprises chargées des travaux routiers, conformément aux obligations définies par les clauses du marché.
Il est d'ailleurs admis de manière constante par les Juridictions françaises que ce document doit servir de base pour évaluer si la signalisation a été réalisée conformément à la convention de Vienne et la règlementation qui en découle.
Il résulte de ces considérations que l'instruction interministérielle sur la signalisation routière constitue une véritable règlementation impérative fournissant un socle de base pour la sécurité des usagers de la route et du personnel de chantier et qui peut toujours être adapté afin de garantir une sécurité maximale en fonction de la situation du chantier et des particularités de la section routière sur laquelle il se trouve.
Aux termes de la réglementation susvisée et notamment de son article 125, les panneaux indicateurs du type de ceux placés effectivement par la société A. et qualifiés de signalisation d'approche peuvent être placés en dehors de la chaussée.
Par ailleurs, le positionnement desdits panneaux a été fait conformément aux dispositions dudit texte, ainsi que l'a révélé l'enquête.
Cependant, il est prévu par l'article 124 de la même règlementation qu'afin de faciliter les manœuvres des usagers et qu'une voie ne soit retirée trop brutalement à la circulation, les rétrécissements de chaussées sont introduits, hors chantiers mobiles, par un biseau.
Ledit texte prévoit que le biseau doit être constitué par des cônes à bandes rouges et blancs (K5a) complétés par des panneaux d'obligation de tourner (B21) ou par des balises d'alignement (K5c) ou encore des séparateurs modulaires de voie de classe a ou b, liés entre eux (K16).
En outre, le manuel du chef de chantier voirie urbaine établi par le groupe D., tout comme celui émanant du SETRA (Service d'Études Techniques des Routes et Autoroutes), reprend ces indications et mentionne comme étant obligatoire un biseau d'au moins 15 mètres et dont la longueur doit être adaptée à la circulation.
Il n'est nullement contesté que le personnel et notamment les chefs de travaux de la société A. ont à disposition les documents établis par le groupe D. ainsi que ceux émanant du SETRA, manuels et notes d'informations distribués afin d'informer les divers intervenants sur l'utilisation du matériel de chantier et sur la sécurisation des lieux.
Il est constant en l'espèce qu'aucun biseau n'a été mis en place par la société A. et que le seul élément de ce règlement qui était effectivement installé sur les lieux était le panneau B21 (flèche indiquant l'obligation de tourner ou se rabattre) mais que celle-ci ne terminait pas un biseau et se trouvait sur le côté de la chaussée, juste devant la glissière en béton armé placée en diagonale et qui fermait l'accès au chantier.
Il en résulte que la règlementation sur la signalisation des travaux n'a pas été respectée.
Aux termes de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière et notamment de son annexe sur les séparateurs modulaires de voie (K16), ces dispositifs, classifiés comme classe A (fonction de séparation et guidage) et classe B (fonction de retenue des véhicules), sont constitués d'éléments liés entre eux afin d'édifier des barrières continues.
D'ailleurs, il est versé dans les annexes au rapport d'expertise un document émanant du SETRA (Service d'Etudes Techniques des Routes et Autoroutes) qui rappelle clairement les différences entre ces deux types de séparateurs modulaires de voie, le fait qu'ils doivent toujours être liaisonnés.
Il n'est pas contesté que ledit document était à disposition du personnel de la société A. puisqu'il est indiqué dans le manuel du chef de chantier du groupe D. que les schémas sont présentés dans les guides SETRA, disponibles dans l'établissement ou auprès du service sécurité.
En outre, le manuel d'installation de ces glissières en béton armé prévoit également expressément qu'elles doivent être posées de manière continue, liaisonnées par le système de fixation fourni à base de clavettes en métal.
Enfin, la décision d'agrément, à titre expérimental, de ces séparateurs modulaires, émanant du ministère du logement et en date du 12 janvier 2009, prévoit expressément que les séparateurs doivent être liaisonnés entre eux, excluant tout autre mode d'installation.
Par ailleurs, la même règlementation prévoit des dispositifs complémentaires à ces glissières afin de protéger les abords d'un chantier et notamment un élément d'extrémité abaissé ou un atténuateur de choc frontal.
Il est constant que les glissières en béton armé mises en place autour du chantier n'étaient pas liaisonnées et qu'aucun dispositif d'approche complémentaire n'a été placé.
Il en résulte que le placement d'une glissière, non liaisonnée, de manière oblique à la route, n'était pas conforme à la règlementation en vigueur quant à l'utilisation des glissières en béton armé et plus globalement des séparateurs modulaires de voie.
Pour tenter de limiter sa responsabilité dans la manière dont la signalisation et les séparateurs modulaires de voie ont été placés, la société A. a soutenu lors de l'instruction et lors de l'audience qu'elle ne fait qu'obéir aux ordres du CIGM (Centre Intégré de Gestion de la Mobilité) qui serait in fine celui qui décide des modalités d'installation et de sécurisation des chantiers de voie publique.
Il est constant que le seul document contractuel liant la société A. à l'Etat de Monaco est le cahier des prescriptions spéciales, aux termes duquel elle avait pour mission, entre autres :
« L'installation et la signalisation complète des chantiers de nuit comme de jour, seront exécutées par ses soins et à ses frais. De même, il assurera la police, la sécurité et 1'hygiene de ses chantiers et devra se soumettre aux obligations découlant des textes légaux en vigueur et autres, et assumer les frais correspondants. Ces obligations comprennent notamment:
- La production d'un planning de travaux ayant obtenu l'accord des services concernés,
- L'information aux riverains par affichage et distribution dans les boites aux lettres,
- La fourniture, la pose et le maintien en place de toute la signalisation dans les délais légaux.
Il devra prendre en outre toutes dispositions nécessaires pour assurer la sécurité de la circulation des usagers et notamment :
réaliser tous les aménagements nécessités par la protection des usagers à proximité de ses chantiers,
créer des passages publics provisoires pour piétons ou véhicules et en assurer l'entretien et le démontage, en se conformant aux ordres de l'Administration,
affecter des préposés à la régulation de la circulation lorsque les conditions l'exigeront,
balayer la chaussée et l'environnement immédiat du chantier
évacuer quotidiennement les déchets aux décharges publiques. »
Il en résulte que la société A. était responsable de la sécurité aux abords et sur le chantier.
La DAU (Direction de l'aménagement urbain) s'occupe de la voirie et de la signalisation, de l'ensemble des espaces plantés, publics et privés, de l'assainissement et des concessions de la Principauté.
Le CIGM (Centre Intégré de Gestion de la Mobilité), qui est l'un des services de ladite direction, est chargé :
De la surveillance 24h/24h de la sécurité et du déclenchement des scénarios de secours dans les tunnels routiers
De l'exploitation et la maintenance 7j/7j des équipements liés à la mobilité (feux tricolores, chaînes d'accès, panneaux à messages variables, barrière de fermeture et équipements de sécurité dans les tunnels)
De l'élaboration des plans de circulation pour les grands évènements
De la délivrance d'autorisations d'occupation de l'espace public et de convois exceptionnels
Des études et des simulations des nouveaux ouvrages routiers (tunnels, ronds-points) et des modifications provisoires des plans de déplacement ;
Ainsi, s'il appartient au CIGM de se prononcer sur certains points et notamment ceux qui concernent les limitations de la circulation, tels que le blocage complet de la voie dès son origine, comme cela a pu l'être envisagé, il ne lui appartient pas de fixer la manière dont la signalisation et les systèmes de guidage et protection doivent être installés, cette responsabilité relevant du seul contractant.
Le fait que lors d'une réunion, dont le contenu ne peut être déterminé de manière exacte faute d'écrit consécutif, il ait été décidé par la société A., la DAU et le CIGM de placer les panneaux de signalisation hors de la chaussée, conformément à l'article 125 de l'instruction interministérielle sur la signalisation routière, ne peut en aucun cas exonérer la société A. de sa responsabilité pénale.
De même, s'il paraît logique que le maître d'œuvre et le CIGM donnent leur avis sur la délimitation de la zone de chantier en application du plan proposé par la société A., afin de vérifier qu'il n'y ai pas d'empiètement trop important sur la voie publique ou de limitation de la capacité routière trop grande, ce qui fait partie de leurs fonctions respectives, la société A. ne peut se retrancher derrière le fait que le plan ait été validé, sans qu'il ne lui soit demandé de placer d'autres dispositifs ou de placer les glissières de manière liaisonnée, pour éluder sa responsabilité.
En outre, il ne saurait être valablement soutenu que le fait que le plan présenté délimite la zone de travaux par des pointillés signifie obligatoirement qu'il était prévu que les séparateurs modulaires de voie soient séparés les uns des autres.
De plus, l'enquête a permis de démontrer que le choix, la commande et l'installation des séparateurs modulaires de voies a été l'unique fait de la société A. dont le chef de chantier a donné les instructions sur le positionnement desdits dispositifs.
En tout état de cause, la société A., établissement professionnel régulièrement en charge de travaux sur la voie publique ne peut valablement tenter de masquer sa grave méconnaissance de la règlementation applicable à la signalisation et la protection des travaux qu'elle réalise en arguant que nul ne l'aurait prévenu qu'elle aurait dû placer une signalisation en biseau afin de restreindre progressivement la voie de circulation et liaisonner les séparateurs de voie modulaire.
En outre, il convient de rappeler que la faute d'un tiers, si tant est qu'elle devait être avérée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, n'est pas exonératoire de la responsabilité pénale de la prévenue à moins qu'elle ne soit la cause exclusive du décès.
L'instruction a permis d'établir que j. LE. roulait à une vitesse trop élevée puisqu'elle a été mesurée par l'expert RO. à 58km/h environ, avec une vitesse lors de l'impact comprise entre 45km/h et 50km/h, ce qui dépassait donc la limite de vitesse de 30km/h.
Il est également démontré que, contrairement aux premières constatations, il se trouvait en état de conduire et que si les pneumatiques de son véhicule étaient lisses, cela n'a eu aucune incidence sur l'accident ou sa gravité.
La société A., par la voie de son conseil, a soutenu que la victime a commis une telle faute que l'accident aurait été mortel même si la signalisation avait été différente et notamment que le fait qu'après l'accident, il ait cherché son téléphone mobile, tendrait à faire penser qu'il était en train de s'en servir au moment des faits et qu'en outre, l'exploitation de l'appareil faite a posteriori ne permet pas de démontrer qu'il ne s'en servait pas car la famille aurait pu effacer l'activité récente de cet appareil.
Il est admis de manière constante qu'il suffit, pour que la causalité soit retenue, que la faute d'une personne prévenue d'homicide involontaire ait concouru, d'une manière ou d'une autre, au dommage ou qu'elle soit à l'origine de la situation qui a rendu l'accident possible, de sorte qu'in fine la faute de la victime ne peut être exonératoire que si elle est la cause exclusive du décès.
Il résulte de l'exploitation de la vidéo surveillance et des conclusions de l'expert RO. que pour une raison inconnue, la victime, j. LE., n'a pas prêté attention à la signalisation présente hors chaussée et n'a pas vu la première glissière en béton armé qu'il a ainsi percuté.
Il n'est pas sérieusement contestable qu'une signalisation conforme à la règlementation avec l'implantation d'un biseau aurait permis de rendre plus visible la réduction de la voie et de constituer un premier obstacle dans le chemin de la victime et ainsi l'obliger à se déporter vers la voie de gauche.
Tant l'exploitation de la vidéo-surveillance que celle, bien qu'a posteriori du téléphone mobile de la victime n'ont pas mis en évidence que celle-ci aurait pu être en train de s'en servir au moment de l'accident et que d'ailleurs, il appert de l'exploitation des vidéos et des photos versées aux débats que lors des faits, aucune des mains de la victime n'était levée.
Le fait qu'il ait, juste après l'accident, cherché son mobile et demandé au témoin des faits s'il voyait cet appareil n'est nullement la démonstration qu'il était en train de s'en servir.
Lors de l'impact, pilote et cyclomoteur ont suivi le sens donné par ce dispositif jusqu'à ce que le pilote se désolidarise de son véhicule et prenne une trajectoire parabolique avant de venir s'empaler, au niveau de l'abdomen et d'une partie du thorax, contre l'extrémité angulaire du deuxième dispositif, favorisant ainsi l'enroulement du corps autour de celui-ci.
Il est visible sur l'exploitation de la vidéo et d'ailleurs relevé par l'expert, dont le rapport n'a fait l'objet d'aucune observation, que l'absence de liaison entre les dispositifs et le fait qu'il persistait une séparation de 2,12m entre eux a favorisé une zone de recouvrement de choc avec le pilote et a donc augmenté la dangerosité de l'installation en cas d'accident.
Il est incontestable que si les séparateurs modulaires de voie avaient été liaisonnés, la victime n'aurait pu s'enrouler autour d'un de ces dispositifs.
De ce simple fait, il ne peut être sérieusement soutenu que l'irrégularité dans le placement des séparateurs modulaires de voie n'aurait eu aucune incidence sur le décès car s'il est possible que l'accident serait survenu même si ces dispositifs avaient été placés conformément à la règlementation en vigueur, il est incontestable qu'en l'espèce ils ont concouru au dommage puisque la dangerosité en cas d'accident était augmentée et qu'il est certain que le choc à l'abdomen avec la deuxième glissière en béton est l'une des causes du décès de j. LE..
En outre, un dispositif atténuateur de choc frontal tel que prévu par la règlementation sur les glissières en béton armé utilisées aurait permis de limiter les dégâts.
S'il est constant que la victime roulait plus vite que la limite autorisée, ce qui a nécessairement aggravé la violence de l'impact et les blessures conséquentes, cela ne peut pas être considéré comme une cause exclusive du décès qui viendrait exonérer la société A. de sa responsabilité pénale.
Il est donc démontré que l'absence de biseau matérialisé au sol avant le rétrécissement de la chaussée a rendu l'accident possible ou l'a tout au moins favorisé, faute de premier obstacle visible avant le chantier et que le placement non conforme des glissières en béton armé est une cause directe du décès.
Il résulte donc de l'ensemble de ces considérations que la société A. n'a pas observé les règlements applicables et qu'elle a ainsi involontairement été la cause de l'homicide de j. LE..
Il convient donc de la déclarer coupable des faits qui lui sont reprochés.
Il résulte tant de l'enquête que des débats que la société A. a fait preuve d'une grave incompétence puisque l'ensemble des intervenants en charge de ce chantier ignoraient même qu'une règlementation existait concernant la signalisation des travaux de voie publique.
Il est en outre apparu au cours de l'instruction que les différents intervenants et notamment le chef de chantier en charge de la préparation et l'installation de la signalisation n'ont pas suivi la formation sécurité pourtant proposée aux membres du groupe D. et n'ont pas non plus tenu compte du manuel du chef de chantier mis à leur disposition.
Lors des débats, il est clairement apparu que la société A. n'a aucunement modifié son mode de fonctionnement ni pris de mesures ou sanctions pour éviter une réitération des faits et continue de tenter de minimiser sa responsabilité en se cachant derrière le fait que l'administration ne lui aurait pas donné d'autres indications, la société A. se devant d'obéir aveuglément aux préconisations du CIGM, dont le rôle n'est pourtant pas de faire appliquer les règles de sécurité aux abords des chantiers de voie publique.
Elle n'a donc pas pris conscience de la gravité des faits qui lui sont reprochés et n'a tiré aucune leçon de ceux-ci, laissant ainsi craindre une réitération de ceux-ci.
Il convient donc de lui faire une application sévère de la loi pénale.
Sur l'action civile :
Il y a lieu de recevoir r. ZA., s. ZA. née LE., leurs trois enfants mineurs m., d. et do. et m. c. LE., respectivement beau-frère, sœur, nièce, neveux et mère du défunt j. LE., en leur constitution de parties civiles.
Il est résulté des débats et des conclusions versées par les parties civiles que la cellule familiale j. LE. était en fait composée de sa sœur, s. LE. épouse ZA., l'époux de sa sœur, r. ZA., ainsi que leurs trois enfants, étant précisé que s. LE. épouse ZA. a recueillie sa garde alors qu'il était encore adolescent et l'a, à compter de cette date, élevé.
Par conséquent, le préjudice subi par s. LE. épouse ZA. du fait du décès de j. LE. doit être évalué comme celui d'une mère ayant perdu un enfant.
De même, il convient de considérer le préjudice de r. ZA. comme celui d'un beau-père et celui de leurs trois enfants comme celui relatif à la perte d'un frère.
Concernant c. LE., il convient de considérer son préjudice comme celui d'une mère ayant perdu un enfant, tout en prenant en considération que les relations avec son fils étaient rompues depuis plusieurs années.
Il convient donc de faire partiellement droit à leur demande respective en condamnant la SAM A. à payer :
à s. ZA. née LE. : la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts,
à r. ZA. : la somme de 20.000 euros à titre de dommages intérêts,
à m. ZA. : la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts,
à d. ZA. : la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts,
à do. ZA. : la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts
à c. LE. : la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 171,30 euros au titre du préjudice matériel ;
Il y a lieu de débouter c. LE. de sa demande formulée au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale français qui ne peut trouver à s'appliquer sur le territoire monégasque et qui ne connaît pas d'équivalent dans la législation de la Principauté de Monaco.
Il y a également lieu de recevoir la société dénommée B.. en sa constitution de partie civile.
Il convient de faire droit à sa demande en condamnant la SAM A. à lui payer la somme de 2.440,04 euros au titre des frais exposés par l'assureur-loi ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,
Sur l'action publique,
Déclare la SAM A. coupable des délits qui lui sont reprochés ;
En répression, faisant application des articles visés par la prévention,
La condamne à la peine de CINQUANTE MILLE EUROS D'AMENDE.
Ordonne l'affichage de la présente décision au siège social de la SAM A. pendant une période de trois mois.
Ordonne la publication, dans le journal de Monaco et dans les annonces légales de MONACO-MATIN, aux frais de la SAM A. et dans la limite de 2.000 euros par publication le communiqué suivant :
« Par jugement rendu le 22 mars 2016, le Tribunal correctionnel de la Principauté de MONACO a déclaré la SAM A. coupable d'avoir par maladresse, imprudence, négligence, inattention ou inobservation des règlements été la cause de l'homicide involontaire de j. LE.. »
Ordonne l'exclusion des marchés publics de la SAM A. pendant une période de six mois.
Sur l'action civile,
Reçoit r. ZA., s. ZA. née LE., leurs trois enfants mineurs m., d. et do. et m. c. LE., respectivement beau-frère, soeur, nièce, neveux et mère du défunt j. LE., en leur constitution de parties civiles.
Les déclarant partiellement fondés en leur demande, condamne la SAM A. à payer :
à s. ZA. née LE. : la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts,
à r. ZA. : la somme de 20.000 euros à titre de dommages intérêts,
à m. ZA. : la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts,
à d. ZA. : la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts,
à do. ZA. : la somme de 15.000 euros à titre de dommages intérêts,
à c. LE. : la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que la somme de 171,30 euros au titre du préjudice matériel ;
Déboute c. LE. de sa demande formulée au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale français ;
Reçoit la SA B. en sa constitution de partie civile et la déclarant fondée en ses demandes, condamne la SAM A. à lui verser la somme de 2.440,04 euros au titre de son préjudice matériel.
Condamne, en outre, la SAM A. aux frais.
Composition🔗
Ainsi jugé après débats du premier mars deux mille seize en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé par Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge faisant fonction de Président, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Léa PARIENTI, Magistrat référendaire, le Ministère public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du vingt-deux mars deux mille seize par Monsieur Florestan BELLINZONA, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général, assistés de Monsieur Thierry DALMASSO, Greffier.