Tribunal correctionnel, 14 juillet 2015, g. MA. c/ p. WO.

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Abstract🔗

Diffamation et injures publiques - Publication sur internet - Atteinte à l'honneur et à la considération (oui) - Contexte politique - Circonstance indifférente - Condamnation

Résumé🔗

Le prévenu doit être condamné du chef de diffamation publique pour avoir publié des messages sur un réseau social. Il ne conteste ni être l'auteur des propos litigieux ni le caractère public de leur publication. Il a publié les messages contestés suite à la diffusion d'un article faisant part de la validation par la commune de MONACO d'un projet immobilier. Il affirme clairement et sans aucune ambiguïté que le maire a pu par le passé et suite à l'opération immobilière, percevoir de manière illégale et certaine de l'argent pour avoir donné son accord audit projet. Ces accusations de corruption sont de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile poursuivante, la forme interrogative de la seconde phrase portant non pas sur la réalité de la corruption mais sur le montant des sommes illicitement perçues par le maire. La circonstance que les imputations diffamatoires s'inscrivent dans le cadre d'une polémique post-électorale ou encore le caractère prétendument humoristique des écrits ne sauraient justifier ces attaques personnelles qui avaient pour unique objectif de dénigrer la partie civile.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2015/000708

R.

JUGEMENT DU 14 JUILLET 2015

En la cause du nommé :

- Monsieur g. MA., né le 20 mars 1957 à MONACO (98000), de G. et de C.X, de nationalité monégasque, Y, domicilié sis X à MONACO (98000) ;

- constitué partie civile poursuivante, ABSENT aux débats, REPRÉSENTÉ par Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;

CONTRE :

- Monsieur p. WO., né le 5 février 1962 à MONACO (98000), de A. et de R. OP., de nationalité monégasque, demeurant « X », X à MONACO (98000) ;

- PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Pierre-Paul VALLI, avocat au barreau de Nice, plaidant par ledit avocat ;

Poursuivi pour :

DIFFAMATION PUBLIQUE

En présence du MINISTÈRE PUBLIC ;

LE TRIBUNAL,

jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 30 juin 2015 ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2015/000708.

Vu la citation directe délivrée à la requête de Monsieur g. MA., partie civile poursuivante, suivant exploit de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 28 avril 2015.

Vu la note valant conclusions de Maître Pierre-Paul VALLI, avocat pour le prévenu, non datée déposée à l'audience du 30 juin 2015 ;

Ouï Maître Pierre-Paul VALLI, avocat pour le prévenu, qui soulève in limine litis une exception ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat pour la partie civile poursuivante en ses observations ;

Ouï le Ministère Public en réponse qui demande au Tribunal de rejeter les exceptions de nullités soulevées et de joindre l'incident au fond ;Ouï Monsieur le Président qui, après avoir pris lavis de ses assesseurs, fait part de la décision du Tribunal de joindre l'incident au fond ;

Ouï p. WO. en ses réponses ;

Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur pour g. MA., partie civile, en ses demandes et déclarations ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Pierre-Paul VALLI, avocat au barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assister le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;

Ouï le prévenu, en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi.

Par acte d'huissier en date du 28 avril 2015, g. MA. a cité à comparaître directement p. WO. aux fins de le déclarer coupable du délit de diffamation publique, de le condamner en réparation du préjudice subi à lui verser la somme de 10.000 euros et enfin d'ordonner la publication de la décision à intervenir dans le quotidien « X » aux frais exclusifs de p. WO.. g. MA. reproche à p. WO. d'avoir publié le 11 avril 2015 sur X les commentaires suivants :

  • « le Balkany local va encore toucher du pognon en se lavant les mains à la bétadine de ce que pense les monégasques »,

  • « pourtant on a bien essayé de les prévenir les monégasques? je ris, oh mais je ris !!! ; question : il va toucher combien le maire la dessus ? »,

A l'audience qui s'est tenue le 30 juin 2015, p. WO. a soulevé in limine litis la nullité de la citation directe délivrée par g. MA. aux motifs quelle ne satisfaisait pas aux prescriptions prévues par l'article 369 du Code de procédure pénale et, le cas échéant, sa relaxe ; p. WO. a par ailleurs sollicité, en application des dispositions de l'article 391 alinéa 2 du Code de procédure pénale, la condamnation de g. MA. à lui verser la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ; L'incident soulevé par p. WO., et dont le rejet a été sollicité tant par g. MA. que par le Ministère public, a été joint au fond ;

Sur la nullité de la citation

À l'appui de sa demande, p. WO. fait tout d'abord valoir que la désignation de la partie requérante, à savoir « g. MA., Y domicilié X à MONACO », n'est pas suffisamment précise à défaut d'indications relatives à l'état civil complet et à la domiciliation privée du plaignant ;Il convient de relever que les dispositions prévues à cet effet par l'article 369 du Code de procédure pénale ont pour objet de donner parfaitement connaissance à la personne citée en justice de l'identité de celle qui est à l'origine de cette comparution ;En l'espèce, la requête délivrée au nom de « g. MA., Y, domicilié X à MONACO » n'entraîne aucune incertitude quant à l'identification par la partie poursuivie de la personne poursuivante, la fonction de Y ne pouvant être exercée que par un seul individu ;Par ailleurs, il résulte des dispositions de l'article 49 de la Loi n° 1.299 en date du 15 juillet 2005 sur laquelle se fonde la poursuite que « la citation contient l'indication des faits imputés ainsi que leurs qualifications ; elle vise les textes de loi applicables » ; Or, il s'avère que l'acte d'huissier susvisé en date du 28 avril 2015 respecte scrupuleusement ces prescriptions ;Par conséquent, il y a lieu de rejeter les exception de nullité soulevées par p. WO..

Sur la diffamation publique

Il convient avant tout de relever que p. WO. ne conteste ni être l'auteur des propos litigieux ni le caractère public de leur publication ;

Le délit de diffamation publique doit être défini comme « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne à laquelle ledit fait est imputé ». En l'espèce, il est acquis que p. WO. a publié les messages contestés suite à la diffusion d'un article faisant part de la validation par la Mairie de MONACO d'un projet immobilier dans le quartier dit du « Carré d'or » à MONACO ;Ainsi, p. WO. affirme clairement et sans aucune ambiguïté que le Maire actuel de MONACO, à savoir g. MA., a pu par le passé, eu égard à l'emploi de l'adverbe « encore », puis allait, suite à l'opération immobilière, percevoir de manière illégale et certaine compte tenu de l'emploi du présent de l'indicatif de l'argent pour avoir donné son accord audit projet ;Il est constant que ces accusations de corruption sont de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de la partie civile poursuivante, la forme interrogative de la seconde phrase portant non pas sur la réalité de la corruption mais sur le montant des sommes illicitement perçues par le Maire ;Enfin, la circonstance que les imputations diffamatoires s'inscrivent dans le cadre dune polémique post-électorale ou encore le caractère prétendument humoristique des écrits ne sauraient justifier ces attaques personnelles qui avaient pour unique objectif de dénigrer g. MA. ;Par conséquent, il y a lieu de déclarer p. WO. coupable des faits qui lui sont reprochés et de le condamner à la peine de 2.000 euros d'amende ;

Sur l'action civile

Il y a lieu de recevoir g. MA. en sa constitution de partie civile et de lui allouer, eu égard aux différents éléments d'appréciation dont le Tribunal dispose à cet effet, la somme de 500 euros en réparation du préjudice moral subi ;

Enfin, le Tribunal n'estime pas opportun d'ordonner la publication de la présente décision dans le quotidien « X », compte tenu du caractère disproportionné qu'une telle diffusion extrêmement large aurait alors que les propos diffamatoires condamnés ont été publiés sur les seuls profils X de p. WO. et du dénommé j-p. BA., lesquels ne sont accessibles qu'aux amis de ces derniers

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

statuant contradictoirement,

Rejette les exceptions de nullités soulevées par p. WO. ;

Sur l'action publique,

Déclare p. WO. coupable des faits de diffamation publique ;

En répression, faisant application des articles 15, 16, 21 alinéa 1, 23, 26, 27, 35, 36, 37, 39, 58 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 sur la liberté d'expression publique et 26 du code pénal,

Le condamne à la peine de DEUX MILLE EUROS D'AMENDE ;

Sur l'action civile,

Reçoit g. MA. en sa constitution de partie civile ;Condamne p. WO. à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts ;Déboute g. MA. de sa demande tendant à ordonner la publication de la présente décision ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne, en outre, p. WO. aux frais.

Composition🔗

Ainsi jugé après débats trente juin deux mille quinze en audience publique tenus devant le Tribunal Correctionnel, composé par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Premier Juge chargé des fonctions de Président du Tribunal correctionnel, Madame Aline BROUSSE, Juge, Chevalier de lOrdre de Saint-Charles, Madame Léa PARIENTI, Magistrat référendaire, le Ministère public dûment représenté, et prononcé à laudience publique du quatorze juillet deux mille quinze par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Christell BIANCHERI, Greffier.

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