Tribunal correctionnel, 14 avril 2015, Monsieur s. SC., c/ Monsieur b. GU.

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Abstract🔗

Diffamation et injures publiques - Caractère public (non) - Diffusion à des personnes liées par une communauté d'intérêts (oui) - Relaxe

Résumé🔗

Le prévenu doit être relaxé du chef de diffamation publique. Il est admis qu'un écrit ne peut être considéré comme public lorsqu'il est diffusé qu'à un groupe déterminé de personnes liées par une communauté d'intérêts. En l'espèce, les propos, relatifs à un litige concernant des travaux de construction, sont contenus dans un courrier électronique envoyé à plusieurs personnes dont un cabinet d'architecte. Ce dernier a été sollicité pour aider à trouver une solution dans le litige dès l'origine des discussions. En outre, le courriel a été adressé aux mêmes personnes que l'ensemble des échanges ayant eu lieu durant la tentative de trouver une solution amiable au litige. Le courriel litigieux a donc été diffusé à un ensemble de personnes partageant une communauté d'intérêts. L'écrit ne présente donc pas de caractère public, de sorte que l'infraction de diffamation publique envers un particulier au sens des articles 21 et 24 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 n'est pas constituée.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2015/000148

R.

JUGEMENT DU 14 AVRIL 2015

En la cause du nommé :

  • - Monsieur s. SC., né le 29 avril 1945 à Kew Gardens (Grande-Bretagne), de nationalité britannique, demeurant X1 (98000) ;

  • - constitué partie civile poursuivante, PRÉSENT aux débats, assisté de Maître Joëlle PASTOR BENSA, avocat défenseur près la Cour d'appel substituée par Maître Bernard BENSA, avocat près la même Cour, plaidant par Maître Donald MANASSE, avocat au barreau de Nice ;

CONTRE :

  • - Monsieur b. GU., né le 24 février 1971 à CUNEO (Italie), demeurant X2 à MONACO (98000) ;

  • - ABSENT, représenté par Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur près la Cour d'Appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;

Poursuivi pour :

DIFFAMATION COMMISE PAR UN MOYEN D'EXPRESSION PUBLIQUE

En présence du MINISTÈRE PUBLIC ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 31 mars 2015.

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2015/000148.

Vu la citation directe délivrée à la requête de Monsieur s. SC., partie civile poursuivante, suivant exploit de Maître Patricia GRIMAUD-PALMERO, huissier, en date du 12 février 2015.

Ouï Monsieur s. SC., partie civile poursuivante en ses déclarations et ce, avec l'assistance de Carmen COLLOT-DESCURY, demeurant X à Monaco (98000), faisant fonction d'interprète en langue anglaise, serment préalablement prêté.

Ouï Maître Donald MANASSE, avocat au barreau de Nice, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assister Monsieur s. SC., en ses demandes et déclarations.

Ouï le Ministère Public qui sen rapporte. Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur pour Monsieur b. GU., en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client.

Après en avoir délibéré conformément à la loi.

À l'audience du 31 mars 2015, Maître Donald MANASSE, avocat a sollicité, la somme de 1 euro à titre de dommages-intérêts pour le préjudice moral et à celle de 25.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les frais de justice engagés.

Monsieur b. GU. sollicite du Tribunal l'autorisation de se faire représenter par Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur, sa présence n'étant pas indispensable à l'instruction de l'affaire à l'audience, il y a lieu de faire droit à cette demande et de statuer contradictoirement à son égard, en conformité de l'article 377 du Code de procédure pénale.

SUR CE,

Le 18 décembre 2012, la S.C.P A, représentée par Monsieur s. SC. concluait avec la SARL B, représentée par Monsieur b. GU., un marché de travaux pour un montant de 616.232,20 euros. Le cabinet d'architecte C était mandaté notamment pour effectuer les démarches administratives d'obtention d'un permis de travaux. Le 3 juillet 2014, la S. A. R. L. B remettait les clés de l'appartement à la S.C.P A. Cette dernière refusait de solder les travaux à hauteur de 137.127,46 euros en faisant état de malfaçons et de retard dans l'exécution des travaux. Les parties ne trouvant d'arrangement à l'amiable, chacune faisait appel à son conseil respectif ainsi qu'au cabinet C, afin qu'une solution puisse être trouvée. Dans ce cadre, Monsieur b. GU. a adressé le 3 décembre 2014 un courriel à Monsieur s. SC., représentant de la S.C.P A ainsi qu'à son épouse, cogérante de ladite S. C. P., Messieurs a. CO. et m. ZA., employés de la S. A. R. L. B, au cabinet C ainsi qu'aux conseils des deux parties et leurs collaborateurs respectifs. Ledit courriel contenait les phrases objet de la prévention à savoir :

« Vous n'avez pas l'intention de payer ni maintenant ni plus tard le travail qui a été réalisé et facturé. C'est la seule vérité. Votre comportement est totalement malhonnête, probablement c'est votre façon de traiter vos affaires dans vos banques pour gagner votre argent. A Monaco ce n'est pas le même système. »

Il est admis de manière constante qu'un écrit ne peut être considéré comme public lorsqu'il est diffusé qu'à un groupe déterminé de personnes liées par une communauté d'intérêts. Monsieur s. SC. estime que tel n'était pas le cas en ce que l'architecte C n'avait pas été mandaté pour suivre l'avancement des travaux. Il résulte des pièces versées aux débats que si l'étude C n'avait originellement pas pour mission de suivre les travaux, elle a été sollicitée pour aider à trouver une solution dans le litige entre la S.C.P A et la S. A. R. L. B quasiment dès l'origine des discussions puisqu'il résulte des échanges de courriels versés aux débats qu'au plus tard le 23 octobre, le cabinet C se voyait communiquer des devis et intervenait manifestement de manière active afin de solutionner les problèmes survenus (pièces 1 à 3 produites par Monsieur b. GU.). En outre, il apparaît clairement que le courriel litigieux a été adressé aux mêmes personnes que l'ensemble des échanges ayant eu lieu durant la tentative de trouver une solution amiable au litige Ainsi, il est fallacieux de prétendre que le cabinet C ne serait intervenu dans la présente affaire que pour déposer un dossier de permis de construire. Dès lors, il est donc établi que le courriel litigieux a été diffusé à un ensemble de personnes partageant une communauté d'intérêt. Il ne peut donc être retenu de caractère public à cet écrit de sorte que l'infraction de diffamation publique envers un particulier au sens des articles 21 et 24 de la loi n° 1.299 du 15 juillet 2005 n'est pas constituée. Il s'impose donc de relaxer Monsieur b. GU. des fins de la poursuite. Il convient en conséquence de déclarer les demandes de la partie-civile irrecevables et de condamner Monsieur s. SC. aux frais.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement, conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale,

Sur l'action publique,

Relaxe Monsieur b. GU. des fins de la poursuite sans peine ni dépens.

Sur l'action civile,

Déclare irrecevables les demandes de dommages-intérêts.

Condamne Monsieur s. SC. aux frais.

Composition🔗

Ainsi jugé après débats du trente et un mars deux mille quinze en audience publique tenue devant le Tribunal correctionnel composé par Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier juge, faisant fonction de Président, Monsieur Morgan RAYMOND, Juge, Madame Léa PARIENTI, Magistrat référendaire, le Ministère public dûment représenté, et prononcé à laudience publique du quatorze avril deux mille quinze, par Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier juge, faisant fonction de Président, en présence de Mademoiselle Alexia BRIANTI Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Laurie PANTANELLA, Greffier.

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