Tribunal correctionnel, 25 novembre 2014, Le Ministère Public c/ r. FO

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Abstract🔗

Recel - Infraction préalable commise à l'étranger - Abus de confiance - Violation du principe non bis in idem (non)

Résumé🔗

Le prévenu doit être condamné du chef de recel d'abus de confiance pour avoir détenu sur des comptes bancaires des sommes constituant le produit de malversations commises aux États-Unis par l'intermédiaire de sociétés. Il a soutenu que les faits ont été définitivement réprimés aux Etats-Unis et ne peuvent faire l'objet de nouvelles poursuites à Monaco. Or, il est de jurisprudence constante que l'interdiction de nouvelles poursuites à raison du même fait, sous une qualification différente, ne concerne que les personnes déjà poursuivies et condamnées dans le même État de sorte que la poursuite du prévenu à Monaco du chef de recel d'abus de confiance suite à sa condamnation aux États-Unis ne constitue pas une violation du principe non bis in idem.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

JUGEMENT DU 25 NOVEMBRE 2014

  • En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

  • - r. FO., né le 28 juin 1978 à SAN GIOVANNI ROTONDO (Foggia - Italie), de P. et de A. CO., de nationalité italienne, sans profession, demeurant X1, FOGGIA (Italie) ;

Prévenu de :

RECEL D'ABUS DE CONFIANCE

  • - ABSENT, représenté par Maître Géraldine GAZO, avocat défenseur près la Cour d'appel, chez laquelle il doit être considéré comme ayant fait élection de domicile par l'application de l'article 377 du Code de procédure pénale, substituée et plaidant par Maître Donald MANASSE, avocat au barreau de NICE ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 21 octobre 2014 ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2008/001525 ;

Vu l'ordonnance de renvoi devant le Tribunal correctionnel rendue par Monsieur le Magistrat instructeur en date du 31 janvier 2014 ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 26 mai 2014 ;

Vu les conclusions de Maître Géraldine GAZO, avocat défenseur, pour le prévenu en date du 21 octobre 2014 ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Donald MANASSE, avocat au barreau de NICE, régulièrement autorisé par Monsieur le Président à assister le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries par lesquels il sollicite la relaxe de son client ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu que r. FO. est poursuivi correctionnellement sous la prévention :

« D'avoir à Monaco, courant 2005 à 2006, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription, sciemment recelé sur des comptes bancaires ouverts à la société F sous les dénominations «société A», «B», «C», «D» et «E» et sur les comptes ouverts auprès de la société G (Monaco) sous les dénominations «la société H», «la société I» et «la société J» des fonds d'un montant de 1.312.000 USD qu'il savait provenir d'infractions, qualifiables en droit monégasque d'abus de confiance, qu'il avait commises courant 2005 et 2006 aux Etats-Unis et pour lesquelles il a été définitivement condamné par jugement du 23 octobre 2008 du Tribunal du District de New-York,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26, 27, 325, 337 et 339 du Code Pénal » ;

r. FO. sollicite du Tribunal l'autorisation de se faire représenter par Maître Géraldine GAZO, avocat défenseur ; la présence de ce prévenu n'étant pas indispensable à l'instruction de l'affaire à l'audience, il y a lieu de faire droit à cette demande et de statuer contradictoirement à son égard, en conformité de l'article 377 du Code de procédure pénale ;

Le 14 juillet 2008, le Directeur du Service d'Information et de Contrôle sur les Circuits Financiers (S. I. C. C. F. I. N.) a adressé au Parquet Général un signalement visant principalement, d'une part, la Société de droit panaméen dénommée « H» ayant comme directeur et bénéficiaire économique p. FO. et, d'autre part, le mandataire de cette structure, à savoir r. FO., également directeur exécutif et président de la société K

Ce dernier était présenté comme l'auteur de détournements de fonds aux Etats-Unis faisant l'objet d'investigations de la part des autorités américaines et qui auraient été transférés sur des comptes ouverts auprès des établissements de la société F et la société F à Monaco dont il était soit le titulaire soit le mandataire ou encore le bénéficiaire d'une procuration.

L'enquête diligentée par le F. B. I. et le Bureau du Procureur du district sud de New-York a en effet révélé que r. FO. avait commis des malversations par l'intermédiaire de ses sociétés et notamment de la société K

Ainsi, selon un jugement définitif du Tribunal de District de New-York en date du 23 octobre 2008, r. FO., après avoir plaidé coupable des 14 chefs d'accusation pour lesquels il avait été poursuivi, a été condamné à une peine de 54 mois d'emprisonnement, à la confiscation de 2,44 millions de dollars et à l'indemnisation de ses victimes à hauteur de 4 millions.

Parmi lesdits chefs de renvoi, sept d'entre eux portaient sur une somme de 1.312.000 USD obtenue frauduleusement et créditée sur les livres de deux banques monégasques.

Une information judiciaire a alors été ouverte en Principauté de Monaco à l'encontre de r. FO. du chef de recel d'abus de confiance commis à Monaco durant les années 2005 et 2006.

Les investigations alors menées ont en effet permis de confirmer la réalisation de diverses opérations bancaires, effectuées entre le 13 septembre 2005 et le 22 décembre 2006, depuis des comptes ouverts dans les livres de la société L aux États-Unis aux noms de la société K et la société M et au crédit de ceux appartenant à la société « A », société de droit panaméen fonctionnant sous la seule signature de p. FO. à la société F à Monaco.

Il est ensuite résulté de l'enquête que sept de ces virements bancaires d'un montant total de 1.312.000 USD provenaient bien des activités délictueuses commises par r. FO. et pour lesquelles ce dernier a été déclaré coupable par le Tribunal du District de New-York le 23 octobre 2008.

Entendu par le magistrat instructeur après sa libération aux Etats-Unis, r. FO. a reconnu l'entière propriété de l'ensemble des fonds crédités sur le compte appartenant à la société « A » pour laquelle son père, ainsi que ce dernier l'avait d'ailleurs admis devant les services de police, n'était qu'un prête-nom. En revanche, r. FO. contesté l'illicéité de leur origine et ce nonobstant la procédure américaine ayant abouti à sa condamnation prononcée selon le cadre d'un « plaider coupable ».

Ainsi, r. FO. a expliqué l'origine des fonds litigieux par sa rémunération en sa qualité d'administrateur des sociétés la société Ket la société et leurs transferts à Monaco par ses projets d'achats et d'investissements immobiliers en Europe.

Néanmoins, ce prévenu n'a aucunement, durant l'information judiciaire, versé à celle-ci des documents attestant de la réalité de ses dires et pouvant ainsi combattre les différents faisceaux d'indices concordants qui permettent d'établir en l'espèce un lien entre ses activités aux Etats-Unis pour lesquelles il a été condamné et les opérations financières effectuées en Principauté de Monaco et dont la concomitance des dates est à relever.

À l'audience, r. FO., par l'intermédiaire de ses conseils, n'a pas davantage produit d'éléments probants quant à la licéité de l'origine des fonds litigieux, estimant qu'il appartenait aux autorités poursuivantes de rapporter la démonstration contraire.

Ainsi, r. FO. a sollicité sa relaxe aux motifs, en outre, que les faits dont le Tribunal correctionnel de Monaco est saisi ont été définitivement jugés et réprimés aux États-Unis et ne pouvaient en conséquence faire l'objet de nouvelles poursuites à Monaco.

Or, il est de jurisprudence constante que l'interdiction de nouvelles poursuites à raison du même fait, sous une qualification différente, ne concerne que les personnes déjà poursuivies et condamnées dans le même État de sorte que la poursuite en l'espèce de r. FO. à Monaco du chef de recel d'abus de confiance suite à sa condamnation aux Etats-Unis pour des faits qualifiés de « fraudes informatiques » ou de blanchiment ne constitue pas une violation du principe « non bis in idem ».

Ainsi, il est acquis que r. FO. a détenu directement ou indirectement dans des établissements bancaires de la Principauté de Monaco des fonds que seules ses activités délictueuses établies par sa condamnation par les autorités judiciaires américaines ont pu générer.

Par conséquent, l'infraction poursuivie, caractérisée dans tous ses éléments constitutifs, peut être valablement imputée au prévenu qui doit en être déclaré coupable.

Eu égard à la gravité des faits compte tenu de l'importance des sommes en cause et du mode opératoire utilisé qui relève de la délinquance financière organisée, une peine de 1 an d'emprisonnement sera prononcée.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale,

Déclare r. FO. coupable du délit qui lui est reproché ;

En répression, faisant application des articles visés par la prévention,

Le condamne à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT ;

Le condamne, en outre, aux frais ;

Composition🔗

Ainsi jugé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le vingt et un octobre deux mille quatorze, par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Premier Juge, chargé des fonctions de Président du Tribunal correctionnel, Monsieur Morgan RAYMOND, Juge, Madame Léa PARIENTI, Magistrat référendaire, le Ministère Public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quatorze, par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, en présence de Madame Cyrielle COLLE, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Laurie PANTANELLA, Greffier.

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