Tribunal correctionnel, 3 juin 2014, Ministère public c/ L.GU. et autre
Abstract🔗
Violences volontaires - Légitime défense (non) – Excuse de provocation (oui)
Résumé🔗
Les prévenus sont poursuivis du chef de violences volontaires pour des faits commis au cours d'une soirée. La première prévenue s'est dirigée vers la victime, qui lui avait, au préalable, tiré les cheveux, alors que celle-ci était seule adossée à une banquette et elle lui a porté plusieurs coups de poings. La légitime défense ne peut être retenue dès lors que la riposte n'était ni actuelle ni proportionnée. L'excuse de provocation est, en revanche, retenue. Le second prévenu a poussé violemment la victime, l'obligeant à courir à reculons, avant qu'elle ne tombe. S'il fait valoir qu'il n'a pas voulu la faire tomber et a tenté de la retenir, la chute est néanmoins la résultante de sa poussée violente sur plusieurs mètres. La légitime défense ne peut être retenue mais l'excuse de provocation est admise.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2013/001928
JUGEMENT DU 3 JUIN 2014
__________________
En la cause du MINISTÈRE PUBLIC,
Contre les nommés :
1° L.GU., née le 8 mai 1988 à NICE (06), de B.et de M-L. GO., de nationalité française, coordinatrice de vente, demeurant 1X à NICE ( 06000) ;
2° M. ME., né le 3 janvier 1986 à VEJLE (Luxembourg), de S. et de L.VI., de nationalité danoise, consultant, demeurant 2X à MONACO ;
- PRÉSENTS aux débats, assistés de Maître Charles LECUYER, avocat près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat ;
Prévenus de :
VIOLENCES VOLONTAIRES (I. T. T. + de 8 jours)
En présence de :
- Mademoiselle d. AB., née le 28 juillet 1983 à LIBANON (Liban), de nationalité danoise, étudiante, demeurant 3X SONDERBONG (Danemark), constituée partie civile, bénéficiaire de l'assistance judiciaire par décision en date du 17 avril 2014 portant le numéro 96 BAJ 14 absente, représentée par Maître Yann LAJOUX, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;
LE TRIBUNAL ,jugeant correctionnellement, après débats à l'audience du 20 mai 2014 ;
Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2013/001928 ;
Vu les citations signifiées, suivant exploits, enregistrés, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date des 16 et 29 octobre 2013 ;
Ouï les prévenus en leurs réponses ;
Ouï Maître Yann LAJOUX, avocat défenseur pour d. AB., partie civile, en ses demandes, fins et conclusions en date du 20 mai 2014 ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Charles LECUYER, avocat pour les prévenus, en ses moyens de défense et plaidoiries, par lesquels il sollicite la relaxe de ses clients ;
Ouï les prévenus, en dernier, en leurs moyens de défense ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
L.GU. et M. ME., sont poursuivis correctionnellement sous la même prévention :
« D'avoir à MONACO, le 26 mai 2013, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,
- volontairement fait des blessures, commis des violences ou voies de fait sur la personne de A.D., desquelles il est résulté une incapacité de travail personnel de plus de 8 jours,
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 chiffre 4 et 236 du Code pénal ».
À l'audience d. AB. s'est constituée partie civile et a fait déposer des conclusions par son conseil tendant à voir condamner les prévenus à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de son préjudice pour la détermination duquel une expertise médicale est sollicitée.
Sur l'action publique,
Les prévenus sont poursuivis pour des violences ayant entraîné une I. T. T supérieure à 8 jours au regard du certificat médical du docteur C. du 28 mai 2013 fixant une I. T. T. de 20 jours. Il résulte cependant des constatations réalisées, se limitant à des contusions, dermabrasions et douleurs, que l'I. T. T ainsi retenue n'est manifestement pas l'interruption totale de travail au sens médico-légal et que l'I. T. T réelle est inférieure à 8 jours. Il convient donc, ainsi que le requiert le ministère public à l'audience, de requalifier les faits en violences avec I. T. T inférieure à 8 jours.
L.GU. et M. ME. font tous deux valoir un état de légitime défense lors des faits commis le 26 mai 2013 au cours de la soirée au M et versent notamment différentes attestations pour en justifier.
S'agissant des faits commis par L.GU. celle-ci a exposé qu'après plusieurs incidents la plaignante, ivre, lui aurait tiré violemment les cheveux en arrière alors qu'elle dansait et que, s'énervant, elle l'aurait poussée en arrière et lui aurait porté des coups au visage (audition et confrontation).
L'agent de sécurité présent sur la plage a cependant indiqué que L.GU. s'est dirigée vers d. AB. alors que celle-ci était seule adossée à une banquette et qu'elle lui a porté plusieurs coups au moyen de ses poings.
L'attestation de J.DE NE., versée dans le dossier de plaidoirie, ne peut contredire ce témoignage objectif. En effet, outre que cette attestation n'a pu être débattue, étant inconnue du tribunal avant la mise en délibéré, et que ce témoin n'a pas été cité ou ne s'est pas présenté au tribunal, le déroulement postérieur à l'incident des cheveux tirés, décrit par celui-ci (la tirant par les cheveux contre le sofa puis jusqu'au sol), est contredit par L.GU. elle-même et M. ME. qui indiquent qu'elle n'est pas tombée.
Dès lors, d'une part les faits se sont déroulés en deux temps, d. AB. étant seule sur le sofa lors des coups reçus, et d'autre part L.GU. a réagi au fait que ses cheveux ont été tirés par des coups de poing au visage. La riposte n'était donc ni actuelle ni proportionnée, la légitime défense doit être écartée. Néanmoins au regard du déroulement antérieur de la soirée et de l'attitude décrite dans la procédure de d. AB. l'excuse de provocation doit être retenue.
L.GU. sera donc déclarée coupable des faits reprochés et condamnée en répression à une amende de 600 euros.
L'audition du voiturier et l'exploitation de la vidéosurveillance explicitent quant à eux les faits reprochés à M. ME. et intervenus après que les protagonistes aient été amenés à quitter la plage et à se rendre devant l'hôtel .M. ME. a ainsi sorti d. AB. de l'hôtel en tenant fermement ses deux bras et en la poussant violemment, obligeant celle-ci à courir à reculons, avant que celle-ci tombe au niveau du trottoir, ne pouvant amortir sa chute du fait de l'entrave persistante sur ses bras.
Si M. ME. fait valoir qu'il n'a pas voulu la faire tomber et avoir alors tenté de la retenir, la chute est néanmoins la résultante de sa poussée violente sur plusieurs mètres et du blocage des bras et la tentative pour la retenir est à tout le moins tardive et constitue ainsi le résultat, tout au plus intentionnel, de son action violente. Quant aux insultes et au crachat qu'ils auraient à nouveau reçus avant cette action ils ne sont nullement démontrés et en tout état de cause ne constituaient pas un danger physique ni pour lui-même ni pour autrui et la réaction était non proportionnée.
Dès lors le fait justificatif de légitime défense doit être écarté. L'excuse de provocation doit cependant être retenue pour les raisons précitées.
M. ME. sera donc déclaré coupable des faits reprochés et condamné en répression à une amende de 400 euros.
Sur l'action civile,
Une expertise médicale et une provision de 5.000 euros sont sollicitées. Aucun élément médical postérieur aux constations médicales initiales, limitées, datant de plus an, n'est cependant versé. Dès lors il n'y pas lieu d'ordonner une expertise médicale.
Au regard des constatations médicales initiales il convient d'indemniser le préjudice subi par la condamnation solidaire de L.GU. et M. ME. à payer à la partie civile la somme de 1.000 euros.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
statuant contradictoirement,
Sur l'action publique,
Requalifie les faits reprochés de violences volontaires (I. T. T. + de 8 jours) en délit de violences volontaires (I. T. T - de 8 jours) ;
Déclare L.GU. et M. ME. coupables des faits ainsi requalifiés ;
En répression, faisant application des articles visés par les préventions,
Condamne :
- L.GU. à la peine de SIX CENTS EUROS D'AMENDE ;
- M. ME. à la peine de QUATRE CENTS EUROS D'AMENDE ;
Sur l'action civile,
Reçoit d. AB. en sa constitution de partie civile ;
La déboute de sa demande d'expertise ;
Condamne L.GU. et M. ME. à lui payer solidairement la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts ;
Condamne, en outre, L.GU. et M. ME. solidairement aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'ordonnance souveraine n° 15173 du 8 janvier 2002 et dit que l'administration en poursuivra le recouvrement comme en matière d'enregistrement, s'agissant d'une condamnation prononcée contre l'adversaire d'un assisté judiciaire.
Composition🔗
Ainsi jugé après débats du vingt mai deux mille quatorze en audience publique tenue devant le Tribunal correctionnel composé par Monsieur Cyril BOUSSERON, Premier Juge, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, le Ministère Public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du trois juin deux mille quatorze, par Monsieur Cyril BOUSSERON, en présence de Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire faisant fonction de Substitut du Procureur Général, Chevalier de l'ordre de Saint-Charles, assistés de Madame Florence TAILLEPIED, Greffier stagiaire.-
3
PRINCIPAUTÉ DE MONACO