Tribunal correctionnel, 18 février 2014, a.P c/ Le Ministère public
Abstract🔗
Infraction à la législation sur les stupéfiants – Cession de produits stupéfiants – Localisation des faits.
Résumé🔗
Les dispositions de l'article 2, alinéa 3, de la loi modifiée n° 890 du 1er juillet 1970 sur les stupéfiants donnent compétence aux juridictions pénales monégasques pour connaître de toute l'activité illicite commise en partie à Monaco, en France, en Italie ou ailleurs, parce qu'elle est légalement réputée avoir été exercée en Principauté. Le prévenu doit être condamné du chef de trafic de stupéfiants pour avoir fourni de la cocaïne qui était revendue sur le territoire de la Principauté. Il a été mis en cause par de nombreuses personnes qui ont participé au trafic et, à son domicile en France, ont été retrouvés de la drogue, des ustensiles servant à son conditionnement et de l'argent.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2012/000936
INF. J. I. CAB1/12/14
JUGEMENT DU 18 FÉVRIER 2014
_____________________
En la cause du nommé :
- a.P, né le 22 novembre 1979 à ZIERIKZEE (Pays-Bas), de F. et de I. KO., de nationalité néerlandaise, demeurant X1 NIEUWKOOP (Pays-Bas) ;
Prévenu de :
- INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS (détention, offre, mise en vente, cession, transport et importation)
- INFRACTIONS À LA LÉGISLATION SUR LES STUPÉFIANTS (détention du produit direct ou indirect d'une des infractions à la législation sur les stupéfiants)
- ABSENT, représenté par Maître Frank MICHEL, avocat défenseur près la Cour d'appel, chez lequel il doit être considéré comme ayant fait élection de domicile par application de l'article 377 du Code de procédure pénale, plaidant par ledit avocat défenseur ;
- opposant à l'encontre d'un jugement rendu par défaut par le Tribunal de céans en date du 23 octobre 2013, signifié à domicile élu en l'étude de Maître Frank MICHEL le 12 novembre 2013 ;
CONTRE :
LE MINISTÈRE PUBLIC ;
LE TRIBUNAL,
jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;
Vu le jugement rendu par défaut à l'égard de a.P par le Tribunal de céans en date du 23 octobre 2013, signifié à domicile élu en l'étude de Maître Frank MICHEL le 12 novembre 2013 ;
Vu l'acte d'opposition de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, dressé le 5 novembre 2013 ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 12 novembre 2013 et tendant à ce qu'il soit statué sur l'opposition formée par a.P ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Ouï Maître Frank MICHEL, avocat défenseur pour a.P, en ses moyens de défense et plaidoiries ;
Après en avoir délibéré, conformément à la loi ;
Par acte d'opposition a.P a déclaré, par l'intermédiaire de son conseil, former opposition à l'encontre du jugement susvisé, lequel l'a condamné à la peine de DEUX ANS D'EMPRISONNEMENT sous la prévention :
« d'avoir, à Monaco, dans le courant de l'année 2012, détenu, offert, mis en vente, cédé, transporté et importé des produits classés comme stupéfiants, en l'espèce de la cocaïne
FAITS PRÉVUS ET RÉPRIMÉS par les articles 1, 2, 2-1, 5, 5-3, 6, 7, 9 de la Loi n° 890 du 1er juillet 1970, par les articles 26 et 27 du Code Pénal, par Arrêté Ministériel n° 91-370 du 2 juillet 1991 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants, par Arrêté Ministériel n° 2001-254 du 26 avril 2001 ;
d'avoir, à Monaco, dans le courant de l'année 2012, détenu le produit direct ou indirect d'une des infractions à la législation sur les stupéfiants prévues aux articles 2 et 2-1 de la Loi n° 890 du 1er juillet 1970
FAITS PRÉVUS ET RÉPRIMÉS par les articles 2, 2-1 et 4-1 de la Loi n° 890 du 1er juillet 1970, par l'article 26 du Code Pénal, par Arrêté Ministériel n° 91-370 du 2 juillet 1991 fixant la liste des substances classées comme stupéfiants, par Arrêté Ministériel n° 2001-254 du 26 avril 2001 » ;
a.P sollicite du Tribunal l'autorisation de se faire représenter par Maître Frank MICHEL avocat défenseur. La présence de ce prévenu n'étant pas indispensable à l'instruction de l'affaire à l'audience, il y a lieu de faire droit à cette demande et de statuer contradictoirement à son égard, en conformité de l'article 377 du Code de procédure pénale.
Le 14 mai 2012, les services de la sûreté publique de Monaco recueillaient le témoignage d'une personne désirant conserver l'anonymat, selon lequel un nommé s.S, serveur dans l'établissement monégasque « Y », vendrait de la cocaïne en Principauté.
Une information judiciaire était ouverte ce même jour du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants (détention, offre, mise en vente, cession, transport et importation de cocaïne).
Des commissions rogatoires internationales étaient successivement délivrées afin d'effectuer et de renouveler l'interception des conversations téléphoniques de s.S puis d'un nommé m.G, qui apparaissait rapidement être un important fournisseur de cocaïne sur la Principauté et ses environs immédiats.
Les premières investigations effectuées (interceptions et surveillances, notamment) tendaient à confirmer, sur les mois de juin à novembre 2012, l'activité d'achat et de revente de cocaïne exercée à Monaco par les nommés s.S et m.G, ainsi que la participation, en qualité de consommateur et/ou de fournisseur, d'un certain nombre d'autres personnes de leur entourage.
Après la délivrance, les 26 novembre et 8 décembre 2012, de deux réquisitoires supplétifs afin d'élargir la saisine à la période postérieure au 14 mai 2012, il était procédé, au mois de décembre 2012, aux premières interpellations, et notamment à celles de m.G, s.S, m.S, e.I, a.R et p.Y, qui étaient tous inculpés les 8 et 9 décembre du chef du chef d'infractions à la législation sur les stupéfiants.
Un troisième réquisitoire supplétif était délivré, le 15 janvier 2013, du chef de détention de produit direct ou indirect d'infractions à la législation sur les stupéfiants.
Les investigations se poursuivaient sur commission rogatoire et de très nombreuses autres personnes étaient entendues et/ou interpellées au cours du premier semestre de l'année 2013, et parmi elles les nommés k.A (interpellé le 9 janvier et inculpé le 10), d.B (interpellé le 14 janvier et inculpé le 16), p.P (interpellé le 22 janvier et inculpé le 25 janvier), o.C (interpellé le 3 avril et inculpé le 4 avril), g.B (interpellé le 8 avril et inculpé le 11 avril) et s.D (interpellée le 15 avril et inculpée le 17 avril).
Chacun des douze inculpés, à l'exception d'o.C, défaillant, était précisément interrogé, tant sur sa propre activité que sur celle de certains autres dont il pouvait avoir connaissance, et plusieurs confrontations étaient organisées afin d'éclaircir le rôle de ceux contestant, totalement p.P) ou dans des proportions importantes d.B), les faits dénoncés à leur encontre.
Le nommé a.P, qui avait quitté la Principauté, ne pouvait y être appréhendé pendant l'information et un mandat d'arrêt aux fins d'inculpation était donc délivré à son encontre le 24 juin 2013.
Par ordonnance du 18 septembre 2013 les prévenus étaient renvoyés devant ce Tribunal.
Par jugement du 23 octobre 2013 le Tribunal déclarait les prévenus coupables des faits reprochés et les condamnait par jugement contradictoire, non frappé de recours, et par défaut pour a.P, ainsi :
- p.Y, incarcéré provisoirement du 8 décembre 2012 au 11 février 2013, à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS et NEUF MILLE EUROS D'AMENDE outre l'interdiction de séjour sur le territoire monégasque pendant 5 ans,
- a.R, détenue provisoirement du 8 décembre 2012 au 31 janvier 2013 à la peine de DEUX ANS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS outre l'interdiction d'être appelée ou nommée aux fonctions publiques ou aux emplois d'administration ou d'exercer ces fonctions ou emplois pendant 5 ans,
- e.I, détenu provisoirement du 8 décembre 2012 au 8 février 2013, à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS outre l'interdiction de séjour sur le territoire monégasque pendant 5 ans,
- m.G, toujours détenu provisoirement, à la peine de TROIS ANS D'EMPRISONNEMENT et lui a fait interdiction de séjour sur le territoire monégasque pendant 10 ans,
- m.S, détenu provisoirement du 9 décembre 2012 au 14 février 2013, à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS outre l'interdiction de séjour sur le territoire monégasque pendant 5 ans,
- s.S, détenu provisoirement du 9 décembre 2012 au 19 mars 2013, à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS outre l'interdiction d'être appelé ou nommé aux fonctions publiques ou aux emplois d'administration ou d'exercer ces fonctions ou emplois pendant 5 ans,
- k.A à la peine de SIX MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS,
- d.B, détenu provisoirement du 16 janvier au 15 mai 2013, à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS outre l'interdiction d'être appelé ou nommé aux fonctions publiques ou aux emplois d'administration ou d'exercer ces fonctions ou emplois pendant 5 ans,
- p.P, toujours détenu provisoirement, à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT outre l'interdiction d'être appelé ou nommé aux fonctions publiques ou aux emplois d'administration ou d'exercer ces fonctions ou emplois pendant 5 ans,
- o.C à la peine de DIX-HUIT MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS outre l'interdiction de séjour sur le territoire monégasque pendant 5 ans,
- g.B à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS outre l'interdiction de séjour sur le territoire monégasque pendant 5 ans,
- s.D à la peine de UN AN D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS outre l'interdiction d'être appelée ou nommée aux fonctions publiques ou aux emplois d'administration ou d'exercer ces fonctions ou emplois pendant 5 ans,
- a.P à la peine DEUX ANS D'EMPRISONNEMENT et a décerné mandat d'arrêt à son encontre.
Le Tribunal a également ordonné la confiscation des fiches n° 15, 21, 25, 26 à 31, 33 à 35, 3SD, 4SD, 6SD à 12 SD constituant le scellé n° 2013/130 placé au Greffe Général et des fiches n° 39, 44 à 46, UN PP à HUIT PP, OC UN à OC TROIS, OC CINQ et OC SIX constituant le scellé n° 2013/165 placé au Greffe Général (procédure n° 12/0886, division de police judiciaire).
SUR CE,
Liminairement il convient de rappeler que les dispositions de l'article 2, alinéa 3, de la Loi modifiée n° 890 du 1er juillet 1970 sur les stupéfiants, lesquelles font écho à l'article 21 du Code de procédure pénale selon lequel est réputé avoir été commis sur le territoire de la Principauté tout crime ou délit dont un acte caractérisant un des éléments constitutifs de l'infraction y aura été accompli, donnent compétence aux juridictions pénales monégasques pour connaître de toute l'activité illicite des prévenus, commise en partie à Monaco, en France, en Italie ou ailleurs, parce qu'elle est légalement réputée avoir été exercée en Principauté.
Il convient également de rappeler, sauf concernant p.P et les personnes se fournissant auprès de lui s'agissant d'un réseau distinct interconnecté uniquement par quelques consommateurs communs, et afin d'éclairer le rôle du prévenu et l'importance du réseau développé en Principauté que le Tribunal correctionnel a retenu contre les condamnés du même dossier, par jugement non frappé de recours par eux, les éléments suivants :
« Mis en cause en qualité de revendeur par de nombreuses personnes entendues au cours de l'enquête, g.B a effectivement reconnu au cours de ses nombreuses auditions en garde à vue (D965, D966, D967, D974, D975, D985, D986 et D987) et de son interrogatoire (D1113) avoir détenu, offert, mise en vente, cédé, transporté et importé de la cocaïne au cours de l'année 2012, selon les modalités résumées lors de sa dernière audition en garde à vue, qu'il a intégralement confirmées en interrogatoire.
Il a ainsi admis l'acquisition d'une soixantaine de grammes et la cession de 20 à 25 grammes de cocaïne alors qu'il exerçait des fonctions de responsable dans l'établissement « Y » pour sa consommation et celles de collègues de l'établissement, outre un client, confirmant leurs propres déclarations.
Il a également donné de nombreuses précisions sur l'activité illicite de m.G, son fournisseur, et s.D (D 986 feuillets 3 à 6 et D 1113), a.P, o.C , a.R et e.I (D 986 feuillets 6 à 9). … »
m.S, dit « mi », au cours de ses auditions en garde à vue (D 330 à D 333) et lors de son interrogatoire (D 602) a reconnu les faits reprochés.
Il a en effet reconnu, alors qu'il n'était pas un véritable consommateur de cocaïne, avoir revendu de la cocaïne face aux difficultés financières qu'il connaissait, au cours de l'année 2012, tant sur son lieu de travail (au bar du Y) qu'à l'extérieur (D 331 feuillets 2 à 5 et D 332 feuillets 3 à 5), pour une vingtaine de grammes à cinq clients réguliers (dont s.S et le trio IS. - FR. - AN., salariés de l'association de droit monégasque Y), plus d'autres de passage.
Il se fournissait essentiellement auprès d'un individu non identifié, client du Y. (pour 20 grammes au mois de juillet), mais aussi ponctuellement auprès de m.G, a.P et s.S …
Les explications successivement données par s.S au cours de ses très nombreuses et minutieuses auditions en garde à vue (D 306 à D 312) et lors de son interrogatoire (D 832), auxquelles on peut ajouter les retranscriptions de l'interception de ses très nombreuses communications téléphoniques démontrent également sa culpabilité.
Il est ainsi avéré qu'il était un important consommateur de cocaïne, qu'il se fournissait, tant durant la période où il a travaillé au Y. qu'après, auprès de nombreuses personnes à des fréquences et pour des quantités diverses qu'il est bien difficile de synthétiser (en particulier g.B, m.G, a.P, d.B, l. GA. SA., m.S, m. NA., k.A et e.I) et qu'il a fait l'intermédiaire dans la vente, ou revendu lui-même, de la cocaïne à une dizaine de personnes, et notamment à a. FA., e.I, t. FR., k.A, m.S, s. FA., j.B, k.B ou encore e.R, pour des quantités d'un à quelques grammes à chaque transaction. …
e.I, tant en garde à vue (D 171 à D 173) que lors de son interrogatoire (D 603) a reconnu les faits reprochés.
Il a ainsi expliqué consommer de la cocaïne depuis le mois d'octobre 2011 à raison d'un à deux grammes deux à trois fois par semaine (en faisant profiter des amis notamment de l'association de droit monégasque Y de Monaco où il travaillait), même s'il pouvait lui arriver de s'abstenir pendant trois ou quatre semaines.
Après quelques achats à k.A, collègue de travail, il se fournissait exclusivement (sauf exceptions, comme auprès de m.S, de d.B en compagnie de s.S, et même auprès de ce dernier notamment lors des absences de ses fournisseurs principaux) auprès de m.G ou a.P, avec qui il avait sympathisé, dans des quantités qui ont varié au cours de ses explications.
S'il a convenu avoir « dépanné » gracieusement, il a toujours contesté vendre de la cocaïne.
Il a toutefois admis avoir participé à des achats groupés avec ses collègues de l'association de droit monégasque Y, ainsi qu'ils l'ont d'ailleurs expliqué ; c'est alors souvent lui (cf. notamment les explications de g.B et k.A) qui procédait à la transaction avec m.G (récupérant la somme commune, voire l'avançant, et achetant la cocaïne dont il remettait une partie à ses collègues), notamment du fait de ses liens avec lui, et dont il a du reste donné de nombreux détails sur l'activité de revente.
D'autres achats groupés étaient effectués auprès de m.S (D 602).
Il a par ailleurs été mis en cause pour des cessions par s.S (en qualité d'intermédiaire d'a.P : D 308 et D 832), t. FR., s. OS., k.B HE. et k.A (en qualité d'intermédiaire de m.G : D 435 ; D 446 et D 447 ; D 534 ; D 884).
Enfin il était en possession des clés du domicile d'a.P lors de son interpellation, démontrant à nouveau sa proximité avec lui malgré sa connaissance de son activité, et il a procédé à de très fréquentes demandes de cocaïne par SMS envoyés à s.S, pour des quantités parfois conséquentes même si une minorité d'entre elles ont semble-t-il été satisfaites. …
k.A, en garde à vue (D 457 à D 460) et lors de son interrogatoire (D 884), a reconnu les faits reprochés.
Il a ainsi reconnu s'être fourni en cocaïne auprès d'un surnommé re (non identifié) à la fin de l'année 2011 (trois fois 6 grammes), puis de m.G et a.P, dans des quantités qui ont varié notablement entre sa garde à vue et son interrogatoire. Contredisant e.I et t. FR., ses collègues de l'association de droit monégasque Y de Monaco, il déclarait en interrogatoire ne pas se souvenir d'achats groupés auprès de m.G, puis reconnaissait y avoir participé à deux reprises, précisant que c'était e.I et non lui qui allait récupérer les 5 ou 6 grammes auprès de ce dernier.
Il a surtout reconnu avoir revendu de la cocaïne entre fin 2011 et, surtout, début 2012 à s.S (entre 2 et 3 grammes à 2 ou 3 reprises, SI évoquant 4 ou 5 achats), t.F (2 grammes), e.I (2 grammes) et s. OS.
Concernant les deux premiers, il avait même expliqué lors de sa garde à vue avoir fourni e.I et t.F à une dizaine de reprises au moins de la cocaïne venant de ses achats de 6 grammes auprès de re.
S'agissant du dernier, dont les déclarations étaient précises (D 446 et D 447), il avait admis en garde à vue avoir été son principal fournisseur, précisant lui avoir vendu de la cocaïne, entre avril et mai 2012, entre 5 et 10 fois dans les vestiaires de l'association de droit monégasque Y, de la cocaïne achetée auprès d'a.P ou d'e.I (D 459). En interrogatoire, il convenait avoir fait l'intermédiaire, pour lui rendre service, à cinq ou peut-être six reprises entre avril et mai, précisant qu'il réglait toujours ses achats directement auprès de GE. ou de PH., qu'il connaissait. …
Les propres déclarations de s.D, tant en garde à vue (D 999, D 1000, 1006 et D 1009) que lors de son interrogatoire (D 1114) et de la confrontation avec p.P (D 1331) caractérisent les infractions pour lesquelles elle est poursuivie.
Formellement mise en cause par g.B (D 1113), elle a en effet reconnu :
- avoir acheté de la cocaïne à p.P à son domicile entre février 2012 et mai 2012 pour une quantité totale estimée entre 20 et 40 grammes (plusieurs fois un gramme puis cinq ou six fois 5 grammes), qu'elle revendait en partie après avoir confectionné les doses,
- avoir également acheté de la cocaïne à m.G (une quinzaine de transactions entre les mois de juin et août 2012 à raison d'un ou deux grammes à chaque achat, soit à son domicile soit au X où elle travaillait jusqu'à la fin de l'été 2012) et l'avoir aidé ponctuellement dans son activité en confectionnant une vingtaine de doses (à une seule reprise), en orientant plusieurs clients vers lui au sein du X et en vendant de la cocaïne pour son compte à cinq reprises. …
p.Y tant en garde à vue (D 232 à D 234), après un temps avoir nié les faits reprochés et menti sur sa situation professionnelle alors qu'il avait été licencié de son activité de cadre de banque en raison des conséquences sur son activité de sa consommation de produits stupéfiants, que lors de son interrogatoire (D 523) a reconnu les faits reprochés.
Il a estimé ses achats de cocaïne à m.G, pour sa consommation personnelle, depuis mars 2012, tantôt à 2 ou 3 grammes à chaque achat, tantôt à 4 ou 5 grammes par mois, sans compter les achats exceptionnels comme lors du Grand-Prix et au mois de juillet pour 10 grammes à chaque fois (dont il a offert une partie à des amis). Il a in fine estimé le montant total de ses achats à la somme de 10.000 euros depuis le mois de mars 2012, à raison de 100 euros le gramme jusqu'au mois d'octobre puis 150 euros pour un gramme d'une qualité supérieure. Les transactions avaient lieu soit à Beausoleil, soit à Roquebrune, soit à Monaco.
Bien que t.F ait déclaré qu'il se fournissait également auprès d'a.P, chez lequel il l'aurait vu 5 ou 6 fois et à qui il aurait acheté à chaque fois entre 5 et 10 grammes (D 434), il l'a contesté, expliquant s'être effectivement rendu dans l'appartement de Roquebrune de PH. pour acheter de la cocaïne à m.G, peut-être à trois ou quatre reprises, en moyenne pour 2 ou 3 grammes, parfois 5 ou 6.
Il a surtout convenu avoir accepté de vendre de la cocaïne pour le compte de m.G dans le courant du mois d'octobre : il lui a pris 20 grammes et devait en revendre 16 contre 1.600 euros. Au cours de sa garde à vue, il avait expliqué avoir consommé 15 grammes et en avoir revendu 5 en coupant la cocaïne. Il a finalement expliqué en interrogatoire avoir consommé toute la cocaïne (en trois à quatre semaines, en la partageant avec des amis), avoir confectionné 20 bonbonnes avec un mélange de vitamine B, de ProPlus et de créatine et en avoir vendu 12 au cours de sept à dix transactions à raison d'un gramme à 100 euros de son produit à chaque fois, à quatre ou cinq clients différents. Il a récolté 1.400 euros et en devait encore 1.000 à m.G …
Seul inculpé à n'avoir pas déféré à la convocation pour être interrogé, o.C avait toutefois reconnu les faits reprochés lors de ses auditions successives en garde à vue (D 667, D 668, D 673, D 937 et D 951), qu'il a confirmées d'une manière générale en première comparution (D 957) et à l'audience.
Il a ainsi reconnu :
- avoir acheté de la cocaïne à m.G, pour son importante consommation personnelle, pour une quantité totale de 100 grammes depuis l'été 2011 (D 937),
- avoir récupéré auprès d'a.R, à son domicile, trois paquets de cigarettes contenant chacun 10 enveloppes d'un gramme de cocaïne en l'absence de m.G au mois de novembre 2012, afin de les revendre pour son compte, et lui avoir restitué la somme de 1.700 euros sur les 3.000 convenus,
- avoir reçu en deux ou trois semaines une centaine de textos ou d'appels, estimant sur cette base les reventes de m.G à 60 grammes tous les 15 jours,
- avoir effectivement revendu 19 de ces 30 grammes (consommant le reste) à plusieurs clients différents dont il a cité les prénoms ou surnoms (D 668 feuillets 2 à 3 et D 937), dont un certain iv., du propre aveu de m.G l'un de ses meilleurs clients (5 grammes une fois par semaine pendant 4 à 5 mois).
Il faut préciser que g. GR. a déclaré lui avoir acheté à elle seule 9 grammes de cocaïne en l'absence de m.G (D 730).
Par ailleurs, après avoir fait travailler m.G pendant quelques mois en 2011 dans son restaurant « Z » à Beausoleil, il est devenu ami avec lui, malgré la connaissance de sa seule activité de trafic de stupéfiants, au point qu'il déjeunait pratiquement tous les jours dans ce restaurant et y amenait des contacts. Il a ainsi gardé le véhicule de m.G, dans lequel se trouvait un coffre-fort, à son domicile de Sainte-Agnès.
Enfin il a été retrouvé à son domicile un nécessaire pour consommer de la cocaïne et de l'argent en espèces dont il ne justifie pas l'origine. …
Au domicile de Beausoleil appartenant à a.R, chez laquelle m.G vivait alors, ont été retrouvés lors de la perquisition 67 pochons artisanaux pour un poids total de 71,5 g, 3.450 euros en billets, ainsi que 500 g d'un produit de coupe, une balance, un égreneur et un important matériel de conditionnement.
Au cours de ses auditions en garde à vue (D 195 à D 199) et lors de son interrogatoire (D 521) elle a reconnu l'intégralité des faits qui lui sont reprochés.
Elle a ainsi précisé, confirmant ainsi les surveillances mises en place, qu'elle avait en parfaite connaissance de cause de l'activité de trafic de cocaïne de m.G depuis le printemps 2012, détenu de la cocaïne et le matériel pour procéder au conditionnement à son domicile, où elle hébergeait son ami m.G et l'avait progressivement activement aidé dans son activité illicite : en l'accompagnant s'approvisionner, en lui prêtant son propre véhicule immatriculé à Monaco et au nom de sa mère (voire en le conduisant elle-même) pour certaines transactions, en conservant pour son compte de l'argent issu de la revente - soit dans son sac, soit à son domicile (cf. notamment les déclarations de p.Y qui a décrit le rôle qu'elle avait joué lors de plusieurs de ses achats) - et même en vendant elle-même de la cocaïne lors de son absence de trois semaines du mois de novembre 2012, en particulier une trentaine de grammes à o.C et quelques grammes à t.F et e.I …
m.G a été interpellé le 6 décembre 2012 en possession de 7,20 g. de cocaïne conditionnés en 10 petits emballages cartonnés et de 330 euros. Au domicile de Beausoleil appartenant à a RE, chez laquelle il vivait alors, ont été retrouvés 67 pochons artisanaux pour un poids total de 71,5 g., 3.450 euros en billets, ainsi que 500 g. d'un produit de coupe, une balance, un égreneur et un important matériel de conditionnement.
Entendu en garde à vue (D 273 à 278) et lors de nombreux interrogatoires (D 685, 835, 883 et 1112) il a reconnu consommer environ cinq grammes de cocaïne par semaine et en avoir acheté environ 50 grammes par mois depuis le début de l'année 2012, 20 grammes pour sa consommation et 30 grammes qu'il revendait, à Monaco (notamment dans des établissements de nuit) et dans ses environs, à raison de 50 sachets de 0,7 à 0,8 gramme chacun.
Stockant et confectionnant sa marchandise tout d'abord au domicile partagé avec a.P à Roquebrune-Cap-Martin puis à compter du milieu de l'année 2012 à Beausoleil au domicile partagé avec a.R il exerçait cette activité exclusive en vendant soit à domicile, à Roquebrune-Cap-Martin, soit en bas de son domicile, à Beausoleil, mais surtout dans les établissements de nuit dans lesquels il se rendait successivement plusieurs nuits par semaine (X, Y, L, I, R…) et dans lesquels il avait ses habitudes, où dans différents endroits où il se rendait à la demande.
Il a précisé qu'il vendait 20 sachets par semaine sur les deux derniers mois précédant son séjour en Hollande du mois de novembre 2012.
Il a même convenu qu'il pouvait vendre 10 à 20 sachets dans une seule soirée, en particulier le vendredi ou le dimanche.
Il a enfin estimé à quatre-vingts le nombre de ses clients sur les dix mois précédant son interpellation même s'il a relativisé ce nombre à l'audience.
L'ampleur du trafic qu'il a mis en place en Principauté et ses environs fin 2011 début 2012 doit cependant s'appréhender en prenant en considération les nombreuses déclarations de ses clients et connaissances, consécutives à l'exploitation des écoutes téléphoniques et aux surveillances, dont l'examen permet de souligner qu'il a minimisé les quantités de cocaïne achetées et revendues.
On peut tout d'abord se référer aux explications circonstanciées données par a.R (D 521), sa concubine, et e.I (D 603), son ami, tous deux bien peu suspects de vouloir le mettre en cause à tort, sur l'intensité et le volume de son activité illicite.
On peut également citer, sans exhaustivité, les déclarations de s.S (D 832), g.B (D 986 et D 1113), p.Y (D 523), s.D (D 1006 et D 1009), o.C (D 667 et D 673), t.F (D 425), k.A (D 459), s. OS. (D 446 et D 447), k.B (D 534), o.C (D 594), g. GR. (D 730), e. BO. (D 747), j.B (D 756), t. DU. (D 701) ou encore a. RO. (D 872), en soulignant qu'une partie seulement des quatre-vingts clients que m.G a revendiqués a pu être identifiée et entendue.
Il avait en outre utilisé des revendeurs lors de son absence du mois de novembre o.C D 668, p.Y D 523, a.R) et s.D (D 1114), temporairement, et essayé d'en recruter d'autres : j.B (D 758) et m.S (D 332), bien qu'il le dénie.
De très nombreuses personnes du milieu cocaïnomane, entendues tout au long de l'enquête, ont par ailleurs souligné de manière concordante que m.G était le revendeur de cocaïne le plus important de la Principauté.
On peut enfin ajouter les retranscriptions de l'interception téléphonique dont il a été l'objet en fin d'année 2012, en notant en particulier qu'il a évoqué lors de l'une de ses conversations du mois d'octobre dégager « quelque chose comme 10 000 par mois » de son activité illicite (D 1199). ….
Jamais interrogé en raison de son absence de la Principauté, puis de son absence de retour à son domicile français, manifestement informé des interpellations et détentions en cours, puis de son absence à l'audience de ce jour malgré son opposition, le rôle et les faits reprochés à a.P sont cependant démontrés par de nombreux éléments de la procédure.
Ainsi, colocataire de m.G à Roquebrune-Cap-Martin à partir de 2011 jusqu'à son départ à la mi 2012, il a été mis en cause comme revendeur de cocaïne, d'abord aux côtés de m.G puis pour son propre compte, par de très nombreuses personnes entendues, et en particulier par plusieurs inculpés m.G, g.B, k.A, a.R, e.I, m.S, s.S et o.C).
m.G a ainsi précisément confirmé à l'audience précédente qu'a.P avait, lors de leur cohabitation, assisté son activité telle que décrite plus avant, puis, à son insu et pour son propre compte, vendu une partie de son produit, pour, après la fin de leur cohabitation, développer un trafic propre s'approvisionnant auprès de son fournisseur néerlandais, le dénommé gr (à rapprocher : D 275 transmission de comptabilité entre GE. et PH. - D 835 p. 4 et 5 mentionnant notamment qu'une quinzaine de clients étaient partis s'approvisionner désormais auprès d'a.P).
g.B (D975) a également confirmé les modalités de livraison de la cocaïne, d'au moins 50 grammes par quinzaines puis hebdomadaires, provenant des Pays-Bas et le partenariat GE. PH. sur la période du premier semestre 2012 lorsqu'ils résidaient ensemble précisant même « en l'absence de mi. c'est a. P. qui allait chercher la cocaïne », la vente et le conditionnement à ce domicile et l'avance financière faite par a.P à m.G pour faire le premier achat afin de débuter ce trafic (cf. notamment le feuillet 6 de la côte D975 exposant précisément l'organisation de l'association entre eux).
e.I, ami d'a.P (celui-ci lui avait confié les clés de son domicile) a confirmé cette organisation, puis l'évolution du trafic avec l'autonomie d'a.P et a précisé la clientèle propre de ce dernier (D173 feuillet 5, D171 feuillet 4 pour ses propres achats pour 20 grammes auprès d'a.P, D 172).
Il en est de même de s.S (D832 p. 3), en ce corroboré par le procès-verbal de renseignements exploitant les interceptions téléphoniques faisant état des livraisons de s.S et de ses achats auprès d'a.P (D142), d'a.R, compagne de m.G (D195, D196, D199), de k.A (parlant de « fournisseur conjoint » D457 feuillets 3 et 6, D458 feuillets 2, 4 et 5) d'o.C (D947 feuillet 4) et de m.S (D 332 feuillet 4).
Nombre d'individus auditionnés en cours de l'enquête, notamment t.F (D 425 et D 434), s. OS. (D 446), k.B HE. (D 534 et D 535), l. MA. (D 650), t. DU. (D 700 et D 701), g. GR. (D 730 et D732), e. BO. (D 747) ou encore j.B (D 756) confirment également ces points.
D'autre part il a été retrouvé à son domicile, que n'occupait plus m.G depuis plusieurs mois, une balance de précision et dans un coffre, sept boudins d'un poids de 81,71 g. contenant de la cocaïne, 6 conditionnements d'un poids de 4,90 g. contenant de la cocaïne et la somme de 800 euros en numéraires (la somme de 1.300 euros est mentionnée mais le calcul des espèces décrites amène à la somme de 800 €) (D 1237 - D357). Il résulte même de l'audition de t.F (D 425 feuillet 4) que le 6 janvier 2013, après les premières vagues d'interpellation et alors qu'a.P était absent depuis fin novembre 2012, a.P a envoyé un SMS à ce dernier afin de tenter de récupérer ce coffre-fort.
Il sera donc déclaré coupable des faits reprochés et condamné en répression, au regard de l'importance du trafic mis en place nécessitant notamment une importante importation de cocaïne, à une peine de 2 ans d'emprisonnement. L'importance de la peine prononcée et la situation de fuite d'a.P justifient que soit décerné à son égard un mandat d'arrêt.
Les produits stupéfiants, le matériel utilisé et l'argent saisi, qui provient de cette activité illicite, seront confisqués conformément à l'article 6 de la Loi du 1er juillet 1970 soit les fiches n° 31, 33 à 35 et 17 SD du scellé n° 2013/130.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL,
statuant contradictoirement conformément aux dispositions de l'article 377 du Code de procédure pénale,
Déclare l'opposition de a.P recevable.
Met à néant les dispositions du jugement du 23 octobre 2013.
Et statuant à nouveau,
Déclare a.P coupable des délits qui lui sont reprochés.
En répression, faisant application des articles visés par la prévention, ainsi que de l'article 395 du Code de procédure pénale,
Le condamne à la peine de DEUX ANS D'EMPRISONNEMENT.
Décerne MANDAT D'ARRÊT à son encontre.
Ordonne la confiscation des fiches n° 31, 33 à 35 et 17 SD constituant le scellé n° 2013/130 placé au Greffe Général (procédure n° 12/0886, division de police judiciaire).
Condamne, en outre, a.P aux frais.
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le dix-huit février deux mille quatorze, par Monsieur Cyril BOUSSERON, Premier Juge, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge, Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge, en présence de Monsieur m BONNET, Premier Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Sandra PISTONO, Greffier.