Tribunal correctionnel, 14 janvier 2014, Ministère public c/ C. SA.
Abstract🔗
Procédure pénale – Émission de chèque sans provision - Éléments du délit de chèque sans provision caractérisés.
Garantie (non).
Résumé🔗
Le tribunal rappelle l'autonomie du droit pénal du chèque et que l'existence d'irrégularités et même de cause de nullité du chèque est indifférente à l'existence de l'infraction dès lors que le titre émis peut être qualifié de chèque, c'est à dire qu'il s'agit d'un titre par lequel le tireur donne au tiré l'ordre de payer à vue une somme déterminée au bénéficiaire. Ainsi, le fait d'émettre un chèque sans provision constitue un délit prévu et réprimé par les articles 331-1° et 330 du Code pénal. L'article 334 du Code pénal prévoit également à l'occasion des poursuites pénales exercées contre le tireur, le bénéficiaire peut se constituer partie civile est recevable pour demander une somme égale au montant du chèque, sans préjudice le cas échéant, de tous dommages et intérêts.
En l'espèce, C. SA. a émis un chèque daté du 29 mars 2012 qui a été rejeté pour insuffisance de provision le 10 avril 2013 et fait valoir que celui-ci n'aurait dû servir que comme garantie et récapitulatif d'une somme due au titre d'une dette de jeu. La question de la garantie est considérée comme irrecevable puisque le chèque constitue un moyen de paiement et un ordre de payer à vue. Dès lors, l'absence de provision du chèque lors de son émission permet de caractériser l'infraction. Ainsi, sur le volet pénal, le Tribunal condamne C. SA. à une peine de 1.000 euros d'amende. De plus la Société Financière et d'Encaissement s'étant constituée partie civile, C. SA. est également condamné à payer la somme due de 1.345.000 €.
Motifs🔗
TRIBUNAL CORRECTIONNEL
2013/001557
JUGEMENT DU 14 JANVIER 2014
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En la cause du MINISTÈRE PUBLIC,
Contre le nommé :
- C. SA., né le 8 janvier 1932 à TEHERAN (IRAN), de Fakhredin et de Faridi MO., apatride, sans profession, demeurant X à MONACO ;
Prévenu de :
INFRACTION À LA LÉGISLATION SUR LES CHÈQUES (émission de chèque sans provision) ;
- DÉFAILLANT ;
En présence de :
- La société anonyme monégasque A en abrégée A, dont le siège social est immeuble X à MONACO, prise en la personne de son administrateur délégué en exercice, Monsieur J-L. MA., domicilié ès-qualités audit siège, constituée partie civile, absente, représentée par Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat défenseur ;
LE TRIBUNAL,
Jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;
Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2013/001557 ;
Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 30 octobre 2013 ;
Nul pour le prévenu, défaillant ;
Ouï Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur pour la partie civile, en ses demandes fins et conclusions en date de ce jour ;
Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;
Après en avoir délibéré conformément à la loi ;
C. SA. est poursuivi correctionnellement sous la prévention :
D'avoir à MONACO, le 29 mars 2012, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,
- émis de mauvaise foi, sans provision préalable suffisante et disponible ou avec une provision inférieure au montant du chèque, un chèque bancaire n° 7027986, d'un montant de 1 430 000 €, tiré sur le compte n° 23217100190 détenu à la banque B, au préjudice de la société anonyme monégasque Société Financière et d'Encaissement (S. F. E.),
DÉLIT prévu et réprimé par les articles 331-1° et 330 du Code pénal.
À l'audience la S. A. M. A s'est constitué partie civile et a fait déposer par son conseil des conclusions tendant à obtenir la condamnation du prévenu à lui payer les sommes de 1.430.000 euros au titre du montant du chèque rejeté pour défaut de provision et celle de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.
Sur l'action publique,
C. SA. ne comparaît pas, bien que régulièrement cité, il convient donc de statuer par défaut à son encontre.
Le chèque litigieux daté du 29 mars 2012 a été rejeté pour insuffisance de provision le 10 avril 2013.
Dans son audition devant les services de police C. SA. reconnaît avoir rédigé ce chèque et avoir porté une date plus tardive soit le 29 mars 2012. Il reconnaît également qu'à la date de son émission « il n'avait pas cet argent sur son compte ». Il fait par contre valoir tant des motifs d'irrégularité du chèque (date, délai d'encaissement..) que le fait que celui-ci aurait été un chèque de garantie pour obtenir un récapitulatif de la somme exacte qu'il devait au titre de crédits de jeux.
Il est nécessaire de rappeler que le droit pénal du chèque est autonome et que l'existence d'irrégularités et même de cause de nullité du chèque est indifférente à l'existence de l'infraction dès lors que le titre émis peut être qualifié de chèque, c'est à dire qu'il s'agit d'un titre par lequel le tireur donne au tiré l'ordre de payer à vue une somme déterminée au bénéficiaire.
En l'espèce il s'agit incontestablement d'un chèque puisque le titre est un chèque de la L. TSB.
D'autre part, le débat sur le caractère de « garantie » du titre est sans portée dès lors que le chèque est un moyen de paiement et un ordre de payer à vue.
Enfin les remarques relatives à l'encaissement et au paiement du chèque sont également indifférentes dès lors que l'infraction est constituée par la simple émission du chèque, soit selon la jurisprudence la remise du chèque signé au bénéficiaire, alors que la provision (provision qui doit donc être préalable) sur le compte concerné n'est pas suffisante.
En l'espèce ces éléments constitutifs sont indubitablement rapportés.
Dès lors C. SA. sera déclaré coupable de l'infraction reprochée.
Au regard du contexte particulier de celle-ci, soit la relation contractuelle ancienne relativement à des crédits de jeux dont l'exigibilité réelle était variable et la discussion relative à la constitution de sûreté, et à l'absence d'antécédents, il sera condamné en répression à la peine de 1.000 euros d'amende.
Sur l'action civile,
Aux termes de l'article 334 du Code pénal à l'occasion des poursuites pénales exercées contre le tireur, le bénéficiaire qui s'est constitué partie civile est recevable à demander devant les juges de l'action publique une somme égale au montant du chèque, sans préjudice le cas échéant, de tous dommages et intérêts.
Le chèque est d'un montant de 1.430.000 €. Néanmoins le directeur administratif de la SBM a indiqué dans son audition qu'il convient de déduire la somme de 85.000 € en dépôt et que la somme exacte due est celle de 1.345.000 euros. Il n'est démontré par ailleurs aucun autre préjudice. Dès lors C. SA. sera condamné à payer à la S. F. E la somme de 1.345.000 euros.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
LE TRIBUNAL, statuant par défaut
Sur l'action publique,
Déclare C. SA. coupable des faits qui lui sont reprochés.
En répression, faisant application des articles visé dans la prévention,
Le condamne à la peine de MILLE EUROS D'AMENDE.
Sur l'action civile,
Reçoit La société anonyme monégasque A en abrégée A, en sa constitution de partie civile.
La déclarant partiellement fondée en ses demandes, condamne C. SA. à lui payer la somme de 1.345.000 euros.
Rejette le surplus de ses demandes.
Condamne en outre, C. SA. aux frais qui comprendront les droits prévus par l'article 63 de l'ordonnance souveraine n° 15.173 du 8 janvier 2002, avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat défenseur, dont la présence est reconnue effective et nécessaire aux débats.
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le quatorze janvier deux mille quatorze, par Monsieur Cyril BOUSSERON, Premier Juge, Monsieur Florestan BELLINZONA, Premier Juge, Mademoiselle Cyrielle COLLE, Juge, en présence de Madame Aline BROUSSE, Magistrat référendaire faisant fonction de Substitut du Procureur Général, Chevalier de l'ordre de Saint-Charles, assistés de Madame Christell BIANCHERI, Greffier.