Tribunal correctionnel, 7 janvier 2014, Ministère public c/ J. MU.

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Abstract🔗

Procédure pénale - Nullité - Nullité du PV d'audition – Preuve (non) - Relaxe.

Résumé🔗

Le prévenu est poursuivi du chef de violences volontaires sur agent de la force publique. Il se trouvait dans un stade et a été interpellé. Il a été menotté et emmené à la direction de la sûreté publique. Il a été fait usage de la contrainte pour lui faire quitter le stade. Dès lors, les mentions du procès-verbal selon lesquelles il se présente librement suite à une convocation sont fausses et il était, au contraire, de facto en garde à vue. La procédure des articles 60-1 et suivants du Code de procédure pénale aurait donc dû être appliquée, ce qui n'a pas été le cas. Le procès-verbal d'audition doit donc être annulé. Aucun acte d'enquête n'a été réalisé et l'audition est le seul acte du dossier. Retenir la culpabilité du prévenu dans ces circonstances constituerait un manquement manifeste aux principes fondamentaux de l'égalité des armes et de la contradiction garantissant un procès équitable. Le prévenu est donc relaxé.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2013/002097

JUGEMENT DU 7 JANVIER 2014

___________________

  • En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

  • - J. MU., né le 22 novembre 1993 à BASTIA (2B), de A. et de C. GR., de nationalité française, étudiant, demeurant Résidence X à BASTIA (20200) ;

Prévenu de :

VIOLENCES VOLONTAIRES SUR AGENT DE LA FORCE PUBLIQUE

  • - DÉFAILLANT;

En présence de :

  • - Monsieur J-M FA., agent de la Force Publique, domicilié sur son lieu de travail X à MONACO, constitué partie civile, assisté de Maître Hervé CAMPANA, avocat près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat ;

  • - L'État de Monaco, représenté au sens de l'article 153 du Code de procédure civile par Monsieur le Ministre d'État, pris tant en son service de la Direction de la Sûreté Publique, qu'en son Service des Prestations Médicales de l'État (S. P. M. E.), en leur qualité respective d'employeur et d'assureur-loi de J-M. FA., partie civile et intervenante volontaire, REPRÉSENTÉ par Maître Hervé CAMPANA, avocat près la Cour d'appel, plaidant par ledit avocat ;

LE TRIBUNAL,

jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2013/002097 ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 16 octobre 2013 ;

Ouï Maître Christophe BALLERIO, avocat, commis d'office, qui déclare être sans pièce ni moyen ;

Nul pour le prévenu, défaillant ;

Ouï J-M. FA., partie civile, en ses déclarations ;

Ouï Maître Hervé CAMPANA, avocat pour J-M. FA., partie civile, et pour l'État de Monaco, partie civile et intervenante volontaire, tant en sa qualité d'employeur que d'assureur-loi de l'employeur de la partie civile, en ses demandes et déclarations ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

J. MU. est poursuivi correctionnellement sous la prévention :

« D'avoir à MONACO, le 25 septembre 2013, en tout cas depuis temps non couvert par la prescription,

- volontairement commis des violences ou voies de fait sur J-M. FA. Brigadier-Chef de Police dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions en l'espèce en lui assénant un violent coup de poing à la pommette gauche,

DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 chiffre 3, 165, 167 et 168 du Code pénal ».

À l'audience J-M. FA. s'est constitué partie civile et a demandé par l'intermédiaire de son conseil la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi.

L'État de Monaco tant en sa qualité d'employeur que d'assureur-loi de l'employeur de la partie civile, est intervenu volontairement aux débats, J-M. FA., étant sur son lieu de travail lorsqu'il a été agressé, ayant fait l'objet d'un accident du travail au sens de la Loi n° 975 du 12 juillet 1975 portant statut des fonctionnaires de l'État et l'Arrêté Ministériel du 4 février 1947.

Cette partie s'est constituée partie civile et a demandé par l'intermédiaire de son conseil la condamnation du prévenu à lui payer la somme de 1.096 euros à titre de dommages-intérêts, soit 46 euros pour les frais médicaux avancés et 1.050 euros pour les frais de justice exposés.

  • Sur l'action publique,

J. MU. ne comparaît pas, bien que régulièrement cité, il convient donc de statuer par défaut à son encontre.

Il résulte du procès-verbal de transmission de la procédure, de la plainte du Brigadier-Chef J-M. FA. et de l'audition de J. MU. où il a été entendu « librement » (les guillemets étant présents dans le procès-verbal de transmission) que celui-ci se trouvait dans le Stade Louis II le 25 septembre 2013 pour assister au match Monaco-Bastia, qu'il a été interpellé par le plaignant, du fait de son comportement violent selon lui, et d'autres policiers, qu'il a été menotté et sorti du stade manu militari puisqu'il a été emmené à la direction de la sûreté publique par un équipage de la section de nuit avant d'y être interrogé. Ce faisant, il a été fait usage de la contrainte pour lui faire quitter le stade et c'est sous la contrainte qu'il n'a pu assister au match et a dû rester à la sûreté publique pour être entendu. Dès lors non seulement les mentions du début de son audition selon lesquelles il se présente librement suite à une convocation sont fausses mais conformément à l'article 60-1 du Code de procédure pénale a contrario il était de facto en garde à vue. La procédure des articles 60-1 et suivants du Code de procédure pénale devait donc être appliquée, au premier chef l'avertissement du Procureur Général et son contrôle, il devait être notifié à J. MU. les droits prévus dans ce cadre et il devait pouvoir bénéficier de ces droits ce qui n'a été nullement le cas en l'espèce.

Dès lors le procès verbal d'audition de J. MU. du 25 septembre 2013 doit être annulé.

Il convient de constater par ailleurs qu'aucun acte d'enquête n'a été réalisé et notamment l'examen du plaignant par un médecin, l'audition des témoins dont les autres policiers présents sur les lieux, l'exploitation de la vidéosurveillance du stade ou l'explicitation des raisons pour lesquelles elle n'est pas exploitable puis la confrontation de ces éléments aux explications du prévenu (le certificat médical versé par le prévenu à l'audience n'a ainsi nullement été soumis à ce principe du contradictoire et a été réalisé hors procédure).

Ainsi l'audition tendant au dépôt de plainte du Brigadier-Chef J-M. FA. est-elle le seul acte du dossier pénal, outre le procès-verbal de transmission, plainte qui est insuffisante à rapporter la preuve de l'infraction reprochée.

Au demeurant, retenir la culpabilité du prévenu en l'absence de ces éléments et dans les conditions précitées constituerait un manquement manifeste aux principes fondamentaux de l'égalité des armes et de la contradiction garantissant un procès équitable prévus par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme.

Dès lors J. MU. doit être relaxé.

  • Sur l'action civile,

En l'état de cette relaxe les parties civiles seront déboutées de leurs demandes.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL,

statuant par défaut à l'encontre de J. MU., et contradictoirement à l'égard des parties civiles,

  • Sur l'action publique,

Annule le procès-verbal d'audition de J. MU. en date du 25 septembre 2013.

Relaxe J. MU. des fins de la poursuite sans peine ni dépens.

  • Sur l'action civile,

Déboute J-M. FA. et l'État de Monaco de leurs demandes.

Laisse les frais à la charge du Trésor.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le sept janvier deux mille quatorze, par Monsieur Cyril BOUSSERON, Premier Juge, Madame Emmanuelle CASINI-BACHELET, Juge, Madame Sophie LÉONARDI, Juge, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Sandra PISTONO, Greffier.

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