Tribunal correctionnel, 20 mars 2012, Ministère public c/ p. AN.

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Abstract🔗

Dénonciation calomnieuse - Dénonciation de faits précis - Appréciation de l'exactitude ou de la fausseté

Résumé🔗

Le courrier litigieux ne dénonçant pas de faits précis qui auraient été commis par la personne visée, il est impossible d'en apprécier leur exactitude ou, au contraire, leur fausseté. Dès lors, le délit de dénonciation calomnieuse n'est pas suffisamment caractérisé.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2010/001365

INF. J. I. N9/10

JUGEMENT DU 20 MARS 2012

___________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC ;

Contre le nommé :

- p. AN., né le 22 mars 1977 à NICE (06), de Jean-Marie et de Maya KH., de nationalité franco-libanaise, animateur de vente, demeurant ou ayant demeuré « Y », X à MONACO et/ou actuellement SANS DOMICILE NI RESIDENCE CONNUS ;

Prévenu de :

- DÉNONCIATION CALOMNIEUSE

- OUTRAGE ENVERS L'AUTORITÉ PUBLIQUE

- DÉFAILLANT ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement ;

Vu l'ordonnance de requalification, de non-lieu partiel et de renvoi devant le Tribunal correctionnel de Monsieur le magistrat instructeur en date du 14 novembre 2011 ;

Vu la citation signifiée, suivant exploit, enregistré, de Maître Marie-Thérèse ESCAUT-MARQUET, huissier, en date du 28 novembre 2011 ;

Nul pour le prévenu, défaillant ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Aux termes d'une ordonnance de Monsieur le magistrat instructeur en date du 14 novembre 2011, p. AN. a été renvoyé par devant le Tribunal correctionnel, sous la prévention :

« 1) D'avoir à MONACO, le 19 avril 2010 et en tout cas avant » prescription de l'action publique, par écrit, calomnieusement « dénoncé Maître XYZ à Monsieur le » Bâtonnier de l'Ordre des avocats, autorité ayant le pouvoir d'y donner suite,

« DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 307 du Code Pénal » ;

« 2) D'avoir à MONACO, les 10 et 14 juin 2011 outragé par » écrit, en l'espèce des courriers électroniques, le Directeur des « Services Judiciaires dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions ; en employant notamment les expressions : » «forfaiture infâme» cabale que vous avez ourdie pour saper l'état de droit et confisquer au profit d'une clique de maçons et d'aigrefins de la justice du Prince votre excès de bassesse. Que vous transformiez la Justice du Prince en un appareil de terreur ... a pour nom la haute trahison «,

» DÉLIT prévu et réprimé par les articles 26 et 164 du Code Pénal « ;

p. AN. ne comparaît pas, bien que régulièrement cité. Il convient de statuer par défaut à son encontre.

I - Sur les faits de dénonciation calomnieuse

Le 25 mai 2010, le Bâtonnier de l'Ordre des avocats de la Principauté de Monaco a saisi le Procureur Général d'une lettre adressée à son attention, datée du 19 avril 2010 et signée » Prince g. ST. «. Ce document, qualifié de » plainte « par son auteur, dénonçait des » agissements scandaleusement malhonnêtes « de Maître XYZ, avocate inscrite au conseil de l'Ordre de Monaco, laquelle aurait commis de » nouveaux abus impardonnables « et aurait fait preuve » d'irresponsabilité et de déloyauté « de sorte que devront lui être infligées » des sanctions nécessaires pour sa réforme «.

Les investigations menées ont permis de démontrer que le dénommé p. AN. avait pu remplir un rôle actif de conseil et d'assistance de g. ST. mais également de g. HO. dans les différents litiges que ces deux derniers pouvaient avoir en Principauté de Monaco notamment avec le syndic de l'immeuble » Le Monte Carlo Star « dont ils sont co-propriétaires et son conseil Maître XYZ.

Entendu à plusieurs reprises à cet effet, p. AN. n'a aucunement nié son implication et le soutien qu'il a pu apporter, à titre bénévole, à Messieurs g. ST. et g. HO..

S'agissant du courrier adressé le 19 avril 2010 au Bâtonnier de l'Ordre des avocats et dont le Tribunal est seulement saisi, p. AN. a admis avoir participé à sa rédaction en sa qualité de secrétaire de g. ST. mais a contesté en être l'auteur.

Les déclarations de p. AN. devaient être partiellement confirmées par g. ST.. En effet, ce dernier, bien que contestant le fait que p. AN. ait pu se présenter comme son secrétaire particulier, a reconnu avoir signé ledit courrier daté du 19 avril 2010 et, en conséquence, a affirmé qu'il en assumait la responsabilité. En revanche, il a expliqué que ce document avait bien été rédigé par p. AN.

Il convient par ailleurs de relever que les propos figurant dans le courrier du 19 avril 2010 ne dénoncent pas de faits précis qui auraient été commis par Maître XYZ de sorte qu'il est impossible d'en apprécier leur exactitude ou, au contraire, leur fausseté.

Ainsi, le délit de dénonciation calomnieuse n'apparaît pas suffisamment caractérisé et ne peut de surcroît être imputé à p. AN.

Par conséquent, ce dernier devra être relaxé de ce chef.

II - Sur les faits d'outrage envers l'Autorité publique

Il est également reproché à p. AN. d'avoir envoyé notamment à Monseigneur BA., Monsieur le Ministre d'État et à divers journalistes et autorités allemandes et à partir de son adresse électronique » …@gmail.com " des courriels destinés à p. NA., Directeur des Services Judiciaires de la

Principauté de Monaco. Il apparaît dans ces messages électroniques des qualificatifs qui portent atteinte de manière incontestable à la dignité ainsi qu'au respect devant être dus au Directeur des Services Judiciaires en sa qualité de haute personnalité de l'État.

Il convient par conséquent de déclarer p. AN. coupable du délit d'outrage envers l'Autorité publique et de le condamner, en sa qualité de délinquant primaire et eu égard à la nature des faits qui lui sont reprochés, à une peine d'amende de deux mille euros.

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant par défaut,

Relaxe p. AN. des faits de dénonciation calomnieuse qui lui sont reprochés ;

Le déclare en revanche coupable des faits d'outrage envers l'Autorité publique,

En répression, faisant application des articles 26 et 164 du Code pénal,

Le condamne à la peine de DEUX MILLE EUROS D'AMENDE ;

Le condamne, en outre, aux frais.

Composition🔗

Ainsi jugé après débats du vingt-huit février deux mille douze en audience publique tenus devant le Tribunal correctionnel, composé par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Premier Juge faisant fonction de Président, Monsieur Marcel TASTEVIN, Vice-Président, Madame Stéphanie VIKSTRÖM, Premier Juge, le Ministère Public dûment représenté, et prononcé à l'audience publique du vingt mars deux mille douze, par Monsieur Jérôme FOUGERAS LAVERGNOLLE, Premier Juge faisant fonction de Président, en présence de Monsieur Jean-Jacques IGNACIO, Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Sandrine FERRER-JAUSSEIN, Greffier.-

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