Tribunal correctionnel, 4 juillet 2011, Ministère public c/ g. DE SA RO.

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Abstract🔗

Garde à vue - Accès au dossier par l'avocat - Droit au procès équitable - Article 6 de la Convention européenne

Résumé🔗

Si le conseil du prévenu n'a pas eu accès au dossier de la procédure lors de la garde à vue avant la présentation devant le Procureur Général la nullité n'est pas encourue dès lors que le prévenu a été informé de son droit au silence et à l'assistance d'un avocat et qu'après un entretien avec son avocat avant son premier interrogatoire, il a renoncé à l'assistance de son avocat. Après sa présentation devant le Procureur Général, le prévenu a pu bénéficier de la nouvelle désignation d'un avocat qui a eu accès à l'entier dossier. Les règles du procès équitable ont donc été respectées.


Motifs🔗

TRIBUNAL CORRECTIONNEL

2011/001306

JUGEMENT DU 4 JUILLET 2011

__________________

En la cause du MINISTÈRE PUBLIC,

Contre le nommé :

- g. DE SA RO., né le 16 janvier 1968 à GUIMARÃES (Portugal), de José Fernando RO. et de Casimira MA. DA SI. DE SA, de nationalité portugaise, cuisinier, demeurant X à CAP-D'AIL (06320) ;

Prévenu de :

VIOLENCES VOLONTAIRES (- de 20 jours)

- présent aux débats, DÉTENU (mandat d'arrêt du 30 juin 2011), assisté de Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur près la Cour d'appel, commis d'office, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

En présence de :

- Monsieur l. FI., né le 4 février 1960 à MENTON (06500), de nationalité française, sans emploi, demeurant X à MENTON (06500),

- Madame e. BE. veuve TO., née le 24 juillet 1954 à PEYRUS (26120), de nationalité monégasque, en invalidité, demeurant X à MONACO,

constitués parties civiles, tous deux comparaissant en personne ;

LE TRIBUNAL, jugeant correctionnellement, après débats à l'audience de ce jour ;

Vu la procédure enregistrée au Parquet Général sous le numéro 2011/001306 ;

Vu le procès-verbal d'interrogatoire de flagrant délit dressé le 30 juin 2011 ;

Ouï Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur pour le prévenu, lequel soulève in limine litis, une exception de nullité ;

Ouï le Ministère Public en réponse ;

Ouï Monsieur le Président qui, après avoir pris l'avis de ses assesseurs, décide de joindre l'incident au fond ;

Ouï le prévenu, en ses réponses, lequel déclare accepter d'être jugé immédiatement et renoncer à la faculté conférée par l'article 400 du code de procédure pénale, et ce avec l'assistance de Mademoiselle Sylvie DA SILVA ALVES, faisant fonction d'interprète en langue portugaise, serment préalablement prêté ;

Ouï Monsieur l. FI. et Madame e. BE. veuve TO., parties civiles, en leurs demandes et déclarations ;

Ouï le Ministère Public en ses réquisitions ;

Ouï Maître Frank MICHEL, avocat-défenseur pour le prévenu, en ses moyens de défense et plaidoiries ;

Ouï le prévenu en dernier, en ses moyens de défense ;

Après en avoir délibéré, conformément à la loi ;

Attendu que Monsieur g. DE SA RO. comparaît devant le Tribunal correctionnel, selon la procédure de flagrant délit, sous la prévention :

« D'avoir à MONACO, le 29 juin 2011, en tout cas depuis temps » non couvert par la prescription,

« - volontairement porté des coups, fait des blessures, exercé des » violences ou voies de fait sur les personnes de FI. l. « et BE. e., desquels il n'est pas résulté une » maladie ou incapacité de travail personnel de plus de 20 jours,

« DÉLIT prévu et réprimé par les articles 236 et 238 du Code pénal » ;

Attendu qu'à l'audience Monsieur l. FI. et Madame e. BE. veuve TO. se sont constitués parties civiles et ont demandé au Tribunal de condamner le prévenu à leur payer les sommes respectives de 6.000 euros et 1.000 euros à titre de dommages-intérêts ;

Sur la procédure

Le conseil du prévenu soutient que la procédure est entachée de nullité au regard de l'article 6 de la Convention européenne des Droits de l'Homme, dès lors qu'avant sa présentation devant le représentant du Parquet général, dans le cadre de la procédure de flagrant délit, l'avocat de Monsieur g. DE SA RO. n'a pas eu accès à l'entier dossier et n'a donc pu utilement l'assister.

Le Tribunal observe toutefois que dès son placement en garde à vue et la fin de son dégrisement, le prévenu a été informé de son droit de ne pas répondre aux questions qui allaient lui être posées et d'être assisté d'un avocat ; qu'après s'être entretenu avec un conseil nommé d'office avant son premier interrogatoire, l'intéressé a renoncé à toute assistance jusqu'au terme de sa comparution devant le Parquet général ; qu'ayant alors à nouveau manifesté sa volonté de bénéficier d'un avocat pour la suite de la procédure, un conseil a été une nouvelle fois désigné et l'intégralité du dossier a été mis à sa disposition.

Dans ces conditions, aucune des règles du procès équitable telles que dégagées par la Cour Européenne des Droits de l'Homme, en application de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, n'apparaît avoir été violée.

Sur le fond

Aux alentours de 23 h 30, les policiers ont été requis pour intervenir au domicile de Madame e. BE. veuve TO. À leur arrivée, ils ont constaté que Monsieur l. FI. était allongé au sol et que Monsieur g. DE SA RO., au-dessus de lui, lui assénait des coups.

L'enquête a permis d'établir que l'altercation s'était produite dans un contexte de rivalité amoureuse et de forte imprégnation alcoolique de l'ensemble des protagonistes.

Il est également apparu qu'en tentant de séparer les belligérants, Madame e. BE. veuve TO. avait aussi subi des violences.

Lors de leur passage au CHPG, Monsieur l. FI. présentait des plaies de la joue droite et du menton nécessitant la pose de sept points de suture, outre des hématomes des deux orbites, tandis que Madame e. BE. veuve TO. paraissait affectée d'ecchymoses sur l'ensemble du corps.

Le délit poursuivi apparaît ainsi amplement caractérisé. Compte tenu de l'importance du préjudice corporel causé aux victimes, une peine de 2 mois d'emprisonnement sera prononcée nonobstant l'absence d'antécédent judiciaire du prévenu.

Sur l'action civile,

Il y a lieu de recevoir Monsieur l. FI. et Madame e. BE. veuve TO. en leur constitution de partie civile et de déclarer Monsieur g. DE SA RO. responsable des faits survenus le 29 juin 2011 ;

Avant dire droit sur le préjudice corporel qui a été occasionné à Monsieur l. FI., il y a lieu de recourir à une mesure d'expertise médicale, de désigner le docteur Gérard BORGIA, assisté de tous sapiteurs de son choix, à l'effet de déterminer les séquelles corporelles de la victime et d'allouer à celle-ci, pour lui permettre notamment de faire face aux frais de l'expertise, une indemnité provisionnelle devant être actuellement fixée à la somme de 2.000 euros ;

S'agissant de Madame e. BE. veuve TO., le Tribunal possède d'ores et déjà des éléments suffisants pour fixer à 500 euros l'indemnité réparatrice qu'il convient de lui allouer ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL, statuant contradictoirement,

Sur l'action publique,

Rejette l'exception de nullité soulevée ;

Déclare Monsieur g. DE SA RO. coupable des faits qui lui sont reprochés ;

En répression, faisant application des articles visés par la prévention,

Condamne Monsieur g. DE SA RO. à la peine de DEUX MOIS D'EMPRISONNEMENT ;

Sur l'action civile,

Déclare Monsieur g. DE SA RO. responsable des faits survenus le 29 juin 2011 et tenu d'en réparer les conséquences dommageables qui en sont résultées pour Monsieur l. FI. et Madame e. BE. veuve TO. ;

Accueille Monsieur l. FI. et Madame e. BE. veuve TO. en leur constitution de partie civile ;

Déclare Madame e. BE. veuve TO. partiellement fondée en sa demande et condamne Monsieur g. DE SA RO. à lui payer la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi ;

Avant dire droit au fond sur le préjudice de Monsieur l. FI. ;

Ordonne une expertise médicale et désigne à cet effet le docteur BO, demeurant […] à MONACO, lequel, serment préalablement prêté aux formes de droit, et pouvant se faire assister de tous sapiteurs de son choix, aura pour mission :

1°) d'examiner Monsieur l. FI., de décrire les lésions imputées aux agissements dont il a été victime le 29 juin 2011 ; d'indiquer, après s'être fait communiquer tous documents relatifs aux examens, soins et interventions dont la victime a été l'objet, leur évolution et les traitements appliqués ; de préciser si ces lésions sont bien en relation directe et certaine avec ces faits, en tenant compte éventuellement d'un état pathologique antérieur et d'événements postérieurs à ces faits ;

2°) de déterminer la durée de l'incapacité temporaire en indiquant si elle a été totale ;

3°) de dégager, en les spécifiant, les éléments propres à justifier une indemnisation au titre de la douleur, éventuellement du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément ;

4°) de dire si, du fait des lésions constatées, il existe une atteinte permanente d'une ou plusieurs fonctions et, dans l'affirmative après avoir précisé les éléments, chiffrer le taux de l'incapacité permanente partielle qui en résulte ;

5°) de dire si l'état des victimes est susceptible de modifications en aggravation ou amélioration ; dans l'affirmative, fournir au Tribunal toutes précisions utiles sur cette évolution, son degré de probabilité et, dans le cas où un nouvel examen lui apparaîtrait nécessaire, d'indiquer le délai dans lequel il devra y être procédé ;

Commet Madame Stéphanie VIKSTRÖM, Juge, à l'effet de suivre les opérations d'expertise ;

Dit que celles-ci obéiront en vertu du 2e alinéa de l'article 15 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 1.088 du 21 novembre 1985, aux règles édictées par les articles 344 à 368 du Code de procédure civile ;

Dit qu'en cas d'empêchement du Magistrat commis, il sera procédé à son remplacement par simple ordonnance ;

Impartit à l'expert ainsi commis un délai de cinq jours pour le refus ou l'acceptation de sa mission, ledit délai courant à compter de la réception par lui de la copie de la présente décision qui lui sera adressée par le greffe général ;

Dit qu'en cas d'acceptation de sa mission, ce même expert déposera au greffe un rapport écrit de ces opérations dans les deux mois du début de celles-ci ;

Déclare que la partie civile sera tenue de verser à l'expert une provision à titre d'avance ;

Condamne, d'ores et déjà, Monsieur g. DE SA RO. à verser une indemnité provisionnelle de 2.000 euros à Monsieur l. FI., à valoir sur le montant de son préjudice et à l'effet de lui permettre de faire l'avance des frais d'expertise.

Condamne, en outre, Monsieur g. DE SA RO. aux frais ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé en audience publique du Tribunal de Première Instance, au Palais de Justice, à Monaco, le quatre juillet deux mille onze, par Monsieur Marcel TASTEVIN, Vice-Président, Monsieur Florestan BELLINZONA, Juge, Madame Patricia HOARAU, Juge, en présence de Mademoiselle Cyrielle COLLE, Magistrat référendaire faisant fonction de Substitut du Procureur Général, assistés de Madame Christell BIANCHERI, Greffier.

Note🔗

La procédure de garde à vue a été modifiée par la loi n° 1.399 du 25 juin 2013. Aux termes des articles 60-9 et 60-9 bis l'avocat peut désormais s'entretenir jusqu'à une heure avec la personne gardée à vue dès le début de la mesure puis tout au long des auditions et consulter les procès-verbaux d'audition de la personne qu'il assiste ainsi que le procès-verbal de notification des droits. L'avocat peut solliciter copie de ce procès-verbal de notification.

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