Tribunal correctionnel, 17 mai 1976, M. (personnellement et es-qualités) et M. M. (es-qualités) c/ J.-A. S.

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Abstract🔗

Procédure pénale

Citation directe parties poursuivantes. Défaut. Examen des faits (oui). Citation commune à trois parties. Recevabilité (oui).

Résumé🔗

Le défaut des parties poursuivantes ne peut dispenser le Tribunal d'apprécier les faits dénoncés dans la citation directe.

La citation commune donnée à un même prévenu par trois parties se déclarant victimes d'agissements délictueux connexes est recevable.


Motifs🔗

Le Tribunal

Attendu que par exploit de Me Escaut-Marquet, Huissier, du 13 janvier 1976, le sieur M., agissant tant comme Président délégué de la S.A.M. Seite (Société d'Entreprise Industrielle Téléphonique et Électrique) qu'en son nom propre et la Société d'Études et de Régénérations Agricoles (S.E.R.A.) représentée par son Président délégué, sieur M. M., ont fait citer le nommé J.-A. S. devant le Tribunal Correctionnel ;

Que ces poursuivants, réputés parties-civiles reprochent au prévenu d'avoir dépassé ses devoirs de respecter le secret professionnel auquel l'oblige sa fonction (de comptable A.C.I.) en communiquant, le 8 octobre 1975, aux sieurs A. G., Y. B., J. G., Sociétés S.E.R.A. et S.E.I.T.E., des documents d'ordre privé, erronés et fragmentaires, dans le but de compromettre et de porter atteinte à la bonne foi, l'honnêteté, la notoriété, de laisser planer le doute et entraîner la confusion, portant diffamation sous l'intention de nuire et d'exercer un chantage ; Faits visés par les articles 31 et 34 de l'Ordonnance Souveraine du 3 juin 1910 ;

Qu'ils réclament, outre la reconnaissance pénale de S., la condamnation de celui-ci au paiement à chacun de la somme de 20 000 francs à titre de dommages-intérêts et à la restitution de tous documents sociaux à lui confiés respectivement par chacun ;

Attendu que le sieur S. et le Ministère Public demandent qu'il soit constaté le défaut des parties poursuivantes ;

Que le prévenu, pour sa part, conclut préalablement à l'irrecevabilité de la citation directe commune donnée à l'initiative de trois parties ayant des patrimoines et des intérêts séparés, le sieur M. étant en outre sans qualité pour agir en propre, n'ayant pas, de l'exposé même de l'acte, été personnellement victime des faits délictueux allégués ;

Que subsidiairement, il demande que soient prononcées sa relaxe en l'absence de toute imputabilité délictueuse, la condamnation de ses adversaires au paiement de la somme de 20 000 francs à titre de réparation du préjudice matériel et moral subi et une déclaration d'incompétence relativement à la réclamation de restitution des documents détenus en exercice d'un droit de rétention ;

Attendu qu'avant même d'examiner le moyen d'irrecevabilité, il y a lieu de constater, en l'état des dispositions des articles 377 (dernier alinéa) à 380 du Code de procédure pénale le défaut des parties poursuivantes ; qu'en effet, il résulte des pièces parvenues au Tribunal et des mentions aux feuilles d'audience les données suivantes :

Qu'à l'audience du 16 février 1976, visée par la citation directe, après que le sieur M., en propre et comme Président-délégué de la « Seite », et le sieur M., Président-délégué de la S.A.M. S.E.R.A., eurent sollicité, par lettres, un report des débats au 15 mars 1976, le sieur M., en personne, pour lui-même et pour la S.E.I.T.E., et, porteur d'un pouvoir de représentation du sieur M., es-qualités, prétendument pour celui-ci, confirmait cette demande d'ajournement à laquelle acquiesçait S., par son Avocat-défenseur ;

Qu'à l'audience du 15 mars 1976, M. et S. sollicitaient une nouvelle remise pour le 10 mai 1976 ;

Qu'à cette date, ni M. ni M., ni personne pour eux, non plus que les S.A.M. « S.E.I.T.E. » et « S.E.R.A. » ne répondaient à l'appel de la cause, tandis que S. a comparu, fourni des explications et confirmé les conclusions de son Avocat-défenseur, datées du 26 avril 1976 ;

Attendu qu'en conséquence il doit être statué par défaut à l'égard tant de M., es-qualités de Président-délégué de la S.A.M. « S.E.R.A. », (n'ayant pas comparu régulièrement dès le 16 février 1976) que de M., pris personnellement et comme mandataire social de la S.A.M. « S.E.I.T.E. », qui n'a pas comparu à la dernière audience fixée pour les débats, n'a pas conclu sur les intérêts civils, formulé ni fait formuler de demande d'ajournement et n'a pas informé le Tribunal d'un empêchement ;

Attendu que ce défaut ne saurait dispenser le Tribunal de l'appréciation des faits dénoncés par la citation directe qui, confusément, impute à S. des actes de violation du secret professionnel outre une diffamation envers particuliers ;

Attendu que ne saurait être retenu le moyen d'irrecevabilité de la citation commune invoqué par S. ; qu'en effet, n'est pas nulle par hypothèse la citation donnée à un même prévenu par trois parties se déclarant victimes d'agissements délictueux connexes et que la reconnaissance, par le susnommé, de la participation majoritaire dans ces deux sociétés de M., ainsi que de son rôle dirigeant dans la « S.E.I.T.E. » rend admissible une mise en mouvement de l'action publique et l'exercice de l'action civile communs sous réserve de détermination de la réalité du préjudice respectivement souffert en suite directe d'infractions à établir ;

Attendu que d'après les termes de l'exploit de citation directe et des documents produits par le seul prévenu, il ressort que S. ne pouvant obtenir des sociétés « S.E.I.T.E. » et « S.E.R.A. » le règlement d'honoraires lui revenant en qualité de comptable a, le 8 octobre 1975, adressé des lettres de réclamations et de mise au point de ses prétentions de ce chef, ainsi que de la rétention de notes et de documents aux mandataires sociaux de ces deux sociétés, expédié le double de chacune avec lettre d'envoi à M. J. G., administrateur de la « S.E.I.T.E. », à M. B., administrateur de la « S.E.R.A. », un exemplaire de ces écrits au président de l'Ordre des experts-comptables (R. Orecchia) et reproduction du tout à M. A. G., Président des « L. » ;

Que S. explique sa dernière communication par la nécessité de dissiper par des documents précis des rumeurs désobligeantes mises en circulation à son endroit auprès de l'association « L. » par M. ;

Attendu que l'analyse des lettres du 8 octobre 1975 et des conditions de leur expédition n'établit pas à l'encontre de S. la révélation de faits constituant un secret, qu'il avait connus à l'occasion de l'exercice de sa profession de comptable A.C.I., éléments constitutifs du délit prévu et réprimé par l'article 308 du Code pénal, non plus que sa responsabilité en ce qui touche l'infraction de diffamation publique, telle que définie et sanctionnée aux articles 15, 31 et 34 de l'Ordonnance Souveraine du 3 juin 1910, au regard de M. et des deux sociétés, qui n'est pas caractérisée ;

Qu'il y a lieu de prononcer la relaxe du prévenu ;

Attendu qu'il échet, en conséquence, de statuer sur sa demande de dommages-intérêts formée par conclusions à l'encontre des parties poursuivantes ;

Attendu qu'il est résulté de l'attitude de ces parties-civiles et de la relaxe de S. que celles-ci l'ont abusivement cité devant le Tribunal correctionnel ; que cette initiative a indiscutablement occasionné au poursuivi un préjudice matériel et moral certain, qui mérite réparation ;

Que le Tribunal est en possession des éléments d'appréciation suffisants pour fixer à la somme de cinq mille francs le montant des dommages-intérêts que M., la Société « S.E.I.T.E. » et la Société « S.E.R.A. » sont condamnés à payer à S. ;

Attendu que le Tribunal n'a pas à se prononcer sur le bien fondé des conditions d'exercice du droit de rétention qu'invoque le sieur S. ;

Attendu que les frais et les dépens doivent être mis à la charge des parties poursuivantes ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Le Tribunal,

Statuant par défaut à l'égard du sieur M. agissant en son nom propre, de la S.A.M. « S.E.I.T.E » dont il est le Président-délégué, de la S.A.M. « S.E.R.A. » ayant pour Président-délégué le sieur M. M. et contradictoirement à l'égard de A. S. ;

Relaxe Jean-A. S., le renvoie sans peine ni dépens des fins de la poursuite ;

Accueille S. en sa demande de dommages-intérêts ;

Déclare abusive la citation directe dont ont usé à son encontre les parties poursuivantes sus-désignées, réputées parties-civiles ;

Les condamne à lui payer la somme de cinq mille francs (5 000 francs) à titre de réparation du préjudice matériel et moral qu'elles lui ont occasionné ;

Dit n'y avoir lieu de statuer sur la restitution des notes et documents ;

Composition🔗

M. François pr., Mme Margossian subst. gén., Me Sanita av. déf.

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