Juge tutélaire, 30 octobre 2013, n BI épouse FO c/ o AL
Abstract🔗
Juge tutélaire - Compétence - Demande de modification du droit de visite et d'hébergement concernant un enfant résidant en France - Incompétence territoriale du juge tutélaire pour connaître d'une telle demande, laquelle ressort de la seule compétence du juge français aux affaires familiales
Résumé🔗
La Convention de la Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants rendue exécutoire en Principauté par l'Ordonnance n° 16.277 du 2 avril 2004 prévoit en son article 5 que :
1/ « Les autorités tant judiciaires qu'administratives de l'État contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens.
2/ Sous réserve de l'article 7, en cas de changement de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre État contractant, sont compétentes les autorités de l'État de la nouvelle résidence habituelle ».
Le juge tutélaire, saisi par le père de l'enfant commun d'une demande de modification de son droit de visite et d'hébergement, après avoir constaté que l'enfant résidait désormais en France avec sa mère, en sorte que la mise en place d'un droit de visite en France ne pouvait être organisé par les juridictions monégasques, a décidé de suspendre ce droit de visite et d'hébergement et dit qu'il appartiendrait à la partie la plus diligente de saisir le juge aux affaires familiales territorialement compétent en France pour organiser le droit de visite et d'hébergement sollicité par le père.
Motifs🔗
Nous, Juge tutélaire,
AVONS RENDU LA PRÉSENTE ORDONNANCE DONT LA TENEUR SUIT :
Suivant arrêt rendu le 29 juin 2010, auquel il convient de se rapporter pour un plus ample exposé des faits de la cause, il était accordé à Monsieur o AL un droit de visite et d'hébergement sur sa fille s AL une fin de semaine sur deux du vendredi 18 heures au dimanche 17 heures, la moitié des vacances scolaires, la première moitié les années paires et la seconde moitié les années impaires et pour les grandes vacances d'été, 15 jours en juillet et 15 jours en août, la première moitié les années paires et la seconde moitié les années impaires.
Par courrier en date du 11 juillet 2013, reçu le 12 juillet 2013, Madame n FO sollicitait une modification de ce droit de visite et d'hébergement. Elle soutenait que sa fille ne souhaitait plus rendre visite à son père. Cette dernière évoquait la situation psychologique dégradée du père. Elle expliquait qu'il avait été dans une période de fuite avant de la menacer de déposer plainte pour non présentation d'enfant si celle-ci ne permettait pas à s AL de rendre visite à son père. Elle ajoutait qu'il ne s'acquittait plus de la part contributive à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et ce depuis le mois d'avril 2012.
Monsieur o AL nous écrivait par courrier du 16 juillet 2013 reçu le 18 juillet 2013. Il expliquait ne plus avoir accès à son enfant et souhaitait que la mère soit « contrainte » de respecter son droit de visite et d'hébergement.
Une audience se tenait le 30 septembre 2013.
À cette occasion, Madame n FO et Monsieur o AL se présentaient. Chacune des parties maintenait ses demandes et prétentions. Madame n FO revenait sur les difficultés présentées par Monsieur o AL liées à son état de santé et à sa consommation d'alcool. Elle relatait divers épisodes au cours desquels l'enfant s'était retrouvée livrée à elle-même avec une possible mise en danger. Monsieur o AL minimisait les difficultés soulevées et indiquait que celles-ci étaient désormais derrière lui. Il revendiquait en conséquence l'exercice de son droit de visite et d'hébergement. Madame n FO terminait en indiquant qu'elle résidait à Mougins, en France, et que cela rendait plus difficile l'exercice du droit de visite et d'hébergement, d'autant que si ce droit devait être médiatisé in fine, elle souhaitait qu'il se déroule près de son domicile.
L'affaire était mise en délibéré.
SUR CE,
Sur la compétence du Juge tutélaire,
Attendu que l'article 831 du Code de procédure civile dispose que « sans préjudice des dispositions de l'article 835, le juge tutélaire connaît, à l'exclusion de toute autre juridiction, des demandes tendant à titre principal :
1° à modifier la garde d'un mineur dont les parents sont séparés de corps ou divorcés ; la demande n'est recevable que si, depuis la dernière décision relative à cette garde, s'est produit un fait nouveau de nature à compromettre la situation du mineur quant à sa santé, sa moralité ou son éducation.
2° à organiser le droit de visite ;
3° à modifier la charge et le montant de la pension alimentaire relative à ce mineur » ;
Attendu que Madame n FO a évoqué plusieurs épisodes, se déroulant lors de l'exercice du droit de visite et d'hébergement de Monsieur o AL, au cours desquels leur enfant s AL a pu être livrée à elle-même ; Qu'il n'est pas contesté que Monsieur o AL a connu une période difficile associée à une forte consommation d'alcool qui l'ont conduit à une dépression nerveuse ; Que celui-ci indiquait lors de l'audience que cette période difficile était désormais derrière lui ; Que pour autant, Madame n FO maintenait sa demande de suspension de l'exercice du droit de visite et d'hébergement du père ;
Attendu également que la mineure s AL, qui n'a plus vu son père depuis plusieurs mois, ne souhaite plus, selon les dires de sa mère, se rendre à son domicile ; Qu'elle exprime des craintes à l'idée de le rencontrer ; Qu'elle verse à l'appui un certificat en date du 22 juillet 2013 établi par Madame Catherine
SCARAMUZZINO, psychologue ; Que cette dernière professionnelle auprès de qui la mineure s AL suit une thérapie, indiquait que l'enfant présente une « angoisse perceptible » ainsi qu'« une attitude adulte » ; Qu'elle concluait en précisant que s AL devait retrouver sa place d'enfant et être extraite des difficultés parentales ;
Attendu que Madame n FO produit également deux autres pièces faisant état de la crainte de la mineure s AL de rendre visite à son père ;
Attendu que Monsieur o AL reconnaît ne plus avoir eu accès à son enfant depuis plusieurs mois ; Qu'il reconnaît également avoir fait l'objet d'une importante dépression nerveuse ; Qu'il explique que sa situation s'est nettement améliorée depuis et qu'il est parfaitement apte à pouvoir exercer son droit de visite et d'hébergement ;
Attendu néanmoins qu'il convient de prendre en considération en pareille matière l'intérêt supérieur de l'enfant ; Qu'il n'est pas sérieusement contestable que la jeune s AL a été fortement marquée par la maladie de son père ; Qu'elle a pu, à cette période, lui rendre visite et être livrée à elle-même ;
Attendu dans ces circonstances qu'il convient d'envisager, avant de rétablir le rythme du droit de visite et d'hébergement précédemment établi, une reprise de liens entre le père et son enfant qui pourrait utilement s'exercer dans une structure habilitée à cet effet telle qu'un espace de rencontre ;
Attendu qu'il convient de relever que Madame n FO réside désormais à Mougins, en France ; Que le droit de visite médiatisé qu'il convient de mettre en place doit nécessairement avoir lieu près du domicile de l'enfant ;
Attendu que le juge tutélaire monégasque ne peut saisir utilement un organisme agréé français ; Qu'il convient d'ailleurs de relever que la convention, concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants faite à La Haye le 19 octobre 1996 et rendu exécutoire par ordonnance n° 16.277 du 2 avril 2004, prévoit en son article 5 que :
« 1° les autorités, tant judiciaires qu'administratives, de l'État contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens.
2° Sous réserve de l'article 7, en cas de changement de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre État contractant, sont compétentes les autorités de l'État de la nouvelle résidence habituelle » ;
Attendu qu'il convient dès lors et ce dans le strict intérêt de l'enfant de constater que le juge tutélaire ne peut prendre les mesures appropriées au cas d'espèce ; Qu'en revanche, il apparaît que le juge aux affaires familiales français aura tout le loisir de prendre des mesures utiles au rétablissement du lien entre Monsieur o AL et sa fille s AL ; Qu'il appartiendra en conséquence à la partie la plus diligente de saisir ce dernier magistrat territorialement compétent en raison du domicile de la mineure s AL ;
Attendu que dans l'attente, il y a lieu de suspendre le droit de visite et d'hébergement tel qu'établi par la Cour d'appel dans son arrêt en date du 29 juin 2010, ce dernier ne pouvant, en raison de la présente situation, continuer de s'exercer ;
Sur l'exécution provisoire et les dépens,
Attendu que les circonstances de l'espèce commandent, conformément à l'article 840 et à l'article 848-1 du Code de procédure civile, d'ordonner l'exécution provisoire de la présente ordonnance et de faire masse des dépens et de dire qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Statuant en notre cabinet, par ordonnance contradictoire, en matière de difficultés engendrées par les rapports familiaux,
SUSPENDONS l'exercice du droit de visite et d'hébergement établi au profit de Monsieur o AL sur sa fille s AL par arrêt de la Cour d'Appel rendu le 29 juin 2010 ;
CONSTATONS que la mise en place d'un droit de visite médiatisé en France ne peut être organisée par les juridictions monégasques ;
En conséquence, DISONS qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de saisir le juge aux affaires familiales territorialement compétent en raison du lieu de résidence de l'enfant s AL pour organiser un droit de visite médiatisé au profit de Monsieur o AL ;
ORDONNONS l'exécution provisoire de la présente ordonnance ;
FAISONS masse des dépens et DISONS qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties.