Juge tutélaire, 30 août 2013, Sieur p BU. c/ Dame f. V L div. BU
Abstract🔗
Juge tutélaire
Compétence - Autorité parentale - Conditions d'exercice - Résidence habituelle de l'enfant - Modification - Requête émanant d'un tiers - Rejet
Résumé🔗
Aux termes de l'article 303 du Code civil, « le juge tutélaire statue sur les conditions d'exercice de l'autorité parentale ou les difficultés qu'elles soulèvent, en fonction de l'intérêt de l'enfant, à la demande du père, de la mère, de tout intéressé ou du ministère public ».
En l'espèce, il n'est pas contesté que l'enfant mineur a vécu un certain nombre d'années auprès du requérant, ce dernier ayant été le mari de la mère de cet enfant et qu'ils se portaient un attachement réciproque en sorte que le requérant portant un intérêt à ce mineur était fondé à saisir le juge tutélaire.
Néanmoins, aux termes de l'article 831 du Code de procédure civile, « le juge tutélaire connaît, à l'exclusion de toute autre juridiction, des demandes tendant à titre principal à modifier la garde d'un mineur dont les parents sont divorcés ou séparés de corps ainsi qu'à organiser le droit de visite ».
Par ailleurs l'article 300 du Code civil prévoit que « jusqu'à sa majorité ou son émancipation, l'enfant est placé sous l'autorité de ses père et mère qui ont envers lui droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation ».
Ainsi, les dispositions susvisées ne permettent qu'aux seuls parents d'exercer l'autorité parentale sur leur enfant et de solliciter en cas de séparation tout ce qui en découle, dont la résidence habituelle et le droit de visite et d'hébergement pour le parent n'ayant pas la résidence de l'enfant.
La seule alternative prévue par le Code civil résidant dans l'attribution d'un droit de correspondance ou de visite à d'autres personnes que les parents.
Il s'ensuit que le requérant en sa qualité de tiers ne disposant pas de la possibilité, en l'état du droit monégasque, de voir fixer auprès de lui la résidence habituelle de cet enfant, doit être débouté de sa demande.
Motifs🔗
Nous, Juge tutélaire,
AVONS RENDU LA PRÉSENTE ORDONNANCE DONT LA TENEUR SUIT :
De l'union libre entre Monsieur l CH et Madame f VA LA est issu j CH né le 19 mars 2000. Le 29 novembre 2003, Madame f VA LA s'est mariée avec Monsieur p BU. De cette union est né r. BU le
28 juillet 2005. Par jugement en date du 26 janvier 2012, le Tribunal de première instance a prononcé le divorce des époux VA LA BU sur le fondement de l'article 199 du Code civil et a homologué une convention réglant les effets du divorce. Madame f VA LA effectuant fréquemment des déplacements entre la Principauté de Monaco et Le Luxembourg, le mineur j CH, d'un commun accord entre cette dernière et Monsieur p BU, est resté vivre en Principauté de Monaco aux cotés de celui-ci.
Par requête en date du 23 avril 2013, déposée le jour même, Monsieur p BU, par l'intermédiaire de son conseil, nous saisissait aux fins de voir :
constater que le père de j CH a cédé l'exercice de son autorité parentale sur son fils à sa mère afin qu'elle puisse bénéficier d'une autorité parentale exclusive ;
constater que la mère de j CH est parfaitement d'accord avec la fixation de la résidence habituelle de son fils au domicile de Monsieur p BU ;
constater que j CH réside d'ores et déjà habituellement au domicile de Monsieur p BU ;
constater que Monsieur p BU accomplit d'ores et déjà tous les actes usuels relatifs à la surveillance et à l'éducation de j CH ;
constater que Monsieur p BU assume d'ores et déjà les frais relatifs à l'hébergement, la vie courante et les frais de scolarité de j CH ;
constater que l'intérêt supérieur de j CH commande que sa résidence habituelle soit fixée au domicile de Monsieur p BU ;
En conséquence,
fixer la résidence habituelle de j CH au domicile de Monsieur p BU et ce avec toutes conséquences de droit ;
dire et juger que Monsieur p BU continuera d'accomplir à l'égard de j CH tous les actes usuels relatifs à sa surveillance et à son éducation ;
dire et juger que Monsieur p BU continuera également d'assumer les frais relatifs à l'hébergement, la vie courante et les frais de scolarité de j CH ;
fixer un droit de visite et d'hébergement au bénéfice de la mère le plus large sur son fils qui sauf meilleurs accords des parties s'exercera une fin de semaine sur deux du vendredi 18 heures au dimanche 18 heures et la moitié des vacances scolaires, la première moitié les années paires et inversement les années impaires, concernant les vacances d'été, l'enfant les passera en alternance avec l'un et l'autre, à raison d'une semaine chacun ;
dire que l'ordonnance à intervenir sera exécutoire sur minute et avant enregistrement.
Il faisait valoir que le juge tutélaire était compétent au visa de la convention de La Haye du 19 octobre 1996 en ce que l'enfant est présent sur le territoire de la Principauté de Monaco. Il citait également l'article 204-7 du Code civil en son alinéa 6 qui prévoit que « le Tribunal de première instance peut, cependant, fixer la résidence habituelle des enfants auprès d'une autre personne ou institution qui accomplit à leur égard tous les actes usuels relatifs à leur surveillance et à leur éducation ». Il indiquait également que l'enfant réside à ses côtés, à Monaco, depuis l'âge de trois ans. Il évoquait également divers éléments attestant de leur proximité.
Monsieur le Procureur général prenait des réquisitions le 30 avril 2013 aux fins de constater que Monsieur p BU est dépourvu de toute qualité à agir en l'espèce. Il relevait également qu'aucune situation de danger n'était caractérisée.
Une audience se tenait le 4 juin 2013. Monsieur p BU comparaissait et maintenait l'intégralité de ses demandes. Madame f VA LA comparaissait également. Elle indiquait être en parfait accord avec son ex époux et déposait ce même jour par le truchement de son conseil ses conclusions aux fins qu'il lui soit donné acte :
de ce qu'elle n'entend pas s'opposer à ce que la résidence habituelle de son fils, j CH, soit fixée au domicile de Monsieur p BU,
de ce qu'elle se réserve le droit de solliciter, dans le respect de l'intérêt supérieur de j, la fixation de la résidence habituelle de son fils auprès d'elle, en cas de changement majeur de la situation actuelle,
de dire et juger qu'elle dispose seule de l'autorité parentale à l'égard de son fils j CH et en conséquence :
de dire et juger que Monsieur p BU la consultera, pour accord, sur l'ensemble des questions relatives à la surveillance, la santé et l'éducation de j CH, ainsi qu'en cas de changement de domicile de Monsieur p BU,
de constater et donner acte à Monsieur p BU de ce qu'il n'entend lui réclamer aucune somme d'argent au titre des frais relatifs à l'hébergement, la vie courante et les frais de scolarité de j CH,
de fixer à son profit le plus large droit de visite et d'hébergement possible, qui, à défaut de meilleur accord des parties, s'exercera une fin de semaine sur deux, du vendredi 18 heures au dimanche 18 heures ainsi que durant la moitié de toutes les vacances scolaires et plus précisément, la première moitié les années paires et la seconde moitié les années impaires.
L'affaire était mise en délibéré.
SUR CE,
Sur la compétence du juge tutélaire et la recevabilité de la requête déposée par Monsieur p BU,
Attendu que l'article 830 du Code de procédure civile prévoit que « le juge tutélaire est compétent pour prendre les mesures qui nécessitent la protection des mineurs et celle des majeurs incapables ; en ces matières il peut se saisir d'office. Il est également compétent pour statuer sur les difficultés auxquelles peuvent donner lieu les rapports familiaux et ce, dans les cas prévus par la loi » ;
Attendu que le législateur, par ce texte de compétence générale, a entendu confier au juge tutélaire la protection des majeurs incapables, la protection des mineurs en danger et le règlement de conflits liés aux difficultés auxquelles peuvent donner lieu les rapports familiaux ;
Attendu que ces différents domaines d'intervention du juge tutélaire, en l'état du droit applicable, procurent à ce magistrat différentes solutions afin de résoudre les conflits et difficultés qui lui sont soumis en fonction de la matière ; Qu'il convient dès lors de définir la matière visée par la requête déposée par Monsieur p BU et reprise oralement lors de l'audience par Madame f VA LA ;
Attendu que le requérant sollicite à titre principal de voir fixer la résidence habituelle du mineur j CH auprès de son domicile, ce jeune le considérant comme son père ; Que Madame f VA LA, mère du mineur j CH, ne s'y oppose pas, préférant voir évoluer son enfant en Principauté de Monaco auprès de Monsieur p BU et d'un autre enfant issu de l'union de Monsieur p BU et de celle-ci ; Qu'aucun élément de danger n'était avancé et mis en exergue s'agissant du mineur j CH ;
Attendu dans ces circonstances que le magistrat tutélaire intervient au cas d'espèce dans le troisième champs de compétence énoncé par l'article 830 du Code de procédure civile sus évoqué s'agissant du règlement des difficultés auxquelles peuvent donner lieu les rapports familiaux ;
Attendu qu'il est exact de dire, comme le soutient le requérant, que le magistrat monégasque est compétent pour connaître de la situation de ce jeune, celui-ci se trouvant sur le territoire monégasque ;
Attendu qu'aux termes de l'article 303 du Code civil, le juge tutélaire statue sur les conditions d'exercice de l'autorité parentale ou les difficultés qu'elles soulèvent, en fonction de l'intérêt de l'enfant, à la demande du père, de la mère, de tout intéressé ou du ministère public ;
Attendu qu'il n'est pas contesté que le mineur j CH a vécu un certain nombre d'années auprès du requérant Monsieur p BU, ce dernier ayant été le mari de la mère du mineur Madame f VA LA et ayant fait fonction de substitut paternel ; Qu'il ne peut également être contesté l'attachement réciproque que se portent Monsieur p BU et j CH ;
Attendu dès lors que Monsieur p BU, portant un intérêt au mineur j CH, est parfaitement fondé à saisir le magistrat tutélaire en pareille matière ;
Attendu néanmoins que l'article 831 du Code de procédure civile dispose que « sans préjudice des dispositions de l'article 835, le juge tutélaire connaît, à l'exclusion de toute autre juridiction, des demandes tendant à titre principal :
1° Modifier la garde d'un mineur dont les parents sont séparés de corps ou divorcés ; la demande n'est recevable que si, depuis la dernière décision relative à cette garde, s'est produit un fait nouveau de nature à compromettre la situation du mineur quant à sa santé, sa moralité ou son éducation.
2° à organiser le droit de visite ;
3° à modifier la charge et le montant de la pension alimentaire relative à ce mineur » ;
Que l'article 300 du Code civil prévoit également que « jusqu'à sa majorité ou son émancipation, l'enfant est placé sous l'autorité de ses père et mère qui ont envers lui droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation » ; Qu'enfin l'article 303-1 de ce même code prévoit les conditions de perte de l'exercice de l'autorité parentale et n'aborde pas la possibilité de déléguer l'autorité parentale à un tiers ;
Attendu que les dispositions sus énoncées ne permettent qu'aux seuls parents d'exercer l'autorité parentale sur leur enfant et de solliciter, dans l'hypothèse d'une séparation, tout ce qui en découle, dont la résidence habituelle et le droit de visite et d'hébergement pour le parent n'ayant pas la résidence de l'enfant ; Que la seule alternative prévue par le Code civil réside dans l'attribution « d'un droit de correspondance ou de visite à d'autres personnes » que les parents ; Que si Monsieur p BU avait, compte tenu des liens qui l'unissent à j CH, parfaitement vocation à nous saisir au regard de l'article 303 du Code civil, il ne dispose pas de la possibilité, en l'état du droit monégasque, de voir fixer auprès de lui la résidence habituelle de cet enfant, guère plus que Madame f VA LA qui ne peut solliciter que la résidence habituelle de son enfant soit fixée auprès d'un tiers ;
Attendu toutefois que si cette vision étroite de la famille et des personnes portant un intérêt à l'enfant opérée par le législateur monégasque peut être regrettable, elle s'inscrit dans un ensemble cohérent puisque la présente situation, pour accéder aux demandes émises par les deux parties, paraît relever d'une action en adoption du mineur j CH que pourrait utilement initier Monsieur p BU ;
Attendu qu'il y a lieu de débouter Monsieur p BU et Madame f VA LA de leurs demandes réciproques ;
Sur l'exécution provisoire et les dépens,
Attendu que les circonstances de l'espèce commandent, conformément à l'article 840 et à l'article 848-1 du Code de procédure civile, d'ordonner l'exécution provisoire de la présente ordonnance et de laisser les dépens à la charge de Monsieur p BU ès-qualités de requérant succombant ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Statuant en notre cabinet, par ordonnance contradictoire, en matière de difficultés engendrées par les rapports familiaux,
DÉCLARONS Monsieur p BU et Madame f VA LA irrecevables en leurs demandes réciproques tendant toutes deux, à titre principal, à voir transférer au profit de Monsieur p BU la résidence habituelle du mineur j CH ;
ORDONNONS l'exécution provisoire de la présente décision ;
ET LAISSONS les dépens à la charge de Monsieur p BU, ès qualités de requérant.