Juge tutélaire, 3 juillet 2012, G. ME. c/ n. UL. divorcée ZA.

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Abstract🔗

Juge tutélaire - Compétence en cas de déplacement ou de non-retour illicite de l'enfant pour ordonner son retour en Principauté

Résumé🔗

La Convention de la Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants rendue exécutoire par Ordonnance n° 16.277 du 2 avril 2004 prévoit en son article 7 que :

« 1/ En cas de déplacement ou de non-retour illicite de l'enfant, les autorités de l'État contractant dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour conservent leur compétence jusqu'au moment où l'enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État et que :

a) toute personne, institution ou autre organisme ayant le droit de garde a acquiescé au déplacement ou au non-retour...

2/ Le déplacement ou le non-retour de l'enfant est considéré comme illicite :

a) lorsqu'il y a eu violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution, ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'État dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour, et,

b) que ce droit était exercé de façon effective, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eût été si de tels événements n'étaient survenus ».

Dans ces circonstances, le juge tutélaire, qui avait conservé sa compétence en raison du déplacement illicite de l'enfant en Allemagne commis par sa mère, a fixé la résidence habituelle de celui-ci au domicile de son père à Monaco et ordonné, en conséquence, le retour de l'enfant en Principauté. Le père et la mère de l'enfant qui résidaient ensemble à Monaco et exerçaient, en conséquence, conjointement l'autorité parentale, en sorte que la mère en décidant de quitter le territoire de la Principauté pour s'installer en Allemagne avec l'enfant commun, sans avoir obtenu, au préalable, l'acquiescement du père, s'est ainsi rendue coupable d'un déplacement de cet enfant considéré comme illicite par l'article 7 de la convention susvisée.


Motifs🔗

Nous, Juge tutélaire,

AVONS RENDU LA PRÉSENTE ORDONNANCE DONT LA TENEUR SUIT :

De l'union libre entre Monsieur g. ME. et Madame n. UL. divorcée ZA. est né an. le 27 avril 2011.

Par requête en date du 8 juin 2012, Monsieur g. ME. a sollicité que la résidence de l'enfant mineur soit fixée, auprès de lui, que l'autorité parentale s'exerce conjointement, de faire interdiction à Madame n. ZA. de sortir du territoire de la Principauté de Monaco avec an., d'ordonner telle mesure d'instruction qu'il appartiendra et enfin d'ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Il indiquait que des différends relationnels l'opposaient à Madame n. ZA. Ces différends résidaient notamment dans le fait que celle-ci passait plus de temps avec ses amis à l'extérieur du domicile conjugal qu'à s'occuper de l'enfant mineur du couple. Il versait à l'appui un constat réalisé par un huissier de justice le 30 mai 2012. Cet épisode ainsi relaté avait abouti au départ du domicile conjugal de Madame n. ZA. avec an., cette dernière ayant été accueillie provisoirement au foyer de l'enfance Princesse Charlène.

Une première audience se tenait le 20 juin 2012. Madame n. ZA., bien qu'ayant eu connaissance de la saisine du Juge tutélaire et de l'audience qui devait se tenir, n'a pas déféré à la convocation qui lui avait été adressée. Son avocat qui la représentait, sollicitait le renvoi afin que celle-ci puisse comparaître en personne. L'affaire était donc renvoyée au 2 juillet 2012.

Dans l'intervalle, il est apparu que Madame n. ZA. avait quitté avec l'enfant mineur le foyer de l'enfance le 16 juin 2012 dans l'après-midi, prétextant de se rendre à la plage, pour en réalité regagner l'Allemagne, pays dans lequel réside un enfant né d'un premier lit.

Par courrier du 25 juin 2012, le conseil de Madame n. ZA. confirmait que « sa cliente s'est rendue à Berlin pour récupérer ses effets personnels, voir son fils et organiser son installation provisoire en Principauté ». Le conseil ajoutait que sa cliente devait « revenir à Monaco dans le courant de la semaine notamment en vue de l'audience du 2 juillet 2012 ».

Une seconde audience se tenait donc le 2 juillet 2012. Madame n. ZA. ne comparaissait pas. Son conseil déposait en revanche des conclusions aux termes desquelles elle sollicitait, in limine litis, au visa des articles 5 et 16 de la convention de la Haye du 19 octobre 1996, de constater que la résidence habituelle de l'enfant est fixée à Berlin et de dire en conséquence que les tribunaux monégasques étaient incompétents pour connaître du présent litige.

Tout en invoquant les épisodes de violences auxquels était confrontée Madame n. ZA., son conseil soutenait que l'enfant n'avait en réalité pas subi de modification dans l'établissement de sa résidence, qu'il est né en Allemagne et qu'il y réside à nouveau. Elle en déduisait dès lors que seuls les tribunaux allemands étaient compétents pour connaître de ce contentieux. Elle invoquait en tout état de cause l'application du droit allemand qui ne connaissait pas de l'autorité parentale conjointe en dehors du mariage.

Elle ne formait en conséquence pas de demande sur le fond.

Monsieur g. ME. maintenait quant à lui l'intégralité de ses demandes. Sur les moyens d'incompétence soulevés, il indiquait que l'enfant était de nationalité monégasque et que dès lors il n'y avait aucune difficulté quant à la compétence des juridictions monégasques.

Il faisait également part de ses inquiétudes quant au lieu de vie de son enfant, Madame n. ZA. n'ayant aucun moyen de subsistance. Il soutenait qu'il bénéficiait quant à lui d'un appartement permettant un bon accueil de l'enfant, d'un entourage familial étoffé et également d'une bonne situation professionnelle.

L'affaire était mise en délibéré.

SUR CE,

Sur la compétence

Attendu que la convention concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants faite à La Haye le 19 octobre 1996 et rendue exécutoire par ordonnance n° 16.277 du 2 avril 2004 prévoit en son article 5 que :

« 1. les autorités, tant judiciaires qu'administratives, de l'État contractant de la résidence habituelle de l'enfant sont compétentes pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens.

2. Sous réserve de l'article 7, en cas de changement de la résidence habituelle de l'enfant dans un autre État contractant, sont compétentes les autorités de l'État de la nouvelle résidence habituelle » ;

Mais attendu également que l'article 7 de ladite convention stipule que :

«1. En cas de déplacement ou de non-retour illicite de l'enfant, les autorités de l'État contractant dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour conservent leur compétence jusqu'au moment où l'enfant a acquis une résidence habituelle dans un autre État et que :

  • a) toute personne, institution ou autre organisme ayant le droit de garde a acquiescé au déplacement ou au non-retour ; ou

  • b) l'enfant a résidé dans cet autre État pour une période d'au moins un an après que la personne, l'institution ou tout autre organisme ayant le droit de garde a connu ou aurait dû connaître le lieu où se trouvait l'enfant, aucune demande de retour présentée pendant cette période n'est encore en cours d'examen, et l'enfant s'est intégré dans son nouveau milieu.

2. Le déplacement ou le non-retour de l'enfant est considéré comme illicite :

  • a) lorsqu'il a lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, une institution ou tout autre organisme, seul ou conjointement, par le droit de l'État dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement ou son non-retour, et

  • b) que ce droit était exercé de façon effective, seul ou conjointement, au moment du déplacement ou du non-retour, ou l'eût été si de tels événements n'étaient survenus. » ;

Attendu qu'en l'espèce, il y a lieu de constater que an. dispose d'un passeport monégasque délivré le 22 juin 2011 et d'une carte d'identité monégasque délivrée quant à elle le 21 juin 2011 ; Qu'il résulte également d'un certificat dressé par Monsieur le Maire de Monaco que le jeune an. est de nationalité monégasque ;

Attendu que l'enfant mineur dispose également d'un passeport établi par les autorités allemandes en date du 3 juin 2011 soit antérieurement aux documents d'identité monégasques ;

Qu'il résulte également d'un courrier du service d'actions sociales-petite enfance de la Mairie de Monaco en date du 26 avril 2012 que le jeune an. devait bénéficier d'une inscription à la crèche de la Roseraie en Principauté de Monaco ;

Qu'il est par conséquent constant que le couple constitué par Madame n. ZA. et Monsieur g. ME. avait pris la décision, à compter du mois de juin de l'année 2011, d'établir leur résidence et celle de leur enfant en Principauté de Monaco ;

Attendu que l'article 301 du Code civil pose le principe selon lequel « l'autorité parentale est exercée en commun par les père et mère » ;

Attendu qu'il ne peut être contesté que Madame n. ZA. a quitté la Principauté de Monaco sans avoir obtenu l'accord préalable et nécessaire de Monsieur g. ME., père d'an. ; Que ce déplacement résulte d'une note du Directeur du Foyer de l'enfance Princesse Charlène dans lequel Madame n. ZA. et an. étaient accueillis ;

Qu'il apparaît que cette dernière a volontairement dissimulé ses réelles intentions aux autorités responsables du Foyer en indiquant, le samedi 16 juin 2012, partir provisoirement de ce lieu de vie pour passer l'après-midi à la plage ; Qu'il s'est avéré en réalité que celle-ci a quitté la Principauté de Monaco pour se rendre en Allemagne ;

Attendu que dans ces circonstances, l'autorité parentale s'exerçant conjointement, Madame n. ZA. devait, avant son départ, obtenir l'autorisation de Monsieur g. ME. pour quitter le territoire monégasque en compagnie de l'enfant commun du couple ;

Attendu que tel n'a pas été le cas en l'espèce, cette dernière s'étant affranchie de cette obligation ; Qu'il convient dès lors de considérer que l'enfant a été déplacé illicitement de son lieu de résidence habituelle de sorte que les juridictions monégasques sont bien compétentes pour connaître de ce contentieux ;

Attendu qu'il convient de relever en tout état de cause qu'au moment du dépôt de la requête par Monsieur g. ME., Madame n. ZA. et an. résidaient encore en Principauté de Monaco puisqu'ils étaient hébergés le 8 juin 2012 au Foyer de l'enfance ;

Attendu enfin que l'article 16 invoqué par le conseil de Madame n. ZA. n'est pas en rapport avec le contentieux lié à la compétence territoriale ; Qu'il ne peut dès lors trouver à s'appliquer ;

Attendu dans ces circonstances que la compétence des juridictions monégasques doit être retenue ;

Sur le fond

Attendu que l'article 831 du Code de procédure civile dispose que « sans préjudice des dispositions de l'article 835, le juge tutélaire connaît, à l'exclusion de toute autre juridiction, des demandes tendant à titre principal :

1° Modifier la garde d'un mineur dont les parents sont séparés de corps ou divorcés ; la demande n'est recevable que si, depuis la dernière décision relative à cette garde, s'est produit un fait nouveau de nature à compromettre la situation du mineur quant à sa santé, sa moralité ou son éducation.

2° à organiser le droit de visite ;

3° à modifier la charge et le montant de la pension alimentaire relative à ce mineur » ;

Que l'article 300 du Code civil prévoit que le juge tutélaire peut, en cas de difficulté, régler les modalités de l'autorité parentale s'agissant de la résidence de l'enfant, du droit de visite et d'hébergement accordé au parent et de la part contributive à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ;

Sur l'autorité parentale

Attendu que l'article 301 du Code civil dispose que : « l'autorité parentale est exercée en commun par les père et mère » ; Qu'il convient en conséquence de rappeler que l'autorité parentale doit s'exercer conjointement par Madame n. ZA. et Monsieur g. ME. ;

Sur la résidence habituelle de l'enfant

Attendu qu'il résulte du contrat de bail en date du 6 mai 1998 que Monsieur g. ME. est locataire d'un appartement de deux pièces situé dans l'immeuble le X à Monaco ; Qu'il était convenu que le couple et l'enfant emménagent dans un appartement de trois pièces plus adapté au besoin du foyer situé également à Monaco dans l'immeuble la RADIEUSE ;

Attendu que Monsieur g. ME. est employé en qualité de pilote par la société HELI AIR MONACO depuis le 14 novembre 2011 ; Que le 1er mai 2012, il a fait l'objet d'un avancement en devenant pilote R.D.O.A. adjoint ; Que ce nouveau poste lui procure des revenus mensuels de 2.970,58 euros ;

Attendu que Monsieur g. ME. jouit de bonnes conditions matérielles de vie qui permettraient de fixer la résidence habituelle de l'enfant an. à son domicile ; Qu'au surplus, il convient de relever que les parents de Monsieur g. ME. sont extrêmement présents autour de lui ce qui garantit à l'enfant mineur un entourage éducatif et familial étoffé ;

Attendu qu'il convient de constater en revanche qu'aucune information s'agissant du domicile en Allemagne de Madame n. ZA., à l'exception d'une simple adresse, n'a été communiqué ; Que nous disposons guère plus d'élément sur son entourage social ou sur sa situation professionnelle ; Qu'il semble que cette dernière était employée, avant son arrivée à Monaco, à Berlin par la société TIFFANY & CO. et qu'elle se trouve désormais en position de disponibilité jusqu'au 27 avril 2014 ;

Attendu qu'il convient toutefois de relever que les éducateurs spécialisés du Foyer de l'enfance Princesse Charlène avaient noté lors de l'accueil en urgence de Madame n. ZA. que la relation entre elle et son enfant était « sereine » ; Que ces professionnels indiquaient alors que « la maman répondait à tous les besoins de son petit garçon, prenant soin de sa santé, de son hygiène et de son alimentation » ;

Attendu pour autant qu'il y a lieu de tirer toutes conséquences utiles du départ précipité du territoire national de Madame n. ZA., du défaut d'information sur la situation matérielle et éducative dans laquelle évolue désormais le jeune an. et de son absence de communication avec le père, Monsieur g. ME., en fixant, dans l'intérêt supérieur du mineur, sa résidence habituelle auprès de son père ;

Qu'il convient d'ordonner en conséquence le retour de l'enfant en Principauté de Monaco ;

Sur l'exécution provisoire et les dépens

Attendu que les circonstances de l'espèce commandent, conformément à l'article 232 et l'article 840 du Code de procédure civile, d'ordonner l'exécution provisoire de la présente ordonnance et de faire masse des dépens et de dire qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Statuant en notre cabinet par ordonnance contradictoire,

Rappelons que l'autorité parentale est exercée conjointement par Madame n. ZA. et Monsieur g. ME. ;

Constatons que l'enfant an. a été déplacé illicitement en Allemagne par Madame n. ZA. ;

Fixons la résidence habituelle de l'enfant an. au domicile de son père, Monsieur g. ME., sis le X - X à Monaco ;

Ordonnons en conséquence le retour en Principauté de Monaco de l'enfant an. ;

Ordonnons l'exécution provisoire de la présente décision ;

Faisons masse des dépens et disons qu'ils seront partagés par moitié entre les parties.

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