Juge tutélaire, 11 mai 2012, m. GU. c/ C. DA. CO.

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Abstract🔗

Juge tutélaire - Compétence - Modification du droit de garde et organisation du droit de visite

Résumé🔗

L'article 831 du Code de procédure civile dispose que : « sans préjudice des dispositions de l'article 835, le juge tutélaire connaît, à l'exclusion de toute autre juridiction, des demandes tendant à titre principal :

1/ modifier la garde d'un mineur dont les parents sont séparés de corps ou divorcés ; la demande n'est recevable que si, depuis la dernière décision relative à cette garde s'est produit un fait nouveau de nature à compromettre la situation du mineur quant à sa santé, sa moralité, son éducation »

Le juge tutélaire, saisi par le père de l'enfant d'une demande tendant à voir modifier le droit de visite et d'hébergement accordé à la mère, a déclaré sa requête recevable dès lors qu'il ressortait des divers documents versés aux débats, que, d'une part, pour l'année scolaire 2011/2012 les résultats fournis par l'enfant en français risquaient de la mettre dans une fâcheuse posture, et que, d'autre part, pour les résultats de l'année en cours, il était fait état d'une chute des résultats scolaires, notamment en français.

Ces éléments jusqu'alors inconnus, constituaient un fait nouveau de nature à compromettre la situation de l'enfant quant à son éducation.


Motifs🔗

Nous, Juge tutélaire,

AVONS RENDU LA PRÉSENTE ORDONNANCE DONT LA TENEUR SUIT :

Madame c. DA. CO. et Monsieur m. GU. se sont mariés le 24 septembre 1999. De cette union est né ma. le 21 mai 2003.

Monsieur m. GU. introduisait une procédure de divorce par requête du mois d'octobre 2007.

Parallèlement, l'enfant ma. faisait l'objet d'un placement en urgence auprès du foyer de l'enfance de la Direction de l'Action Sanitaire et Sociale de Monaco le 21 février 2008. Une ordonnance ordonnant la main levée dudit placement était rendue le 5 septembre 2008. Par la même décision, l'enfant était confié à Monsieur m. GU. et un droit de visite et d'hébergement était fixé pour Madame c. DA. CO. du lundi 8 heures au lundi suivant 8 heures ainsi que la moitié des vacances scolaires.

Par jugement en date du 9 décembre 2010, le Tribunal de première instance prononçait le divorce des époux GU. DA. CO., fixait la résidence habituelle de l'enfant au domicile du père, réservait à la mère un droit de visite et d'hébergement d'une semaine sur deux et de la moitié des vacances scolaires et condamnait Monsieur m. GU. à verser une part contributive à l'entretien et l'éducation de ma. de 500 euros par mois avec indexation annuelle.

Par arrêt en date du 18 octobre 2011, la Cour d'appel confirmait en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal le 9 décembre 2010 à l'exception du montant de la prestation compensatoire et de la part contributive à l'entretien et l'éducation de ma.

Cette décision faisait l'objet d'un pourvoi en révision formé par Monsieur m. GU.

Ce dernier nous saisissait d'une requête déposée le 20 janvier 2012 aux fins de modifier les droits de visite et d'hébergement fixés au bénéfice de Madame c. DA. CO. À titre principal, il sollicitait que ce droit s'exerce un week-end sur deux, du samedi matin 9 heures au dimanche soir 19 heures outre la moitié des vacances scolaires. À titre subsidiaire, il sollicitait d'être autorisé à prendre l'enfant à la sortie de l'école, les soirs de semaine de la mère pour deux heures afin d'effectuer les devoirs et remises à niveau avant qu'il ne soit remis au domicile de la mère. En tout état de cause, il sollicitait l'exécution sur minute et avant enregistrement de l'ordonnance à intervenir.

Une ordonnance était rendue le 18 avril 2012 aux termes de laquelle le juge tutélaire se déclarait compétent pour connaître des demandes de modification des droits de visite et d'hébergement présentées par Monsieur m. GU. et rouvrait les débats.

La requête initiale était complétée par des conclusions en date du 3 mai 2012.

Monsieur m. GU. soutenait que les résultats scolaires de ma. était en baisse et que celui-ci semblait souffrir de difficulté de compréhension et de mémorisation. Il attribuait ces difficultés à la mauvaise maîtrise de la langue française de Madame c. DA. CO. Il indiquait être entièrement disponible pour son fils et de son investissement total pour l'aider sur le plan éducatif. Il assurait que les résultats scolaires de ma. dans leur ensemble étaient nettement supérieurs lorsque la garde n'était pas alternée. Il prétendait également que les prétendus cours du soir auxquels était inscrit ma. n'étaient en réalité qu'une simple garderie supervisée par des étudiants qui n'aidaient en rien les enfants à faire leurs devoirs.

Il assurait enfin de sa réelle volonté d'aider ma. en indiquant qu'il convenait de prendre une décision rapidement car la période est cruciale pour l'avenir de l'enfant.

Par ailleurs, il soutenait que la demande de paiement de dommages et intérêts était aucunement justifiée puisque Madame c. DA. CO. ne subissait aucun préjudice.

Madame c. DA. CO. répliquait par conclusions en date du 7 mai 2012. Elle sollicitait d'une part de déclarer irrecevable la demande de Monsieur m. GU., celui-ci ne justifiant d'aucun fait nouveau de nature à compromettre la situation de l'enfant ma. quant à sa santé, sa moralité ou son éducation, d'autre part de la débouter de toutes ses demandes, fins et moyens et enfin de le condamner à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour son préjudice matériel et moral et aux entiers dépens.

Sur le fondement de l'article 831-1° du Code de procédure civile, elle soutenait que les pièces versées à l'appui de la requête de Monsieur m. GU. étaient les mêmes que devant le Tribunal de première instance et la Cour d'appel. Elle en déduisait qu'aucun élément nouveau propre à retenir la compétence du juge tutélaire n'était rapporté. Elle citait ainsi la motivation du jugement du Tribunal de première instance du 9 décembre 2010 et de l'arrêt de la Cour d'appel du 18 octobre 2011.

Elle indiquait que ses défaillances en langue française ne pouvait justifier une modification des droits de visite et d'hébergement en rappelant que l'amour qu'elle portait à son fils lui assurer de bonnes capacités éducatives.

Elle faisait valoir que les nouvelles pièces versées aux débats par Monsieur m. GU. ne reflétaient en rien la réelle situation scolaire de ma.

S'agissant de sa demande en paiement de dommages et intérêts, elle soutenait que les multiples procédures de Monsieur m. GU. étaient parfaitement abusives, ce dernier ayant été à chaque reprise débouté de ses demandes.

L'audience s'est tenue le 7 mai 2012.

Monsieur m. GU. et Madame c. DA. CO. ont tous deux maintenu l'intégralité de leurs prétentions.

SUR CE,

Sur la recevabilité de la requête

Attendu que l'article 831 du Code de procédure civile dispose que « sans préjudice des dispositions de l'article 835, le juge tutélaire connaît, à l'exclusion de toute autre juridiction, des demandes tendant à titre principal :

1° Modifier la garde d'un mineur dont les parents sont séparés de corps ou divorcés ; la demande n'est recevable que si, depuis la dernière décision relative à cette garde, s'est produit un fait nouveau de nature à compromettre la situation du mineur quant à sa santé, sa moralité ou son éducation.

2° à organiser le droit de visite ;

3° à modifier la charge et le montant de la pension alimentaire relative à ce mineur » ;

Attendu qu'il convient de relever que le Tribunal de première instance par jugement du 9 décembre 2010 et que la Cour d'appel par arrêt du 18 octobre 2011 ont préalablement statué sur la résidence habituelle de l'enfant ainsi que sur les droits de visite et d'hébergement ;

Que le Tribunal de première instance avait fixé la résidence habituelle de l'enfant ma. auprès de son père et dit que le droit de visite et d'hébergement de la mère s'effectuerait une semaine sur deux du lundi 8 heures au lundi suivant 8 heures ainsi que durant la première moitié des vacances scolaires les années paires et durant la seconde moitié les années impaires ;

Attendu que pour ce faire, le tribunal relevait que « il ressort clairement de l'enquête sociale réalisée par Madame QU., des éléments médicaux versés au dossier, ainsi que des attestations émanant de son entourage que Madame c. DA. CO. est une mère aimante et affectueuse, s'occupant normalement de la santé et de l'hygiène de son fils et capable d'être un repère protecteur pour lui » et également que « il ressort des éléments du dossier que Madame c. DA. CO. est expatriée de son pays d'origine le Brésil où elle a toute sa famille et ses attaches et qu'elle s'exprime très mal en français » ;

Que la cour indiquait également que « Madame c. DA. CO. ne démontre au demeurant pas en quoi la fixation à son domicile du lieu de résidence habituel de son fils qu'elle revendique, serait davantage conforme à l'intérêt actuel de l'enfant » ;

Attendu que ces deux juridictions n'ont nullement fait état, pour fixer la résidence habituelle de ma. auprès de son père, des difficultés scolaires que celui-ci rencontrait ;

Qu'il convient dès lors d'en déduire que celles-ci, au moment où le Tribunal et la Cour ont statué étaient inexistantes ;

Attendu que Monsieur m. GU. verse à la présente instance plusieurs documents scolaires ; Qu'il ressort du « carnet d'évaluation » pour les années scolaires 2007-2008 et 2008-2009 que les évaluations sont positives ;

Qu'il ressort en revanche d'un relevé de note pour la période 1 de l'année scolaire 2011-2012 que « les résultats et les efforts fournis par ma. en français sont insuffisants et risquent de la mettre dans une fâcheuse posture » ;

Attendu que diverses copies de ma. de l'année scolaire en cours sont également versées ; Que celles-ci font état d'une chute des résultats scolaires, notamment en français ;

Attendu que ces éléments constituent un fait nouveau qui est de nature à compromettre la situation de ma. quant à son éducation et qu'il convient dès lors de déclarer recevable la requête déposée par Monsieur m. GU. le 20 janvier 2012 ;

Sur les droits de visite et d'hébergement

Attendu qu'il convient de rappeler que l'article 300 du Code civil prévoit que : « l'enfant est placé sous l'autorité de ses père et mère qui ont envers lui droit et devoir de garde, de surveillance et d'éducation, pour le protéger dans sa sécurité, sa santé, sa moralité et pour permettre son développement, dans le respect dû à sa personne » ;

Attendu, comme indiqué supra, qu'il apparaît des éléments versés par Monsieur m. GU. que ma. rencontre depuis le début de l'année scolaire 2011-2012 des difficultés qui se traduisent par une chute dans sa notation ;

Que ces difficultés semblent concentrés autour du français ;

Attendu que ce dernier, pour justifier de ses demandes de modification de droit de visite et d'hébergement, impute l'entière responsabilité de ces difficultés à Madame c. DA. CO. compte tenu de sa mauvaise pratique de la langue française, celle-ci étant d'origine brésilienne ;

Attendu que Madame c. DA. CO. indique, pour contester ces dires, d'une part que son enfant ma. est inscrit à l'étude de l'école Saint Charles où l'équipe pédagogique l'assiste dans l'accomplissement de ses devoirs et d'autre part qu'il bénéficie de cours particuliers le samedi matin ;

Attendu qu'à l'appui, Madame c. DA. CO. verse aux débats le relevé de notes de l'année 2011-2012 pour la période 2 sur laquelle figure les observations suivantes : « les résultats sont en amélioration. ma. a des capacités qu'il a mieux mobilisées lors de cette période. Néanmoins, il peut encore mieux faire en faisant preuve d'un peu plus de volonté et de moins de nonchalance » ; Qu'il apparaît, à la lecture de ladite pièce, que les notes en français sont bonnes, celles-ci allant du 10,8 sur 20 au 17,3 sur 20 ; Qu'il n'est pas contestable qu'une amélioration est intervenue entre la 1re et la 2e période ;

Attendu pour autant que Monsieur m. GU. soutient que les résultats sont à nouveau en baise ; Qu'il ressort d'un document intitulé « dictée n° 8 » en date du 28 mars 2012 que ma. a obtenu la note de 5 sur 20 ; Que le 15 mars 2012, il a également obtenu la note de 9 sur 20 en mathématiques ;

Mais attendu également que d'autres copies pour la même période sont également versées ; Que celles-ci font état de résultats en amélioration ;

Attendu dans ces circonstances que les éléments apportés par Monsieur m. GU. ne sont pas de nature à modifier en profondeur les droits de visite et d'hébergement fixés par le jugement du Tribunal de première instance du 9 décembre 2010 ;

Qu'il convient en effet de relever que Madame c. DA. CO., sans remettre en cause ses facultés parentales, est consciente de ses propres carences en langue française puisque cette dernière a inscrit ma. à l'étude du soir et qu'il bénéficie également de cours particuliers le samedi matin ;

Attendu toutefois qu'il apparaît que les mesures prises par Madame c. DA. CO. ne sont pas suffisantes, les résultats de ma. étant encore trop aléatoires, celui-ci semblant manquer d'investissement sur le plan scolaire ;

Attendu en effet que l'étude du soir ne constitue pas une aide aux devoirs puisqu'il ressort de l'attestation de Madame s. RO. établie le 12 avril 2012 que « les devoirs ne sont pas supervisés par les surveillants et doivent être vus par les parents le soir à la maison » ; Que cette réalité n'est pas contestée par Madame c. DA. CO. ;

Attendu que les cours privés dont bénéficie ma. le samedi matin ne sont pas de nature seuls à pallier les difficultés scolaires rencontrés par le mineur ;

Attendu que le juge tutélaire statuant en matière d'assistance éducative avait relevé dans son ordonnance du 5 septembre 2008 que Monsieur m. GU. paraissait « davantage organisé et rigoureux » que Madame c. DA. CO. ;

Qu'il indiquait également que les deux parents éprouvaient « beaucoup d'amour et d'affection pour leur enfant » ;

Attendu qu'il convient compte tenu de ces éléments d'élargir les droits de visite et d'hébergement de Monsieur m. GU. qui souhaite s'investir de manière plus importante dans l'éducation de son fils en l'aidant notamment plus fréquemment à faire ses devoirs ;

Attendu qu'il convient de relever que Madame c. DA. CO., selon ses dires, a été contrainte d'inscrire son fils à l'étude du soir compte tenu de ses impératifs professionnels ; Que Monsieur m. GU. indique pouvoir se rendre disponible en dehors de ses semaines d'exercice de son droit de visite et d'hébergement pour prendre en charge son fils ;

Attendu dans ces circonstances qu'il convient de maintenir les droits de visite et d'hébergement tels qu'ils avaient été précédemment fixés en indiquant que Monsieur m. GU. bénéficiera d'un droit de visite supplémentaire, les semaines pendant lesquelles l'enfant sera chez la mère, le mardi et le jeudi après la fin de l'école de ma. et jusqu'à 19h30, à charge pour lui de le ramener auprès de Madame c. DA. CO. ;

Attendu que Monsieur m. GU. mettra à profit de temps supplémentaire pour accompagner son fils dans l'accomplissement de ses devoirs comme il s'y est engagé ;

Attendu qu'il convient de préciser que ce temps supplémentaire accordé à Monsieur m. GU. paraît suffisant dans la mesure où d'une part, le droit de visite et d'hébergement précédemment établi à son profit couvre déjà la moitié du temps passé par ma. auprès de ses parents, où d'autre part ma. bénéficie d'activités extra-scolaires le mercredi après-midi et de cours de soutien le samedi matin et enfin où la charge de travail de ma. doit être relative à son jeune âge et à son niveau scolaire ;

Sur la demande de dommages et intérêts

Attendu que Madame c. DA. CO. forme une demande en paiement de dommages et intérêts compte tenu de la multiplicité des procédures pratiquées contre elle par Monsieur m. GU. ;

Attendu que cette demande est sans fondement ; Qu'il conviendra donc de l'en débouter ;

Sur l'exécution sur minute et par provision

Attendu que les circonstances de la cause et notamment la venue de la fin de l'année scolaire justifient de déclarer la présente ordonnance exécutoire sur minute et par provision conformément aux dispositions de l'article 840 du Code de procédure civile ;

Sur les dépens

Attendu que les circonstances de l'espèce commandent de faire masse des dépens et de dire qu'ils seront supportés par moitié par chacune des parties, y compris ceux réservés par notre précédente ordonnance du 7 mai 2012 ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS

Statuant en notre cabinet par ordonnance contradictoire,

Déclarons la requête de Monsieur m. GU. en date du 20 janvier 2012 recevable ;

Rappelons que l'exercice de l'autorité parentale est conjoint ;

Rappelons que la résidence habituelle de ma. est fixée auprès de Monsieur m. GU. ;

Rappelons que le droit de visite et d'hébergement de Madame c. DA. CO. sur son fils mineur ma. GU. s'exerce, sauf meilleur accord des parties, une semaine sur deux, du lundi 8 heures au lundi suivant 8 heures, ainsi que durant la première moitié des vacances scolaires les années paires et durant la seconde moitié les années impaires ;

Disons que Monsieur m. GU. dispose d'un droit de visite supplémentaire, la semaine où Madame c. DA. CO. aura l'exercice de ses droits de visite et d'hébergement, le mardi et le jeudi de la sortie de l'école de ma. jusqu'à 19h30, à charge pour lui de ramener l'enfant au domicile de Madame c. DA. CO. ;

Disons que cette extension du droit de visite octroyée à Monsieur m. GU. n'est valable que pendant la période scolaire ;

Déboutons Monsieur m. GU. du surplus de ses demandes ;

Déboutons Madame c. DA. CO. de l'intégralité de ses demandes ;

Ordonnons l'exécution provisoire de la présente décision ;

Faisons masse des dépens et disons qu'ils seront partagés par moitié entre les parties, y compris ceux réservés par notre précédente ordonnance du 7 mai 2012.

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