Cour supérieure d'arbitrage, 2 novembre 2000, Syndicat des employés, gradés et Cadres de Banque de Monaco c/ l'Association Monégasque des Banques
Abstract🔗
Conflits collectifs de travail - Arbitrage
- Statuant en équité (art. 8, al. 3 de la loi du 4 mars 1948) les Arbitres ont majoré une prime bancaire au su de statistiques produites, concernant l'évolution de la prospérité des banques et la variation des conditions économiques.
Recours devant la Cour Suprême d'arbitrage
- Rejet du moyen tiré de l'article 10 de la loi du 4 mars 1948 : les pièces produites (statistiques) ayant été discutées contradictoirement par les parties.
- Irrecevabilité du moyen tendant à une appréciation des circonstances de fait et à une nouvelle détermination de la prime, la Cour supérieure d'arbitrage n'ayant compétence pour évoquer en équité les questions de fait qu'en cas d'annulation de la sentence arbitrale, qui se serait à tort déclarée incompétente (art. 13, al. 4 de la loi).
Résumé🔗
Le Syndicat des employés, gradés et cadres de Banque de Monaco fait grief à la décision attaquée d'avoir violé l'article 10 alinéa 1er de la loi n° 473, en ce que, pour écarter l'incidence de la prospérité du secteur bancaire quant au calcul de la prime litigieuse, elle a retenu des arguments chiffrés ayant été verbalement communiqués par l'Association monégasque des banques lors de la dernière réunion tenue par les arbitres en présence des parties, le 11 septembre 2000, sans que ladite association n'ait préalablement produit, matériellement, les chiffres évoqués lors de cette réunion, qui concernaient en particulier « la moyenne des actifs gérés pour les années 1998/1999 par les banques », alors que l'article 10 de la loi n° 473 précitée interdisait aux arbitres, selon ce syndicat, de se fonder sur des chiffres simplement avancés par l'association monégasque des banques, mais non vérifiés ni matériellement communiqués à la partie adverse, ce qui l'aurait privée du droit de se défendre sur ce point ;
Cependant, l'article 10, alinéa 1er de la loi n° 473 du 4 mars 1948 dispose seulement que les pièces que les parties versent au débat seront discutées contradictoirement en présence des arbitres ;
Ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que la décision des arbitres s'appuie sur des éléments de fait autrement soumis, de manière contradictoire, à la libre discussion des parties ; dès lors, les arbitres ont pu valablement de référer, en l'espèce, aux chiffres indiqués par l'Association monégasque des banques en relevant qu'ils n'étaient pas contestés par le Syndicat des employés, gradés et cadres de banques ;
Ainsi, sans violer les dispositions invoquées de l'article 10, alinéa 1er, de la loi n° 473 du 4 mars 1948, et par une appréciation des faits échappant au contrôle de la Cour supérieure d'arbitrage, les arbitres ont pu estimer comme ils l'ont fait, sur le fondement des éléments qui leur étaient soumis, que la prospérité du secteur bancaire était variable d'un établissement à l'autre, et en conséquence, écarter à ce titre le critère tiré de cette prospérité ; il s'ensuit qu'en sa première branche le moyen d'annulation n'est pas fondé ;
Il est également reproché à la sentence attaquée d'avoir violé l'article 8, dernier alinéa, de la loi n° 473 du 4 mars 1948, en ce que les arbitres auraient manifestement statué dans un sens contraire à l'équité en écartant également le critère invoqué de la prospérité du secteur bancaire au motif qu'une partie des employés de banque retirait des fruits de cette prospérité, par le biais de primes de bilan ou de résultat, mais en maintenant, ce faisant, un déséquilibre latent entre les diverses catégories d'employés de banque, sans égard au fait que ceux-ci pouvaient, ou non, bénéficier de telles primes, alors que seule la révision sollicitée de l'élément non hiérarchisé de la prime bancaire litigieuse, par application du critère de la prospérité, aurait pu compenser équitablement le blocage des salaires d'une partie du personnel, et le fait que cette prospérité n'était en quelque sorte redistribuée qu'à certains employés seulement ;
Cependant, si aux termes de l'article 8, dernier alinéa, de la loi n° 473 du 4 mars 1948, les arbitres statuent en équité sur les conflits collectifs du travail autres que ceux d'ordre juridique, et notamment sur ceux d'ordre économique, ces dispositions ont pour objet de leur ouvrir la faculté de ne pas fonder leur décision en droit, comme tel a été le cas en l'espèce, mais ne peuvent être invoquées pour motiver un recours en annulation de leur décision fondée sur une appréciation des circonstances de la cause échappant au contrôle de la Cour supérieure d'arbitrage ;
D'où il suit que le moyen d'annulation n'est pas davantage fondé en sa deuxième branche, et que, par voie de conséquence, le recours doit être rejeté.
Motifs🔗
La Cour supérieure d'arbitrage
Considérant les faits suivants :
À l'occasion d'un conflit collectif du travail ayant opposé, en 1960, les membres du Syndicat des employés de banque aux membres du Groupement syndical des banques, F. B., ancien inspecteur du travail, a été désigné pour procéder à l'arbitrage de ce conflit, par arrêté ministériel en date du 4 mai 1960.
L'arbitre, ainsi commis, a rendu sa sentence le 18 juin 1960, laquelle a été publiée au Journal de Monaco du 4 juillet 1960.
Aux termes de cette décision il a été accordé à tout le personnel intéressé, une prime bancaire monégasque, mensuelle, et variable, comportant deux éléments :
premièrement un élément hiérarchisé, constitué par la valeur de l'indice, attribué aux diverses catégories d'employés, multiplié par un coefficient égal à 5 % de la valeur du point, en cours d'application, pour le calcul des salaires.
deuxièmement un élément, non hiérarchisé fixé à 15 francs.
L'arbitre B. a, par ailleurs, décidé que la prime bancaire monégasque, ainsi calculée, entrerait en application à partir du 1er juin 1960.
Pour se déterminer de la sorte l'arbitre B. a d'abord considéré qu'il convenait d'envisager l'octroi d'une telle prime en équité, comme justifiée à la fois par la variation des conditions économiques en dernier lieu relevée, et par la prospérité alors constatée des banques à Monaco, tout en observant que la solution d'une prime s'ajoutant aux salaires simplifiait la question des rémunérations dans la profession bancaire.
L'arbitre B. a également considéré que, comme pour le calcul des salaires, cette prime devait tenir compte de deux éléments : un élément hiérarchisé, basé sur les indices et la valeur du point, et un élément fixe correspondant à une « constante » identique pour tout le personnel.
Il en a conclu, dans les motifs de sa sentence, qu'il apparaissait équitable, dans le but de favoriser tous les salariés, d'attribuer dans l'établissement de la prime une importance relative à la « constante », nettement supérieure à celle qui lui était attribuée dans le calcul des salaires.
Il a alors relevé, pour justifier sa décision, qu'en fixant à 15 francs par mois la valeur de la « constante », dans le calcul de la prime, et à 5 % de la valeur du point le coefficient devant multiplier la valeur de l'indice attribué à chaque employé pour constituer l'élément hiérarchisé de la prime, l'ensemble de celle-ci se rapprochait sensiblement des revendications moyennes des employés dont il était alors fait état.
Ainsi conçue, la prime bancaire monégasque résultant de la sentence rendue par l'arbitre B. a été ultérieurement réévaluée, en son élément fixe, par une nouvelle sentence arbitrale prononcée le 21 juin 1974 entre les mêmes parties.
Cette deuxième sentence, publiée au Journal de Monaco du 5 juillet 1974, a, en effet, constaté l'accord des parties pour que l'élément non hiérarchisé de la prime bancaire monégasque soit désormais porté à 100 francs, avec effet au 1er avril 1974.
Ce montant a, par la suite, été également réévalué.
Un nouveau conflit collectif a cependant opposé, en 1983, le Syndicat des employés, gradés et cadres de banque de Monaco, au Groupement syndical des banques de Monaco, relativement à l'élément fixe de la prime bancaire monégasque.
Par une sentence arbitrale, rendue le 18 juin 1984 dans ce conflit, le montant mensuel de cet élément, qui était jusqu'alors de 266,45 francs, a été porté à 350 francs, avec effet au 20 octobre 1983.
Cette sentence, publiée au Journal de Monaco du 27 juillet 1984, est devenue définitive.
La Cour supérieure d'arbitrage a, en effet, rendu le 9 juillet 1984 un arrêt rejetant une requête en annulation formée contre cette même décision par le Syndicat des employés, gradés et cadres de banque de Monaco.
Par la suite l'élément non hiérarchisé de la prime bancaire monégasque a été à nouveau augmenté, pour être porté à 459,15 francs, le 1er août 1996.
C'est en l'état de ce montant que, le Syndicat des employés, gradés et cadres de banque de Monaco a saisi l'Association monégasque des banques, à la date du 13 mars 1998, d'une demande tendant à le majorer de 1 000 francs.
Cette demande, réitérée le 7 juin 1999, a été refusée par l'Association monégasque des banques lors de la réunion d'une commission paritaire s'étant tenue le 9 septembre 1999.
Le syndicat requérant, sur décision conforme de son assemblée générale, a dès lors saisi le Ministre d'État d'une requête datée du 3 décembre 1999, aux fins de conciliation, conformément aux dispositions de la loi n° 473 du 4 mars 1948.
Soumise, sous la présidence du Président du tribunal du travail, à l'examen de la Commission de conciliation des conflits collectifs du travail, la requête ainsi formulée, a donné lieu à une contestation persistante de la part de l'Association monégasque des banques.
Après avoir, dans ces conditions, tenté sans succès de rapprocher les parties, la Commission de conciliation a, sur ce, dressé un procès-verbal de non-conciliation le 19 janvier 2000.
Les parties ayant immédiatement indiqué qu'elles sollicitaient la désignation d'un collège arbitral, il a été procédé, par arrêté ministériel n° 2000-55 du 7 février 2000, à la désignation de trois arbitres pour statuer sur le conflit opposant de la sorte les parties.
Ledit arrêté ministériel a fixé au 20 juin 2000 la date limite impartie aux arbitres pour rendre leur sentence, mais ce délai a été ultérieurement prorogé en dernier lieu jusqu'au 30 septembre 2000, selon arrêtés successifs n° 2000-276 et 2000-347, en date respectivement des 23 juin et 24 juillet 2000.
En définitive, une sentence arbitrale a été rendue dans ce conflit le 29 septembre 2000, par laquelle, statuant en équité, les arbitres ont décidé de porter à 560 francs le montant mensuel de la partie non hiérarchisée de la prime bancaire.
Dans les motifs de leur décision, les arbitres ont d'abord relevé que le syndicat demandeur avait fondé sa requête sur la sentence rendue par F. B. le 18 juin 1960, qui instituait la prime bancaire monégasque, ainsi que sur les sentences des 1er avril 1974 et 18 juin 1984 portant sur la revalorisation de l'élément non hiérarchisé de la prime bancaire.
Rappelant que la sentence B. se référait à deux critères : la variation des conditions économiques et la prospérité des banques, les arbitres ont constaté que le syndicat demandeur s'appuyait principalement, en sa requête, sur la prospérité grandissante et continue du secteur bancaire de 1996 à 2000, et plus particulièrement des banques de Monaco, du fait de la spécificité de la place, en sorte que la révision de l'élément non hiérarchisé aurait dû, selon ce syndicat, être régulièrement proposée par l'Association monégasque des banques du fait de l'évolution favorable du secteur bancaire, alors en revanche que cet élément n'avait plus été révisé depuis 1984, ni non plus suivi d'évolution parallèle à celle du point, du fait du gel de ce point depuis 1996.
Les arbitres ont également rapporté que le syndicat demandeur avait fondé sa demande sur un souci d'équité, afin de revaloriser de manière égalitaire les revenus de tous les employés de banque, quel que soit leur statut, leur classe ou leur coefficient, parallèlement à l'augmentation du coût de la vie et à la prospérité du secteur dans lequel ils œuvraient, et que les éléments chiffrés de la Caisse autonome des retraites, concernant les salaires des employés de banque, démontraient, selon le syndicat, que plus de la moitié des employés ont des salaires bruts inférieurs à 240 000 francs par an.
En réponse aux moyens ainsi évoqués, l'Association monégasque des banques avait essentiellement soutenu devant les arbitres, que la prime bancaire instituée en 1960 répondait à l'origine, dans un contexte de blocage des salaires, à la nécessité de prendre en compte la prospérité des banques à Monaco, tout en évitant une déconnexion avec les salaires pratiqués dans la région économique voisine.
Relevant que les dispositions réglementaires monégasques prévoyaient désormais une simple référence au niveau des salaires pratiqués dans cette région, sans alignement nécessaire, l'Association monégasque des banques avait prétendu que les conditions ayant présidé à l'arbitrage B. n'étaient plus d'actualité.
Cette association avait alors fait valoir le niveau élevé des salaires et primes de bilan alloués dans les banques de Monaco, qui aurait largement répercuté les effets de développement de l'activité bancaire, en sorte qu'il n'y avait pas lieu à revalorisation de la prime litigieuse, en dehors du jeu normal des mécanismes conventionnels.
Au regard des éléments du différend en cause, ainsi rappelés pour l'essentiel, les arbitres ont, en premier lieu, estimé dans la motivation de leur décision que le conflit dont ils étaient saisis ne revêtait pas un caractère juridique, et qu'il s'agissait seulement d'apprécier en équité l'objet de la demande.
Quant à cet objet, en deuxième lieu, ils ont d'abord considéré, s'agissant de la prospérité du secteur bancaire, qu'au vu des statistiques de la Caisse autonome des retraites, cet élément avait été pris en compte dans la détermination des rémunérations annuelles octroyées au personnel, par le versement de différentes primes directement liées à la prospérité de chaque établissement.
Cette même prospérité, si elle n'avait pas été contestée par l'Association monégasque des banques, était cependant, selon les arbitres, et comme le démontraient les statistiques fournies, très variable d'un établissement à l'autre, et n'impliquait pas une progression des bénéfices nets de chacun des établissements ; les arbitres ont relevé à cet égard, que selon les chiffres fournis par l'Association monégasque des banques, non contestés par le Syndicat des employés, gradés et cadre de banque, la moyenne des actifs gérés pour les années 1998/1999 variait de plus 66,08 pour les banques les plus performantes, à plus 0,6 pour les banques les moins performantes.
Ils ont également relevé qu'au surplus, l'évolution de la prospérité des établissements bancaires ne pouvait être déterminée de manière uniforme, le syndicat n'ayant lui-même pas été en mesure de définir les éléments l'ayant amené à demander une augmentation de 1 000 francs.
Les arbitres ont alors retenu que, d'une manière générale, les rémunérations du secteur bancaire monégasque avaient évolué ces dernières années plus rapidement que les rémunérations servies dans la même profession dans le pays voisin, et plus rapidement que le renchérissement du coût de la vie, selon les statistiques fournies par la Caisse autonome des retraites, et qu'en conséquence le blocage éventuel des salaires d'une partie du personnel ne pouvait être compensé par une mesure de portée générale, identique pour tous les salariés.
S'agissant, d'autre part, du moyen tiré de « la variation des conditions économiques », les arbitres ont considéré qu'il conduirait à retenir, pour compenser le gel du point bancaire depuis 1996, en prenant pour référence les indices mensuels des prix à la consommation en France, série 1990 et 1998 (INSEE) une augmentation de 19,13 francs de la partie non hiérarchisée de la prime bancaire, à 478,28 francs (valeur juillet 2000).
C'est en somme au regard de cet ensemble d'éléments, et en équité, que les arbitres ont décidé devoir porter à 560 francs l'élément fixe litigieux de la prime bancaire monégasque.
Régulièrement notifiée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et communiquée à la Direction du travail et des affaires sociales, la décision arbitrale ainsi rendue le 29 septembre 2000 a été déposée en minute au Greffe du Tribunal du travail et un exemplaire en a été envoyé sous pli recommandé au Procureur Général, le tout en application des articles 14 de la loi n° 473 du 4 mars 1948, et 6 de l'ordonnance Souveraine n° 3916 du 12 septembre 1967.
Dans le délai de 10 jours prévu par l'article 12 de la loi précitée, à compter de la notification de la sentence, laquelle notification a eu lieu en l'espèce lors de la réception de cette décision par les parties, soit le 2 octobre 2000, comme en attestent les avis de réception correspondants, le Syndicat des employés, gradés et cadres de banque, a formé devant la Cour supérieure d'arbitrage un recours en annulation pour violation de la loi, selon requête datée du 9 octobre 2000, signée de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, et reçue le jour même au secrétariat de la Cour supérieure d'arbitrage.
Disposant pour ce faire d'un délai de quinzaine à compter du 2 octobre 2000, soit jusqu'au 17 octobre 2000, le Procureur général n'a pas pour sa part introduit de recours ni déposé de conclusions.
L'Association monégasque de banques a, en revanche, fait parvenir le 20 octobre 2000 au secrétariat de la Cour supérieure d'arbitrage, une contre-requête en réplique au recours en annulation susvisé, régulièrement communiquée à la partie adverse.
En outre, par lettre du 20 octobre 2000, adressée au Président de la Cour supérieure d'arbitrage, le Ministre d'État a fait connaître que le dossier consécutif à ce recours n'appelait aucune observation de la part du Gouvernement princier.
Sur le moyen d'annulation pris en sa première branche :
Considérant que le Syndicat des employés, gradés et cadres de banque de Monaco fait grief à la décision attaquée d'avoir violé l'article 10, alinéa 1er de la loi n° 473, en ce que, pour écarter l'incidence de la prospérité du secteur bancaire quant au calcul de la prime litigieuse, elle a retenu des arguments chiffrés ayant été verbalement communiqués par l'Association monégasque des banques lors de la dernière réunion tenue par les arbitres en présence des parties, le 11 septembre 2000, sans que ladite association n'ait préalablement produit, matériellement, les chiffres évoqués lors de cette réunion, qui concernaient en particulier « la moyenne des actifs gérés pour les années 1998/1999 par les banques », alors que l'article 10 de la loi n° 473 précitée interdisait aux arbitres, selon ce syndicat, de se fonder sur des chiffres simplement avancés par l'Association monégasque des banques, mais non vérifiés ni matériellement communiqués à la partie adverse, ce qui l'aurait privé du droit de se défendre sur ce point ;
Considérant, cependant, l'article 10, alinéa 1er de la loi n° 473 du 4 mars 1948 dispose seulement que les pièces que les parties versent au débat seront discutées contradictoirement en présence des arbitres ;
Que ces dispositions ne faisaient pas obstacle à ce que la décision des arbitres s'appuie sur des éléments de fait autrement soumis, de manière contradictoire, à la libre discussion des parties ; dès lors, les arbitres ont pu valablement se référer, en l'espèce, aux chiffres indiqués par l'Association monégasque des banques en relevant qu'ils n'étaient pas contestés par le Syndicat des employés, gradés et cadres de banque ;
Qu'ainsi, sans violer les dispositions invoquées de l'article 10, alinéa 1er, de la loi n° 473 du 4 mars 1948, et par une appréciation des faits échappant au contrôle de la Cour supérieure d'arbitrage, les arbitres ont pu estimer comme ils l'ont fait, sur le fondement des éléments qui leur étaient soumis, que la prospérité du secteur bancaire était variable d'un établissement à l'autre, et en conséquence, écarter à ce titre le critère tiré de cette prospérité ; qu'il s'ensuit qu'en sa première branche le moyen d'annulation n'est pas fondé ;
Sur le moyen d'annulation pris en sa deuxième branche :
Considérant qu'il est également reproché à la sentence attaquée d'avoir violé l'article 8, dernier alinéa, de la loi n° 473 du 4 mars 1948, en ce que les arbitres auraient manifestement statué dans un sens contraire à l'équité en écartant également le critère invoqué de la prospérité du secteur bancaire au motif qu'une partie des employés de banque retirait des fruits de cette prospérité, par le biais de primes de bilan ou de résultat, mais en maintenant, ce faisant, un déséquilibre latent entre les diverses catégories d'employés de banque, sans égard au fait que ceux-ci pouvaient, ou non, bénéficier de telles primes, alors que seule la révision sollicitée de l'élément non hiérarchisé de la prime bancaire litigieuse, par application du critère de la prospérité, aurait pu compenser équitablement le blocage des salaires d'une partie du personnel, et le fait que cette prospérité n'était en quelque sorte redistribuée qu'à certains employés seulement ;
Considérant, cependant, que si aux termes de l'article 8, dernier alinéa, de la loi n° 473 du 4 mars 1948, les arbitres statuent en équité sur les conflits collectifs du travail autres que ceux d'ordre juridique, et notamment sur ceux d'ordre économique, ces dispositions ont pour objet de leur ouvrir la faculté de ne pas fonder leurs décisions en droit, comme tel a été le cas en l'espèce, mais ne peuvent être invoquées pour motiver un recours en annulation de leur décision fondée sur une appréciation des circonstances de la cause échappant au contrôle de la Cour supérieure d'arbitrage ;
D'où il suit que le moyen d'annulation n'est pas davantage fondé en sa deuxième branche, et que, par voie de conséquence, le recours doit être rejeté ;
Sur les autres demandes,
Considérant que la demande formulée par le syndicat requérant, tendant à une nouvelle détermination de l'élément fixe de la prime bancaire litigieuse, ne peut être reçue en l'état de rejet du recours en annulation formé par cette partie, qui fait désormais obstacle à l'application de la procédure prévue par l'article 14 de l'ordonnance souveraine n° 3916 du 12 décembre 1967 ;
Qu'il en va de même des demandes accessoires présentées par les deux parties, tendant à une condamnation aux dépens, laquelle n'est pas légalement prévue devant la Cour supérieure d'arbitrage.
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
La Cour supérieure d'arbitrage,
Rejette le recours formé contre la sentence rendue le 29 septembre 2000 dans le conflit opposant le Syndicat des employés, gradés et cadres des banques de Monaco, à l'Association monégasque des banques, ainsi que le surplus des demandes des parties.
Composition🔗
M. Landwerlin, prem. prés. rapp. ; Mme François v. prés. ; M. Adam cons. ; M. Gastaud et Mme Thevenoux membres titulaires ; Mlle Le Lay prem. subst. proc. gén. ; Mme Dogliolo secrétaire en chef ; Me Pasquier-Ciulla av. déf. ; M. Billon cons. jur.