Cour supérieure d'arbitrage, 22 juin 1982, Union des syndicats de Monaco c/ Fédération patronale monégasque

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Abstract🔗

Convention collective nationale du 5 novembre 1945

Article 11. Distinction entre les modes de rémunération du personnel salarié (oui). Distinction entre les jours fériés, chômés et payés (oui).

Résumé🔗

Il résulte de l'article 989 du Code civil que toute convention librement conclue et dont l'objet est licite s'impose au juge comme aux parties et qu'il ne peut donc y avoir violation de la loi qu'autant que le juge du fond, appelé à statuer sur un différend d'ordre contractuel, se soit abstenu de faire application de ladite convention, ait méconnu sa force exécutoire au regard des parties ou en ait modifié le sens ou la portée au nom de l'équité, encore qu'il lui soit reconnu un pouvoir souverain pour l'interpréter à condition de ne pas la dénaturer.

Si, aux termes de l'article 990 du Code civil, les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donne à l'obligation d'après sa nature, ces dispositions ne lient pas les parties qui peuvent exécuter la convention par référence exclusive aux stipulations de celle-ci, alors surtout, que l'article 990 susvisé ne peut recevoir application que dans le cas où il n'existe aucune équivoque non plus qu'aucune contestation sur les suites pouvant être conférées par l'équité, l'usage ou la loi auxdites stipulations en considération de leur nature.

La disposition de l'article 990 du Code civil relative à la recherche de l'intention des parties n'exclut pas la faculté dont dispose de surcroît le juge du fond d'effectuer cette recherche même en dehors du texte contractuel, notamment dans les actes d'exécution de celui-ci, dans d'autres conventions des mêmes parties et même dans tout acte quelconque de nature à la manifester.


Motifs🔗

La Cour supérieure d'arbitrage

Vu la sentence arbitrale en date du 27 mai 1982, relative au conflit opposant l'Union des Syndicats de Monaco à la Fédération Patronale Monégasque, et rendue par MM P., C. et G., arbitres désignés par Arrêté ministériel n° 82-10 du 8 janvier 1982 ;

Vu le procès-verbal de non-conciliation du 16 décembre 1981 indiquant que le conflit soumis à l'arbitrage portait sur le différend ainsi précisé :

« chômage et paiement à tous les salariés, sans exclusive, des journées de fête prévues à l'article 11 de la Convention collective générale, c'est-à-dire le 14 juillet et le 3 septembre » ;

Vu la requête formant recours contre la sentence, déposée le 7 juin 1982, par l'Union des Syndicats de Monaco, représentée par M. C. S., son Secrétaire général, tendant à l'annulation de ladite sentence sur un moyen unique, présenté en trois branches, et au renvoi des parties pour être statué au fond ;

Vu le mémoire en réponse déposé par Me René Clérissi, avocat, au nom de la Fédération Patronale Monégasque, concluant au rejet du recours et à la confirmation de la sentence ;

.........................................................

Vu la loi n° 473 du 4 mars 1948, modifiée par les lois n° 603 du 2 juin 1955 et n° 816 du 24 janvier 1967 et l'Ordonnance souveraine n° 3916 du 12 décembre 1967 ;

Attendu que ce recours est recevable en la forme ;

Sur la première branche du moyen unique :

tiré de la prétendue « violation de l'article 989 du Code civil, dans la mesure où les arbitres ont négligé de constater que les termes de la Convention et notamment de son article 11 ne pouvaient prêter à confusion et qu'ainsi la Convention prenait force de loi pour ceux qui l'avaient faite » ;

Considérant qu'aux termes de l'article 989 du Code civil« les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » ;

Qu'il s'ensuit que toute convention librement conclue et dont l'objet est licite s'impose au juge comme aux parties et qu'il ne peut donc y avoir, dans le cadre du texte susvisé, violation de la loi qu'autant que le juge du fond, appelé à statuer sur un différend d'ordre contractuel, se soit abstenu de faire application de ladite convention, ait méconnu sa force exécutoire au regard des parties ou en ait modifié le sens ou la portée au nom de l'équité, encore qu'il lui soit reconnu un pouvoir souverain pour l'interpréter à condition de ne pas la dénaturer ;

Considérant qu'il résulte de la sentence attaquée que les arbitres - après avoir évoqué le souhait de la partie demanderesse d'obtenir une décision en équité, c'est-à-dire non fondée sur des dispositions conventionnelles, réglementaires ou législatives en vigueur, par référence auxquelles elle devait néanmoins argumenter au soutien de sa thèse en conférant, ce faisant, un caractère essentiellement juridique au litige sur lequel il convenait, dès lors, de statuer selon les règles de droit - ont bien fait application en la cause de la Convention des parties, à savoir la Convention collective nationale licitement conclue par elles le 5 novembre 1945 et leur tenant ainsi lieu de loi, en relevant, pour statuer ainsi qu'ils l'ont fait et sans être tenus, à peine de violation de cette loi, à quelque constatation préalable et expresse que ce soit, que, tel qu'il est rédigé, de l'accord des parties, l'article 11 de ladite Convention continue d'opérer une distinction entre les modes de rémunération du personnel salarié et entre les jours fériés, chômés et payés en Principauté ;

Considérant qu'il ne peut, en conséquence, être fait grief au collège arbitral d'avoir, en statuant de la sorte, violé les dispositions de l'article 989 du Code civil ;

Qu'il s'ensuit que le moyen unique, pris en sa première branche, apparaît infondé et doit être écarté ;

Sur la deuxième branche du moyen unique :

tiré de la prétendue violation de l'article 990 du Code civil, des dispositions duquel les arbitres n'auraient pas tenu compte ;

Considérant que si, aux termes de l'article 990 du Code civil, les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature, cette disposition légale n'implique pas, pour autant, que les parties à une convention soient nécessairement tenues de l'exécuter en contemplation de ce qui leur paraît découler soit de l'équité, soit de l'usage, soit de la loi, plutôt que par référence exclusive aux stipulations de ladite Convention, alors surtout qu'une telle disposition ne peut recevoir application que dans le cas où il n'existe aucune équivoque non plus qu'aucune contestation sur les suites pouvant être conférées par l'équité, l'usage ou la loi auxdites stipulations en considération de leur nature ;

Considérant, au demeurant, d'une part, qu'en relevant la tendance à l'harmonisation des statuts du personnel salarié dans l'évolution des relations de travail depuis 1945, notamment à travers les accords sectoriels de mensualisation énonçant, en préambule et comme objectif d'une telle politique, l'unicité à terme du statut social du personnel tant « horaire » que « mensuel », et ce sans qu'ils puissent en déduire, en l'état et sous peine d'excès de pouvoir, des conséquences juridiques au plan du litige soumis à leur juridiction, d'autre part, qu'en soulignant le fait que la loi n° 1020 du 5 juillet 1979 n'a pas inclus, dans les jours fériés légaux, chômés et payés pour l'ensemble des salariés, les journées du 14 juillet et du 3 septembre, objet dudit litige, en sorte qu'elle ne pouvait être pertinemment invoquée au soutien de la demande, les arbitres ont implicitement, mais nécessairement, tenu compte de l'économie de l'article 990 du Code civil précité, d'où il suit que le moyen tiré de ce chef, de la prétendue violation de la loi, est également infondé et doit être écarté ;

Sur la troisième branche du moyen unique :

tiré de la prétendue « violation de l'article 1016 du Code civil, en ce que les arbitres ont négligé de considérer dans son ensemble la Convention collective nationale et ses avenants, en demeurant limitativement et restrictivement à son seul article 11 » ;

Considérant que l'invocation d'un tel moyen, tiré de la prétendue violation d'une disposition du Code civil relative à l'interprétation des conventions, apparaît, à l'évidence, en contradiction avec celui tiré, par la partie demanderesse, de la prétendue violation par les arbitres de l'article 989 du même Code, motif pris de ce qu'ils auraient négligé de constater que les termes de la Convention collective, et notamment son article 11, ne pouvaient prêter à confusion et donner lieu, par voie de conséquence, à interprétation ;

Considérant, au demeurant, que si aux termes de l'article 990 susvisé du Code civil « toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier », et ce, à l'effet de rechercher l'intention des parties, cette disposition n'exclut pas la faculté dont dispose, de surcroît, le juge du fond, d'effectuer cette recherche même en dehors du texte contractuel, notamment dans les actes d'exécution de celui-ci, dans d'autres conventions des mêmes parties et même dans tout acte quelconque de nature à la manifester ;

Or, considérant qu'à l'examen de la sentence attaquée, il apparaît que les arbitres ne se sont pas déterminés en fonction de la seule exégèse de l'article 11 de la Convention collective nationale du 5 novembre 1945 sur l'interprétation duquel portait, en définitive, le conflit qui leur était soumis, mais qu'ils ont également et nécessairement déduit leur décision de l'analyse d'autres dispositions de cette Convention, y compris les considérations préliminaires, ainsi que de son avenant n° 1 des accords de mensualisation, et notamment de l'avenant n° 18 du 13 mai 1981, discuté devant eux par les parties, et duquel il résulte, par un raisonnement « a contrario », que les avantages accordés au personnel « mensuel » peuvent être supérieurs à ceux dont doivent bénéficier, en vertu desdits accords, le personnel « mensualisé », bien que la rémunération de ce dernier soit désormais également mensuelle, c'est-à-dire effectuée une fois par mois, au sens de l'article 3 dudit avenant intitulé « paiement au mois » ;

Considérant qu'il ne saurait, dans ces conditions, être fait grief aux arbitres de s'en être tenus restrictivement à la contemplation des seuls termes de l'article 11 de la Convention collective nationale de 1945 pour en interpréter le sens et la portée et d'avoir ainsi violé les dispositions de l'article 1016 du Code civil, d'où il suit que le moyen unique apparaît, de ce chef également, infondé et doit être écarté ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Déclare le pourvoi recevable en la forme ;

Au fond, le rejette ;

Composition🔗

MM. R. Vialatte, rés., H. Rossi, rapp., Me Clérissi, av.

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