Cour de révision, 28 avril 2025, m.G c/ j.G née D
Abstract🔗
Bail d'habitation - Clause résolutoire - Résiliation - Force majeure (non) - Covid-19 - Guerre en Ukraine - Troubles de jouissance - Exception d'inexécution (non)
Résumé🔗
La Cour de révision rejette le pourvoi formé par les requérants contre l'arrêt de la Cour d'appel ayant confirmé la résiliation de leur bail d'habitation pour défaut de paiement des loyers, prononcée par le juge des référés. Les requérants invoquaient l'existence d'une force majeure – fondée notamment sur les conséquences économiques de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine – pour justifier l'inexécution de leurs obligations. Ils faisaient également valoir des troubles de jouissance liés à des nuisances de chantier et à la dégradation d'un bien personnel, fondant ainsi une exception d'inexécution. La Cour de révision confirme l'analyse des juges du fond, lesquels avaient estimé que les éléments produits ne permettaient pas de démontrer un lien direct entre les événements invoqués et une impossibilité d'exécuter les obligations contractuelles. De même, elle a validé la position selon laquelle les arguments avancés ne constituaient pas des contestations sérieuses au sens de l'article 414-1 du Code de procédure civile, justifiant ainsi la provision allouée à la bailleresse.
Pourvoi N° 2025/000010 Hors session civile
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 28 AVRIL 2025
En la cause de :
- m.G, né le jma à Jyvaskyla (Finlande), de nationalité finlandaise, demeurant X2, x2 à Monaco ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 547-BAJ-23, par décision du Bureau du 12 juin 2023
- j.G née D, née le jma à Astrakhan (Russie), de nationalité finlandaise, demeurant X2, x2 à Monaco ;
Bénéficiaire de l'assistance judiciaire n° 391-BAJ-23, par décision du Bureau du 8 mai 2023
Ayant tous deux élu domicile en l'étude de Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant Maître Sarah CAMINITI-ROLLAND, avocat près la même Cour ;
DEMANDEURS EN RÉVISION,
d'une part,
contre :
- La SAM ZA, dont le siège social est fixé « X1 », X1 à Monaco, représentée par son Président délégué en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;
DÉFENDERESSE EN RÉVISION,
d'autre part,
Visa🔗
LA COUR DE RÉVISION,
Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 458 du Code de procédure civile ;
VU :
- l'arrêt rendu le 2 juillet 2024 par la Cour d'appel, statuant sur appel d'une ordonnance de référé, signifié le 18 septembre 2024 ;
- la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 17 octobre 2024, par Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur, au nom de m.G et j.G née D ;
- la requête déposée le 15 novembre 2024 au Greffe général, par Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur, au nom de m.G et j.G née D, accompagnée de 16 pièces, signifiée le même jour ;
- la contre-requête déposée le 3 décembre 2024 au Greffe général, par Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la SAM ZA, accompagnée de 7 pièces, signifiée le même jour ;
- les conclusions du Ministère public en date du 13 décembre 2024 ;
- le certificat de clôture établi le 26 décembre 2024, par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 24 mars 2025, sur le rapport de François-Xavier LUCAS, Conseiller,
Motifs🔗
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, par arrêt du 2 juillet 2024, la Cour d'appel a d'une part confirmé une ordonnance du juge des référés constatant que, par l'effet d'une clause résolutoire, le bail à loyer conclu entre la SAM ZA et j.G née D et m.G était résilié de plein droit depuis le 2 novembre 2022 et ce avec toutes conséquences de droit, ordonnant leur expulsion et les déboutant de leur demande de délais de paiement et l'a d'autre part infirmée pour le surplus, dit que les consorts G ainsi que tous les occupants de leur chef devront libérer les lieux loués dans le mois suivant la signification de son arrêt, fixé une astreinte journalière, passé ce délai d'un mois, d'un montant de trois fois le montant journalier du loyer et condamné les consorts G à payer à la SAM ZA une provision de 139.636,89 euros arrêtée au 2 avril 2024, à valoir sur les sommes dues au titre des loyers impayés et indemnités d'occupation ; que les consorts G ont formé un pourvoi en révision contre cet arrêt ;
Sur le premier moyen :
Attendu que les consorts G font grief à l'arrêt de ne pas « retenir » la force majeure ; alors que « l'article 1003 du Code civil dispose que "il n'y a lieu à aucun dommages et intérêts, lorsque, par suite d'une force majeure ou d'un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il s'était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit" et que la force majeure est l'événement imprévisible et insurmontable empêchant le débiteur d'exécuter son obligation. Les évènements intervenus (COVID-19, le confinement et la guerre en UKRAINE), relèvent de la force majeure en ce qu'ils sont irrésistibles, imprévisibles et insurmontables selon les Exposants. Le caractère irrésistible et imprévisible de la guerre en UKRAINE menée par la RUSSIE a, d'ailleurs, été reconnu par les autorités judiciaires du pays voisin. Sur ce point ces derniers entendent préciser que pendant le COVID, le confinement et l'année 2021, tous leurs loyers (2019, 2020 et 2021) ont été payés dans leur intégralité. Étant donné qu'ils n'avaient bénéficié d'aucun soutien financier de la part des autorités pendant le COVID, le confinement et la guerre en Ukraine, qui étaient totalement imprévisibles, ont considérablement affecté l'ensemble de leur situation familiale. Les régimes de sanctions adoptés par l'UE et ses alliés ont provoqué des turbulences dans l'économie mondiale, interdisant à la majorité d'entre eux de fournir leurs services. En conséquence, tous les évènements susmentionnés, indépendants de leur volonté, qui n'étaient pas raisonnablement prévisibles et dont les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées, ont empêché Madame G, de travailler et de s'acquitter de ses obligations. Monsieur G, étudiant qui réussit de brillantes études de droit, n'a pas de revenus propres. Ainsi, sur la base de ces conditions d'imprévisibilité, d'extériorité et d'irrésistibilité, les exposants estiment qu'ils ont tous les droits de se prévaloir de la force majeure et en vertu de la loi monégasque, par l'article 1003 du Code civil, pour demander l'exonération de leurs dettes. Ils considèrent, ainsi, que la Cour d'Appel a écarté l'application de la force majeure sans vérifier la caractérisation de cette dernière. Ce faisant, la Cour d'appel a méconnu les dispositions de l'article 1003 précité. La censure s'impose donc de ce point de vue ».
Mais attendu qu'ayant relevé que les consorts G ne justifiaient pas, par un quelconque document, de l'impact des évènements qu'ils invoquaient sur leur situation familiale, étant précisé qu'ils sont tous deux de nationalité finlandaise et que, s'il est avéré que m.G est étudiant, il n'est produit aucune pièce permettant de connaître la situation professionnelle de j.G, la Cour d'appel en a déduit que la force majeure alléguée n'était pas établie ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu que les consorts G font grief à l'arrêt attaqué « d'écarter les contestations sérieuses invoquées par Madame j.G et Monsieur m.G » ; alors que « l'article 414-1 du Code de procédure civile prévoit que "Le président, en référé, peut accorder tout ou partie de la somme réclamée à titre de provision, ou ordonner l'exécution d'une obligation, chaque fois que l'obligation invoquée par le demandeur n'est pas sérieusement contestable". Le juge des référés est le juge de l'évidence de sorte qu'il ne peut statuer en présence de contestations sérieuses. L'exception d'inexécution permet à une partie à un contrat de refuser d'exécuter son obligation tant que l'autre partie n'a pas exécuté la sienne. Les troubles de jouissance invoqués par Madame j.G et Monsieur m.G résultant tant des travaux qui ont causé des nuisances importantes que du dommage occasionné à leur tableau d'une grande valeur marchande et sentimentale, qu'ils estiment amplement justifiés, constituent des contestations sérieuses à l'encontre de leur obligation de paiement de loyer, notamment par le mécanisme de l'exception d'inexécution. Il n'appartient pas à la Cour d'appel, dans le cadre d'une procédure de référé, de mettre en balance les différentes violations contractuelles invoquées par les parties afin d'estimer si une partie serait fondée à solliciter une exception d'inexécution. En effet, réaliser une telle appréciation relève de la compétence d'une juridiction du fond. La seule constatation de l'existence d'une violation d'une obligation contractuelle par chacune des parties suffit à caractériser une contestation sérieuse. C'est à tort que la Cour d'appel a écarté toutes contestations sérieuses invoquées en se livrant à une appréciation du fond du litige dans le cadre d'une procédure de référé. Ce faisant, la Cour d'appel a violé les dispositions de l'article 414-1 du Code civil. A tous égard, la cassation s'impose donc » ;
Mais attendu qu'ayant rappelé qu'une provision peut être accordée en référé chaque fois que l'obligation invoquée par le demandeur n'est pas sérieusement contestable, la Cour d'appel, appréciant la valeur et la portée des arguments et des pièces invoqués par les consorts G en a déduit qu'ils n'étaient pas de nature à démontrer des troubles de jouissance et qu'il ne résultait pas des circonstances de la cause que la SAM ZA aurait violé ses obligations contractuelles dans une proportion telle que les locataires n'auraient pas été tenus de procéder au règlement du loyer, de sorte qu'ils ne pouvaient se prévaloir d'une contestation sérieuse pour s'opposer aux demandes de résiliation de bail et de provision soumises au juge des référés ; qu'ainsi la Cour d'appel a, sans encourir le grief de violation des dispositions de l'article 414-1 du Code civil, justifié sa décision ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Sur la demande de dommages et intérêts :
Attendu que la SAM ZA sollicite la condamnation des consorts G au paiement de la somme de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts pour pourvoi abusif ;
Mais attendu que, compte tenu des circonstances de la cause, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi,
Rejette la demande de dommages et intérêts formée par la SAM ZA,
Condamne m.G et j.G née D aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Sophie-Charlotte MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,
Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;
Composition🔗
Ainsi jugé et rendu le 28 AVRIL 2025, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Laurent LE MESLE, Président, François-Xavier LUCAS, Conseiller, rapporteur et Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller.-
Et Laurent LE MESLE, Président, a signé avec Nadine VALLAURI, Greffier en Chef.
Le Greffier en Chef, Le Président.