Cour de révision, 9 octobre 2024, s.O c/ Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble dénommé I

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Abstract🔗

Copropriété - Parties communes - Détermination - Cour intérieure - Jouissance exclusive (non)

Résumé🔗

C'est à bon droit que la cour d'appel, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, après examen des titres de propriété, des plans et photographies, a déclaré que la cour intérieure jouxtant le lot du demandeur était une partie commune dont il n'avait pas la jouissance exclusive, et lui a enjoint en conséquence, de libérer la partie de cour qu'il occupait sous astreinte.


Pourvoi N° 2024-38 en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 9 OCTOBRE 2024

En la cause de :

  • s.O, né le jma à Monaco, de nationalité canadienne, demeurant le x2, x2 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

  • Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé I, se trouvant x1 à Monaco, pris en la personne de son syndic en exercice, la SARL dénommée A, exerçant sous l'enseigne B, dont le siège social est fixé x3 à Monaco, représentée par son gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège social ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur en cette même Cour, substituant ledit avocat-défenseur ;

DEFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

  • l'arrêt rendu le 13 février 2024 par la Cour d'appel, statuant en matière civile, signifié le 22 février 2024 ;

  • la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 15 mars 2024, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de s.O ;

  • la requête déposée le 12 avril 2024 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de s.O, accompagnée de 16 pièces, signifiée le même jour ;

  • la contre-requête déposée le 2 mai 2024 au Greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom du syndicat des copropriétaires de l'immeuble dénommé I, accompagnée de 24 pièces, signifiée le même jour ;

  • les conclusions du Ministère public en date du 13 mai 2024 ;

  • le certificat de clôture établi le 21 mai 2024 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 2 octobre 2024 sur le rapport de Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère public ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE I, ayant assigné s.O, titulaire du lot 14, devant le Tribunal de première instance, celui-ci, par jugement en date du 27 octobre 2022, a dit qu'une cour litigieuse, jouxtant le lot désigné, était partie commune de l'immeuble, que s.O n'en avait pas davantage la jouissance exclusive, et qu'il devait la libérer dans le mois de la signification de la décision ; que sur l'appel de s.O, la Cour d'appel, par arrêt du 13 février 2024, a confirmé le jugement ; que s.O s'est pourvu en révision ;

  • Sur le moyen unique, pris en ses six branches :

s.O, copropriétaire de l'immeuble I, reproche à l'arrêt attaqué de déclarer que la cour intérieure jouxtant le lot 14 lui appartenant était une partie commune dont il n'avait pas non plus la jouissance exclusive, en conséquence de lui avoir enjoint de libérer la partie de cour qu'il occupait sous astreinte de 500 euros par jour de retard, puis de l'avoir condamné à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts ; alors, selon le moyen, de première part, que « le règlement de copropriété et ses modifications s'imposent de plein droit à tous les copropriétaires, la présomption légale de parties communes n'ayant vocation à s'appliquer que dans le silence ou la contradiction des titres ; qu'en qualifiant de partie commune la partie de cour jouxtant le lot n° 14 au prétexte qu'elle pourrait être utilisée par les copropriétaires "comme zone de déchargement dès lors qu'il s'agissait du seul accès à l'immeuble I par la route, mais aussi comme voie de passage possible pour accéder de la cour à l'entrée secondaire de l'immeuble", ou pour la raison encore que le propriétaire de ce lot aurait modifié "la topographie des lieux", tout en constatant que ledit règlement qualifiait de parties communes, notamment, "les (seules) cours et coursives extérieures", tandis que la description du lot n°14 faisait état d'une "cour intérieure", de sorte qu'aucune contradiction ne s'évinçait des documents contractuels, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 2 de la loi n°1329 du 8 janvier 2007, ensemble l'article 989 du Code civil » ; alors, de deuxième part, que « le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en considérant que "la mention "avec cour intérieure" se rapportait à la description de cette entrée sur l'extérieur en façade nord" ou encore "ne visait qu'à préciser géographiquement les entrées, l'une donnant sur le palier cage d'escaliers, l'autre donnant sur la cour intérieure", cependant que le lot n°14 était décrit dans le règlement de copropriété comme étant constitué "de locaux commerciaux avec plusieurs bureaux, sanitaires et w. c. au rez-de-chaussée, orientés façades sud-est, nord-est, nord-ouest, avec une entrée donnant sur le palier cage d'escalier et une entrée sur l'extérieur en façade nord, avec cour intérieure", l'emploi de la préposition "avec" confirmant la possession de l'ensemble de ces éléments et leur intégration dans le lot 14, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de cet acte en violation de l'article 989 du Code civil » ; alors, de troisième part, que « le règlement de copropriété oblige tous les copropriétaires et détermine la quote-part des parties communes afférente à chaque lot ainsi que la destination des parties tant communes que privatives ; qu'en retenant que le descriptif de division établi en 1999 ne mentionnait pas l'existence d'une cour intérieure dans la composition du lot 14, quand le règlement de copropriété et l'état descriptif de division adoptés par l'assemblée générale des copropriétaires du 14 novembre 2013, c'est-à-dire quatorze ans plus tard, et dont la résolution n°10 précisait que "toutes les modifications demandées relatives aux descriptifs des lots (avaient) été apportées", s'imposaient à tous les copropriétaires à l'expiration du délai de contestation, la cour d'appel a violé l'article 4 de la loi n°1.329 du 8 janvier 2007 » ; alors, en toute hypothèse, « qu'en se bornant à retenir que le descriptif de division établi en 1999 ne mentionnait pas l'existence d'une cour intérieure, quand ce document faisait état de "locaux commerciaux constitués de plusieurs bureaux orientés sur les façades sud-est, nord-est, nord-ouest, sanitaires, w. c., avec une entrée donnant sur le palier cage d'escaliers et une entrée sur l'extérieur en façade ouest", les deux "entrées" - l'une piétonne, l'autre carrossable s'agissant de locaux destinés à être exploités industriellement – situées de part et d'autre de la cour jouxtant le n°14 étant ainsi privatives et décrites comme fermant ce lot, sans rechercher si, en conséquence, ladite cour intérieure devait être considérée comme ayant été intégrée dans ce lot, quand bien même elle n'y avait pas été expressément mentionnée, la cour d'appel n'a pas conféré de base légale à sa décision au regard de l'article 989 du Code civil » ; alors, en outre, que « la quote-part de parties communes afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à la valeur de l'ensemble desdites parties, telle que cette valeur résulte, lors de l'établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation ; qu'en retenant que la quote-part de parties communes attribuée au lot 14 lors de l'établissement en 1999 du premier état descriptif de division était identique à celle mentionnée, pour le même lot, dans celui annexé au règlement de copropriété du 14 novembre 2013, enregistré le 27 novembre 2017, quand elle constatait que le total des tantièmes des parties communes avait été entretemps modifié, de sorte que les tantièmes attribués audit lot en 1999 et en 2017 étaient nécessairement représentatifs d'une valeur relative différente, se prononçant ainsi par un motif inopérant, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision au regard de l'article 3 de la loi n° 1.329 du 8 janvier 2007, ensemble l'article 989 du Code civil » ; alors, enfin, que « le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les écrits qui lui sont soumis ; qu'en affirmant que "les demandes des copropriétaires, telles qu'elles avaient été formulées lors des différentes assemblées générales dont les procès-verbaux étaient versés aux débats, attestaient que cet espace accessible par voiture depuis la rue Victor Hugo à Beausoleil était utilisé par les copropriétaires comme zone de déchargement, mais aussi pour un accès piétonnier à l'immeuble", quand, selon la résolution n°16 du procès-verbal de l'assemblée générale du 7 décembre 2016, des copropriétaires avaient sollicité que "des modifications soient apportées au règlement de copropriété avant son enregistrement" et avaient demandé à ce titre : "lot 14… avec cour intérieure : étant d'utilité commune, celle -ci devrait être considérée comme partie commune et pouvoir être utilisée par tous les copropriétaires, ponctuellement, pour des opérations de déchargement", ce dont il résultait, d'une part, que la "cour intérieure" était considérée comme étant privative au lot 14, d'autre part, qu'elle n'était pas utilisée par les copropriétaires du bâtiment principal, ni comme zone de déchargement ni comme accès piétonnier, la cour d'appel a dénaturé cet acte en violation de l'article 989 du Code civil » ;

Mais attendu, sur les cinq premières branches, que la Cour d'appel, remontant aux origines de l'ensemble immobilier « I », a constaté que, dans un testament authentique reçu le 1er juillet 1999 par Maître REY, notaire à Monaco, e.E, alors seule propriétaire du tout, avait, au vu d'un état descriptif dressé par c.C divisant cet immeuble en 29 lots, légué à son neveu p.M plusieurs d'entre eux, dont le lot n°14 ainsi désigné : Niveau rez-de-chaussée : locaux commerciaux, constitués de plusieurs bureaux orientés sur les façades Sud-Est, Nord-Est, Nord-Ouest, sanitaires, W. C., avec une entrée donnant sur palier cage escaliers et une entrée sur l'extérieur façade Ouest. Ce local a été affecté de 971/10.000 tantièmes ; que p.M, devenu propriétaire de ce lot au décès d'e.E le 16 mars 2006, l'avait lui-même cédé à s.O, par un acte authentique du 31 octobre 2013, où il était décrit alors comme « constitué de locaux commerciaux, avec plusieurs bureaux, sanitaires et WC orientés sur les façades Sud-Est, Nord-est, Nord-Ouest avec une entrée donnant sur le palier cage d'escaliers et une entrée sur l'extérieur en façade Nord, avec cour intérieure » ; que néanmoins la Cour d'appel, à partir notamment d'un examen factuel de plans et de photographies des lieux, a jugé que la mention « avec cour intérieure », apparue dans l'acte d'acquisition de s.O, se rapportait uniquement à la description de l'entrée « façade Nord », seul accès carrossable pour l'accès en voiture à la copropriété ; qu'en outre et surtout, elle a relevé que, pas davantage que le descriptif de c.C, l'attestation dressée par Maître REY en 2012 à l'intention du légataire p.M, si elle détaille la composition de ce même lot 14, ne mentionne l'existence d'une cour intérieure ; qu'enfin, les tantièmes du lot (971/10.000), figurant dans le descriptif initial - seule référence pertinente dès lors qu'au jour de l'achat par s.O, le règlement de copropriété, adopté le 14 novembre 2013, n'était pas encore en vigueur - sont identiques dans les deux cas ; que les juges du fond, qui ont exactement observé que p.M n'avait pu vendre à s.O une parcelle dont il n'était pas propriétaire, ont ainsi justifié leur décision au regard des textes visés au moyen ; et, attendu, sur la sixième branche, qu'en énonçant que le propos du syndic lors de l'assemblée générale du 7 décembre 2016, qui sert de base à la critique, n'avait engagé que lui, avant qu'il émette une autre opinion dans une lettre adressée à s.O le 3 octobre 2018 pour lui rappeler que « selon le règlement de copropriété constituent des parties communes de l'immeuble les cours les coursives extérieures », et le mette en demeure en conséquence de « libérer la partie de cour commune située devant l'entrée du Prime Office » qu'il occupe de divers mobiliers, l'arrêt apprécie souverainement la valeur et la portée de pièces produites devant lui ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Et sur les griefs adjacents selon lesquels la Cour d'appel a jugé que s.O n'avait pas non plus la jouissance exclusive de la cour litigieuse, et l'a condamné à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts :

Attendu qu'en l'absence de toute critique articulée de ces chefs, s.O sera réputé avoir renoncé à les dénoncer devant la Cour de révision ;

  • Sur la demande formée par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de s.O sur le fondement de l'article 459-4 alinéa 2 du Code de procédure civile :

Attendu que LE SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE I sollicite la condamnation de s.O au paiement de la somme de 10.000 euros pour pourvoi abusif ;

Mais attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;

  • Sur la demande de s.O au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile :

Attendu que s.O sollicite la condamnation du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE I au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Attendu que s.O succombe en son pourvoi ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;

  • Sur la demande du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE I au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile :

Attendu que le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE I sollicite la condamnation de s.O au paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ; que l'équité commande de faire droit à cette demande à hauteur de 4.000 euros ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Déboute s.O de sa demande formée à l'encontre du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE I sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Déboute le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE I de sa demande formée sur le fondement de l'article 459-4 alinéa 2 du Code de procédure civile,

Condamne s.O à payer au SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE I la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Condamne s.O aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le 9 OCTOBRE 2024, par la Cour de révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs l.J, Président, Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller, rapporteur et Jacques RAYBAUD, Conseiller, en présence du Ministère public, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef.

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