Cour de révision, 17 juin 2024, La A. c/ La SARL de droit suisse dénommée D.

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Abstract🔗

Contrat – Bonus – Preuve (non) – Compensation (non)

Contrat – Rupture des relations commerciales – Caractère brutal (non)

Résumé🔗

Ayant analysé l'ensemble des pièces produites au soutien de la demande, la Cour d'appel, par une décision motivée et sans méconnaître les termes du litige, a rappelé qu'aucun contrat écrit n'a été signé entre les parties au présent litige, permettant de vérifier le champ contractuel liant le fournisseur et le distributeur et notamment les engagements de la société D s'agissant d'un bonus de fin d'année pour l'année 2019. Elle a également relevé que l'accord de distribution en date du 20 février 2003 précisait qu'un bonus de fin d'année sera dû dès qu'un achat minimum de 2.300 dollars sera atteint « en 2003 », ce dont elle a déduit que le fournisseur a ainsi entendu préciser que cet engagement concernait l'année 2003 et que le fournisseur n'avait pas entendu accorder par la suite ce bonus à la SAM A. La Cour d'appel a également relevé que le versement d'un bonus de fin d'année en 2016, 2017, 2018, à hauteur de 3 % du volume d'achat, ne saurait suffire à démontrer qu'il s'agit d'une pratique constante créatrice d'un droit acquis pour le distributeur et qu'en tout état de cause, les critères d'octroi de ce bonus ne sont pas déterminés, la SAM A n'apportant pas d'éléments permettant d'expliciter en quoi ce bonus serait dû pour l'année 2019. La Cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la SAM A dans le détail de son argumentation ni de motiver le rejet de chaque pièce produite aux débats, a pu considérer que n'était pas rapportée la preuve de ce que la SAM A. pouvait prétendre au versement d'un bonus pour l'année 2019 et que, ne démontrant pas l'existence à ce titre d'une créance liquide, certaine et exigible, justifiant une compensation au sens de l'article 1137 du Code civil, elle devait être déboutée de sa demande de compensation.

Ayant procédé aux recherches et vérifications qui lui étaient demandées en vue d'apprécier si la rupture présentait un caractère brutal et ayant relevé que la SAM A. n'avait pas contesté les propositions de redéploiement de ses activités que lui a adressées successivement la société D., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suppléer à la défaillance de la SAM A. dans l'administration de la preuve de l'insuffisance du préavis pour redéployer ses activités, en a déduit que, dans ces circonstances, la rupture des relations commerciales accompagnée d'un préavis de huit mois et précédée de nombreux échanges entre les parties, ne saurait revêtir un caractère brutal. Ainsi, c'est par une décision motivée et sans encourir les griefs du moyen que la Cour d'appel a débouté la SAM A. de l'ensemble de ses demandes.


Pourvoi N° 2024-22 en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 17 JUIN 2024

En la cause de :

  • La A., société anonyme monégasque dont le siège social est fixé au X1 à Monaco, agissant poursuites et diligences de son administrateur délégué en exercice domicilié en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Maeva ZAMPORI, avocat, substituant ledit avocat-défenseur ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

  • La SARL de droit suisse dénommée D., dont le siège social est fixé au x2 1213, Suisse, agissant poursuites et diligences de ses gérants en exercice domiciliés en cette qualité audit siège ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DÉFENDERESSE EN RÉVISION,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

  • l'arrêt rendu le 17 octobre 2023 par la Cour d'appel, statuant en matière civile ;

  • la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 26 décembre 2023, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la A. ;

  • la requête déposée le 25 janvier 2024 au Greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la A., accompagnée de 74 pièces, signifiée le même jour ;

  • la contre-requête déposée le 26 février 2024 au Greffe général, par Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, au nom de la SARL de droit suisse dénommée D., accompagnée de 1 pièce, signifiée le même jour ;

  • les conclusions du Ministère public en date du 29 février 2024 ;

  • le certificat de clôture établi le 7 mars 2024 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 11 juin 2024 sur le rapport de Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère public ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la SARL D. (ci-après, la société D.), société affiliée au groupe international D. INC, qui exploite une activité de production et de commercialisation de parfums et cosmétiques à destination de distributeurs dans le monde entier, a conclu avec la A. (ci-après, la SAM A.) un contrat de distribution sélective de parfums et produits du portefeuille de marques D. ; que ce contrat, qui n'a pas donné lieu à la rédaction d'un écrit, s'est exécuté à partir de 2003 entre le distributeur, la SAM A., et le fournisseur, la société B. puis la société D. qui a poursuivi la relation contractuelle ; qu'ayant été condamnée par l'Autorité de la concurrence à d'importantes amendes pour non-respect des exigences réglementaires prohibant les accords exclusifs d'importation, la société D., en vue de se conformer à ces exigences, a pris, à la fin de l'année 2017, la décision de modifier sa politique de distribution en mettant un terme aux relations commerciales avec ses distributeurs afin de contractualiser avec chacun d'eux de nouvelles modalités de distribution exclusive ; que, dans ce cadre, la SAM A. s'est vu proposer, à partir du 3 octobre 2017, la rupture de la relation existante et la conclusion de nouveaux accords répondant à la nouvelle politique de distribution ; que ces différentes propositions de redéploiement n'ont pas abouti, la société D. ayant mis un terme, le 10 décembre 2018, à l'ensemble des accords de distribution avec une date effective de rupture au 31 août 2019 ; qu'entre le 30 avril et le 11 juin 2019, la SAM A. a passé auprès de la société D. trois commandes de produits qui lui ont été livrés et facturés et dont elle n'a pas contesté devoir le prix soutenant toutefois être fondée à compenser sa dette au titre de ces commandes avec une créance qu'elle détenait sur la société D. au titre d'un bonus de fin d'année pour l'exercice 2018/2019 et au titre de la reprise de stocks de produits livrés par la société D. ; qu'assignée par cette dernière, la SAM A. a sollicité la compensation judiciaire entre sa propre créance et les sommes réclamées par son fournisseur ainsi que la condamnation de ce dernier au paiement de sommes sur le fondement de la faute contractuelle qu'il a commise en procédant à la rupture brutale des relations commerciales ; que, par arrêt du 17 octobre 2023, la Cour d'appel a confirmé le jugement du Tribunal de première instance ayant débouté la SAM A. de toutes ses demandes et l'ayant condamnée à payer la somme de 753.264,57 euros au titre des trois factures demeurées impayées ; que la SAM A. a déclaré se pourvoir en révision contre cet arrêt ;

  • Sur le premier moyen pris en ses cinq branches :

Attendu que la SAM A. fait grief à l'arrêt attaqué de statuer comme il l'a fait, alors, selon le moyen, que premièrement, « les juges ne peuvent modifier les termes du litige, qui sont déterminés par les écritures des parties ; qu'en procédant à un examen séparé des différentes pièces invoquées à l'effet de démontrer que la société D. et la société A. avaient convenu que cette dernière percevrait un bonus annuel de 3 % du chiffre d'affaires réalisé ensemble, quand elle demandait à ce que les différents éléments de preuve soient conjointement analysés, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 199 du Code de procédure civile » ; que, deuxièmement, « les contrats commerciaux, à l'exception des cas où la loi exige la rédaction d'un écrit, se constatent par actes publics, par actes sous signature privée, par bordereau ou arrêté d'un agent de change ou courtier, dûment signé par les parties, par une facture acceptée, par la correspondance, par les livres de parties ou par la preuve testimoniale dans le cas où le tribunal croira devoir l'admettre ; qu'en décidant que la société A. n'apportait pas la preuve d'un accord de distribution d'un bonus annuel de 3 %, sans avoir examiné conjointement l'ensemble des pièces invoquées en ce sens, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 74 du Code de commerce » ; que, troisièmement, « le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que faute d'avoir recherché, ainsi que cela leur était demandé, si la preuve de l'obligation de verser un bonus annuel de 3 % ne résultait pas de la "Credit Note" émise par D. le 29 novembre 2016, les juges du fond ont violé l'article 199 du Code de procédure civile » ; que, quatrièmement, « les juges ne peuvent modifier les termes du litige, qui sont déterminés par les écritures des parties ; qu'en retenant que le versement d'un bonus de fin pendant chaque année qu'a duré la collaboration entre la société A. et la société D., n'était pas prouvé par la société A., cependant que la société D. ne contestait pas ce versement, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 199 du Code de procédure civile » ; que, cinquièmement, « tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en énonçant que les conditions d'attribution du bonus n'étaient pas déterminées (arrêt, p. 19 alinéa 4), après avoir cependant énoncé qu'il s'agissait d'un bonus annuel de 3 % du chiffre d'affaires réalisé (arrêt, page 19 alinéa 3), sans mieux s'expliquer sur les incertitudes demeurant quant aux conditions d'attribution, les juges du fond ont violé l'article 199 du Code de procédure civile » ;

Mais attendu qu'ayant analysé l'ensemble des pièces produites au soutien de la demande, la Cour d'appel, par une décision motivée et sans méconnaître les termes du litige, a rappelé qu'aucun contrat écrit n'a été signé entre les parties au présent litige, permettant de vérifier le champ contractuel liant le fournisseur et le distributeur et notamment les engagements de la société D s'agissant d'un bonus de fin d'année pour l'année 2019 ; qu'elle a également relevé que l'accord de distribution en date du 20 février 2003 précisait qu'un bonus de fin d'année sera dû dès qu'un achat minimum de 2.300 dollars sera atteint « en 2003 », ce dont elle a déduit que le fournisseur a ainsi entendu préciser que cet engagement concernait l'année 2003 et que le fournisseur n'avait pas entendu accorder par la suite ce bonus à la SAM A. ; que la Cour d'appel a également relevé que le versement d'un bonus de fin d'année en 2016, 2017, 2018, à hauteur de 3 % du volume d'achat, ne saurait suffire à démontrer qu'il s'agit d'une pratique constante créatrice d'un droit acquis pour le distributeur et qu'en tout état de cause, les critères d'octroi de ce bonus ne sont pas déterminés, la SAM A. n'apportant pas d'éléments permettant d'expliciter en quoi ce bonus serait dû pour l'année 2019 ; que la Cour d'appel, qui n'était pas tenue de suivre la SAM A. dans le détail de son argumentation ni de motiver le rejet de chaque pièce produite aux débats, a pu considérer que n'était pas rapportée la preuve de ce que la SAM A. pouvait prétendre au versement d'un bonus pour l'année 2019 et que, ne démontrant pas l'existence à ce titre d'une créance liquide, certaine et exigible, justifiant une compensation au sens de l'article 1137 du Code civil, elle devait être déboutée de sa demande de compensation ; qu'il s'ensuit qu'aucun des griefs du moyen ne peut être accueilli ;

  • Sur les deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens réunis :

Attendu que SAM A. fait grief à l'arrêt attaqué de statuer comme il l'a fait, alors, selon le moyen, de première part, que, premièrement, « le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que faute d'avoir recherché, après avoir examiné chaque rupture partielle prise individuellement, si la rupture totale des relations sur une période de huit mois ne pouvait être qualifiée de brutale, ainsi que cela leur avait été pourtant demandé (conclusions de la société A, p. 32 alinéa 4) les juges du fond ont violé l'article 199 du Code de procédure civile » ; et que, deuxièmement, « le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que faute d'avoir recherché si les négociations faites avec la société A. n'avaient pas été ouvertes sur une base distincte, non-réaliste et au demeurant nettement moins avantageuse que pour la société C. (conclusions de la société A, p. 22 et seq.), ce qui excluait de prendre en compte la proposition de redéploiement pour écarter le caractère brutal de la rupture, les juges du fond ont violé l'article 199 du Code de procédure civile » ; alors, de deuxième part, que, premièrement, « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en justifiant le caractère raisonnable du préavis relatif à la première rupture, au regard de l'existence d'une proposition de redéploiement au sein du groupe D, sans préalablement vérifier si ladite proposition n'était pas un leurre (conclusions de la société A., p. 31 alinéa 6), les juges du fond ont privé leur arrêt de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; que, deuxièmement, « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ; que faute de s'être assurés que le préavis de trois mois suffisait à mettre en place l'offre de redéploiement émanant de la société D., avant de prendre parti sur le caractère suffisant du préavis, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; que, troisièmement, « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ; que faute de s'être assurés qu'en cas d'échec des négociations sur l'offre de substitution de la société D., la société A. aurait pu se redéployer avec un autre partenaire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; que, quatrièmement, « tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en écartant le caractère brutal de la rupture à l'initiative de la société D. au regard de l'absence de remise en cause, par la société A., des propositions de substitution et de l'absence de contestation "en son temps" (arrêt, p. 22 ultime alinéa), sans mieux s'expliquer sur ces considérations, les juges du fond ont violé l'article 199 du Code de procédure civile » ; alors, de troisième part, que « tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier sa décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que faute de préciser si la société A. ne pouvait "prétendre à une nouvelle demande de ce chef" (arrêt, p. 24 alinéa 2) en raison d'une résiliation amiable, d'une transaction ou encore d'une autre institution juridique, les juges du fond ont insuffisamment motivé leur arrêt, violant ainsi l'article 199 du Code de procédure civile » ; alors, de quatrième part, que, premièrement, « les juges ne peuvent modifier les termes du litige, qui sont déterminés par les écritures des parties ; qu'en reprochant à la société A. de ne pas démontrer en quoi l'offre de substitution de la société D. était un leurre, en raison de sa contre-offre portant sur les mêmes marchés, cependant que la société A. expliquait que les termes de sa contre-offre rendaient acceptable une entrée sur ces marchés, les juges du fond ont méconnu les termes du litige, violant ainsi l'article 199 du Code de procédure civile » ; que, deuxièmement, « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ; que faute d'avoir recherché si la proposition de redéploiement, faite le 19 juin 2018 à la société A., visant notamment le marché angolais n'était pas un leurre, quand le marché angolais avait déjà été attribué à Distrimarcq à compter du 1er janvier 2018 (conclusions de la société A, p. 23), les juges du fond ont à nouveau privé leur décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; que, troisièmement, « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ; que faute de s'être assurés que l'effet immédiat de la rupture (arrêt, p. 25 alinéa 1) était bien compatible avec le temps de négociation et de mise en place d'un accord de substitution, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; que, quatrièmement, « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ; que faute de s'être assurés qu'en cas d'échec des négociations sur l'offre de substitution de la société D., l'effet immédiat de la rupture était bien compatible avec un redéploiement de la société A. avec un autre partenaire commercial, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » et alors, enfin, que, premièrement, « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ; qu'en justifiant le caractère raisonnable du préavis relatif à la première rupture, au regard de l'existence d'une proposition de redéploiement au sein du groupe D., sans préalablement vérifier si ladite proposition n'était pas un leurre (conclusions de la société A., p. 31 alinéa 6), les juges du fond ont privé leur arrêt de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; que, deuxièmement, « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ; que faute de s'être assurés qu'en cas d'échec des négociations sur l'offre de substitution de la société D., la société A. aurait effectivement pu se redéployer avec un autre partenaire, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ; que, troisièmement, « les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi ; que faute d'avoir recherché si la diffusion par la société D., dans le réseau, de la nouvelle de la fin du contrat n'avait pas diminué, dans les faits, le préavis de deux mois, ainsi que cela leur était pourtant demandé (conclusions de la société A., p. 36 alinéa 4), les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 989 du Code civil » ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, analysé l'ensemble des pièces produites au soutien de la demande de la SAM A., la Cour d'appel, par une décision motivée et sans méconnaître les termes du litige, a rappelé que la société D. ayant été condamnée par l'Autorité de la concurrence à d'importantes amendes pour non-respect de la loi interdisant les accords exclusifs d'importation, elle a décidé de mettre fin aux relations commerciales existantes avec ses fournisseurs qui, telle la SAM A., distribuaient des produits de luxe fournis par la société D., afin de contractualiser avec eux marché par marché de nouvelles modalités de distribution exclusive ; que, pour juger non fautive la première rupture annoncée à la SAM A. le 3 octobre 2017 pour la distribution de produits en Algérie, Maroc, Tunisie et Lybie, qui faisait suite à une réunion du 4 septembre 2017 à Monaco, la Cour d'appel a retenu que la SAM A. avait bénéficié d'un préavis de plus de trois mois et reçu des propositions de redéploiement pour bénéficier d'un accès direct à ce marché d'Afrique du nord et qu'elle n'a ni remis en cause ces propositions ni contesté cette rupture ; que la Cour d'appel en a déduit d'une part qu'il ne saurait être considéré qu'elle revêt un caractère brutal et que le préavis de trois mois accordé au distributeur n'était pas de nature à lui permettre de redéployer ses activités, dès lors que la rupture partielle s'accompagnait d'une proposition de redéploiement au sein du groupe D. et d'autre part que si la compensation ne s'est pas faite entre le marché retiré et le marché proposé, c'est en raison de l'échec des négociations finales, ce qui ne remet pas en cause le choix de la société D. de procéder à ce redéploiement ; que s'agissant de la deuxième rupture annoncée par un courriel du 21 décembre 2017 pour la distribution de différentes marques sur le marché dit du « Travel Retail » en Afrique à effet au 28 février 2018, soit avec un préavis de deux mois, la Cour d'appel a retenu que la SAM A. n'a pas contesté les termes de la lettre formalisant la cessation de cette relation commerciale et qu'elle a obtenu la contrepartie souhaitée, de sorte qu'elle ne saurait prétendre avoir subi une rupture brutale sans contrepartie ; que, s'agissant de la troisième rupture annoncée par un courriel du 19 juin 2018 pour la distribution de différentes marques sur le marché du Kenya et du Ghana, il était prévu qu'elle devait intervenir avec effet immédiat mais qu'elle concernait l'exercice 2019, ce qui revenait à prévoir un préavis de plus de six mois ; qu'à l'occasion de cette rupture, un protocole a été proposé à la SAM A. pour lui accorder de nouveaux marchés au Nigéria, en Algérie et en Angola ; que la SAM A. ne peut reprocher à la Cour d'appel de n'avoir pas recherché si cette proposition, adressée à la société A., d'accéder au marché angolais n'était pas un leurre au motif que le marché angolais aurait déjà été attribué à Distrimarcq à compter du 1er janvier 2018, alors que le protocole conclu avec la société Distrimarcq l'a été seulement le 21 décembre 2018 et donc après la proposition faite à A. en juin de la même année ; que la Cour d'appel a pu en déduire que la SAM A. s'est vu proposer de nouveaux marchés susceptibles d'augmenter ses bénéfices et qu'elle ne démontre pas en quoi ces propositions seraient des leurres puisqu'elle-même a formulé une contreproposition sur ces mêmes marchés, de sorte qu'elle ne peut soutenir avoir subi une rupture brutale et soudaine de nature à empêcher le redéploiement de ses activités ; qu'enfin, s'agissant de la dernière rupture annoncée par un courrier, adressé à la SAM A. le 10 décembre 2018, mettant un terme à l'ensemble des accords de distribution avec une date effective de rupture au 31 août 2019, la Cour d'appel a relevé qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des nombreux courriels produits par les parties, que cette rupture définitive des relations commerciales sur les marchés africains a été précédée d'un accompagnement du distributeur dans les différentes étapes du processus de modification des réseaux de distribution, depuis la réunion à Monaco le 14 septembre 2017, et d'échanges réguliers, notamment au cours du mois de juillet 2018, aux termes desquels la société D. et la SAM A. ont discuté de nouvelles modalités de distribution et que des propositions ont été faites à la SAM A. tout au long du processus de modification de la politique de distribution ; qu'ayant ainsi procédé aux recherches et vérifications qui lui étaient demandées en vue d'apprécier si la rupture présentait un caractère brutal et ayant relevé que la SAM A. n'avait pas contesté les propositions de redéploiement de ses activités que lui a adressées successivement la société D., la cour d'appel, qui n'était pas tenue de suppléer à la défaillance de la SAM A. dans l'administration de la preuve de l'insuffisance du préavis pour redéployer ses activités, en a déduit que, dans ces circonstances, la rupture des relations commerciales accompagnée d'un préavis de huit mois et précédée de nombreux échanges entre les parties, ne saurait revêtir un caractère brutal ; qu'ainsi, c'est par une décision motivée et sans encourir les griefs du moyen que la Cour d'appel a débouté la SAM A. de l'ensemble de ses demandes ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

Sur les demandes formées au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile :

Attendu que la SAM A. sollicite la condamnation de la société D. au paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que la SAM A. succombe en son pourvoi ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande ;

Attendu que la société D. demande la condamnation de la SAM A. au paiement d'une indemnité de 10.000 euros sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que les circonstances de la cause n'impliquent pas de faire droit à cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Condamne la A. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Bernard BENSA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le 17 JUIN 2024, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller, rapporteur et Madame Martine VALDES-BOULOUQUE, Conseiller, en présence du Ministère public, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef.

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