Cour de révision, 17 juin 2024, d. A. veuve B. c/ l. B. épouse L.

  • Consulter le PDF

Abstract🔗

Compte joint des époux – Présomption simple d'indivision – Fonds propres (oui)

Contrat d'habitation-capitalisation – Donation déguisée (oui)

Succession – Recel successoral (oui)

Résumé🔗

Si par application de l'article 1246 du Code civil, le solde du compte joint est réputé appartenir indivisément par moitié à chacun des époux, c'est à la condition qu'il ne soit pas établi qu'il n'aurait été alimenté que par un seul. Ayant relevé d'une part que le 9 février 2009, e. B. a perçu la somme de 480.608,53 euros correspondant au prix de vente de ses droits indivis dans un appartement qui, hérité de ses parents, lui appartenait en propre, d'autre part que d. A., qui détient les relevés du compte joint mais s'abstient de les produire, ne précise pas le montant des sommes qu'elle aurait elle-même versées sur ce compte joint et que la seule production d'une attestation de versement d'allocations familiales d'un montant de 3.101,68 euros pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008 pour l'enfant v. B. est insuffisante à établir l'existence sur le compte joint des époux de versements importants faits par d. A. entre le 17 mars 2009 et le 8 juin 2010, la Cour d'appel a pu retenir que le compte joint avait été alimenté par e. B. au moyen de fonds propres pour un montant de 480.608,53 euros le 17 mars 2009 puis par ses salaires et sa pension de retraite. d. A. ne soutenant pas avoir versé la moindre somme sur le compte joint entre le 17 mars 2009, date à laquelle ce compte a été alimenté par le prix de vente de l'appartement de e. B., somme lui appartenant en propre, et le 8 juin 2010, date de conclusion du contrat habitation-capitalisation, la cour d'appel a pu considérer que la somme ayant servi à financer le contrat habitation-capitalisation appartenait en propre à e. B., d. A. étant ainsi privée du bénéfice de la présomption d'indivision découlant de l'article 1246 du Code civil non parce que la Cour aurait relevé une disparité entre les gains et virements des époux ou parce qu'elle n'aurait pas rapporté la preuve de « virements importants » mais parce que d. A. n'a pas rapporté la preuve du moindre virement sur la période écoulée entre l'encaissement de la somme de 480.608,53 euros, propre à son mari, et la conclusion du contrat habitation-capitalisation.

Ayant relevé que le contrat habitation-capitalisation souscrit par d. A. portait sur le bien loué par les époux A. B. en octobre 2009 et que le 8 juin 2010 e. B. a renoncé au bénéfice du bail, alors que dans le même temps il a permis à son épouse de disposer à hauteur de 425.928,38 euros de fonds propres qu'il avait déposés sur le compte joint pour souscrire en son seul nom un contrat habitation-capitalisation sur ce même bien immobilier, la Cour d'appel en a déduit qu'e. B. a ainsi dissimulé la nature réelle de l'opération, dès lors que le contrat habitation-capitalisation portant sur le bien immobilier dont le couple était initialement locataire, a été souscrit au seul nom de l'épouse mais financé par ses fonds propres caractérisant ainsi la dissimulation de l'origine des fonds au sens de l'article 954 du Code civil. La Cour d'appel a également pu déduire l'intention libérale d'e. B. de la souscription au seul nom de d. A. du contrat habitation-capitalisation portant sur le bien dont les époux étaient initialement tous les deux locataires et le financement de ce contrat au moyen des fonds propres d'e. B. sans que cela ne soit mentionné dans l'acte. Ces opérations ayant enrichi le patrimoine de d. A. sans contrepartie pour e. B., la Cour d'appel a pu en déduire l'intention libérale d'e. B. Ayant enfin relevé que d. A. ne précise pas la nature de la carrière qu'elle aurait abandonnée pour suivre e. B. ni les ressources qu'elle lui procurait ni ne produit aucune pièce à ce sujet et que lorsqu'elle s'est mariée avec e. B., les deux enfants de celui-ci issus d'une précédente union, étaient âgés respectivement de 20 ans et de 17 ans et ne nécessitaient donc plus de soins ni d'une surveillance à temps plein et qu'enfin elle n'a pas participé à l'activité professionnelle de son époux, la Cour d'appel a pu retenir qu'il résulte de ces éléments qu'il n'est pas établi que d. A. veuve B. ait eu une activité au foyer ayant excédé sa contribution normale aux charges du mariage, susceptible de justifier une rémunération et que la preuve n'était pas rapportée qu'e. B. était animé à son égard d'une intention rémunératoire. Il s'ensuit qu'aucun des griefs du moyen ne peut être accueilli.

Ayant relevé que d. A., lorsqu'elle a pris contact avec le notaire pour le règlement de la succession, a omis de mentionner la donation de fonds propres du défunt dont elle a bénéficié pour financer le contrat « habitation-capitalisation » souscrit en son seul nom et que le jugement du 21 mai 2013 statuant sur la mesure de protection prise au bénéfice d'e. B. faisait état de ce que d. B. a apporté s'agissant principalement du contrat habitation-capitalisation et de la destination de la somme provenant de la vente en 2009 d'un bien immobilier appartenant notamment à son époux, des réponses paraissant en contradiction avec les termes du rapport établi par l'enquêtrice sociale selon laquelle, d'une part d. B. serait la seule titulaire dudit contrat relatif à leur appartement situé x1 à Monaco et, d'autre part, le produit de la vente n'apparaissait aucunement sur les comptes bancaires de e. B. dont elle relevait le montant relativement modique des sommes déposées sur ceux-ci, compte tenu de la profession de directeur adjoint des jeux qu'avait exercée e. B., la Cour d'appel a retenu que l'absence de sincérité lors de cette audience de d. A. B. quant aux titulaires du contrat habitation-capitalisation et à la destination de la somme provenant de la vente du bien immobilier appartenant à e. B. caractérise sa volonté de dissimuler à ses beaux-enfants, l. et d. B., la donation effectuée par e. B. à son profit et le fait qu'ils n'étaient pas bénéficiaires dudit contrat. La Cour d'appel a par ailleurs retenu que d. A. s'est abstenue de déclarer cette donation au notaire chargé de la succession de son mari, ainsi que cela résulte des télécopies du notaire des 16 octobre 2015 et 14 janvier 2016 qui indiquent, en l'état des éléments en sa possession, la composition de l'actif successoral, sans qu'il soit fait mention du contrat habitation-capitalisation relatif au domicile conjugal, pourtant financé avec des deniers propres de son mari et qu'il est établi que d. A. n'a pas souhaité participer à une réunion organisée par le notaire relative à la succession d'e. B., ce qui manifeste sa volonté de ne pas répondre aux questions de ses beaux-enfants, cohéritiers, concernant notamment le contrat habitation-capitalisation et la destination des fonds résultant de la vente du bien propre d'e. B., caractérisant ainsi sa volonté d'occulter la donation faite à son profit lors de la souscription dudit contrat. La Cour d'appel a souverainement déduit de ces différentes circonstances et considérations une volonté de dissimulation d'un bien au détriment des cohéritiers dans le dessein de porter atteinte à leurs droits et ce, sans se fonder, comme le prétend à tort la troisième branche du moyen, sur les seules circonstances relevées lors de la procédure de mise sous protection d'e. B. en 2013.


Pourvoi N° 2024-17 en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 17 JUIN 2024

En la cause de :

  • d. A. veuve B., née le jma au Havre, de nationalité monégasque, retraitée, demeurant x1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

  • l. B. épouse L., née le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant x1 à Londres au Royaume-Uni ;

  • d. B., né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant x2 à Monaco ;

Ayant tous deux élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Raphaëlle SVARA, avocat-défenseur près la même Cour d'appel et par Maître Alice MEIER-BOURDEAU, avocat aux Conseils ;

DEFENDEURS EN RÉVISION,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

  • l'arrêt rendu le 24 octobre 2023 par la Cour d'appel, statuant en matière civile, signifié le 13 novembre 2023 ;

  • la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 12 décembre 2023, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de d. A. veuve B. ;

  • la requête déposée le 11 janvier 2024 au Greffe général, par Maître Sarah FILIPPI, avocat-défenseur, au nom de d. A. veuve B., accompagnée de 38 pièces, signifiée le même jour ;

  • la contre-requête déposée le 9 février 2024 au Greffe général, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de l. B. épouse L. et de d. B., signifiée le même jour ;

  • les conclusions du Ministère public en date du 19 février 2024 ;

  • le certificat de clôture établi le 23 février 2024 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 14 juin 2024 sur le rapport de Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère public ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que e. B. est décédé le jma laissant pour lui succéder son épouse, d. A., épousée en secondes noces sous le régime de la séparation de biens au profit de laquelle il avait établi une donation au conjoint survivant, ses deux enfants, v. et a., nés de cette union et, d. et l., deux enfants nés d'un précédent mariage ; que l'acte de notoriété établi par Maître Henri REY, notaire à Monaco, où s'est ouverte la succession, indique que celle-ci est régie par le droit monégasque pour ce qui concerne les biens immobiliers sis à Monaco ainsi que l'ensemble des biens meubles, et par le droit français pour les biens immobiliers sis en France ; que reprochant à d. A. de s'être accaparée le patrimoine de son époux en le faisant fructifier à son seul profit, d'avoir bénéficié d'une donation déguisée et de négliger le règlement de la succession de leur père à leur détriment, l et d. B. l'ont assignée devant le Tribunal de première instance qui, par jugement du 24 mars 2022, a jugé que la somme de 425.928,38 euros, prélevée sur les fonds propres d'e. B. afin de financer la souscription par son épouse d'un contrat habitation-capitalisation en son seul nom, constitue une donation déguisée, que la dite donation déguisée est nulle, que d. A. est redevable de cette somme envers la succession de feu son époux, qu'elle s'est en outre rendue coupable de recel successoral de cette somme au détriment de la succession de feu son époux, qu'elle doit être condamnée à en régler le montant à la succession d'e. B. avec intérêts au taux légal à compter du jma et que, du fait du recel, d. A. n'aura aucun droit sur le partage de la somme de 425.928,38 euros ; que, par arrêt du 24 octobre 2023, la Cour d'appel ayant confirmé ce jugement en toutes ses dispositions, d. A. a formé un pourvoi en révision contre cet arrêt ;

  • Sur le premier moyen pris en ses trois branches :

Attendu que d. A. fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir considéré que les fonds lui ayant permis de souscrire un contrat habitation-capitalisation ne seraient pas des fonds indivis, alors, d'une part, que « les comptes joints sont présumés indivis et qu'il appartient à celui qui conteste l'indivision d'en rapporter la preuve ; qu'en retenant que la somme de 480.608,53 euros versée sur le compte joint correspondait à des fonds propres d'e. B. la cour d'appel a violé l'article 1246 du Code civil », alors, d'autre part, que « la présomption d'indivision ne peut être renversée que pour autant que la démonstration est faite du caractère personnel des fonds ; qu'en écartant l'indivision alors que d. A. veuve B. a personnellement alimenté le compte joint par le versement des allocations familiales, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1246 du Code civil » ; et alors enfin que « la présomption d'indivision ne peut être renversée que si le compte joint est exclusivement alimenté par l'un des époux, les éventuelles disparités, existant entre les gains et virements des époux, ne pouvant écarter l'indivision ; qu'en écartant l'indivision au motif que la preuve de "virements importants" ne serait pas rapportée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1246 du Code civil » ;

Mais attendu que, si par application de l'article 1246 du Code civil, le solde du compte joint est réputé appartenir indivisément par moitié à chacun des époux, c'est à la condition qu'il ne soit pas établi qu'il n'aurait été alimenté que par un seul ; qu'ayant relevé d'une part que le 9 février 2009, e. B. a perçu la somme de 480.608,53 euros correspondant au prix de vente de ses droits indivis dans un appartement qui, hérité de ses parents, lui appartenait en propre, d'autre part que d. A., qui détient les relevés du compte joint mais s'abstient de les produire, ne précise pas le montant des sommes qu'elle aurait elle-même versées sur ce compte joint et que la seule production d'une attestation de versement d'allocations familiales d'un montant de 3.101,68 euros pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008 pour l'enfant v. B. est insuffisante à établir l'existence sur le compte joint des époux de versements importants faits par d. A. entre le 17 mars 2009 et le 8 juin 2010, la Cour d'appel a pu retenir que le compte joint avait été alimenté par e. B. au moyen de fonds propres pour un montant de 480.608,53 euros le 17 mars 2009 puis par ses salaires et sa pension de retraite ; que d.A ne soutenant pas avoir versé la moindre somme sur le compte joint entre le 17 mars 2009, date à laquelle ce compte a été alimenté par le prix de vente de l'appartement de e. B., somme lui appartenant en propre, et le 8 juin 2010, date de conclusion du contrat habitation-capitalisation, la cour d'appel a pu considérer que la somme ayant servi à financer le contrat habitation-capitalisation appartenait en propre à e. B., d. A. étant ainsi privée du bénéfice de la présomption d'indivision découlant de l'article 1246 du Code civil non parce que la Cour aurait relevé une disparité entre les gains et virements des époux ou parce qu'elle n'aurait pas rapporté la preuve de « virements importants » mais parce que d. A. n'a pas rapporté la preuve du moindre virement sur la période écoulée entre l'encaissement de la somme de 480.608,53 euros, propre à son mari, et la conclusion du contrat habitation-capitalisation ; qu'il s'ensuit qu'aucun des griefs du moyen ne peut être accueilli ;

  • Sur le deuxième moyen pris en ses trois branches :

Attendu que d. A. fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu que la donation que lui a consentie e. B. est une donation déguisée qui doit être déclarée nulle, alors, d'une part, que « la donation déguisée suppose une volonté de simulation ou de dissimulation de l'origine des fonds au sens de l'article 954 du Code civil, la cour d'appel, qui a pourtant rappelé les éléments constitutifs, n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations », alors, d'autre part, que « l'intention libérale doit s'apprécier au moment de l'opération et que celle-ci ne peut se déduire de la seule origine des fonds ayant servi à financer l'apport, mais doit au contraire être prouvée, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 954 du Code civil en considérant que l'intention libérale serait démontrée par le seul financement du contrat habitation-capitalisation au nom de d. A. veuve B. grâce aux deniers propres de e. B. » ; et alors, enfin, que « e. B. était manifestement animé d'une intention rémunératoire après près de 25 ans d'union ce qui exclut toute intention libérale et donc toute notion de donation déguisée, qu'en écartant cette notion de gratification au bénéfice de son épouse, la cour d'appel a violé les dispositions des articles 762 et 954 du Code civil » ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le contrat habitation-capitalisation souscrit par d. A. portait sur le bien loué par les époux A. B. en octobre 2009 et que le 8 juin 2010 e. B. a renoncé au bénéfice du bail, alors que dans le même temps il a permis à son épouse de disposer à hauteur de 425.928,38 euros de fonds propres qu'il avait déposés sur le compte joint pour souscrire en son seul nom un contrat habitation-capitalisation sur ce même bien immobilier, la Cour d'appel en a déduit qu'e. B. a ainsi dissimulé la nature réelle de l'opération, dès lors que le contrat habitation-capitalisation portant sur le bien immobilier dont le couple était initialement locataire, a été souscrit au seul nom de l'épouse mais financé par ses fonds propres caractérisant ainsi la dissimulation de l'origine des fonds au sens de l'article 954 du Code civil ; que la Cour d'appel a également pu déduire l'intention libérale d'e. B. de la souscription au seul nom de d. A. du contrat habitation-capitalisation portant sur le bien dont les époux étaient initialement tous les deux locataires et le financement de ce contrat au moyen des fonds propres d'e. B. sans que cela ne soit mentionné dans l'acte ; que ces opérations ayant enrichi le patrimoine de d. A. sans contrepartie pour e. B., la Cour d'appel a pu en déduire l'intention libérale d'e. B. ; qu'ayant enfin relevé que d. A. ne précise pas la nature de la carrière qu'elle aurait abandonnée pour suivre e. B. ni les ressources qu'elle lui procurait ni ne produit aucune pièce à ce sujet et que lorsqu'elle s'est mariée avec e. B., les deux enfants de celui-ci issus d'une précédente union, étaient âgés respectivement de 20 ans et de 17 ans et ne nécessitaient donc plus de soins ni d'une surveillance à temps plein et qu'enfin elle n'a pas participé à l'activité professionnelle de son époux, la Cour d'appel a pu retenir qu'il résulte de ces éléments qu'il n'est pas établi que d. A. veuve B. ait eu une activité au foyer ayant excédé sa contribution normale aux charges du mariage, susceptible de justifier une rémunération et que la preuve n'était pas rapportée qu'e. B. était animé à son égard d'une intention rémunératoire ; qu'il s'ensuit qu'aucun des griefs du moyen ne peut être accueilli ;

  • Sur le troisième moyen pris en ses trois branches :

Attendu que d. A. fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir considéré qu'elle s'est rendue coupable de recel successoral, ce avec toutes les conséquences de droit, alors, d'une part, que « le recel successoral suppose une dissimulation d'un bien ou d'un droit ce au détriment des cohéritiers, que la cour d'appel a violé l'article 673 du Code civil en retenant que d. A. veuve B. se serait rendue coupable de recel alors même qu'elle n'a jamais dissimulé l'existence du contrat "habitation-capitalisation" », alors, d'autre part, que « le recel successoral suppose une intention frauduleuse, c'est-à-dire une dissimulation volontaire avec le dessein de nuire aux co-héritiers, que la cour d'appel a violé l'article 673 du Code civil en retenant que l'intention serait caractérisée par la volonté de d. A. veuve B. de ne pas assister aux réunions organisées par le notaire en charge de la succession », et alors, enfin, que « la manoeuvre dolosive doit, pour être constituée, avoir des effets après l'ouverture de la succession, la cour d'appel a violé l'article 673 du Code civil en retenant qu'en l'espèce, ladite manoeuvre aurait été constituée au moment de la procédure relative à la mise sous protection d'e. B. en 2013 » ;

Mais attendu qu'ayant relevé que d. A., lorsqu'elle a pris contact avec le notaire pour le règlement de la succession, a omis de mentionner la donation de fonds propres du défunt dont elle a bénéficié pour financer le contrat « habitation-capitalisation » souscrit en son seul nom et que le jugement du 21 mai 2013 statuant sur la mesure de protection prise au bénéfice d'e. B. faisait état de ce que d. B. a apporté s'agissant principalement du contrat habitation-capitalisation et de la destination de la somme provenant de la vente en 2009 d'un bien immobilier appartenant notamment à son époux, des réponses paraissant en contradiction avec les termes du rapport établi par l'enquêtrice sociale selon laquelle, d'une part d. B. serait la seule titulaire dudit contrat relatif à leur appartement situé x1 à Monaco et, d'autre part, le produit de la vente n'apparaissait aucunement sur les comptes bancaires de e. B. dont elle relevait le montant relativement modique des sommes déposées sur ceux-ci, compte tenu de la profession de directeur adjoint des jeux qu'avait exercée e. B., la Cour d'appel a retenu que l'absence de sincérité lors de cette audience de d. A. B. quant aux titulaires du contrat habitation-capitalisation et à la destination de la somme provenant de la vente du bien immobilier appartenant à e. B. caractérise sa volonté de dissimuler à ses beaux-enfants, l. et d. B., la donation effectuée par e. B. à son profit et le fait qu'ils n'étaient pas bénéficiaires dudit contrat ; que la Cour d'appel a par ailleurs retenu que d. A. s'est abstenue de déclarer cette donation au notaire chargé de la succession de son mari, ainsi que cela résulte des télécopies du notaire des 16 octobre 2015 et 14 janvier 2016 qui indiquent, en l'état des éléments en sa possession, la composition de l'actif successoral, sans qu'il soit fait mention du contrat habitation-capitalisation relatif au domicile conjugal, pourtant financé avec des deniers propres de son mari et qu'il est établi que d. A. n'a pas souhaité participer à une réunion organisée par le notaire relative à la succession d'e. B., ce qui manifeste sa volonté de ne pas répondre aux questions de ses beaux-enfants, cohéritiers, concernant notamment le contrat habitation-capitalisation et la destination des fonds résultant de la vente du bien propre d'e. B., caractérisant ainsi sa volonté d'occulter la donation faite à son profit lors de la souscription dudit contrat ; que la Cour d'appel a souverainement déduit de ces différentes circonstances et considérations une volonté de dissimulation d'un bien au détriment des cohéritiers dans le dessein de porter atteinte à leurs droits et ce, sans se fonder, comme le prétend à tort la troisième branche du moyen, sur les seules circonstances relevées lors de la procédure de mise sous protection d'e. B. en 2013 ; qu'il s'ensuit qu'aucun des griefs du moyen ne peut être accueilli ;

Sur les demandes formées au titre de l'article 459-4 du Code de procédure civile :

Attendu que d. A. sollicite l'allocation de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 459-4 du Code de procédure civile ;

Mais attendu que d. A. succombe en son pourvoi ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande ;

Attendu que l. et d. B. sollicitent la condamnation de d. A. sur le fondement de l'article 459-4 du Code de procédure civile au paiement d'une indemnité de 6.000 euros ;

Mais attendu que les circonstances de la cause n'impliquent pas de faire droit à cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Rejette les demandes formées au titre de l'article 459-4 du Code de procédure civile,

Condamne d. A. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable.

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le 17 JUIN 2024, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller, rapporteur et Madame Martine VALDES-BOULOUQUE, Conseiller, en présence du Ministère public, assistés de Madame Nadine VALLAURI, Greffier en Chef.

  • Consulter le PDF