Cour de révision, 17 avril 2024, t. A. épouse B. c/ j. C. et p. C.

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Abstract🔗

Procédure civile - Chose jugée - Autorité de la chose jugée (oui) - Décisions précédentes ayant statué au fond (oui) - Décision d'irrecevabilité de la tierce-opposition - Identité d'objet de cause et de parties - Action en justice - Abus de droit (oui) - Mauvaise foi - Manœuvres dilatoires - Déloyauté

Résumé🔗

L'arrêt du 22 janvier 2019 par lequel la Cour d'appel a rejeté la tierce opposition portée devant elle par l'épouse du preneur, au motif de l'absence de preuve de sa cotitularité alléguée du bail litigieux et ainsi de tout intérêt à agir à son propos, a autorité de la chose jugée. Il en va de même de l'arrêt rendu par la Cour de révision le 24 juin 2019 rejetant son pourvoi contre l'arrêt du 22 janvier 2019. Les demandes tendant aux mêmes fins, à savoir l'annulation du commandement de payer litigieux, entre les mêmes personnes, la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée est constituée. L'arrêt ajoute pertinemment que la tierce opposition est une voie de recours ouverte par le livre III du Code de procédure civile, et que laisser la demanderesse introduire une nouvelle instance lui permettant de présenter les mêmes demandes, au motif inexact qu'il n'aurait pas été statué au fond sur celles-ci du fait d'une décision d'irrecevabilité de sa tierce opposition, conduirait à laisser contourner cet échec et offrir une nouvelle voie de recours.

La Cour d'appel, appréciant souverainement le préjudice éprouvé, a légalement justifié sa décision de retenir l'abus de droit au motif que la demanderesse avait introduit la procédure de mauvaise foi sans pouvoir ignorer qu'elle ne disposait plus du droit d'agir et usant de manœuvres purement dilatoires, n'hésitant pas à se contredire entre les deux instances sur ses droits relatifs au bail litigieux, dont elle ne pouvait ignorer l'étendue, pour tenter d'ouvrir à son bénéfice et au détriment de ses adversaires une nouvelle voie de recours, au mépris de la loyauté qui doit présider aux débats devant la juridiction, et ayant adopté envers eux une stratégie d'épuisement pour tenter de réintégrer les lieux loués, sans que les sommes impayées ayant justifié la délivrance du commandement de payer à son mari pour le bail dont elle se prétendait désormais titulaire aient été acquittées.


Pourvoi N° 2024-06

Hors Session Civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 17 AVRIL 2024

En la cause de :

  • t. A. épouse B., née le jma à Sofia (Bulgarie), de nationalité bulgare, demeurant x1 à Sofia (Bulgarie) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur près la Cour d'appel et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

DEMANDERESSE EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

  • j. C., né le jma à Monaco de nationalité française, demeurant et domicilié x2 à Monaco ;

  • p. C., né le jma à Monaco, de nationalité monégasque, demeurant et domicilié x3 à Monaco ;

Ayant tous deux élu domicile en l'étude de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel et ayant pour avocat plaidant ledit avocat-défenseur ;

DÉFENDEURS EN RÉVISION,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR DE RÉVISION,

Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 458 du Code de Procédure civile ;

VU :

  • l'arrêt de la Cour d'appel, statuant en matière civile, en date du 28 septembre 2023, signifié le 17 octobre 2023 ;

  • la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 10 novembre 2023, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de t. A. épouse B. ;

  • la requête en révision déposée le 11 décembre 2023 au Greffe général, par Maître Joëlle PASTOR-BENSA, avocat-défenseur, au nom de t. A. épouse B., accompagnée de 40 pièces, signifiée le même jour ;

  • la contre-requête déposée le 2 janvier 2024 au Greffe général, par Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, au nom de j. C. et de p. C., accompagnée de 8 pièces, signifiée le même jour ;

  • les conclusions du Ministère public en date du 10 janvier 2024 ;

  • le certificat de clôture établi le 15 janvier 2024 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 15 mars 2024, sur le rapport de M. Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué et les pièces de la procédure, que suite à un commandement de payer du 16 juin 2016 assorti du rappel d'une clause résolutoire et demeuré infructueux, M. Nedko B., cessionnaire de par un acte authentique en date du 1er août 2008 d'un bail commercial sur des locaux sis en Principauté, a été assigné en référé par MM. j. et p. C., bailleurs, aux fins de constatation de la résiliation du contrat et de l'expulsion de lui-même ou de celle de tous occupants de son fait ; que par ordonnance du Tribunal de première instance du 15 février 2017, confirmée par arrêt du 13 juin 2017, ces demandes ont été accueillies ; que par assignation en date du 11 août 2022, Mme t. A. épouse B. (Mme B.) a saisi la Cour d'appel d'une tierce opposition à l'arrêt du 13 juin 2017, prétendant être co-titulaire du bail depuis l'acte du 1er août 2008, soutenant que le commandement du 16 juin 2016, délivré à son seul mari, avait été dépourvu de toute valeur juridique et de toutes conséquences ; que par arrêt du 22 janvier 2019, la Cour a dit Mme B. irrecevable en son action, faute de démontrer son intérêt à agir, et, par arrêt du 24 juin 2019, la Cour de révision a rejeté son pourvoi ; que le 22 novembre 2019, Mme B. a alors assigné les frères C. en nullité et inopposabilité du commandement du 16 juin 2016, et en déclaration de ce que le bail du 24 juillet 1995, renouvelé le 21 décembre 2004, s'était reconduit à son bénéfice ; le Tribunal, par jugement rendu le 14 juillet 2022, a dit ces demandes irrecevables, car contraires à la chose jugée en appel le 22 janvier 2019 lors de l'instance en rétractation ; que par arrêt du 28 septembre 2023, la Cour d'appel a confirmé le jugement, constatant à son tour les identités caractéristiques de la chose jugée relevées par les arrêts des 22 janvier 2019 et 24 juin 2019 ; qu'à l'encontre de l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 28 septembre 2023, Mme B. s'est pourvue en révision ;

  • Sur le premier moyen, pris en ses six branches :

Attendu que Mme B. fait grief à l'arrêt de confirmer l'irrecevabilité, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée, de ses demandes tendant notamment à l'annulation du commandement de payer délivré le 16 juin 2016, subsidiairement qu'il lui soit déclaré inopposable; 1°) Alors, selon le moyen, d'une part, que « les décisions de référé n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée ; qu'en opposant à A.-B. l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la Cour d'appel du 22 janvier 2019 et de l'arrêt de la Cour de révision du 24 juin 2019, cependant que ces décisions, rendues sur tierce opposition formée contre un arrêt par lequel la cour d'appel était saisie de l'appel formé contre une ordonnance de référé, n'ont pas, au principal, l'autorité de la chose jugée, la cour d'appel, juge du principal, a violé les articles 414 et 419 du Code de procédure civile » ; 2°) Alors, d'autre part, que « l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans le dispositif ; que, dans son dispositif, l'arrêt de la Cour d'appel en date du 22 janvier 2019 se borne à "déclar[er] Madame t. A. irrecevable en sa tierce opposition à l'encontre de l'arrêt prononcé par la Cour d'appel le 13 juin 2017" ; qu'en jugeant que les demandes de Mme A.-B. a tendant, d'une part, à obtenir l'annulation du commandement de payer délivré le 16 juin 2016 à M. B., subsidiairement, qu'il lui soit déclaré inopposable et, d'autre part, à sa réintégration dans les lieux, s'opposaient à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la Cour d'appel du 22 janvier 2019, cependant que, dans son dispositif, cette décision n'a nullement tranché de telles demandes, la Cour d'appel a violé l'article 1198 du Code civil » ; 3°) Alors, de plus, que « l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans le dispositif ; que, dans son dispositif, l'arrêt de la Cour de révision du 24 juin 2019 se borne à "rejet[er] le pourvoi" formé par Mme A.-B. a contre l'arrêt de la Cour d'appel du 22 janvier 2019 ; qu'en jugeant que les demandes de Mme A.-B. a tendant, d'une part, à obtenir l'annulation du commandement de payer délivré le 16 juin 2016 à M. B., subsidiairement, qu'il lui soit déclaré inopposable et, d'autre part, à sa réintégration dans les lieux, s'opposaient à l'autorité de la chose jugée par l'arrêt de la Cour de révision du 24 juin 2019, cependant que, dans son dispositif, cette décision n'a nullement tranché de telles demandes, la Cour d'appel a violé l'article 1198 du Code civil » ; 4°) alors, par ailleurs, que « l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché, formellement, dans le dispositif ; que les motifs, seraient-ils le soutien nécessaire du dispositif, n'ont pas autorité de chose jugée ; qu'en jugeant néanmoins que les demandes de Mme A.-B. a tendant, d'une part, à obtenir l'annulation du commandement de payer délivré le 16 juin 2016 à M. B., subsidiairement, qu'il lui soit déclaré inopposable, et, d'autre part, à sa réintégration dans les lieux, s'opposaient à l'autorité de la chose jugée par les arrêts de la Cour d'appel du 22 janvier 2019 et de la Cour de révision du 24 juin 2019 dès lors que la cour d'appel avait, dans les motifs de sa décision, confirmée sur ce point par les motifs de l'arrêt de la Cour de révision, jugé que Mme A.-B. a était sans droit sur le bail litigieux, la Cour d'appel a violé l'article 1198 du Code civil » ; 5°) Alors, subsidiairement, que « l'autorité de la chose jugée ne peut être opposée lorsque des évènements postérieurs sont venus modifier la situation antérieurement reconnue en justice ; qu'en affirmant que l'attestation établie le 8 mars 2019 par Me Nathalia Aurélia-Caruso, notaire successeur du notaire instrumentaire de l'acte de cession de fonds de commerce du 1er aout 2008, ne modifiait pas la situation antérieurement reconnue en justice, s'agissant de laquelle elle a constaté par ailleurs que, dans son arrêt du 22 janvier 2019, la cour d'appel avait estimé que Mme A.-B. a n'était pas cessionnaire du fonds de commerce, sans rechercher si cette attestation ne désignait pas expressément Mme A.-B. a en qualité de cessionnaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1198 du Code civil » ; 6°) alors, enfin et plus subsidiairement, que « l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ; qu'il faut que la chose demandée soit la même, que la demande soit fondée sur la même cause, entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ; que l'autorité de chose jugée attachée à la décision rendue dans une précédente instance ne s'oppose pas à ce que d'autres demandes, ayant un objet différent, soient formées entre les mêmes parties dans le cadre d'une nouvelle instance ; qu'en retenant que les demandes formées dans le cadre de la présente instance avaient le même objet que celles précédemment formulées dans le cadre de la tierce opposition, sans rechercher si la demande subsidiaire de Mme A.-B. a tendant à ce que le commandement de payer délivré le 16 juin 2016 lui soit déclaré inopposable avait déjà été présentée dans le cadre de la présente instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1198 du Code civil » ;

Mais attendu, sur la première branche, que n'est ni une ordonnance de référé, ni une décision statuant sur une ordonnance de référé, l'arrêt du 22 janvier 2019 par lequel la Cour d'appel a rejeté la tierce opposition portée devant elle par Mme B., au motif de l'absence de preuve de sa co-titularité alléguée du bail litigieux et ainsi de tout intérêt à agir à son propos ; qu'il en va de même de l'arrêt par la Cour de révision le 24 juin 2019 rejetant son pourvoi contre l'arrêt du 22 janvier 2019, qui, après avoir examiné les motifs de fond de cet arrêt et dit ses déductions exactes quant à l'absence de qualité de co-indivisaire de la demanderesse, l'a jugé rendu à bon droit ; qu'ainsi l'un et l'autre arrêts, ayant statué au fond, ont pleine autorité de chose jugée, Mme B. écrivant elle-même, en page 12 § 8 de sa requête, que la Cour d'appel était saisie au fond des demandes tendant à l'annulation du commandement de payer litigieux ; que sur les deuxième, troisième, et quatrième branches, la Cour d'appel, se référant aux arrêts produits, a relevé que les demandes de Mme B., tant dans l'instance dont elle était saisie que dans l'assignation en tierce opposition du mois d'août 2017, tendaient expressément aux mêmes fins, en l'occurrence voir le commandement de payer du 16 juin 2016, signifié au seul Nedko B., être dit privé d'effets à son égard pour ne pas lui avoir été délivré, avec toutes conséquences de droit et notamment la procédure d'expulsion qui s'en est suivie, que de la sorte se trouvaient opposées les mêmes parties, en la même qualité et sur les mêmes objet et cause ; que de la sorte, le pourvoi contre l'arrêt d'appel du 22 janvier 2019 disant irrecevable la tierce opposition ayant été rejeté par arrêt de la Cour de révision en date du 24 juin 2019 - faute d'intérêt de Mme B. à agir en l'absence de toute démonstration de sa cotitularité ou co-indivision sur le droit au bail litigieux - la fin de non-recevoir tirée de la force de chose jugée était constituée ; que l'arrêt ajoute pertinemment que la tierce opposition est une voie de recours ouverte par le livre III du Code de procédure civile, et que laisser Mme B. introduire une nouvelle instance lui permettant de présenter les mêmes demandes, au motif inexact qu'il n'aurait pas été statué au fond sur celles-ci du fait d'une décision d'irrecevabilité de sa tierce opposition, conduirait à laisser contourner cet échec et offrir une nouvelle voie de recours ; qu'ainsi la Cour d'appel, qui n'avait pas à suivre davantage l'appelante dans le détail de son argumentation, a légalement justifié sa décision au regard de l'article 1198 du Code civil ; Sur la cinquième branche, que l'arrêt, qui considère exactement que, si un fait nouveau peut tenir en échec l'autorité de chose jugée attachée à une décision antérieure, encore faut-il qu'il vienne modifier la situation déjà reconnue en justice ; qu'en l'espèce, il est relevé que l'attestation notariale interprétative du 8 mars 2019, visée au moyen, ne produit pas cet effet, sa simple lecture reprenant de manière synthétique les points essentiels de l'acte reçu le 1er août 2008, déjà soumis à l'examen des précédents juges, sans atteindre l'identité des parties, d'objet ou de cause de la chose déjà jugée, et ainsi l'autorité qui s'y attache ; et sur la sixième branche, que l'assignation en tierce opposition d'août 2017 demandait que Mme B. soit reconnue co-titulaire du droit au bail conformément à l'acte de cession du 1er août 2008, accessoirement coindivisaire du droit au bail en l'état d'une conversion de son régime matrimonial en séparation de biens, et que le commandement de payer visé soit jugé dépourvu d'effets pour ne pas lui avoir été délivré ;

D'où il suit que le moyen, inopérant en sa cinquième branche et manquant en fait en sa sixième, n'est pas fondé pour le surplus ;

  • Et sur le second moyen, pris en ses trois branches :

Attendu que Mme B. fait grief à l'arrêt attaqué de la condamner à payer aux consorts C. la somme de 20.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; 1°) alors, selon le moyen, d'une part, que « l'accès au juge est un droit fondamental ; que ce droit n'est pas absolu et peut être sanctionné en cas d'abus, lequel est caractérisé lorsque la procédure ne repose sur aucun élément précis et qu'elle est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante ; que pour condamner Mme A.-B. a à des dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel a retenu que celle-ci ne "pouvait ignorer qu'elle ne disposait plus du droit d'agir et a usé de moyens purement dilatoires" ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser, au-delà du caractère infondé des arguments invoquées et de l'irrecevabilité des demandes, des circonstances ayant fait dégénérer en abus le droit d'agir en justice et celui d'exercer un recours, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1129 du Code civil » ; 2°) alors d'autre part, que « l'accès au juge est un droit fondamental ; que ce droit n'est pas absolu et peut être sanctionné en cas d'abus, lequel est caractérisé lorsque la procédure ne repose sur aucun élément précis et qu'elle est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante ; que le fait pour un plaideur, après avoir subi une décision défavorable en référé, de saisir le juge du principal ne peut constituer en lui-même un abus d'ester en justice ; que pour condamner Mme A.-B. a à des dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel a retenu qu'en saisissant le juge du principal, après le rejet de sa tierce opposition contre l'arrêt du 22 juin 2019 contre un arrêt de la Cour d'appel statuant en référé, elle aurait "tenté d'ouvrir à son bénéfice une voie et au détriment de son adversaire une voie de recours, au mépris de la loyauté qui doit présider les débats devant une juridiction" et qu'il s'agirait d'une "stratégie d'épuisement procédural des intimés", cependant que le fait pour Mme A.-B. a, qui a subi une décision défavorable en référé, de saisir le juge du principal ne peut constituer en lui-même un abus d'ester en justice, la cour d'appel a violé l'article 1229 du Code civil » ; 3°) alors, enfin, que « l'accès au juge est un droit fondamental ; que ce droit n'est pas absolu et peut être sanctionné en cas d'abus, lequel est caractérisé lorsque la procédure ne repose sur aucun élément précis et qu'elle est particulièrement infondée, téméraire ou malveillante ; que le fait pour un plaideur, après avoir subi une décision défavorable, de faire évoluer son argumentation pour convaincre les juges suivants ne peut constituer, en lui-même un abus d'ester en justice ; que pour condamner Mme A.-B. a à des dommages-intérêts pour procédure abusive, la cour d'appel a retenu que "l'appelante n'a pas hésité à se contredire entre les instances sur ses droits relatifs au bail litigieux" ; Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser, au-delà du droit pour Mme A.-B. a de faire évoluer son argumentation, des circonstances ayant fait dégénérer en abus le droit d'agir en justice et celui d'exercer un recours, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1129 du Code civil » ;

Mais attendu que l'arrêt relève que Mme B., avait introduit de mauvaise foi la présente procédure sans pouvoir ignorer qu'elle ne disposait plus du droit d'agir et usant de manoeuvres purement dilatoires, n'hésitant pas à se contredire entre les deux instances sur ses droits relatifs au bail litigieux, dont elle ne pouvait ignorer l'étendue, pour tenter d'ouvrir à son bénéfice et au détriment de ses adversaires une nouvelle voie de recours, au mépris de la loyauté qui doit présider aux débats devant la juridiction, et ayant adopté envers eux une stratégie d'épuisement pour tenter de réintégrer les lieux loués, sans que les sommes impayées ayant justifié la délivrance du commandement de payer à son mari pour le bail dont elle se prétendait désormais titulaire aient été acquittées, soit 7 ans plus tard, la Cour d'appel, appréciant souverainement le préjudice éprouvé, a légalement justifié sa décision de retenir l'abus de Mme B. dans l'exercice des voies de droit ; et de le sanctionner ainsi qu'il l'a fait ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

  • Sur la demande de MM. j. et p. C. à voir Mme B. condamnée à leur payer 15.000 euros de dommages-intérêts pour pourvoi abusif :

Attendu qu'eu égard aux circonstances de la cause, il y a lieu d'accueillir cette demande à hauteur de 5.000 euros ;

  • Sur la demande de Mme B. à voir condamner MM. j. et p. C. à lui payer 4.500 euros en application de l'article 238-1 du Code de procédure civile :

Attendu que l'équité ne commande pas d'accueillir cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Rejette le pourvoi,

Condamne Mme t. A. épouse B. à payer à MM. j. et p. C., une somme de 5.000 euros pour pourvoi abusif,

Rejette la demande de Mme t. A. épouse B. en condamnation de MM. j. et p. C. à lui verser une quelconque somme sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Condamne Mme t. A. épouse B. aux entiers dépens, avec distraction au profit de Maître Olivier MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé et rendu le dix-sept avril deux mille vingt-quatre, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de Président, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, François CACHELOT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Jacques RAYBAUD, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Et Monsieur Jean-Pierre GRIDEL, faisant fonction de Président, a signé avec Madame Laurie PANTANELLA, Greffier principal.

Le Greffier principal, le Président.

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