Cour de révision, 18 mars 2024, m. A. c/ j. A.

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Abstract🔗

Droit international privé - Succession - Conflit de lois - Successions ouvertes antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017

Résumé🔗

Pour soumettre au droit matériel monégasque les droits et obligations de la succession litigieuse, l'arrêt retient, s'agissant d'une succession ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017, que l'article 24 du Code de droit international privé issu de cette loi ne pourrait trouver application, de sorte « qu'il y a donc lieu à renvoi aux règles de conflit suisse et italienne » ; en statuant ainsi, l'arrêt viole l'article 24 susvisé et l'article 7-1 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017.


Pourvoi N° 2023-42 en session civile

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 18 MARS 2024

En la cause de :

  • m. A., de nationalité suisse, né le jma à Rome (Italie), sans profession, demeurant et domicilié à Monaco, x1 – x1. ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur et par Maître Patrice SPINOSI, avocat aux Conseils ;

DEMANDEUR EN RÉVISION,

d'une part,

Contre :

  • j. A., né le jma à Rome (Italie), de nationalité suisse, sans profession, demeurant et domicilié « x1. », x1, 98000 Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Alice MEIER-BOURDEAU, avocat aux Conseils ;

DÉFENDEUR EN RÉVISION,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

  • l'arrêt rendu le 23 mai 2023 par la Cour d'appel, statuant en matière civile, signifié le 13 juin 2023 ;

  • la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 11 juillet 2023, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de m. A. ;

  • la requête déposée le 2 août 2023 au Greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de m. A., accompagnée de 7 pièces, signifiée le même jour ;

  • la contre-requête déposée le 1er septembre 2023 au Greffe général, par Maître Christine PASQUIER-CIULLA, avocat-défenseur, au nom de j. A., accompagnée de 6 pièces, signifiée le même jour ;

  • les conclusions du Ministère public en date du 6 septembre 2023 ;

  • le certificat de clôture établi le 13 septembre 2023 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

  • les observations en réplique déposées le 20 septembre 2023 au Greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de m. A. ;

  • la pièce complémentaire déposée le 16 février 2024 au Greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de m. A. ;

  • les observations complémentaires déposées le 29 février 2024 au Greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de m. A., signifiées le même jour ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 14 mars 2024 sur le rapport de M. Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère public ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu, selon l'arrêt critiqué, que dame veuve A., de nationalité suisse et domiciliée à Monaco, à la tête d'un patrimoine mobilier et immobilier sis en Suisse et en Italie, est morte ab intestat à Lausanne le jma, laissant pour lui succéder ses deux fils, MM. j. et m. A. ; que suivant procuration du 3 novembre 2015, M. m. A. a donné mandat à Maître REY, notaire en Principauté et en l'étude duquel la succession s'est ouverte, aux fins de renonciation pure et simple à tous droits pouvant lui profiter dans celle-ci, ce qui fut fait et suivi d'un enregistrement au Greffe général le 24 novembre 2015, et d'un acte de notoriété établi le 19 février suivant ; que M. m. A. a ensuite fait citer son frère en justice, prétendant à des droits successoraux quant aux biens situés hors Principauté ; que par jugement du 3 mars 2022, le Tribunal de première instance, constatant l'accord des parties sur ce que la détermination de la loi applicable à la succession, ouverte en 2015, était commandée par les règles de conflit en vigueur avant l'entrée de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 portant Code de droit international privé, a dit que la succession aux immeubles situés à l'étranger devait être régie par la loi de chaque État où ils étaient situés, et la succession aux meubles par la loi suisse, et que la renonciation de M. m. A., ne valant que pour la succession soumise à la loi monégasque, excluait les immeubles hors Principauté, ainsi que tous les meubles, soumis, eux, à la loi suisse en tant que loi nationale de la défunte ; que sur l'appel de M. j. A., la Cour d'appel, dans son arrêt du 23 mai 2023, par application de la loi n° 1.529 du 29 juillet 2022, intervenue entretemps, et dont l'article 7-1 prévoit que les dispositions du chapitre V du Titre II du Code de droit international privé sont applicables aux successions ouvertes postérieurement à son entrée en vigueur, soit le 12 août 2022, a dit que le droit matériel monégasque devait régir la succession litigieuse à Monaco, en Suisse et en Italie, et que la renonciation de M. m. A. produirait ses effets s'agissant des droits et obligations nés en ces trois États ; que M. m. A. s'est pourvu en révision ;

  • Sur la réplique, déposée au nom de M. m. A. le 20 septembre 2023, et la pièce complémentaire, déposée au même titre le 16 février 2024 :

Attendu que, selon les articles 450 et 451 du Code de procédure civile, au-delà du délai de trente jours suivant la signification de la requête, dans lequel le défendeur en révision peut signifier sa défense, aucune autre pièce ne peut faire partie de la procédure ; qu'en vertu de l'article 453 du même code, le dépôt d'une réplique sommaire n'est autorisé que pour les procédures relevant de la procédure d'urgence, prévue par les articles 458 et 459 dudit code ; que le présent pourvoi n'étant pas soumis à une telle procédure, la réplique déposée le 20 septembre 2023, et la pièce complémentaire, déposée le 16 février 2024, l'une et l'autre au nom de M. m. A. sont irrecevables ;

  • Sur le premier moyen :

Vu l'article 24 du Code de droit international privé, ensemble l'article 7-1 de la loi n° 1.448 du 28 juin 2017 relative au droit international privé ;

Attendu qu'il résulte de ces textes que l'article 7-1 précité, inséré par la loi 1.529 du 29 juillet 2022 après l'article 7 de la loi n°1.448 du 28 juin 2017, et aux termes duquel les dispositions du chapitre V du titre II dudit code s'appliquent aux successions ouvertes postérieurement à son entrée en vigueur, soit le 12 août 2022, laisse en dehors de ses prévisions l'article 24 de la loi du 28 juin 2017, en inscrivant au Chapitre IV « Conflits de lois » du titre I « Dispositions générales » et en limitant l'application du droit étranger à ses seules règles matérielles, à l'exclusion de ses propres règles de conflit et de tout mécanisme de renvoi ; que ledit article demeure donc d'application immédiate, y compris aux successions ouvertes antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 28 juin 2017 ;

Attendu que pour soumettre au droit matériel monégasque les droits et obligations de la succession litigieuse, l'arrêt retient néanmoins, s'agissant d'une succession ouverte avant l'entrée en vigueur de la loi du 28 juin 2017, que l'article 24 du Code de droit international privé issu de cette loi ne pourrait trouver application, de sorte « qu'il y a donc lieu à renvoi aux règles de conflit suisse et italienne » ; qu'en statuant ainsi, il viole les textes visés au moyen ;

Et sur la demande de M. m. A. de voir condamner le défendeur au paiement de 5.000 euros par application de l'article 238-1 du Code de procédure civile :

Attendu qu'il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande, non autrement motivée ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen, subsidiaire,

Dit irrecevables la réplique et la pièce complémentaire déposées au nom de M. m. A. les 20 septembre 2023 et 16 février 2024,

Casse et annule l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 23 mai 2023,

Rejette la demande présentée par M. m. A. au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Renvoie l'affaire à la session la plus proche de le Cour de révision, autrement composée,

Réserve les dépens ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le dix-huit mars deux mille vingt-quatre, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Laurent LE MESLE, Président, Jean-Pierre GRIDEL, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Jacques RAYBAUD, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence du Ministère public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Président.

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