Cour de révision, 18 mars 2024, v. A. divorcée B. c/ g. B.

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Abstract🔗

Exequatur - Convention franco-monégasque d'aide mutuelle judiciaire - Conditions remplies (non) - Décision rendue par une juridiction compétente (non) - Rejet de la demande d'exequatur

Résumé🔗

Selon l'article 18 alinéa 2 de la Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire signée entre la France et la Principauté de Monaco, le tribunal doit vérifier si, d'après la loi du pays où été rendue la décision dont l'exécution est poursuivie, cette décision émane d'une juridiction compétente. Or, en l'espèce, la décision n'a pas été rendue par une juridiction territorialement compétente en application de l'article 42 du Code de procédure civile, de sorte que la demande d'exequatur doit être rejetée.


Pourvoi N° 2023-02

en session civile après cassation

COUR DE RÉVISION

ARRÊT DU 18 MARS 2024

En la cause de :

  • v. A. divorcée B., née le jma à Saint-Raphaël (83), de nationalité française, gérante de sociétés, demeurant et domiciliée sis x1 à Monaco ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;

APPELANTE,

d'une part,

Contre :

  • g. B., né le jma à Strasbourg, de nationalité française, gérant de société, demeurant x2 – 33160 (ÉTAT-UNIS D'AMERIQUE) ;

Ayant élu domicile en l'étude de Maître Christophe BALLERIO, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Charles LECUYER, avocat-défenseur près la même Cour ;

INTIME,

d'autre part,

Visa🔗

LA COUR DE RÉVISION,

VU :

  • l'arrêt de la Cour de Révision du 19 juin 2023 ayant cassé et annulé l'arrêt de la Cour d'appel du 29 septembre 2022, statuant en matière civile, et renvoyé l'affaire à la prochaine session de la Cour de Révision autrement composée ;

  • les conclusions additionnelles déposées le 4 août 2023 au Greffe général, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de v. A. divorcée B., accompagnées de 25 pièces ;

  • le certificat de clôture établi le 25 septembre 2023 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;

  • les conclusions après cassation du Ministère public en date du 26 septembre 2023 ;

Ensemble le dossier de la procédure,

À l'audience du 14 mars 2024 sur le rapport de Mme Cécile CHATEL-PETIT, Premier président,

Après avoir entendu les conseils des parties ;

Ouï le Ministère public ;

Motifs🔗

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Attendu que, par acte notarié en date du 16 février 1995, la SARL C. et Mme v. A. divorcée B., ont reconnu devoir à M. g. B. la somme de 600.000 francs remboursable en 7 années au taux annuel de 9,50% ; que sur assignation de M. B., par jugement en date du 13 juillet 2011, le Tribunal de grande instance de Draguignan a condamné Mme A. à payer à M. B. la somme de 91.569,41 euros avec intérêt au taux annuel de 9,50% depuis le 1er avril 1995, dit que les intérêts échus du principal produiront eux-mêmes des intérêts au même taux dès lors qu'ils seront dus pour au moins une année entière depuis le 1er avril 1996, condamné Mme A. à payer à M B. la somme de 1.829,38 euros au titre de la clause pénale ainsi que la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et ordonné l'exécution provisoire du jugement ;

Que le 22 janvier 2019, M. B. a saisi le Tribunal de première instance de Monaco exposant que Mme A. n'avait jamais exécuté les termes de cette décision pourtant définitive et qu'il était désormais créancier de celle-ci à hauteur de 313.159,09 euros, qu'elle avait quitté la France de sorte qu'il était désormais confronté à un risque de non recouvrement de sa créance et qu'il se trouvait contraint de recourir à une procédure d'exequatur du titre dont il dispose ;

Qu'il a en conséquence demandé que soit déclaré exécutoire en Principauté de Monaco, avec toutes conséquences de droit, le jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Draguignan le 13 juillet 2011, sollicitant la condamnation de Mme A. au paiement de la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ;

Que Mme A. s'est opposée à cette demande, faisant valoir que les conditions pour qu'il soit fait droit à la demande d'exequatur telles qu'elles sont prévues par la Convention relative à l'aide mutuelle judiciaire entre la France et la Principauté de Monaco ne sont pas réunies ;

Que le Parquet général a sollicité le débouté de la demande d'exequatur faisant valoir que le bon accomplissement des actes de signification de la décision concernée et de la signification initiale n'était pas démontré ;

Que par jugement en date du 7 octobre 2021, le tribunal a déclaré exécutoire en Principauté le jugement rendu par le tribunal de Draguignan, débouté M. B. du surplus de ses demandes, débouté Mme A. de ses demandes, la condamnant aux dépens ;

Que sur appel de cette dernière, la Cour d'appel, par arrêt du 29 septembre 2022, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions ;

Que sur pourvoi de Mme A., la Cour de révision, par arrêt du 19 juin 2023, a cassé l'arrêt de la Cour d'appel, renvoyant l'affaire à la session la plus proche de la Cour de révision, autrement composée ;

Que le 4 août 2023, Mme A. a fait déposer des conclusions en application l'article 459-3 du Code de procédure civile aux termes desquelles, elle demande de dire et juger :

  • qu'au 2 mars 2011, date de l'exploit introductif d'instance ayant donné lieu au jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan le 13 juillet 2011, elle n'avait ni domicile réel ou apparent, ni résidence réelle ou apparente dans le ressort territorial du tribunal de grande instance de Draguignan,

  • que le tribunal de grande instance de Draguignan était territorialement incompétent au regard du droit positif français pour connaître de l'instance introduite suivant assignation en date du 2 mars 2011 signifiée à la requête de M. B.,

  • que l'assignation en date du 2 mars 2011 était irrégulière au regard du droit positif français faute d'avoir été délivrée à son dernier domicile et faute par l'huissier instrumentaire d'avoir accompli les diligences suffisantes à l'effet de localiser son domicile, sa résidence ou son lieu de travail ;

Par voie de conséquence :

  • dire et juger que le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan ne peut être déclaré exécutoire en Principauté, au regard des dispositions de l'article 18 de la Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire, rendue exécutoire par l'Ordonnance souveraine n°106 du 2 décembre 1949,

  • réformer en toutes ses dispositions le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. B. de sa demande de condamnation à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

  • condamner ce dernier au paiement de la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 238-1 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

Que M. B. n'a pas déposé de conclusions additionnelles ;

Que le procureur général a déclaré s'en rapporter quant au fond ;

SUR CE :

Attendu que la Convention du 21 septembre 1949 relative à l'aide mutuelle judiciaire signée entre la France et la Principauté de Monaco, rendue exécutoire à Monaco par l'ordonnance souveraine n° 106 du 2 décembre 1949, prévoit une procédure d'exequatur simplifiée des décisions judiciaires rendues en France ; que selon l'article 18 alinéa 2 de cette convention, le tribunal doit vérifier si, d'après la loi du pays où été rendue la décision dont l'exécution est poursuivie, cette décision émane d'une juridiction compétente ;

Que selon l'article 42 du Code de procédure civile français, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur ;

Attendu que, pour déclarer exécutoire en Principauté la décision rendue le 13 juillet 2011 par le tribunal de grande instance de Draguignan, le tribunal de première instance a retenu que M. B. avait attrait Mme A. devant la juridiction de Draguignan en considération du fait qu'il s'agissait de la juridiction compétente au vu de l'adresse déclarée par Mme A. lors de la souscription du prêt et également au vu des informations données par la conservation des hypothèques, qu'aucun élément ne venait établir que Madame A. ait informé son créancier de son changement d'adresse et qu'il en résultait que c'était de bonne foi que M. B. l'avait attrait devant le tribunal de grande instance de Draguignan de sorte que l'incompétence de cette juridiction n'avait pas lieu d'être retenue pour rejeter la demande d'exequatur ;

Mais attendu que l'huissier de justice, après avoir mentionné sur le procès-verbal de signification qu'il s'était rendu à Fréjus « le logis de Valescure », qu'il n'y avait aucune boîte aux lettres au nom de la requise, qu'il n'avait pu obtenir aucune information sur les lieux pas plus qu'auprès de la mairie, de la gendarmerie ou du commissariat de police compétents, qu'il n'y avait aucun employeur connu ni aucune coordonnée bancaire connus et que les pages blanches de l'annuaire n'identifiait aucune Mme A., a cependant précisé : « Nous avions une autre adresse à Cannes fournie par l'avocat, x3, or d'après de précédentes significations, elle n'y serait plus » ;

Qu'il s'ensuit que l'huissier, qui a reconnu disposer d'une autre adresse que celle de Fréjus, n'a pas effectué toutes les diligences nécessaires qui s'imposaient pour déterminer le dernier domicile connu de Mme A. et en conséquence n'a pas satisfait aux exigences de l'article 659 précité ;

Que, de surcroît, celle-ci a produit un certificat de résidence de la Direction de la sécurité publique de la Principauté de Monaco duquel il ressort qu'elle résidait de façon permanente et continue en Principauté depuis le 18 mars 2010 ;

Qu'il en résulte que le tribunal saisi par M. B. n'était pas la juridiction territorialement compétente en application de l'article 42 du Code de procédure civile et que les conditions requises par l'article 18 alinéa 2 de la Convention précitée relative à l'aide mutuelle judiciaire du 21 septembre 1949 ne sont pas réunies ;

Qu'en conséquence, il convient d'infirmer le jugement déféré et de rejeter la demande de M. B. aux fins de voir déclarer exécutoire le jugement du 13 juillet 2011 rendu par le tribunal de grande instance de Draguignan ;

  • Sur la demande de condamnation de Mme A. :

Attendu que cette dernière sollicite la condamnation de M. B. au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile ;

Mais attendu qu'au vu des circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'accueillir cette demande ;

Dispositif🔗

PAR CES MOTIFS,

Réforme le jugement rendu le 7 octobre 2021 par le Tribunal de première instance,

Rejette la demande de M. B. aux fins de voir déclarer exécutoire en Principauté de Monaco le jugement rendu par le tribunal de première instance de Draguignan,

Déboute Mme A. de sa demande sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,

Condamne M. B. aux dépens de l'entière procédure, avec distraction au profit de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, sous sa due affirmation,

Ordonne que les dépens distraits seront liquidés sur état par le Greffier en chef, au vu du tarif applicable ;

Composition🔗

Ainsi jugé et prononcé le dix-huit mars deux mille vingt-quatre, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, rapporteur, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Monsieur François CACHELOT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et Madame Martine VALDES-BOULOUQUE, Conseiller, en présence du Ministère public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.

Le Greffier en Chef, Le Premier Président.

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