Cour de révision, 19 juin 2023, La Société Anonyme Monégasque B., en abrégé B. c/ La Société à Responsabilité Limitée E
Abstract🔗
Tiers saisi – Déclaration obligatoire – Conditions
Résumé🔗
Il résulte de l'article 500-5 du Code de procédure civile que peut être déclaré débiteur de la somme pour laquelle la saisie aura été validée, le tiers saisi qui ne fait pas les déclarations prescrites par les articles 500-1, 500-3 et 500-4 du même code. Pour statuer comme elle l'a fait, la Cour d'appel retient que l'information dispensée par la société B. dans ses conclusions des 23 février et 5 octobre 2006 ne peut s'assimiler à la déclaration prévue par l'article 500-3 du Code de procédure civile, faute pour cette déclaration complémentaire de respecter les prescriptions formelles et d'avoir été faite au plus proche de l'audience. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, en dépit de l'insuffisance de ses déclarations, la société B. avait procédé à une déclaration initiale puis à des déclarations complémentaires, de sorte que ce tiers saisi, qui avait fait les déclarations prescrites par les textes, ne remplissait pas la condition posée par l'article 500-3 du Code de procédure civile pour être déclaré débiteur de la somme pour laquelle la saisie avait été validée, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé.
Pourvoi N° 2023-08 en session civile
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 19 JUIN 2023
En la cause de :
La Société Anonyme Monégasque B., en abrégé B., dont le siège social est situé au « x1 », x2 à Monaco, prise en la personne de son Président délégué en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par ledit avocat-défenseur ;
DEMANDERESSE EN REVISION,
d'une part,
Contre :
La Société à Responsabilité Limitée E., au capital de 61.380 euros, dont le siège social est x3 - 06300 Nice (France), agissant poursuites et diligences de son gérant en exercice, demeurant en cette qualité audit siège ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur près la Cour d'appel de Monaco, et plaidant par Maître Vincent EUVRARD, avocat au Barreau de Grasse ;
DÉFENDERESSE EN RÉVISION,
d'autre part,
Visa🔗
LA COUR DE RÉVISION,
VU :
l'arrêt rendu le 22 novembre 2022 par la Cour d'appel, statuant en matière civile, signifié le 7 décembre 2022 ;
la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 5 janvier 2023, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SAM B. ;
la requête déposée le 2 février 2023 au Greffe général, par Maître Thomas GIACCARDI, avocat-défenseur, au nom de la SAM B., accompagnée de 44 pièces, signifiée le même jour ;
la contre-requête déposée le 3 mars 2023 au Greffe général, par Maître Richard MULLOT, avocat-défenseur, au nom de la SARL E., accompagnée de 13 pièces, signifiée le même jour ;
les conclusions du Ministère public en date du 9 mars 2023 ;
le certificat de clôture établi le 17 mars 2023 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 13 juin 2023 sur le rapport de Monsieur François-Xavier LUCAS, Conseiller,
Après avoir entendu les conseils des parties ;
Ouï le Ministère public ;
Motifs🔗
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, dans le cadre du chantier de construction du complexe hôtelier C. la SAM B. (B.), ès-qualités de maître de l'ouvrage délégué de la société A., a confié à la société D. le lot électricité – courants forts, suivant marché de travaux du 15 décembre 2003 ; que la société D. a fait appel à la société E. pour la fourniture de luminaires ; qu'estimant que l'entreprise D. n'avait pas respecté ses obligations, la société B. a résilié le contrat le 20 décembre 2005 ; que, par jugement du 23 octobre 2008, le Tribunal de première instance a jugé valable cette résiliation et condamné la société B. à payer à la société D. la somme de 589.734,41 euros au titre du solde du marché de travaux ; qu'entre temps, la société E., s'estimant créancière de la société D. et autorisée par ordonnance présidentielle du 22 décembre 2005, a fait pratiquer, par exploit d'huissier du 4 janvier 2006, entre les mains de la société B., la saisie-arrêt des fonds et valeurs détenus pour le compte de la société D. et a assigné celle-ci en paiement de la somme de 275.000 euros ; que le 28 novembre 2006, le Tribunal de commerce de Bar-le-Duc a placé la société D. en redressement judiciaire ; que, par jugement du 4 octobre 2007, le Tribunal de première instance a fixé à 252.288,40 euros le montant de la créance de la société E. à l'égard de la société D. et sursis à statuer sur la validation de la saisie-arrêt du 4 janvier 2006 dans l'attente de l'issue de la procédure collective affectant la société D. ; que, par jugement du 23 mars 2017, rendu après la clôture de la liquidation judiciaire de la société D. pour insuffisance d'actif, le Tribunal de première instance a condamné la société D. à payer à la société E. la somme de 252.288,40 euros, validé la saisie-arrêt pratiquée le 4 janvier 2006 entre les mains de la société B. et dit que celle-ci se libèrerait valablement des sommes qu'elle détenait pour le compte de la société D. par le versement qu'elle en opérerait entre les mains de la société E. ; que le 18 septembre 2017, la société E. a fait délivrer à la société B. un commandement de payer la somme de 252.288,40 euros ; que cette dernière a contesté la validité de cet acte et a assigné la société E. en nullité du commandement de payer ; que, par jugement du 25 avril 2019, le Tribunal de première instance a débouté la société B. de ses demandes, jugé le commandement de payer valable et condamné la société B. à payer à la société E. la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive ; que, par exploit d'huissier du 14 décembre 2018, la société E. a assigné la société B. aux fins de la voir déclarée débitrice des sommes pour lesquelles la saisie-arrêt a été validée et de la voir condamnée à lui payer la somme de 252.288,40 euros ; que, par jugement du 8 octobre 2020, le Tribunal de première instance l'a déboutée de cette demande ; que la société E. ayant interjeté appel, par arrêt du 22 novembre 2022, la Cour d'appel a infirmé ce jugement, déclaré la société B. débitrice envers la société E. de la somme de 252.288,40 euros et l'a condamnée à payer cette somme outre 8.000 euros en vertu de l'article 238-1 du Code de procédure civile ; que la société B. s'est pourvue en révision contre cet arrêt ;
Sur le premier moyen :
Vu l'article 500-5 du Code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que peut être déclaré débiteur de la somme pour laquelle la saisie aura été validée, le tiers saisi qui ne fait pas les déclarations prescrites par les articles 500-1, 500-3 et 500-4 du même code ;
Attendu que, pour statuer comme elle l'a fait, la Cour d'appel retient que l'information dispensée par la société B. dans ses conclusions des 23 février et 5 octobre 2006 ne peut s'assimiler à la déclaration prévue par l'article 500-3 du Code de procédure civile, faute pour cette déclaration complémentaire de respecter les prescriptions formelles et d'avoir été faite au plus proche de l'audience ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, en dépit de l'insuffisance de ses déclarations, la société B. avait procédé à une déclaration initiale puis à des déclarations complémentaires, de sorte que ce tiers saisi, qui avait fait les déclarations prescrites par les textes, ne remplissait pas la condition posée par l'article 500-3 du Code de procédure civile pour être déclaré débiteur de la somme pour laquelle la saisie avait été validée, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé le texte susvisé ;
Sur la demande au titre de l'article 238-1 du Code de procédure civile :
Mais attendu qu'au vu des circonstances de la cause il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la société B. ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Casse et annule l'arrêt du 22 novembre 2022,
Rejette la demande de la société B. sur le fondement de l'article 238-1 du Code de procédure civile,
Renvoie l'affaire à la session la plus proche de la Cour de révision, autrement composée,
Réserve les dépens ;
Composition🔗
Ainsi jugé et prononcé le dix-neuf juin deux mille vingt-trois, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Madame Cécile CHATEL-PETIT, Premier Président, Officier de l'Ordre de Saint-Charles, Messieurs Laurent LE MESLE, Vice-Président et François-Xavier LUCAS, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles, en présence du Ministère public, assistés de Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, Le Premier Président.