Cour de révision, 14 avril 2023, La Société Anonyme Monégasque dénommée A. c/ Le Ministère public
Abstract🔗
Pourvoi – Matière pénale – Possibilité pour le demandeur de répliquer (non)
Principe de légalité des délits et des peines – Rappel à la loi – Autorité de la chose jugée (non) – Exercice de l'action publique
Résumé🔗
Selon l'article 485 du Code de procédure pénale, qu'aussitôt que les délais impartis pour le dépôt de la requête et de la contre-requête sont expirés, le greffier en chef le mentionne dans un certificat et adresse le dossier au procureur général aux fins de transmission au premier président de la Cour de révision. Aucun texte ne prévoit pour le demandeur au pourvoi, en matière pénale, la possibilité de répliquer. D'où il suit que cette réplique est irrecevable.
Les arrêtés ministériels sur le fondement desquels les poursuites ont été engagées, précédées de rappels à la loi ainsi que de classements sans suite par le procureur général sont clairs et précis et remplissent les conditions d'accessibilité et d'intelligibilité exigées tant par l'article 4 du Code pénal que par l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatifs au principe de la légalité des délits et des peines. En outre, le rappel à la loi, mesure alternative aux poursuites ordonnée par le ministère public n'étant pas une peine prononcée par une juridiction est dépourvue de l'autorité de la chose jugée. Enfin, il résulte des dispositions de l'article 34 du Code de procédure pénale que le Procureur Général ayant le libre exercice de l'action publique peut, jusqu'à expiration du délai de prescription revenir sur son appréciation première et exercer des poursuites sans avoir à s'en expliquer et sans avoir à justifier de la survenance de faits nouveaux.
Pourvoi N° 2023-04
Hors Session pénale
COUR DE RÉVISION
ARRÊT DU 14 AVRIL 2023
En la cause de :
La Société Anonyme Monégasque dénommée A., dont le siège social se trouve « x1 », x 2, 98000 MONACO, représentée par son Président délégué,
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco ;
DEMANDERESSE EN RÉVISION,
d'une part,
Contre :
Le MINISTÈRE PUBLIC ;
DÉFENDEUR EN REVISION,
d'autre part,
En présence de :
L'ÉTAT DE MONACO, représenté par Son Excellence Monsieur le Ministre d'État ;
Ayant élu domicile en l'étude de Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, près la Cour d'appel de Monaco ;
Visa🔗
LA COUR DE RÉVISION,
Statuant hors session et uniquement sur pièces, en application des dispositions de l'article 489 du Code de procédure pénale ;
VU :
l'arrêt de la Cour d'appel, statuant en matière correctionnelle, en date du 5 décembre 2022 ;
la déclaration de pourvoi souscrite au Greffe général, le 12 décembre 2022, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée A. ;
la requête en révision déposée le 22 décembre 2022 au Greffe général, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée A., accompagnée de 5 pièces, signifiée le même jour ;
le mémoire du Ministère public en date du 23 décembre 2022 ;
la notification du dépôt de la requête faite à l'ÉTAT DE MONACO, par lettre recommandée avec avis de réception du Greffe général en date du 29 décembre 2022, conformément aux dispositions de l'article 477 du Code de procédure pénale ;
la contre-requête déposée le 6 janvier 2023 au Greffe général, par Maître Hervé CAMPANA, avocat-défenseur, au nom de l'ÉTAT DE MONACO, signifiée le même jour ;
le certificat de clôture établi le 13 janvier 2023 par le Greffier en Chef attestant que tous les délais de la loi sont expirés ;
la réplique à la contre-requête déposée le 26 janvier 2023 au Greffe général, par Maître Alexis MARQUET, avocat-défenseur, au nom de la société anonyme monégasque dénommée A., signifiée le même jour ;
Ensemble le dossier de la procédure,
À l'audience du 14 mars 2023, sur le rapport de Monsieur François CACHELOT, Conseiller ;
Motifs🔗
Après en avoir délibéré conformément à la loi,
Attendu, selon l'arrêt critiqué et les pièces de la procédure, que le 8 décembre 2020, les agents de la direction de la prospective, de l'urbanisme et de la mobilité se rendaient à Monaco sur quatre chantiers de travaux entrepris par la SAM A. (ci-après la Société A.) ou ils constataient que des ouvriers de cette société accomplissaient des travaux avant l'heure autorisée par l'arrêté ministériel n° 2020-503 du 17 juillet 2020 ; que le 12 novembre 2020, un agent de cette direction constatait que des ouvriers de la Société A. accomplissaient certains travaux sur un chantier en infraction aux dispositions de l'arrêté ministériel n° 2018-1116 du 3 décembre 2018 n'autorisant ces travaux que les jours ouvrés ; que le 24 juin 2021, un autre agent constatait que des ouvriers de la Société A. procédaient à des travaux sur un chantier avant l'heure fixée par l'arrêté ministériel n° 2020-503 du17 juillet 2020 ; que sur les poursuites exercées par le Ministère public sur le fondement de ces arrêtés ministériels ainsi que de l'article 13 de l'Ordonnance-Loi n° 674 du 3 novembre 1959 modifiée et des articles 4-4, 26, 29-1 à 29-5, 29-7 à 29-8 du Code pénal, le Tribunal correctionnel retenant que les faits étaient établis par l'enquête et reconnus par la Société A. a, par jugement du 14 juin 2022, condamné cette société à la peine de 30.000 euros d'amende ; que, sur appel principal de la Société A. et appel incident de l'État et du Ministère public, la Cour d'appel a, par arrêt du 5 décembre 2022, confirmé le jugement sur l'action publique mais, l'infirmant sur la constitution de partie civile de l'État, l'a déclarée irrecevable en l'absence de tout préjudice direct ; que la Société A. a formé un pourvoi en révision ; que l'État, qui n'a pas formé de pourvoi, a déposé une contre-requête dans laquelle il demande la condamnation de la Société A. à une amende civile ainsi qu'a des dommages-intérêts pour procédure abusive ; que la Société A. a déposé une « réplique à la contre-requête en révision déposée par l'État de Monaco » ;
Sur la recevabilité de la contre-requête en révision déposée par l'État de Monaco examinée d'office :
Attendu que l'État de Monaco n'a pas formé de pourvoi en révision contre l'arrêt de la Cour d'appel l'ayant déclaré irrecevable en sa constitution de partie civile ; qu'il n'est donc pas partie à l'instance ;
D'où il suit que sa contre-requête est irrecevable ;
Sur la recevabilité de la « Réplique à la contre-requête en révision déposée par la Société A. » examinée d'office :
Attendu, selon l'article 485 du Code de procédure pénale, qu'aussitôt que les délais impartis pour le dépôt de la requête et de la contre-requête sont expirés, le greffier en en chef le mentionne dans un certificat et adresse le dossier au procureur général aux fins de transmission au premier président de la Cour de révision ; qu'aucun texte ne prévoit pour le demandeur au pourvoi, en matière pénale, la possibilité de répliquer ;
D'où il suit que cette réplique est irrecevable ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :
Attendu que la Société A. fait grief à l'arrêt de la déclarer coupable des délits qui lui sont reprochés, et en répression, faisant application des articles visés par la prévention, de la condamner à la peine de 30.000 euros d'amende et aux frais, alors, selon le moyen,1°/ « qu'en vertu du principe de légalité des délits et des peines, seule une réglementation accessible et intelligible est susceptible d'engager la responsabilité pénale de l'auteur d'une infraction ; qu'en condamnant la société des entreprises Jean-Baptiste A. à 30 000 euros d'amende pour violation de la réglementation sur les horaires de travaux, quand la réglementation en cause n'était ni accessible ni intelligible et qu'il était particulièrement complexe, pour la personne condamnée, de déterminer les horaires ainsi que les travaux autorisés pour chacun des chantiers sur lesquels elle intervenait, la cour d'appel a violé le principe susvisé tel qu'il est protégé par l'article 4 du Code pénal, ensemble l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ; 2°/ « que le prévenu renvoyé des fins de la poursuite ou condamné ne peut plus être poursuivi à raison du même fait, même sous une qualification différente ; que le rappel à la loi s'apparente à une condamnation pénale ; qu'en constatant que le Procureur général avait rappelé à la loi la société des entreprises Jean-Baptiste A. pour cinq infractions des six infractions qui ont fait l'objet des poursuites, la cour d'appel a violé l'article 393 du Code de procédure pénale, ensemble le principe non bis in idem et l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ; 3°/ « que le Procureur général qui renonce à poursuivre ne peut poursuivre à nouveau sur les mêmes faits ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé l'article 393 du Code de procédure pénale, ensemble le principe non bis in idem et l'article 7 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales » ;
Mais attendu que les arrêtés ministériels sur le fondement desquels les poursuites ont été engagées, précédées de rappels à la loi ainsi que de classements sans suite par le procureur général sont clairs et précis et remplissent les conditions d'accessibilité et d'intelligibilité exigées tant par l'article 4 du Code pénal que par l'article 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatifs au principe de la légalité des délits et des peines ;
Attendu en outre que le rappel à la loi, mesure alternative aux poursuites ordonnée par le ministère public n'étant pas une peine prononcée par une juridiction est dépourvue de l'autorité de la chose jugée ;
Attendu enfin qu'il résulte des dispositions de l'article 34 du Code de procédure pénale que le Procureur Général ayant le libre exercice de l'action publique peut, jusqu'à expiration du délai de prescription revenir sur son appréciation première et exercer des poursuites sans avoir à s'en expliquer et sans avoir à justifier de la survenance de faits nouveaux ;
Que, par ces seuls motifs, l'arrêt se trouve légalement justifié ;
Dispositif🔗
PAR CES MOTIFS,
Rejette le pourvoi,
Condamne la SAM A. aux frais ;
Composition🔗
Ainsi jugé et rendu le quatorze avril deux mille vingt-trois, par la Cour de Révision de la Principauté de Monaco, composée de Messieurs Laurent LE MESLE, Président, Serge PETIT, Conseiller, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles et François CACHELOT, Conseiller, rapporteur, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Et Monsieur Laurent LE MESLE, Président, a signé avec Madame Virginie SANGIORGIO, Greffier en Chef, Chevalier de l'Ordre de Saint-Charles.
Le Greffier en Chef, le Président.